Buddha minimaliste
Le Nirvāṇa-sūtra (trad. Dharmakṣema) :
« Buddha signifie éveil : d’une part il s’éveille lui-même, de l’autre il éveille autrui. » « si l’on s’assied en Dhyāna et qu’en regardant l’esprit on se tienne éveillé au moment où se produisent des pensées de fausses notions (vikalpa), on saisit alors l’indéterminé, et l’on n’obéit plus aux passions pour faire des actes. C’est là ce qu’on appelle la délivrance pensée par pensée. »[1]
Comment « regarder l’esprit » ? Réponse de la partie chinoise au concile de Lhasa :
« Retourner la vision vers la source de l’esprit, c’est ‘regarder l’esprit’ ; c’est s’abstenir absolument de toute réflexion et de tout examen. »[2]
Dharma minimaliste
Le Laṅka-sūtra (version chinoise de Guṇabhadra) :
« Telle nuit, dit le Buddha, j’ai accompli la bodhi ; telle nuit, j’entrerai dans le nirvāṇa. Entre ces deux, pas une seule lettre de prononcée : je ne l’ai pas prononcée, je ne la prononce pas, je ne la prononcerai pas. Ne pas parler, c’est la parole du Buddha. »[3]
Pratique minimaliste
Le Viśeṣacinti-sūtra (version chinoise de Kumārajiva) :
« Le bodhisattva Jālinīprabha ayant demandé au Brahmadeva ce que signifiait la phrase : « Pratiquer toutes les pratiques, c’est ne point pratiquer », celui-ci répondit : « Un homme pratiquât-il le chemin au cours de mille fois dix mille millions de périodes, il n’en résulte ni augmentation ni diminution de la nature de (ses) dharma ; c’est pourquoi j’appelle non-pratique la pratique de toutes les pratiques. »[4]
Véhicule minimaliste
Le Saddharma-puṇḍarīka-sūtra (Kumārajiva) :
« Dans tous les domaines de Buddha aux dix points cardinaux,
il n’y en a ni deux, ni trois :
Il n’y a qu’un Véhicule Unique de Buddha,
- En exceptant ce que les Buddha enseignent à titre d’expédient (upāya). »[5]
Le Laṅka-sūtra (éd. Nanjô) :
« Il n’y a ni Véhicule, ni Véhiculé :
La non-institution d’aucun Véhicule,
C’est là ce que j’appelle le Véhicule unique. »[6]
Commentaire de la partie chinoise au concile de Lhasa :
« Il est dit dans le Laṅka-sūtra que, pour qui se tient dans le sans notion (S. asaṁjñi T. ‘du shes med pa), il n’y a pas vue d’un Grand Véhicule, et qu’il faut en conséquence se garder de s’attacher au recueillement sans-notion (asaṁjñi-samāpatti). Aussi convient-il, d’après le texte du sūtra, de produire une pensée qui ne se tienne nulle part (S. apratiśhita T. mi gnas pa). »[7]
Ni un, ni deux, ni trois et, encore moins, ni neuf véhicules, inférieurs, supérieurs, pinacle... ou autres.
Et le puṇya alors, quid du puṇya qui fait tourner les monastères et brûler les lampes à beurre ? (« Puṇya makes the world go round »).
Le Tathāgata-guṇāvatāra-sūtra (Sikṣānanda) rappelle que « les mérites que l’on acquiert en faisant des offrandes à des Buddha nombreux comme la poussière des trois mille grands chiliocosmes, et en leur ornant, après leur nirvāṇa, avec les sept matières précieuses, des stūpa hauts t larges comme de grands chiliocosmes, et en faisant encore des offrandes durant d’innombrables périodes, ces mérites n’atteignent pas celui qu’on se procure en entendant cette doctrine, en l’écoutant sans pensées de doute. »[8]
Quelle doctrine ? La prajñā-pāramitā. « On appelle prajñā-pāramitā ce qui ne comporte ni notion ni appropriation, ni abandon ni attachement ». La prajñā-pāramitā est la sixième perfection (pāramitā). Quand elle est associée à la pratique des cinq autres (upāya), c’est l’union de la sagesse (prajñā) et des expédients (upāya).
Et quels sont les mérites que l’on retire de la pratique d’une telle doctrine ?
« Les mérites du non-examen et de la non-réflexion ne sauraient être mesurés par la réflexion et l’examen. Ainsi doivent être considérés les mérites que possèdent les Buddha – et ainsi seulement. »[9]
***
[1] Traduction de Paul Demiéville, Le concile de Lhasa, p. 125
[2] Traduction de Paul Demiéville, Le concile de Lhasa, p. 78
[3] Traduction de Paul Demiéville, Le concile de Lhasa, p. 61
[4] Traduction de Paul Demiéville, Le concile de Lhasa, p. 67-68
[5] Traduction de Paul Demiéville, Le concile de Lhasa, p. 119
[6] Traduction de Paul Demiéville, Le concile de Lhasa, p. 119
[7] Traduction de Paul Demiéville, Le concile de Lhasa, p. 71
[8] Traduction de Paul Demiéville, Le concile de Lhasa, p. 91
[9] Traduction de Paul Demiéville, Le concile de Lhasa, p. 90
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