mardi 3 avril 2012

La responsabilité universelle



La coproduction conditionnée ou l’interdépendance est une médaille à deux côtés. D’un côté (plutôt ontologique ou structurel), le fait que tout est le produit d’un ensemble de facteurs, et que donc rien n’existe par lui-même, ni d’ailleurs que pour lui-même. Cette absence d’essence indépendante est la vacuité. De l’autre côté (plutôt phénoménologique ou fonctionnel), la prise de conscience de l’interdépendance appelle à une certaine responsabilité. Cette compréhension de la vacuité peut être fondatrice d’une morale moderne.

Samdhong Rinpoché, ancien premier-ministre du gouvernement tibétain en exil, qui était apparemment proche de Krishnamurti[1], est un membre de bureau de la Fondation pour la Responsabilité Universelle (Foundation for Universal Responsibility T. kun phan bde rtsa) à New Delhi, qui a pour objet de promouvoir la reponsabilité universelle par des méthodes non-violentes dans tous les champs de l’expérience humaine.  
Il en avait exposé les idées principales à une conférence publique, le 9 mars 2012 à la Mairie du 11ème à Paris. Il avait accordé également un entretien à Aurélie Godefroy de Sagesses bouddhistes, diffusé le 1er avril 2012.
« Chaque invidu, en tant qu’humain, a par nature, par naissance, certaines responsabilités, certains devoirs à accomplir. Aujourd’hui, dans notre civilisation post-moderne, les gens ont tendance à parler tout le temps de droits. Mais, ils oublient toujours la responsabilité. Les devoirs ne peuvent exister sans l’exercice de la responsabilité. Les devoirs sont directement reliés à la responsabilité. Sans responsabilité, il ne peut y avoir ni droits, ni privilèges. Voilà, pourquoi dans le but de devenir un être humain avec un comportement éthique, il ou elle doit comprendre la grande responsabilité qui lui incombe, par rapport à nous et aux autres créatures vivantes. Face à la nature et l’environnement, car chacun de nous constitue un part inséparable de l’univers. »
«  Il y a aujourd’hui quatre ou cinq grands défis, qui concernent les systèmes vivants.
1. L’augmentation de la violence.
2. Les causes de cette violence, le désespoir économique et les inégalités
3. La dégradation de notre environnement
4. L’intolérance religieuse ou spirituelle
Ceux-ci sont les plus grands défis de l’humanité en ce moment. C’est pourquoi nous devons comprendre pourquoi nous devons agir et pour assumer nos responsabilités pour faire face à ces grands défis. »
Sa traductrice française, Sofia Stril-Rever, ajoute que ces quatre défis peuvent se résumer à la violence, qui n’est pas uniquement présente dans l’agressivité et les situations de conflit, mais aussi dans l’injustice économique (violence économique), dans le fondamentalisme religieux qui est une attitude agressive vis-à-vis des autres et une absence de dialogue, ainsi que dans la dégradation de l’environnement. Puis de manière générale, les violences vis-à-vis de soi-même et vis-à-vis des autres. Le but est de retrouver une paix intérieure qui nous permet de faire rayonner la paix autour de nous. La non-violence sert ainsi de guide et indique le chemin à suivre.

Certains ont écrit (avant les interventions en Afghanistan et en Irak) que non-violence n’est pas forcément synonyme de pacifisme. C’est vrai, mais il s’avère des quatres défis (que l’on pourrait encore décliner davantage) que la violence est omniprésente, et doit donc être apaisée dans tous les domaines. Pas de "pacifisme" mais pacification et apaisement général.

Le concept de reponsabilité universelle est une interprétation positive et constructive de l’interdependance.
Une autre initiative intelligente, mais sur un plan plus intérieur (non-violent envers soi-même), suit la même approche constructive. On le trouve dans Changer l’avenir de Thich Nhat Hanh. Au lieu d’enseigner les cinq principes moraux (S. pañcaśīla) d’une manière négative comme des interdits : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas avoir de rapports sexuels illicites, ne pas mentir, ne pas s'intoxiquer, Thich Nhat Hanh les enseigne comme cinq entraînements : le respect de la vie, la générosité, la responsabilité sexuelle, l’écoute profonde et la parole aimante, et une consommation raisonnable. Ces cinq entraînements protègent contre la violence contre soi-même.

Quand on s’appuie sur les principes de la non-violence, sans distinguer entre intérieur et extérieur, entre la protection de soi et d’autrui, ils pourront même conduire à la non-dualité ou à quelque chose qui y ressemble vue de l’extérieur. Vue de l’intérieur, il y a l’autre côté de la médaille, la vacuité.

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[1] Sofia Stril-Rever sur Sagesses bouddhistes, 01/04/2012

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