dimanche 3 novembre 2019

Une carte n’est pas le territoire*


Arrêt sur image d'un extrait coupé de My Reincarnation sur la vie de Namkhai Norbu

C'est un maṇḍala de Vajrasattva. Maṇḍala signifie "dimension", la dimension pure, non ? La dimension pure de l'individu. Comme cinq éléments [bhūta]. Cinq passions [kleśa]. Cinq agrégations [skandha]. Ils se manifestent tous, dimension pure. Voilà le maṇḍala. Le contraire du maṇḍala c’est le saṃsāra. La dimension impure. Cela signifie alors... qu'on n'a pas la connaissance, ni la compréhension de sa propre nature. Quand vous avez la connaissance, la compréhension, alors... vous avez aussi la possibilité de manifester votre dimension pure. C'est ça, le maṇḍala. Ce que cela signifie vraiment. Nous avons donc beaucoup de maṇḍalas de ce genre.”[1]

 L’être fulgurant, Vajrasattva, c’est ce que chacun est au plus profond de soi. Les tantras avec leurs consécrations et pratiques (sadhāna) ont pour but d’en faire prendre conscience de façon continue. La prise de conscience passe par une représentation visuelle élaborée où le monde ordinaire (saṃsāra ) est transformé en un cercle divin (maṇḍala). (Blog La fonction des sceaux)

Le maṇḍala n’est pas la “dimension pure” (śuddha), mais une représentation de celle-ci. Ladimension pureest en fait une dimension symbolique.
Il ne s’agit pas de simaginer être effectivement [Vajrasattva], avec les attributs pris au premier degré, et de mettre ses pas dans les pas d’un être mythologique et symbolique. La voie spirituelle n'est pas une imitation. Il s’agit donc de prendre les symboles pour des symboles et pas pour une réalité.” (blog Symbolisme et création pure)

 Le maṇḍala est la carte de ce que nous (Vajrasattva) sommes “réellement”, représenté de façon symbolique. Les cinq éléments, les cinq passions et les cinq éléments psychosensoriels y sont représentés par des “bouddhas” ou des “divinités” etc., et ce cercle de divinités (maṇḍala), microcosmogramme) est ce que nous (Vajrasattva) sommes en réalité. Notre selfie spirituel en quelque sorte. C’est le point de vue des tantras, qui ont pour but de développer (sadhāna) Vajrasattva (ou un autre aspect de bouddha/divinité tantrique), et ceux qui ont réussi (siddh) sont des siddha. Ce niveau symbolique (dimension “pure”) leur permet tels les “avatars” dans le film “Avatar” d’intervenir dans la dimension “impure” (saṃsāra), sans être souillée par elle.


Cette dimension tantrique ou symbolique, dite “pure”, est opposée par Namkhai Norbu à la “dimension impure”, le saṃsāra. Chez Nāgārjuna et dans le Madhyamaka, il y a deux dimensions ou vérités : la vérité apparente et la vérité profonde. Les cinq éléments, les cinq passions et les cinq éléments psychosensoriels (skandha) sont vides de nature propre, et cette absence de nature propre, la vacuité, est leur vérité profonde. La méditation analytique (vipassana) permet parfaitement d‘accéder à cette compréhension. En maintenant l’attention, on peut intervenir dans “la dimension impure” sans en être “souillé”.

Le passage par une dimension symbolique peut aider à prendre conscience de l’union des deux vérités, mais elle n’est ni nécessaire, ni obligatoire, ni supérieure… Ceux qui veulent intervenir “dans la dimension impure” à partir de “la dimension pure/symbolique”, doivent aussi maintenir leur attention, sans quoi ils ne seront pas en Vajrasattva.

Certains disent que se passer des tantras et de la pratique des divinités serait passer à côté des pouvoirs (siddhi) que celles-ci pourraient procurer. Pour aller dans ce sens, et sans doute comme une sorte de compromis occidento-compatible, Ringu Tulku enseigne la Mahāmudrā de Gampopa (en suivant Tashi Namgyal) tout en conseillant de réciter quelques mantras de divinités, afin de recevoir leurs bénédictions.

D’autres prétendent que l’union de la sagesse (prajñā) et de la méthode (upāya), telle qu’elle est pratiquée dans les tantras est la voie à suivre pour atteindre le parfait éveil. Il y a cependant une union de la sagesse et de la méthode, plus ancienne que l’union symbolique des tantras et dont l’efficacité est attestée dans les écritures du mahāyāna (voir le blog L'Engagement Sage selon le Zen tibétain).

Quoi qu’il en soit, dans le bouddhisme tibétain contemporain, en Occident ou ailleurs, la vérité profonde et la vérité symbolique (“dimension pure”) ont convergé, ce qui a transformé le bouddhisme tibétain en une religion (voir blog Les trois vérités du bouddhisme religieux). Le passage par la dimension symbolique (maṇḍala) est alors obligatoire. L’opposition saṃsāra-nirvāṇa est désormais l’équivalent de l’opposition “dimension impure” et “dimension pure”. 

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*Une carte n’est pas le territoire (“The map is not the territory”)

Blog sur My Reincarnation

[1] “This is a mandala of Vajrasattva. Mandala means “dimension”, Pure dimension, no? The pure dimension of the individual. Like five elements. Five passions. Five aggregations. They all manifest, pure dimension. That is a mandala. Contrary of a mandala is samsara. Impure dimension. It means then... one has no knowledge, understanding of their own nature. When you have knowledge, understanding, then… You have also the possibility to manifest your pure dimension. Just that is mandala. What it really means. So we have many of these kinds of mandalas.”

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