Enoch, lithographie de William Blake (1806) |
La résistance fut conduite par une famille juive, appelée les Maccabées (Macabées ou Macchabées). L’action menée était à la fois politique et idéologique. C’est de cette époque que datent les premiers écrits apocalyptiques : Le Livre de Daniel (chapitres 7-12), le plus récent livre de l'Ancien Testament, le Livre d'Hénoch etc. dont on trouva des manuscrits à Qumrân.
Dans le Livre de Daniel, on trouve des prophéties sur la venue du Messie juif, le « Fils d’homme ». La deuxième partie (7-12) du Livre de Daniel comprend trois visions apocalyptiques et une prophétie concernant le destin d'Israël. Il a notamment une vision où il voit quatre bêtes sortir de l’océan (Daniel 7.1-28), représentant quatre futurs rois ou royaumes. Le quatrième royaume était représenté par une bête à dix cornes, dont les cornes représentaient les rois successifs. Une de ces cornes, « qui avait des yeux et une bouche parlant avec arrogance et qui paraissait plus grande que les autres », fit « la guerre aux saints et l'emporta sur eux ».
« 25 Par ses paroles il s'opposera au Très-Haut. Il opprimera les saints du Très-Haut et projettera de changer les temps et la loi. Les saints seront livrés à son pouvoir pendant un temps, deux temps et la moitié d'un temps.
26 Puis le jugement viendra et on lui retirera sa domination: elle sera définitivement détruite et anéantie. »Les écrits apocalyptiques sont un savant dosage d’éléments mythologiques, scripturaires, théologiques, historiques, dans lesquels des éléments historiques récents sont traités comme des événements à venir. Le prophète à qui ces révélations (apokalupsis) sont données, doit les garder cachés jusqu’au moment opportun.
« Et toi, Daniel, tiens secrètes ces paroles, garde le Livre scellé jusqu’au temps de la fin. Beaucoup seront perplexes, mais la connaissance augmentera. »Et ainsi, c’est dans « des temps d’angoisse », où l’on se croit près du temps de la fin, que ces écrits apocalyptiques se font jours, afin de guider les justes. Les temps étaient très difficiles en effet et cela se reflète en le grand nombre d’écrits apocalyptiques apparus à l’époque. Après les Séleucides, ce serait le tour aux Romains de surgir de la mer en bête à cornes.
Le Livre de Daniel est également le seul Livre de l’Ancien Testament qui fait allusion à la résurrection, qui est une idée sans doute empruntée aux Perses.
« En ce temps se lèvera Michel, le grand prince qui se tient auprès des enfants de ton peuple. Ce sera un temps d'angoisse tel qu'il n'y en aura pas eu jusqu'alors depuis que nation existe. En ce temps-là ton peuple échappera : tous ceux qui se trouveront inscrits dans le Livre. Un grand nombre de ceux qui dorment au pays de la poussière s'éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les, autres pour l'opprobre, pour l'horreur éternelle. Les doctes resplendiront comme la splendeur du firmament, et ceux qui ont enseigné la justice à un grand nombre, comme les étoiles, pour toute l'éternité. " (Dan 12, 1-3)Serait-ce une récompense pour ceux qui sont restés fidèles à leur foi, qui l’ont défendu de leur vie et sont peut-être morts en martyre ? Serait-ce une façon de les remercier, honorer et récompenser de façon posthume ? Les écrits apocalyptiques ont-ils alors pour objet de resserrer les rangs des fidèles, de les réconforter dans leur foi en leur promettant des lendemains meilleurs en échange de leur fidélité et leur résistance aux bêtes à cornes ?
Le Livre de Hénoch, qui n’a pas été inclus[1] dans les écritures judaïques ou chrétiennes, est également une révélation « apocalyptique ». C’est un écrit pseudépigraphique de l'Ancien Testament attribué à Hénoch, arrière-grand-père de Noé. Les différentes parties de ce texte, tel qu’il nous est parvenu, ont été composées à différentes époques entre le IIIe au Ier siècle av. J.-C. On y trouve tout comme dans le Livre de Daniel, des allusions au Messie, à la résurrection, mais il a comme particularité qu’Hénoch avait été enlevé par Élohim à sa mort. C’est au ciel qu’il apprit les secrets, qu’il aurait par la suite révélés à son fils Mathusalem, en lui demandant de les révéler à son tour aux hommes, quand l’heure de la fin du monde serait venu.[2] Le Livre d'Hénoch est composé de cinq livres qui racontent ses voyages visionnaires au ciel et aux enfers en compagnie des archanges qui lui font diverses révélations.
Il serait associé au dieu égyptien Thot, le dieu des savoirs cachés, et au dieu grec Hermès. Il est donc l’attributaire idéal pour des écrits apocalyptiques et hermétiques. Un texte appelé « Livre hébreu d’Hénoch », composé sans doute au Ve ou IVe siècle est même considéré comme « un des portiques de l’ésotérisme judaïque et tout particulièrement de la Kabbale médiévale et de la mystique des piétistes juifs franco-rhénans ». Dans ce texte, on apprend comment le rabbi Ishmael fait une ascension mystique vers les Palais Divins. Il traverse six d’abord six Palais (planètes), puis est introduit au Septième Palais par un archange dont le nom est Métatron et qui lui dévoile qu'il est en fait la transfiguration (avatar, tulkou...) du patriarche Hénoch.
Ainsi, Hénoch, le détenteur des secrets célestes, fut célébré dans le judaïsme, le christianisme, et l’islam, où il s’appellerait Idris où il est considéré comme le père de l’écriture, de l’astronomie et de la maîtrise du fer. Il a encore inspiré la Enochian magic de Dr. John Dee et Edward Kelley, les mormons, Aleister Crowley et d'autres. Il semblerait que le Livre de Hénoch s’éloigne de la perspective nationaliste et aurait une visée plus universaliste (essénienne). Le Fils d’homme jugera tous les hommes.
Mani (216-276), dont le nom signifie « Humain », naquit dans l'empire parthe de parents Elcesaïtes, une secte judeo-chrétien, et fut le prophète fondateur du manichéisme. Sa volonté fut de fonder une « religion de lumière », une religion universelle, avec toutes les révélations qu’il avait reçues de différentes traditions. La doctrine manichéenne fut également présente au Tibet, comme en témoigne un texte attribué au roi Khri song lde btsan (755–797), intitulé « bka' yang dag pa'i tshad ma'i mdo btus pa »[3]. Il y est exposé comment un imposteur perse Mar Mani, se rendit coupable d’une escroquerie intolérable, ayant fabriqué un culte à partir de cultes différents.[4] Le même roi établit d’ailleurs le bouddhisme comme religion d’état, à l’exclusion de toutes les autres, y compris le « Bön ».
La tradition tibétaine raconte comment le roi fut assisté en cela par Padmasambhava, la transfiguration d'Amitabha, envoyé en mission sur la terre par un plérôme de dieux, Ce sauveur cacha ses secrets scellés de différentes façons, pour être redécouvertes aux moments opportuns dans "des temps d'angoisse".
***
[1] Il a été officiellement écarté des livres canoniques vers 364 lors du concile de Laodicée (canon 60). (wikipédia)
[2] Jean Soler, La violence monothéiste, p. 280
[4] par sig g.yon chen mar ma ni/ g.yon mi bzod pas gtsug lag kun dang mi mthun pa gcig bya ba'i phyir gtsug lag kun nas drangs te/ byas pa lta bu ched du mi mthun par sbyar na/ gtsug lag gzhan gyis grub pa'i mtha' yod par gyur te/ ma grub pa la sogs pa'o/. gyon can = rogue, fornicateur, démon, intrigant, intrigue, escroc (S. dhūrtaka)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire