Manuscrit De radiis d'Al-Kindi 17ème siècle. Cambridge, Trinity College Library, Medieval manuscripts, MS R.15.17 (937) |
Le néoplatonicien Al Kindi (801-873) était une figure clé pour la connaissance de l’astrologie et de la magie au Moyen-äge en occident. Son disciple Abu Ma’shar (787-886) était de Balkh (est de l’Iran), un véritable carrefour d’échanges[1], ou Indiens, Scythes, Chinois et Iraniens (des hindous, des bouddhistes, des juifs, des nestoriens, des hindous et des zoroastriens) se rencontraient. On attribue à Al Kindi le traité De radiis stellarum, aussi appelé Theorica artium magicarum, qui fut traduit en latin au XIIIème siècle[2].
Le chercheur canadien Jeffrey Kotyk est un spécialiste en astrologie bouddhiste, notamment sous la dynastie Tang. Il explique que l’astrologie introduite en Chine autour de l’an 800 était d’origine indienne avec des éléments iraniens, spécifiquement afin de permettre l’exécution conforme de rituels tantriques par rapport à la situation céleste. L’architecte de l’astrologie chinoise (d’origine indo-iranienne) était le maître tantrique Amoghavajra (705-774), né d’un père indien et d’une mère peut-être sogdienne. L’astrologie était une science nécessaire à la “magie astrale” du vajrayāna en Chine. L’astrologie chinoise (bouddhiste) s’est par la suite exportée, notamment au Japon.
Signes zodiaques dans le Taizō zuzō, une collection japonaise d'icônes du Garbhadhātu-maṇḍala bouddhiste, recopiés par le moine Enchin (814–891) en Chine en 855 (photo Jeffrey Kotyk) |
Afin de permettre aux adeptes du vajrayāna de pratiquer conformément “la magie astrale”, il fallait connaître la position des planètes et étoiles connues à l’époque et utilisées dans l’astrologie.
L’astrologie, très en vogue entre le III-VIIème siècle dans l'Iran sassanide, était un mélange d’astrologie helléniste et indienne. L’astrologie helléniste était essentiellement constituée de la cosmologie et de la “magie astrale” néoplatonicienne. Le texte attribué à Al-Kindi était traduit en latin vers la fin de la XIIème siècle. Ce n’est pas un livre de recettes, mais un traité philosophique et métaphysique expliquant la nécessité de l’astrologie et de la “magie astrale”, pour ceux qui désirent influencer l’harmonie céleste, qui influence toute chose sublunaire.
Contrairement au bouddhisme (vajrayāna etc.), qui avait intégré l’astrologie, la “magie astrale” et les agents de la Nature jouant un rôle dans celle-ci, l’église catholique avait décidé au XIIIème siècle, qu’elle ne voulait pas de ce déterminisme astral et de sa magie associée. Certaines de ses thèses étaient condamnées par Etienne Tempier en 1277. Thomas d'Aquin (1225-1274) aurait eu connaissance de ce livre, “lorsqu’il attaque la théorie de l’influence astrale sur les opérations magiques et refuse de l’admettre en tant qu’explication valable de leur efficacité”[3]. Le pape XXII (1244-1334) interdira la sorcellerie et la magie. Les éléments métaphysiques et ésotériques non tolérés par l’église, vont s’exprimer autrement et ailleurs. L’ésotérisme, l’occultisme etc. en occident se développeront surtout en dehors de l’église comme des filières séparées, à dominante laïque et pseudo-scientifique.
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Voir aussi L'avenir de l'ésotérisme
[1] “The eastern Iranian city of Balkh, Abu Ma'shar’s birthplace, was a centre of cultural and religious diversity filled with Indians, Chinese, Scythians, Greco-Syrians, and Iranians who were Jews, Nestorians, Buddhists, Hindus, and Zoroastrians. A third-generation member of the Iranian, Pahlavi-oriented elite who had played a vital role in establishing the Abbasid Empire, Abu Ma'shar was a dedicated Muslim (probably a Shi'ite) who began his career in Baghdad as a Hadith (traditions of the prophet) expert. In his forty-seventh year he quarrelled with Abu Yusuf Ya'qub ibn Ishaq al-Sabbah al-Kindi (796 873), the leading Muslim philosopher and mathematician of his day. Al-Kindi eventually convinced him to change his scholarly orientation - from the traditional sciences (Arabic grammar, Qur’anic interpretation, traditions of the prophet, and jurisprudence) to the rational sciences (logic, philosophy, mathematics, astronomy, astrology, and medicine). Employing his newly-acquired skills, Abu Ma'shar wrote a philosophical justification of astrology along with a practical guide for its everyday use.” Astronomy and Astrology in the Islamic World, Stephen P. Blake, pp. 28-29
[2] Il existe une traduction française, Al-Kindi De radiis, par Didier Ottaviani, publiée par les éditions Allia.
[3] Dans les chapitres 104 et 105 du livre III de la Summa contra Gentiles. Al-Kindi : De radiis de Marie-Thérèse d'Alverny et Françoise Hudry. Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age
Vol. 41 (1974), pp. 139-260.
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