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vendredi 29 septembre 2017

Shambala et Gésar de Ling, modèles pour une société éveillée séculière ?


Rigden Djapo, par Nicolas Roerich, qui croyait que Gésar vivait physiquement à Shambala
Le roi légendaire Gésar de Ling joue non seulement un rôle important dans la tradition tibétaine, mais aussi dans les milieux bouddhistes tibétains en Occident, notamment dans les traditions Nyingma (Dudjom Tersar) et Shambala de Chogyam Trungpa (1939-1987). En France, Rolf Alfred Stein avait publié Recherches sur l'épopée et le barde au Tibet aux Presses universitaires de France en 1959.

Ses recherches n’ont pas relevé de véritable existence d’une épopée de « Gésar de Ling » avant le XVIIIème siècle, bien qu’il y eut quelques références à un Gésar de Phrom ou de Khrom, qui pourrait être dérivé de « Caesar de Rome », dont le prestige s’est mélangé à l’idée du roi universel (cakravartin) et d'un dieu de la guerre (tib. dgra lha). Voire à celle de Kalki, l'avatar de Viṣṇu.
« Ainsi donc, l'épopée de Gesar de Gling est largement tributaire de créations épiques antérieures dont les thèmes sont d'origine étrangère. Récapitulons-les, D'abord le cycle des Quatre Fils du Ciel, doublé de celui des lokapāla et peut-être lié à un vaste complexe de conceptions très anciennes qui ont pu s'exprimer, notamment, dans les échecs et les jeux de cartes. Pour des raisons de folklore religieux, les représentants du Nord, Gesar et Vaiśravaṇa, y reçurent un traitement de faveur. Ensuite, le cycle de Śambhala et l'épopée du Rāmāyaṇa. Et enfin, l'épopée « Tribulations de Pehar ». Et encore n'avons-nous épuisé ainsi que les sources proprement épiques. Il faut aussi tenir compte du folkrore: roman d'Alexandre, conte sogdien de Kysr et des voleurs, légendes indiennes du cakravartin et du Cheval Sauveur, d’autres encore. »
C’est dans les Chants de Milarepa, qui a certes vécu au XIème siècle, mais dont les Chants ont été composés par Tsangnyeun heruka (gtsang smyon heruka 1452–1507) au XV-XVIème siècle, qu’on trouverait la première référence aux quatre orients avec Gésar et les Hors au Nord.[1] Stein affirme que le cinquième Dalaï-Lama Ngawang Lobzang Gyatso (1617–1682) connaissait Gésar de Ling et croyait qu’il fut une réincarnation de Padmasambhava. C’est le cinquième Dalaï-Lama qui avait installé Pehar, dieu guerrier des (mongols) Hor vaincus par Gésar, à Néchung (gnas chung) où il sert d’oracle d’état, après un premier séjour de ce dieu à Samyé.
« Les Qoshots, des Mongols dzoungars, conquièrent de nouveau le Tibet au XVIIe siècle, sous le règne de Güshi Khan, et placent, avec l'aide de la dynastie Qing, le dalaï-lama au pouvoir à Lhassa en 1642. Après sa victoire, Güshi Khan s'arroge le titre de roi du Tibet (« Khan des Tibétains ») et s'installe à Lhassa. Gardant le pouvoir militaire entre ses mains, il laisse le dalaï-lama et le régent administrer le pays jusqu'à sa mort en 1655. C'est le début de la période dite du Ganden Phodrang (1642-1959), pendant la majeure partie de laquelle le Tibet est sous la tutelle des Mandchous. » (Wikipédia)
A se demander si ce n’est pas dans les troubles politiques de l’époque, que la légende du héros national Gésar de Ling a véritablement pris son essor. Stein arrive à un terminus ad quem de ca. 1600[2] pour un ensemble constitué de chapitres de l’épopée. Stein tente de dresser le profil de l’auteur de la version xylographique de l’épopée et aboutit à un religieux :
« Aucun doute n’est permis là-dessus : c’est bien un « clerc errant », un religieux instruit, mais proche du peuple, qui a créé l’épopée en tant qu’œuvre formant un tout. II devait appartenir au milieu des « fous », se rattachant avant tout aux ordres bKa’-brgyud-pa et rNying-ma-pa, et sans doute plus particulièrement à leurs branches respectives des Karma-pa et des Dzogchen-pa, toutes deux prédominantes dans l’Est. Ce fait doit être affirmé ici avec force. »
Stein souligne aussi l’importance des bardes (tib. sgrung mkhan) dans la transmission de l’épopée et pense que l’auteur ait pu être un barde-médium. Ou un « inventeur de trésor » (tib. gter bton)… (je reviendrai sur le barde-médium dans un autre billet)

Mipham Rinpoché (1846–1912) eut toute sa vie une grande fascination pour l'Épopée du roi Gesar, lit-on sur Wikipédia. Stein dresse la liste impressionnante des œuvres que Mipham a consacré à Gésar de Ling, qui est considéré au Tibet « comme l'incarnation de Padmasambhava et le symbole du guerrier spirituel ». The Epic of Gesar of Ling: Gesar's Magical Birth, Early Years, and Coronation as King[3] est la traduction anglaise d’une version tibétaine relativement récente de l’épopée écrite par Gyurmed Thubten Jamyang Dragpa, un disciple de Mipham Rinpoché. Un des traducteurs anglais fut Robin Kornman, un disciple de Chogyam Trungpa. La préface précise que Mipham Rinpoche participait activement à la propagation de l’épopée de Gésar de Ling et la notion d’une « société éveillée ». Mipham fut aussi un inventeur de trésors (tib. dgongs gter[4]), notamment de la pratique de Gésar en tant que Corps de sagesse, avec de nombreux protecteurs (werma) et des offrandes de fumée (source Lotsawa House).[5] Chogyam Trungpa s’était inspiré du culte de Gésar de Ling, inventé par Mipham, pour développer son projet Shambala d’une société éveillée, en reprenant des matériaux de Mipham (Stein : pages 71-74 pour une liste des œuvres sur Gésar par Mipham).

Werma au Musée Guimet
Cet intérêt pour Gésar a été continué par les maîtres Nyingmapa venant après Mipham, notamment par Dilgo Khyentsé Rinpoché (1910-1991)[6]. Dzongsar Khyentsé Rinpoché rapporte que Dilgo KR avait sur son propre autel une photo de Chogyam Trungpa en uniforme coloniale.[7] Dzongsar KR admire Trungpa pour ce qu’il avait réussi à faire avec des jeunes hippies occidentaux, rebelles, aux cheveux longs, anti-guerre: au bout de quelques années, ils marchaient au pas dans des uniformes kaki ou en costume-cravate.[8]

C’est une croyance tibétaine très répandue que Gésar de Ling se trouve à Shambala et qu’il sera le général des armées de son roi Rigden, dans la bataille contre les ennemis du bouddhisme, le temps venu. Le Kālacakra Tantra et le culte de Gésar se rejoignent ici.[9] Orgyen Tobgyal explique que dans l’école Nyingmapa « la nature véritable de la manifestation que nous connaissons actuellement sous le nom de Ling Gesar est en fait celle de Gourou Rinpoché en personne apparaissant sous la forme d’un « esprit guerrier protecteur » (tib. dgra bla). »[10]

Malgré le contenu très religieux et nationaliste tibétain du culte de Gésar de Ling, que l’on fait ainsi converger avec le cycle du Kālacakra Tantra, Trungpa présente les enseignements de Shambala comme un enseignement séculier, au-delà du bouddhisme[11], et comme une tradition ancestrale tibétaine. Robin Kornman avait parlé de la volonté d’une “société éveillée” de Mipham Rinpoché dans le cadre de l’intérêt de ce dernier pour la légende de Gésar de Ling. Cette “société éveillée” serait-elle un empire bouddhiste, avec le Rigden comme empereur (cakravartin) et Gésar de Ling comme son général ?

Trungpa admet que le monde de Gésar de Ling est une légende tibétaine, mais il s’en inspire quand-même pour tenter de fonder une “société éveillée” séculière…[12] En 1990, à la demande de Dilgo Khyentsé Rinpoché, le fils ainé de Trungpa, Sakyong Mipham (Sawang Ösel Rangdröl Mukpo), considéré comme une réincarnation de Mipham le grand, retourna de ses études au Népal pour travailler aux côtés de son père, et pour continuer la lignée de Shambala qui se transmet de père en fils.[13] Il est actuellement le chef temporel et spirituel de Shambhala, qu’il voit à très grande échelle.[14] Shambala a son propre corps de gardes vajra (tib. rdo rje bka’ bsrung), portant le même uniforme, reprenant des aspects militaires occidentaux comme un moyen habile pour réorienter le militarisme américain.[15] Les prières, les pratiques de divinités werma, les offrandes de fumigation (tib. bsang mchod), etc. sont également des moyens habiles en vue d’établir une “société éveillée”.

Sakyong Mipham, le fils de Chogyam Trungpa, est marié avec Khandro Tseyang Palmo (Sakyong Wangmo), la fille du terteun Namkha Drimed Rabjam Rinpoché (1939) de la lignée Ripa, et la soeur de Gyétrul Jigmé Rinpotché, qui enseigne également "la société éveillée" selon Shambala

La société éveillée selon le bouddhisme tibétain semble devoir passer par une forme de gouvernement particulière pour laquelle il faudrait inventer un nom. Voir aussi mon billet Une famille royale. Même si on acceptait le besoin d'une sorte de renouement avec des traditions ancestrales, comme Trungpa semblait le souhaiter (voir Ellen Mains note 14), pour arriver à une "société éveillée", pourquoi "renouer" avec des traditions qui ne sont pas celles de nos ancêtres ?

Accueil à la cour de Kalapa de la princesse Jetsun Drukmo

***

[1] « In the North, lies the country of the Mongols; Their brave and powerful troops are quick to fight. If no revolt takes place inside the country, They fear not even the men of King Gesar. Therefore, to rule the people well and wisely Is of great importance. » The Hunderd Thousand Songs of Milarepa, The Goddess Tseringma’s Attack. Garma C.C. Chang

[2] « Si nous arrivons ainsi au terminus ad quem, de ca. 1600 pour I'existence de l'épopée en tant qu'ensemble constitué, quelques allusions historiques rencontrées dans le Gesar fournissent autant de termini a quo possibles. » « Par contre, Gesar, souverain de Gling, est mentionné dès 1643, et on remonte par ailleurs, pour d'autres éléments, à environ 1600. n est pour le moment impossible d'aller plus loin et de préciser davantage. »

[3] The Epic of Gesar of Ling: Gesar's Magical Birth, Early Years, and Coronation as King (2015) by Robin Kornman (Translator), Lama Chonam (Translator), Sangye Khandro (Translator), H.H. the Dalai Lama(Foreword), Alak Zenkar Rinpoche (Foreword)

[4] « The Gesar practice, known as "The Swift Accomplishment of Enlightened Activity Through Invocation and Offering" (Wylie: gsol mchod phrin las myur 'grub) arose in the mind of Mipham as a gong-ter and was written down over the course of 3 years from the age of 31 to 34. This practice invokes Gesar and his retinue and requests him to assist practitioners. » Wikipédia

[5] « The version presented here is the one most commonly referred to when the epic is studied in the present day. This was compiled by Gyurmed Thubten Jamyang Dragpa, a disciple of the great Mipham Jampel Gyepei Dorje (1846-1912),1 who was actively involved in the propagation of the Gesar epic as well as the notion of enlightened society. Mipham Rinpoche himself revealed mind treasures for the spiritual practice of Gesar as a wisdom embodiment including many protector and juniper smoke-offering prayers.”

[6]In the fire-rabbit year, 1987, in the Wind Horse Temple of Dechen Cho-ling, Rinpoche gave Gesar's Vajra Victory Banner empowerment; Lerab Lingpa’s pure-vision empowerment of Gesar's Nine Glorious Ones with the activity and feast offering; the complete reading transmission of Mipham Rinpoches Gesar practices; the reading transmission of Khyentse, Kong-trul, and Chokling’s Gesar Burned Offerings composed byTertön Sogyal; the reading transmission of Dilgo Khyentse’s own writings on the Gesar sadhana cycle, burned offerings, wind horse ransom rites, wind horse prosperity- propitiation rites, and his autobiography in verse; the reading transmission of Do Khyentse’s mind treasure on burned offerings and libation offerings and Dudjom Rinpoches writings on wind horse; the Kyechog Tsulzang empowerment from the Heart Practice and the reading transmission of the prosperity-propitiation rite; Lama Mipham’s Divine Hook Gesar ritual for summoning prosperity; Chagmey’s ritual for pacifying phenomenal existence, and many others.” Brilliant Moon: The Autobiography of Dilgo Khyentse

[7] "My first knowledge of Trungpa is very funny. I was very young, ten I think. I was in Kichu in Paro receiving the Nyingthik tradition, all the teachings of Longchen Nyingthik. And His Holiness Dilgo Khyentse Rinpoche had this small shrine and on this shrine there were not many statues, but there were many photos of lamas. And somewhere in the middle there was this man with a sort of army uniform [laughter] and his hat was a bit small so you could see his head was shaved like a Second World War Japanese army general or something. Many times I thought, this must be His Holiness’s sponsor in Bhutan. But a sponsor’s photo on the shrine— I even thought that maybe the attendants had made a mistake, but I didn’t dare ask for many many months. Finally I had to ask, “Who is this? Who is this, army person?”
“Oh,” Khyentse Rinpoche says, “Oh, he is a great tertön.
” 
Reflections on Trungpa Rinpoche by Dzongsar Khyentse Rinpoche February 5, 2005

[8] « At a time when the Beatles had ponytails and it was all the fashion to wear bell-bottoms, smoke marijuana, wash with vegetable soap, and keep long fingernails, there was a rebellious freedom in the air, a trend of going slightly against the system.There was also a trend of spiritual seeking.
Chogyam Trungpa Rinpoche came along and insisted that all the Vietnam War-protesting Dharma students wear khaki uniforms, ties, and suits with pins. He even made them march like British soldiers on American soil. He combined Japanese simplicity and elegance with colonial British style and imposed all of this on the Woodstock-going hippies. It sounds crazy, but each command was so skillful
. » — Dzongsar Jamyang Khyentse Rinpoche, The Guru Drinks Bourbon?

[9] « Enfin, allusion a été faite à la croyance du séjour de Gesar au pays mythique du Nord, le Sambhala, d'où il reviendra quand tout ira mal, pour vaincre les ennemis du bouddhisme et spécialement ceux des Tibétains et des Mongols (David-Neel, 193I, p. xlv, lvii). Comme on le verra, cette question est d'une grande importance pour situer l'épopée par rapport à l'ensemble des croyances tibétaines. »

[10] Orgyen Tobgyal explained that in the Nyingma perspective, "the real nature of the manifestation we know as Ling Gesar is actually that of Guru Rinpoche himself appearing in the form of a drala" (Wylie: dgra bla, "protective warrior spirit"). Sakyong Mipham Rinpoche 2005, p. 333.

[11] Paragraphe Beyond Buddhism

[12] « Over the past seven years, I have been presenting a series of "Shambhala teachings" that use the image of the Shamhhala kingdom to represent the ideal of secular enlightenment, that is, the possibility of uplifting our personal existence and that of others without the help of any religious outlook. For although the Shambhala tradition is founded on the sanity and gentleness of the Buddhist tradition, at the same time, it has its own independent basis, which is directly cultivating who and what we are as human beings. With the great problems now facing human society, it seems increasingly important to find simple and nonsectarian ways to work with ourselves and to share our understanding with others. » Chogyam Trungpa, Shambhala, Sacred Path of the Warrior, Shambhala (1988)

[13] Paragraphe A new era

[14] « At the same time, [Sakyong Mipham] is presiding over a bigger and bigger situation. He said last summer [2009] he wanted Shambhala to generate “twelve million new people.” That’s not exactly thinking small, and I really think that’s where he’s intending to take it, whether we ever get literally that large or not. » On Shambhala and the Samaya Connection, Ellen Mains - February 28,

[15] « Following the example of Padmasambhava, the Vidydhara did not block the energies he found in the West, but transformed them. To transmute militarism, for instance, the Vidyadhara introduced the kasung, or vajra guards, whose motto was “victory over war,” and who replace violence with presence, awareness, and spontaneous action. He structured the governing body of his organization along Western corporate lines, and then taught people the principles of enlightened leadership. He worked with materialistic consumerism by teaching how to appreciate the natural richness of our perceptions and the ability of perceptions to wake us up. He worked with theism by showing how to use the power of deities in spiritual practice, without solidifying them as external ego. Like Padmasambhava, he extracted the wisdom energy of each situation from under its egoistic cloak. » Article Shambala Times

mardi 30 août 2016

Des oracles comme contrepouvoir


Arrêt sur image : le premier ministre tibétain grondé par l'oracle
Le deuxième tour des élections du Premier ministre (sikyong) tibétain (en exil) de 2016[1] avaient donné lieu à un duel entre Lobsang Sangay et Penpa Tsering, remportées par Lobsang Sangay le 28 avril 2016. Les échanges et les attaques personnelles[2] lors de la campagne ne furent pas du goût du Dalai-Lama et du précédent Kalon Samdhong Rinpoché[3]. La durée de la campagne (9 mois) aurait aussi contribué à exacerber les tensions régionalistes. Utsang et Amdo faisaient front derrière Penpa Tsering et les Khampa soutenaient Lobsang Sangay. Il y avait eu des bisbilles autour de l’organisation de l’initiation de Kalacakra prévu pour 2016[4] et qui aura finalement lieu en janvier 2017.

Le Dalai-Lama prône « la voie du milieu » comme solution non-violente de la question tibétaine dans le cadre de la Chine[5]. Contrairement à d’autres qui ne reculent pas devant la violence et qui réclament l’indépendance du Tibet (Rangzen). Leur candidat, Lukar Jam, n’arriva pas au deuxième tour. Les partisans de l’indépendance reprochent à Lobsang Sangay de ne pas en faire assez pour l’indépendance tibétaine et de s’occuper trop de l’organisation d’événements religieux etc., ce qui ne serait pas vraiment le travail du Kashag. De l’autre côté, selon Choenyi Woser, Samdhong Rinpoché aurait prévenu son successeur que s’il s’éloignait de la politique de la voie du milieu il viendrait en personne le voir dans son bureau armé d’un bâton…[6]

Le 1er avril, une délégation de membres du Kashag, parmi lesquels Lobsang Sangay et Penpa Tsering, rendit visite aux oracles d’état Nechung Choegyal et Tsering Chenga (Tashi Tseringma) et eurent une audience privée.[7] Tashi Tseringma montra ouvertement son mécontentement avec les deux candidats en leur lançant des graines d’orge et en les grondant en langage d’oracle, pour avoir mis en danger la longévité du Dalai-Lama.[8] La scène avait été filmée par un téléphone mobile et peut être visionnée sur Youtube. Le 7 avril les deux compères présentent leurs excuses publics pour avoir déçu le Dalai-Lama lors de la campagne électorale.

Qui sont ces deux oracles ? Il s’agit de deux médiums (sku rten), canalisant deux esprits domptés, devenus des protecteurs du Tibet, et exprimant leurs volontés[9]. L’oracle de Néchung est habité par l’esprit de Pehar, un démon dompté par Padmasambhava et la ḍākinī Tsering Chenga canalise la déesse Tseringma. Ces protecteurs ont été domptés, c’est-à-dire qu’ils sont désormais au service du Dharma et du Tibet. Quand les protecteurs prennent possession des oracles, ces derniers sont pris de convulsions et deviennent comme incontrôlables. La mise en scène semble suggérer que s’il n’y avait pas les moines pour les retenir, ils pourraient faire un malheur… Khandrola Tseringma est généralement plus gentille avec les saintetés.

Comment la démocratie tibétaine doit-elle naviguer entre toutes ces contradictions ? Fraîchement libérée du joug théocratique, mais apparemment pas complètement, prise en tenaille entre le conservatisme des uns, l'impatience des autres et la Chine qui maintenant impose l'interprétation orthodoxe des doctrines bouddhistes tibétaines (Outline for the Work of interpreting Tibetan Buddhist Doctrines)[10] pour adapter le bouddhisme tibétain au socialisme chinois. Il est indéniable que le bouddhisme tibétain doit être réformé et adapté à la modernité, mais est-ce au gouvernement de Chine de conduire les reformes ? "Est-ce à une république laïque d'organiser l'Islam de France ?" pourrait répliquer la Chine. Une réforme imposée risque de repousser dans ses retranchements les conservateurs et malmener le désir très légitime de préserver la culture tibétaine, à condition qu'elle reste vivante. Il ne faut pas laisser la main à la Chine dans ce domaine. La Chine avait ouvert plus tôt une base de données répertoriant tous les tulkous officiels reconnus... par elle.

Les oracles des démocraties occidentales sont les "agences de notation". Moody's, Standard & Poor's et d'autres démons domptés et contrôlés par le plérôme financier, qui félicitent ou grondent et humilient nos gouvernants en leur jetant des AAA, des B- et de CCC+ à la figure. Moins folklorique, mais tout aussi efficace.

***

Màj 29022020 Pour faire une retraite avec l'oracle

[1] La Croix

[2] « Lobsang Sangay’s mortgage bills were allegedly “paid by the Chinese Communist Party” and Penpa Tsering “killed a man and drinks too much whisky » Why I won’t vote in the Final Sikyong Election, Phayul, Tuesday, March 01, 2016 22:07, Choenyi Woser

[3] Source Tribune of India

[4] Choenyi Woser

[5] Source Le Monde 

[6] « After all Samdhong Rinpoche once warned Sangay, “You can make any changes as head of the Tibetan cabinet. But if you make any error, no matter how small it is, in your efforts to promote Middle-Way, I will come to your office with a stick.” » Choenyi Woser 

[7] Source Asia News Tibet.net  

[8] Source Asianews « In the Official letter on the prophecy, the Oracle "condemns the “mishandling of the gift of democracy” besides the violation of the oaths taken by both Sikyong and the Speaker. The letter warned that the mismanagements could lead to negative consequences on His Holiness the Dalai Lama’s health and life and directed the two to offer apology to His Holiness the Dalai Lama. The reference is to the election campaign and various violations of the law, as reported by several Tibetan and international groups. »

[9] Facebook Lhagotsang Traduction anglaise de la lettre et version en tibétain

[10] "Mi notes that all monastcrics are required to have and display a copy of Outline for the Work of lnterpreting Tibetan Buddhist Doctrines but adds that few monks are interested enough in its contents to study it on their own, in the absence of official coercion. This does not negatively reflect on the pamphlet or its ideas: Mi believes that only the United Front Work Department has treated it with sufficient seriousness and that other government bodies have failed to contribute as they should.
Another impediment is the educational level of the monastics themselves: most have an inadequate education in socialist theory, and so they cannot grasp the subtleties of the pamphlet's ideas: ‘There are gaps between the creation of research for theory and practice, the thought of expert scholars, and the practice of monks who are not in full agreement.”
Mi advocates enhanced emphasis on a combination of theory and practice. This involves “guiding and compelling monks to study.” They must be forced to participate actively and enthusiastically in the program of research and interprétation of doctrines and not be allowed merely to listen passively to instructions. Mi also envisages a leading role for the media and Tibet's propaganda network, which should “spread progressive models.” To date there has been too much emphasis on statements of policy and not enough work on practical implémentation of the program.
Buddhist doctrines that “do not fit the présent historical situation" will have to be jettisoned, but no suggestions of specific examples are provided. Monastics must be involved in this process, and they should be required to endorse reinterpretation publicly and inform the Buddhist public that the program accords with traditional Buddhism and that it is essential for the religion’s survival. They should conduct public discussions in which the Party and its leaders are praised. The monks’ task is to “unearth aspects of Tibetan Buddhist doctrine that are consistent with progressive thought and upholding laws and regulations. They should lead other monks to progressively increase their consensus and resolutely move along the path of Chincsc socialism.”

The Buddha Party: How the People's Republic of China Works to Define and control Tibetan Buddhism, John Powers, p. 162

jeudi 25 octobre 2012

Du New Age tibétain ?



Notre ami Dan Martin de l’université de Jérusalem, auteur du blog Tibeto-logic, avait publié en 1996 dans la revue Kailash un article intitulé « Mouvements religieux laïcs au Tibet du 11-12ème siècle » (Lay religious movements in 11th- and 12th-century tibet: a survey of sources[1]). Dans cet article il s’est limité aux écoles principales de l’époque en excluant les traditions ancienne (T. rnying ma) et Bön. Comme pour tout mouvement considéré comme « hérétique » (T. mu stegs pa) par des courants institutionnels ou devenus institutionnel par la suite, les sources écrites se limitent à des textes polémiques ou diffamatoires des écoles qui les ont combattus, comme en Europe d'ailleurs. L’article suivra principalement trois sources anciennes : un appendice aux annales de Nyangrel (nyang ral nyi ma 'od zer (1124-1192)[2], Chag Lotsāva (1197-1264)[3], le plus hostile et polémique et un texte du titre Dgongs gcig yig cha (13ème siècle)[4], plutôt hostile également.

Les maîtres laïcs contre lesquels sont dirigés les écrits polémiques sont Karoudzin (T. ka ru 'dzin), un maître népalais newar, Sangyé kargyel (T. sangs rgyas skar rgyal), « un berger possédé par un esprit aquatique souterrain nāga » d’où son surnom Klu skar rgyal, et … Padampa sangyé (T. pha dam pa sangs rgyas), « le petit saint noir de l’Inde » (T. dam pa rgya gar nag chung), de son vrai nom Kamalaśrī. Dans la liste on trouve également des textes (S. sadhāna) et une transmission « hérétique » de la main de Rechungpa, Lateu marpo (T. la stod dmar po), le fameux acarya rouge de Jean Naudou, qui malgré son comportement hétérodoxe serait à l’origine d’une lignée du grand compatissant (T. thugs rje chen po)[5] au Tibet, et dont, selon les Annales bleus, Karmapaśi croyait être la réincarnation. La liste continue avec Rdza phor ra, un mahāsiddha alchimiste, les quatre enfants de Pehar (T. pe har bu bzhi), appelés ailleurs (par Nyangrel) « les six yogis noirs », avec des pouvoirs dignes d’un conte de Grimm. Leurs enseignements avaient apparemment beaucoup de succès et se sont diffusés au Tibet, au point où Büteun (T. bu ston 1290-1364) devait avertir les tibétains d’éviter leurs enseignements. Ces groupes ont laissé un grand impact au Tibet, mais il est difficile de dire quelle était exactement leur influence. Un genre de New Age médiéval tibétain s'est peut-être développé sur le terreau fertile de la Renaissance tibétaine. Que s'est-il passé ensuite avec les cultes et pratiques (sous-cultures) plus libres ainsi apparues ? Ont-elles peut-être intégrées par la suite dans les traditions institutionnelles ? Si oui, comment ? Comment ont-elles été "officialisées" ? Peut-être, entre autres, en devenant des "transmissions aurales" (T. snyan brgyud) ?       

Je veux revenir sur la transmission de Rechungpa, puisque j’ai parlé de lui dans mes derniers billets. Dan Martin observe que le plus grand souci de Chag Lotsāva (Chag lo) était l’AOC indien, davantage que le contenu propre des instructions. Chag lo s’attaqua à certaines instructions attribuées à Rechungpa et à la Transmission aurale de Cakrasavara (T. bde mchog snyan brgyud). Il écrit (probablement autour de 1260) :
« Ensuite Lama Rechungpa, motivé par un désir de diffamation et afin d’obtenir de nombreux disciples et serviteurs, écrit le Tantra roi qui revèle clairement le mystère de Bhagavan Vajrapāṇi, composé de 21 chapitres. Le sādhana de cette divinité révélatrice du mantra secret contient des compositions de l’indien Karmavajra. [Rechungpa] l’a perverti en y incluant des instructions d’Acala (T. mi g.yo ba) et de nombreuses instructions inventées par lui-même, qu’il a appelé « 20 cycles différents de la pratique de la Caṇḍālī (T. gtum mo, [l'équivalent de la kuṇḍalinī] ». Il a aussi perverti la Transmission aurale de Cakrasavara, qu’il attribuait à Tipupa, et il rédigea un grand nombre de textes de la phase d’achèvement, qui présentent le défaut de contenir de nombreuses méthodes (sādhana) non-bouddhistes, et qu’il attribua au mahāsiddha Virūpa. Certains instructeurs tibétains ont fabriqué des pratiques (sādhana) d’une déesse à tête de truie tenant un couperet, dont ils disaient qu’elle était la ḍākinī d’un tantra d’antan [Selon Dan, Vajravārāhī-abhidāna tantra]. »[6]
Dan Martin ajoute dans une note que Soumpa khenpo (sum pa mkhan po (1704-1788)[7], peut-être en suivant Chag lotsāva, observe que Lama Rechungpa avait composé un cycle de Vajrapāṇi et de Caṇḍālī (T. phyag rdor gtum skor) et avait inventé de nombreux textes de la phase d’achèvement (T. rdzogs rim), il faudra comprendre la première partie de la phase d'achèvement consacrée à des pratiques yoguiques utilisant la libido.

Dan Martin fait remarquer que le ton polémique est évident dans ce passage et qu’il préfère ne pas faire de commentaire sur l’éventuelle base factuelle des arguments de Chag lo.
« Ce que le Bde-mchog Snyan-brgyud a clairement en commun avec les autres membres de la catégorie de « dharma perverti » (chos log) de Chag lo, est la réticence de travailler dans le cadre du système des institutions monastiques, et la revendication d’un contact direct avec les sources d’autorité religieuse et d’un accès aux bénédictions sans l’intermédiaire de leaders monastiques et de docteurs en religions. »[8]
Je pense que si on laissait de côté les matériaux polémiques et hagiographiques des sources tibétaines  il ne resterait pas grand-chose à se mettre sous la dent. Mais il faut alors une lecture critique. Est-ce que Réchungpa est purement et uniquement la cible de diverses diffamations ? J'aimerais observer ici d'abord qu'il faudra sans doute parler plutôt d'un milieu réchungpiste que de Réchungpa, le personnage historique. Les oeuvres qui lui ont été attribuées ne sont pas forcément toutes de sa main. Ce que l'on recherche avant tout dans l'attribution d'oeuvres et de lignées à Réchungpa, c'est sa proximité de Milarepa. Même les sources « rechungpistes », même son plus grand fan Tsangnyeun, mettent d'ailleurs en avant certains de ses défauts personnels. L'histoire sur la Répentance de Rechungpa dans la Vie de Milarepa par Tsangnyeun relate comment, en absence de Rechungpa, Milarepa feuillète les textes ramenés par Rechungpa de l’Inde et en brûle la plus grande partie, en priant les Protecteurs du Dharma de "détruire tous les livres hérétiques de mantras malveillants qui nuiront à la Doctrine et aux êtres"[9]. Les Annales Bleus nous donnent une idée sur le genre de mantras que Milarepa aurait pu craindre. Rechungpa aurait été en possession d'un mantra maléfique capable de dérober la vie[10] et, craignant lui-même que ce mantra ne soit néfaste, il l’aurait caché. Lisez entre les lignes "afin de pouvoir être retrouvé plus tard" comme un terma[11]. L'autodafé de Milarepa aurait rendu furieux Rechungpa, mais lorsque les textes de la ḍākinī informelle furent reconstitués miraculeusement, il se serait apaisé.

On peut alors légitimement s’interroger sur l’authenticité des instructions que les transmissions aurales attribuent à Réchungpa. L’authenticité des textes tibétains est un vaste chantier. Il ne s’agit pas de dé-crédibiliser les apocryphes et les pseudépigraphes (des ouvrages dont le nom de l'auteur ou le titre a été faussement attribué), mais de les contextualiser. Le sujet est quelque peu abordé par Dan Martin dans son excellent livre Unearthing bon treasures: life and contested legacy of a Tibetan scripture revealer (2001), sur la vie et l’héritage contesté du terteun Gshen-chen Klu-dga. Ce terteun Bön fut d’ailleurs un des cibles de polémique du Dgongs gcig yig cha (mentionné ci-dessus) de l’école Drikoung. Puisse des livres comme celui de Dan Martin inaugurer de nombreuses autres publications approfondissant le contexte des apparitions et des découvertes des divers textes emblématiques des écoles tibétaines, à l’instar du travail d'un Robert E. Buswell.

Une oeuvre importante en anglais sur Réchungpa reste The Biographies of Rechungpa de Peter Alan Roberts. Roberts y remarque, que Lama Zhang (g.yu brag pa brtson 'gru brags pa 1122-1193), dans sa biographie de Gampopa, était très critique de toutes les lignées Kagyu, qui ne furent pas transmises par le biais de Gampopa...[12]

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Illustration : feuillet d'illustrations associées à la pratique de thod rgal (choisie uniquement pour l'image, l'image pour l'image)

MàJ09062017
"While the finding of textual treasures (gter ma) is usually associated with the Nyingma school, it is not exclusively so, and Tsangpa Gyare is credited with the discovery of important treasures. When Tsangpa Gyarepa was deciding on a place for an extended retreat, Lingrepa had urged him not to go to Tise or Tsari as was common in those days. He sent him instead to Kharchu (mkhar chu), a river valley that leads into what is today called Bhutan. There he discovered the text of a teaching said to have been authored by the Indian Tipupa (ti phu pa) that was granted to his disciple Rechungpa Dorje Drak (ras chung pa rdo rje grags, 1085-1161). According to legend, since there were no suitable vessels for the teaching at the time, Rechungpa concealed the text in Kharchu. The secret of its place of concealment was passed on through the lineage through Sumpa Repa (sum pa ras pa) to Lingrepa, who told Tsangpa Gyarepa where to look for it. This was the The Six Cycles of Equal Taste (ro snyom skor drug)."


The First Drukchen, Tsangpa Gyare Yeshe Dorje b.1161 - d.1211
[1] Kailash

[2] Site de RangjungYeshe

[3] Dharmasvāmin Chag lo tsa-ba Chos-rje-dpal

[4] Le texte édité par Dan Martin

[5] Ou Mahākaruna de Lalitpur, actuellement connu sous le nom Patan, dont le nom tibétain fut Yerang (Ye rangs ou Ye rang)

[6] Rechungpa était d'ailleurs considéré comme une manifestation de Vajrapāṇi. « Then the Lama Rechungpa, out of a desire to vilify others and to have many attendants and servants, composed The King Tantra Clearly Revealing the Secret of Bhagavan Vajrapāṇi. In its sādhana which shows the deities and secret mantras of that [tantra) it was composed by the Indian Karmavajra. Interpolating this [text], displaying many of his own inventions and doctrines of Acala, he made twenty different cycles of Inner Heat practices. Furthermore [he] interpolated the Esoteric Cakrasaṁvara Transmission and giving the source as Ti-phu[-pa] composed a large number of varied Completion Stage [texts]. While the fault of mixing into it many non-Buddhist practices is apparent, it was accredited to [the mahasiddha] Bir-wa-pa. Some Tibetan elders made sādhanas of a female with a pig head to perform the 'summonings' of non-Buddhists, and then said that this was the ḍākinī of the Abhidhāna Tantra. »
Sngags Log Sun-'byin, pp. 15-16: yang bla ma RAS CHUNG PAs gzhan khyad gsod dang 'khor ‘bangs mang bar ‘dod nas phyag na rdo rje gsang ba bstan pa bya ba’i rgyud le'u nyi shu rtsa gcig brtsams/ de’i lha gsang sngags ston pal sgrub thabs la rgya gar LAS KYI RDO RJEs mdzad pa yod do// de la bslad nas mi g.yo ba’i chos dang rang bzo mang po bstan nas/ gtum mo'i sgrub skor 'dra min nyi shu bya'o// yang BDE MCHOG SNYAN RGYUD la bslad nas Tl PHU la khungs phyung nas rdzogs rim 'dra min dpag med brtsams/ de la mu stegs pa’i sgrub thabs mang po bsres pa’i skyon snang yang*/ [16] BIRWAPA la kha 'phangs nas bod rgan 'gas mu stegs kyi 'gugs byed phag mgo mai’ sgrub thabs byas nas sngon byung rgyud kyi mkha' 'gro ma bya ba yin no

[7] [A], p. 392): yang bla RAS CHUNG gis phyag rdor gtum skor rtsams ces pa dang gzhan rdzogs rim 'dra min sogs mang po byas pa dang*/.

[8] « I choose not to comment on any possible factual basis for the charges of Chag Lo, but I believe the polemical tone is clear. What the Bde-mchog Snyan-brgyud clearly shares with the other members in Chag Lo's category of'wrong Dharma' is an unwillingness to work within the system of the monastic institutions, a claim to direct contact with the sources of religious authority and blessings free of the mediation of monastic leaders and scholars. »

[9] Volume 2, p.442. Milarepa n'avait gardé que les instructions des ḍākinī informelles p. 452

[10] AB p. 438. Milarepa avait dans sa jeunesse lui-même pratiqué ce genre de mantras maléfiques et était donc particulièrement sensible à cette matière.

[11] Dans un texte (à partir de p. 317) sur la pratique de Cakrasaṁvara selon le système de Rechungpa, composé par Djamgoeun Kongtrul (1813 - 1899) : Yang ‘gro mgon gtsang pa rgya ras (1161-1211) gyis ras chung rdo rje grags pas sbas pa’i gter kha ro snyom skor drug phogs lho brag mkhar chu nas spyan drangs pa gDams ngag mdzod, vol. Bka’ brgyud pa dang po, p. 330

[12] "This agenda is made explicit when Lama Shang, in his biography of Gampopa, is critical of Kagyu lineages that were not transmitted through Gampopa". Biographies of Rechungpa, p. 70. Bla-ma Zhang gYu-bra-pa brTson-′grus Grags-pa, ‘Mi-la Ras-pa′i rnam-thar’ in mDzad-pa rnam-thar gyi skor, 59b–65b.