Je suis globalement d’accord avec les quatre remarques de l’auteur, mais avec parfois quelques nuances importantes. Mes réserves quant au Dalai-lama vont plus loin que celles de l’auteur.
Comme l’auteur ne semble pas tout connaître du contexte de l’événement à Dharamsala, je veux apporter quelques précisions au déroulement de la rencontre avec le garçon. Celui-ci est fils de la directrice de la M3M Foundation, Dr. Payal Kanodia, et le petit-fils du PDG et fondateur du M3M Group, Basant Bansal, tous présents à l’événement, puisqu’il s’agissait d’une rencontre organisée avec 120 diplômés d’un des projets de la fondation. Au début de la rencontre, le garçon avait été commissionné par sa mère, Dr. Payal Kanodia, pour offrir un cadeau au Dalai-lama. L’incident "viral" s’était produit à un autre moment, à la fin de l’événement. Il ne s’agit donc pas d’un garçon dont le Dalai-lama serait “l’idole”[1], et qu’il rencontra comme l'aboutissement d'un rêve. L’acte du Dalai-lama était en effet au minimum un acte inapproprié, et il s'en est d’ailleurs excusé.
Pour la première remarque, la viralité remplace la réflexivité, j’ajouterai que cela peut être vrai aussi pour des réactions positives, qui elles aussi peuvent révéler un manque de réflexivité parmi les internautes.
La deuxième remarque, que la viralité révèle le manque de réflexivité des internautes, et qu’elle produit ainsi de la désinformation intentionnelle ou non, peut s’appliquer également à la viralité de réactions positives. C’est le manque de réflexivité qui semble être le dénominateur commun des réactions virales, négatives comme positives. Dans ce cas précis, en dehors des réactions plus pondérées, la grande majorité des réactions étaient sans doute, en effet, le résultat de campagnes de désinformation et de manipulation.
Le Dalai-lama est connu pour ses facéties, mais celle à laquelle réfère l’auteur n’a cependant pas été présentée correctement.
“ Celui-ci a ainsi déclaré à diverses reprises, a ainsi déclaré à diverses reprises, afin d’agacer les autorités de Pékin, qu’il pourrait bien se réincarner en « blonde » ; autrement dit, non seulement en femme, mais en Occidentale. ”
Face à Karl Stefanovic de Today (Autsralie) le 14 juin 2013 |
Les fois[2] où le Dalai-lama avait répondu qu’il pouvait se réincarner “en femme”, pas en blonde, ou en “blonde”, il avait précisé qu’elle devait avoir un beau visage. Le Dalai-lama avait expliqué au journaliste Karl Stefonovic qu’il y avait 8 signes requis, et qu’un des signes était la beauté extérieure. Il n’y avait aucune mention dans les deux interviews d’une “blonde” (et donc racisée, ou occidentale), ni de référence couverte ou ouverte aux autorités de Pékin.
Face à Clive Myrie de la BBC, le 21 septembre 2015 |
“Une blague aux airs machistes qui prouve le décalage entre l’octogénaire et les exigences, légitimes, de notre époque. Mais en ne retenant que ça, c’est le contexte politique qui n’est plus saisi par les internautes : le dalaï-lama affirmait que sa réincarnation ne pourrait pas être trouvée sur le territoire contrôlé par la Chine.”
Face à Rajini Vaidyanathan de la BBC, le 27 juin 2019 |
En pointant vers son propre visage, et en précisant que toutefois le visage de la future Dalai-lama devait être beau, le Dalai-lama ne faisait aucune référence à aucun territoire spécifique.
Pas de désaccord sur le troisième et le quatrième argument. Par rapport à “l’égalisation des scandales”, j’ajouterai au fait “que des millions de femmes continuent à mourir sous les coups des hommes” partout dans le monde, qu’il y a eu aussi et qu’il y a toujours, comme dans d’autres religions (et sans se limiter aux seules religions), des cas d’abus d’adultes et d’enfants dans le cadre du bouddhisme en Occident comme ailleurs, sans aucune reconnaissance et dédommagement des victimes, et sans que des mesures soient prises au nom d’un bouddhisme global ou autre, pour éviter que ces abus se reproduisent et pour assainir le bouddhisme.
Je vous recommande à ce titre de revoir le documentaire d’Arte "Bouddhisme, la loi du silence", en français ou en anglais sous-titré.
***
[1] “ Un enfant y suit une conférence du grand lama et fait part de son rêve de s’approcher de lui. Ce dernier lui fait signe de venir sur l’estrade. L’enfant accourt, le dalaï-lama le prend dans ses bras et le taquine. Tandis qu’il veut rester plus longtemps auprès de son idole, le dalaï-lama lui dit en sortant la langue : « Suce-moi la langue. » ”
[2] Face à Karl Stefanovic, dans le programme de télé australien “Wake up with Karl and Sarah today”, le 14 juin 2013. Une autre fois face au journaliste Clive Myrie de la BBC le 21 septembre 2015. Et puis une dernière fois, face au journaliste de la BBC, Rajini Vaidyanathan, le 27 juin 2019. Suite à cette dernière entrevue, il y eut un article dans le Huffington Post (Sep 24, 2015, Updated Jun 28, 2019).
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