« Le Bodhisattva fait du Plan d’Essence (Dharmadhātu) sa demeure, et des quatre esprits infinis[1] son estrade d’ordination[2]. Tous ses actes, en fin de compte, relèvent du Dharmadhātu. Pourquoi ? Parce que le corps est le Dharmadhātu. Sautillez, trépignez : aucun de vos mouvements ne vous fera sortir du Dharmadhātu, non plus qu’y entrer. Si vous utilisez le Dharmadhātu pour accéder Dharmadhātu, vous n’êtes qu’un sot. Parce que le Bodhisattva voit parfaitement le Dharmadhātu, on [97] parle de la pureté de l’œil du Dharma. On nomme également ainsi le fait de ne voir dans le Dharma ni naissance, ni durée ni extinction. Le sūtra dit de « ne pas détruire l’ignorance ni l’avidité »[3], mais l’avidité n’étant pas née à l’origine, elle ne saurait être maintenant détruite. L’ignorance et l’avidité, qu’on les cherche à l’intérieur, à l’extérieur ou entre les deux, demeurent invisibles et insaisissables. Et quand bien même les rechercherait-on de la sorte dans les dix directions, nul caractère ne saurait être saisi. Il est donc inutile de rechercher la délivrance en les détruisant. »Extrait du Traité de Bodhidharma, Mélanges I, pp. 96-97
Le Dharmadhātu tel que défini ici est la « maison » (Yampolsky « home », Carré « l’auberge ») de notre corps (de chair) qui abrite le triple corps (trikāya), qui sert de refuge véritable.
Chez Gampopa, la pensée-en-soi (cittatva) naturelle est le dharmakāya manifeste, les apparences naturelles sont la lumière du dharmakāya, les représentations naturelles sont les remous (rlabs) du dharmakāya et leur indissociabilité naturelle est le principe (artha) du dharmakāya.[4]
Le Dalaï-Lama vient de livrer un message dans le cadre de la COP21, dans lequel il dit que "notre monde est notre seule maison".
La véritable spiritualité se passe dans ce corps, dans ce monde.
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[1] Un peu différents de ceux que l’on connaît dans le bouddhisme tibétain. On les trouve dans le Soûtra de l’Estrade : « Infinis sont les êtres, mais nous les libérerons tous. Infinies les passions, mais nous les briserons toutes. Infinis les enseignements, mais nous les étudierons tous. Suprême est la voie de l’Eveil, mais nous la parcourrons jusqu’au bout (Ter). » Carré, p. 46
[2] Voir « Tibetan Zen » de Sam van Schaik sur l’utilisation des estrades/plateformes et les ordinations de bodhisattva qui y furent données en masse.
[3] Dans le Vimalakīrti-nirdeśa (Lamotte, 1962, p. 156), le passage où le laïc Vimalakīrti, après avoir rempli le bol à aumônes de Subhūti d’une excellente nourriture, lui dit : « Révérend Subhūti (...) prends cette nourriture si, sans détruire l’amour, la haine ou l’erreur, tu ne demeures pas en leur compagnie ; si, sans détruire la vue fausse sur le moi, tu pénètres dans le chemin à voie unique ; si, sans détruire l’ignorance ni la soif de l’existence, tu produis la science et la délivrance... »
[4] rang sems lhan cig skyes pa chos sku dngos// snang ba lhan cig skyes pa chos sku'i 'od// rnam rtog lhan cig skyes pa chos sku'i rlabs// dbyer med lhan cig skyes pa chos sku'i don// Extrait de : chos rje dwags po lha rje'i gsung*/ snying po don gyi gdams pa phyag rgya chen po'i 'bum tig bzhugs so/
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