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lundi 9 septembre 2013

Un passage de relais entre héros solaires



Le dragon que combat Cadmos lors de la fondation de Thèbes[1], « son corps, si on l'apercevait en entier, est aussi grand que le Serpentaire entre les deux Ourses. » Le serpentaire (Ophiuchus) est aussi le nom d’une « constellation de l'hémisphère nord traversée par le Soleil du 29 novembre au 18 décembre » (Wikipedia) qui coupe en deux la constellation du serpent, la tête et la queue. « La Tête du Serpent se trouve principalement dans l’hémisphère céleste nord, la Queue du Serpent essentiellement dans l’hémisphère céleste sud. » (Wikipedia) Le serpent est le plus souvent représenté avec le serpentaire qui le porte. Ce serpentaire peut être Cadmos, Asclépios, Apollon (python) ou Héraclès...


« Les formes astronomiques que prenait le dieu Lumière et le chef des ténèbres, c’est-à-dire, le Taureau, et ensuite l’Agneau d’un côté, et le Serpent ou le Dragon de l’autre, formaient les attributs des chefs opposés de ce ce combat. Les constellations placées hors du zodiaque, qui se liaient à cette position céleste, et qui déterminaient cette importante époque, étaient aussi personnifiées et mises en scène. Tels sont ici le Cocher ou Pan, qui accompagne aussi Osiris dans ses conquêtes, et Cadmus ou le Serpentaire. »
« Ici Nonnus suppose que pendant l’hiver le dieu de la Lumière n’avait plus de foudres, qu’elles étaient entre les mains du chef des Ténèbres, qui lui-même n’en pouvait pas faire usage. Mais, durant le temps que Jupiter en est privé, son ennemi bouleverse et désorganise tout dans la Nature, confond les éléments, répand sur la Terre le deuil, les ténèbres et la mort, jusqu’au lever du matin du Cocher et de la Chèvre, et jusqu’au lever du soir du Serpentaire ; ce qui arrive au moment où le Soleil atteint le Taureau céleste dont Jupiter prit la forme pour tromper Europe, sœur de Cadmus. C’est alors que le dieu du jour rentre dans tous ses droits, et rétablit l’harmonie de la Nature, que le génie des Ténèbres avait détruite. C’est là l’idée qu’amène naturellement le triomphe de Jupiter, et que le poète nous présente en commençant le troisième chant de son poème sur les Saisons ou des Dionysiaques. »
« Dans les fables sur Hercule ou sur le Soleil, on prétend que ce fut ce héros qui bâtit Thèbes après avoir défait un tyran qui, comme Orion, poursuivait les Pléiades. Je fais ces remarques afin de rapprocher entre elles ces anciennes fables solaires, et de faire voir leur liaison avec cette partie du ciel où se trouvent le Taureau, le Bélier, les Pléiades et Orion opposé au Serpentaire ; Hercule, Cadmus, etc., qui par son lever du soir, annonçait tous les ans le rétablissement de l’harmonie du Monde, désigné ici sous l’emblème d’une grande ville : c’est la ville sainte de l’Apocalypse. Cadmus bâtit sa ville de forme circulaire, telle qu’est la sphère. Des rues la traversaient dans le sens de quatre points cardinaux du Monde, ou de l’Orient, de l’occident, du midi et du nord ; elle avait autant de portes qu’il y a de sphères planétaires. Chacune des portes était consacrée à une planète. La Jérusalem de l’Apocalypse, fiction du même genre, en avait douze, nombre égal à celui des signes, et fut bâtie après la défaite du grand Dragon. »
Pour connaître tous les détails, relire dans l’Abrégé le chapitre VII (Explication des Dionysiaques, ou du poème de Nonnus sur le Soleil, adoré sous le nom de Bacchus)

Dans l’Héracléide, qui raconte les douze travaux d’Hercule, au nombre des maisons que travers le Soleil au cours d’une année, on voit Hercule tuer l’hydre de Lerne, représenté comme un serpent à cent têtes. Dès sa naissance, on raconte qu’il étouffa deux serpents qu’Héra aurait envoyé pour le tuer, pour se venger de l’amour illicite de Zeus et Alcmène, une mortelle. Selon Dupuis, l’épisode du hydre correspondrait astronomiquement au « Passage du Soleil au signe de la Vierge, marqué par le coucher total de l’hydre céleste, appelé hydre de Lerne, et dont la tête renaît le matin avec le cancer. »[2] La longueur du serspent/hydre est telle que quand la tête du serpent ré-apparaît, la queue n’a pas encore entièrement disparu. C’est un ennemi redoutable.


Alors quand un héros solaire de l’occident rencontre un héros solaire de l’orient, qu’est-ce qu’ils se racontent ? Des histoires de serpent ! Iconographiquement, l’image ci-dessus est très intéressante.

Il s’agit d’un fragment de sculpture de la période Kusana (1-2ème siècle). On y voit le Bouddha, avec un beau soleil autour de la tête, subjuguer un serpent noir, assisté de Vajrapāṇi/Hercule. « Hercule » tendant sa massue/clavicule (clava)/vajra au Bouddha qui la saisit. De l’autre main, Vajrapāṇi tient une épée (kadga).[3] 



Relire ici le billet sur la promotion fulgurante du yaksa Vajrapāṇi. Lire ici un article en allemand sur les origines grecques de Vajrapāṇi/Kongōshu.

Existe-t-il un lien entre les douze actes du Bouddha et les douze travaux d'Hercule, comme il semblerait  exister un lien entre les douze travaux d'Hercule et les douze tablettes de l'épopée de Gilgamesh ? A part le nombre douze, qui selon Dupuis correspond aux douze maisons que traverse le soleil en un an.




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Cliquer sur les images pour voir leurs sources

MàJ 16/10/2013


Article d'Andy Fergusson


[1] OVIDE, MÉTAMORPHOSES, LIVRE III  Dans les textes grecs le mot est synonyme de "ophis" (serpent). Pour cette raison, dans cette traduction (Louis Fabre et Jacques Angiot, 1870) d'Ovide, la créature que combat Cadmos est nommée tantôt "dragon", tantôt "serpent". http://www.maremurex.net/ovide.html

[2] Dupuis sur la longueur du serpent/hydre

[3] Cette représentation est décrite dans Buddhist Art from Norther India de Janice Leoshko : « Typically, scenes relating to different stories are separated by pilasters. In the relief of figure 10 scenes from two stories are shown. On the left side the Buddha is depicted taming a serpent in the city of Rajgir. The story concerns a selfish rich man who buried his wealth in his backyard. After he died, he was reborn as a serpent who lived in the yard and terrorized the neighbourhood in order to protect the buried treasure. In response to pleas from King Bimbisara, who is perhaps the richly dressed figure on the right, the Buddha quells the serpent. Here the Buddha is holding his begging bowl, from which hangs the serpent, over a mound that symbolizes the garden. Vajrapani, a frequent attendant of the Buddha, appears behind him. The right side of the relief depicts another serpent tale. In this case the Buddha is presenting a serpent that he has calmed to some ascetics in the town of Uruvilva. One ascetic recoils in horror at the sight of this once fearsome snake now coiled up in the Buddha's begging bowl. Again Vajrapani stands behind the Buddha. Other ascetics, identifiable by their scanty dress, beards and hair in topknots, witness this amazing event. It is interesting that although these two stories appear fairly frequently in Gandharan art, they are rarely encountered elsewhere in the Buddhist world. »

vendredi 22 mars 2013

Saisir le serpent


« Les Victorieux ont proclamé que la vacuité est le fait d’échapper à tous les points de vue (dṛṣṭī). Quant à ceux qui font de la vacuité un point de vue, ils les ont déclarés incurables. »[1] 
Candrakīrti glose qu’ils ressemblent à un homme qui, après que le marchand lui a dit : « Je n’ai absolument rien à vous vendre », répond : « Eh ! bien donnez-moi cet « absolument rien » »[2]

Certains aiment rappeller Mūlamadhyamaka-kārikā 24.11 pour affirmer que la vacuité serait plus dangereuse que les autres points de vue (dṛṣṭī), mais c’est oublier que la vacuité est définie (MMK13.8) précisément comme le fait d’échapper à tous les points de vue, ou encore aux extrêmes (anta) et à la prolifération (prapañca).

Voici la citation :
« La vacuité, mal comprise, perd l’homme à l’intelligence courte, comme un serpent mal saisi ou une formule magique mal appliquée. »[3] 
Ce n’est pas la vacuité qui perd l’homme à l’intelligence courte, mais le manque de discernement (prajñā) de ce dernier. Le manque de discernement n’est pas le choix d'un  point de vue qui serait mauvais, mais le fait que l’homme à l’intelligence courte adhère à un point de vue, quelqu’il soit, et s’appuie sur lui. Nāgārjuna n’était pas le premier à utiliser l’exemple du serpent mal saisi, le Bouddha l’avait déjà utilisé avant lui (Alagaddupama Sutta, MN 22). En lisant ce dialogue, il apparaît clairement que ce n’est pas la vacuité qui est en cause, mais bien le manque de discernement (prajñā) du sens (artha), à cause de l’attachement à un point de vue (dṛṣṭī). Dans ce cas précis le point de vue pernicieux (P. ditthigata) que les plaisirs sensuels ne font pas obstacle. En d'autres termes, le réalisme naïf à l'opposé d'un nihilisme, pour lequel on veut encore souvent faire passer la vacuité.

Pour que ce soit encore plus clair, le Bouddha commence par expliquer qu’il ne s’agit pas de lire et d’appliquer aveuglement, dogmatiquement, les diverses instructions, mais d’en saisir le sens (artha) avec discernement (prajñā). L’esprit, pas la lettre. La lettre est morte, l’esprit est vivant.

Le Bouddha ne preche pas l’ortho-doxie (« point de vue juste »), dans le sens d’un dogme ou d’un credo auquel il faut adhérer par le biais de la foi. Ni d'ailleurs la connaissance précise d'un objet précis. Plutôt une ortho-praxie, une pratique juste, qui serait accessible par l’octuple chemin etc. Là non plus, il ne s'agit pas suivre des règles ou une procédure à la lettre. P.e. en suivant à la lettre les instructions du Bouddha pour attraper un serpent. "il le coincerait fermement avec un bâton fourchu (ajapada). Après l'avoir coincé fermement avec un bâton fourchu, il le saisirait fermement par le cou." L'essentiel est le discernement (prajñā), quelque soit la méthode que l'on suit.

Pour rappel, les quatre refuges (S. catuḥpratisaraṇa)

1. La Loi est le refuge et non l'homme
2. l'esprit de la lettre est le refuge et non la lettre
3. Le sūtra de sens définitif (S. nītārtha T. nges don) est le refuge et non le sūtra de sens à élucider (S. neyārtha T. drang don).
4. La connaissance principielle (S. jñāna T.ye shes) est le refuge et non pas les perceptions sensorielles avec la conscience mentale (S. vijñāna T. rnam shes

Les deux derniers de ces quatre refuges appartiennent d'ailleurs plus spécifiquement au mahāyāna. J'y reviendrai. 

Voici l'exemple du serpent d'eau, tel qu'on le trouve sur le site Canonpali.org.

La comparaison du serpent d'eau

[20] "Moines, il y a le cas où des gens sans valeur étudient le Dhamma: dialogues, récits mixtes en prose et en vers, explications, gathas en vers, exclamations spontanées, citations, histoires de naissance, événements stupéfiants, sessions de questions et réponses [premières classifications des enseignements du Bouddha ]. Après avoir étudié le Dhamma, ils ne s'assurent pas du sens (ou: du propos) de ces Dhammas au moyen de leur discernement. Ne s'étant pas assurés du sens de ces Dhammas au moyen de leur discernement, ils n'arrivent pas à s'accorder sur ce qu'ils ont pondéré. Ils étudient le Dhamma autant pour attaquer les autres que pour se défendre eux-mêmes dans les débats. Ils n'atteignent pas le but pour lequel [des gens] étudient le Dhamma. Leur saisie erronée de ces Dhammas entraînera leur malheur et leur souffrance à long terme. Pourquoi est-ce le cas? A cause de la saisie erronée des Dhammas.

[21] "Supposons qu'il y ait un homme qui aurait besoin d'un serpent d'eau, qui chercherait un serpent d'eau, qui irait à la recherche d'un serpent d'eau. En voyant un grand serpent d'eau, il le saisirait par les anneaux ou par la queue. Le serpent d'eau, en se retournant, le mordrait à la main, au bras, ou à l'un de ses membres, et à cause de cela il souffrirait de la mort ou de souffrances semblables à la mort. Pourquoi cela? A cause de sa saisie erronée du serpent d'eau. De même, il y a le cas où des gens sans valeur étudient le Dhamma... Après avoir étudié le Dhamma, ils ne s'assurent pas du sens de ces Dhammas au moyen de leur discernement. Ne s'étant pas assurés du sens de ces Dhammas au moyen de leur discernement, ils n'arrivent pas à s'accorder sur ce qu'ils ont pondéré. Ils étudient le Dhamma autant pour attaquer les autres que pour se défendre eux-mêmes dans les débats. Ils n'atteignent pas le but pour lequel [des gens] étudient le Dhamma. Leur saisie erronée de ces Dhammas entraînera leur malheur et leur souffrance à long terme. Pourquoi cela? A cause de la saisie erronée des Dhammas.

[22] "Mais ensuite il y a le cas où des hommes de clan étudient le Dhamma... Après avoir étudié le Dhamma, ils s'assurent du sens de ces Dhammas au moyen de leur discernement. Après s'être assurés du sens de ces Dhammas au moyen de leur discernement, ils arrivent à s'accorder sur ce qu'ils ont pondéré. Ils n'étudient pas le Dhamma pour attaquer les autres ni pour se défendre eux-mêmes dans les débats. Ils atteignent le but pour lequel des gens étudient le Dhamma. Leur saisie correcte de ces Dhammas entraînera leur bien-être et leur bonheur à long terme. Pourquoi cela? A cause de leur saisie correcte des Dhammas.

[23] "Supposons qu'il y ait un homme qui aurait besoin d'un serpent d'eau, qui chercherait un serpent d'eau, qui irait à la recherche d'un serpent d'eau. En voyant un grand serpent d'eau, il le coincerait fermement avec un bâton fourchu (ajapada). Après l'avoir coincé fermement avec un bâton fourchu, il le saisirait fermement par le cou. Alors peu importe combien le serpent d'eau pourrait enrouler ses anneaux tout autour de sa main, son bras, ou n'importe lequel de ses membres, il ne souffrirait pas à cause de cela de la mort ou de souffrances semblables à la mort. Pourquoi cela? A cause de sa saisie correcte du serpent d'eau. De même, il y a le cas où des hommes de clan étudient le Dhamma... Après avoir étudié le Dhamma, ils s'assurent (upaparikkhanti) du sens (atthaṃ) de ces Dhammas au moyen de leur discernement (paññāya). Après s'être assurés du sens de ces Dhammas au moyen de leur discernement, ils arrivent à s'accorder sur ce qu'ils ont pondéré. Ils n'étudient pas le Dhamma pour attaquer les autres ni pour se défendre eux-mêmes dans les débats. Ils atteignent le but pour lequel des gens étudient le Dhamma. Leur saisie correcte de ces Dhammas entraînera leur bien-être et leur bonheur à long terme. Pourquoi cela? A cause de leur saisie correcte des Dhammas.

"En conséquence, moines, quand vous comprenez le sens de mes énoncés, c'est ainsi que vous devez vous les rappeler. Mais quand vous ne comprenez pas le sens de mes énoncés, alors là, vous devriez interroger soit moi, soit les moines expérimentés.

Version anglaise originale

Traduction anglaise de Jayarava

Autre exemple de serpent, utilisé dans le Dzogchen ancien par Rongzompa.

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[1] Traduction de Guy Bugault, Stances du milieu par excellence, p. 173. Śūnyatā sarva-dṛṣṭīnāṃ proktā niḥsaraṇaṃ jinaiḥ, yeṣāṃ tu śūnyatā-dṛṣṭis tān asādhyān babhāṣire. rgyal ba rnams kyis stong pa nyid//lta kun nges par ‘byung bar gsungs//gang dag stong pa nyid lta ba//de dag bsgrub tu med par gsungs//

[2] Bugault, citant le Prasannapadā (commentaire de Candrakīrti) 247, 5-6

[3] Guy Bugault, Stances du milieu par excellence, p. 309. T. stong pa nyid la blta nyes na//shes rab chung rnams phung par byed//ci ltar sbrul la bzung nyes dang//rigs sngags nyes par bsgrub pa bzhin/
Version en Pali :
20. Idha bhikkhave ekacce moghapurisā dhammaṃ pariyāpuṇanti: suttaṃ geyyaṃ veyyākaraṇaṃ gāthaṃ udānaṃ itivuttakaṃ jātakaṃ abbhutadhammaṃ vedallaṃ. Te taṃ dhammaṃ pariyāpuṇitvā tesaṃ dhammānaṃ paññāya atthaṃ na upaparikkhanti. Tesaṃ te dhammā paññāya atthaṃ anupaparikkhataṃ na nijjhānaṃ khamanti. Te upārambhānisaṃsā ceva dhammaṃ pariyāpuṇanti itivādappamokkhānisaṃsā ca. Yassa catthāya1 dhammaṃ pariyāpuṇanti tañcassa atthaṃ nānubhonti. Tesaṃ te dhammā duggahītā dīgharattaṃ ahitāya dukkhāya saṃvattanti. Taṃ kissa hetu: duggahītattā bhikkhave dhammānaṃ.

21. Seyyathāpi bhikkhave puriso alagaddatthiko alagaddagavesī alagaddapariyesanaṃ caramāno- so passeyya mahantaṃ alagaddaṃ, tamenaṃ bhoge vā naṅguṭṭhe vā gaṇheyya, tassa so alagaddo paṭiparivattitvā2 hatthe vā bāhāya vā aññatarasmiṃ vā aṅgapaccaṅge ḍaseyya,3 so [PTS Page 134] [\q 134/] tatonidānaṃ maraṇaṃ vā nigaccheyya maraṇamattaṃ vā dukkhaṃ. Taṃ kissa hetu: duggahītattā bhikkhave alagaddassa. Evameva kho bhikkhave idhekacce moghapurisā dhammaṃ pariyāpuṇanti: suttaṃ geyyaṃ veyyākaraṇaṃ gāthaṃ udānaṃ itivuttakaṃ jātakaṃ abbhutadhammaṃ vedallaṃ. Te taṃ dhammaṃ pariyāpuṇitvā tesaṃ dhammānaṃ paññāya atthaṃ na upaparikkhanti. Tesaṃ te dhammā paññāya atthaṃ anupaparikkhataṃ na nijjhānaṃ khamanti. Te upārambhānisaṃsā ceva dhammaṃ pariyāpuṇanti itivādappamokkhānisaṃsā ca. Yassa catthāya dhammaṃ pariyāpuṇanti tañcassa atthaṃ nānubhonti. Tesaṃ te dhammā duggahītā dīgharattaṃ ahitāya dukkhāya saṃvattanti. Taṃ kissa hetu: duggahītattā bhikkhave dhammānaṃ.

22. Idha pana bhikkhave ekacce kulaputtā dhammaṃ pariyāpuṇanti: suttaṃ geyyaṃ veyyākaraṇaṃ gāthaṃ udānaṃ itivuttakaṃ jātakaṃ abbhutadhammaṃ vedallaṃ. Te taṃ dhammaṃ pariyāpuṇitvā tesaṃ dhammānaṃ paññāya atthaṃ upaparikkhanti. Tesaṃ te dhammā paññāya atthaṃ upaparikkhataṃ nijjhānaṃ khamanti. Te na ceva upārambhānisaṃsā dhammaṃ pariyāpuṇanti itivādappamokkhānisaṃsā ca. Yassa catthāya dhammaṃ pariyāpuṇanti tañcassa atthaṃ anubhonti. Tesaṃ te dhammā suggahītā dīgharattaṃ hitāya sukhāya saṃvattanti. Taṃ kissa hetu: suggahītattā bhikkhave dhammānaṃ.

23. Seyyathāpi bhikkhave puriso alagaddatthiko alagaddagavesī alagaddapariyesanaṃ caramāno - so passeyya mahantaṃ alagaddaṃ, tamenaṃ ajapadena daṇḍena suniggahītaṃ niggaṇheyya, ajapadena daṇḍena suniggahītaṃ niggahetvā1 gīvāya2 suggahītaṃ gaṇheyya, kiñcāpi so bhikkhave alagaddo tassa purisassa hatthaṃ vā bāhaṃ vā aññataraṃ vā aṅgapaccaṅgaṃ bhogehi paliveṭheyya,3 atha kho so neva tatonidānaṃ maraṇaṃ vā nigaccheyya maraṇamattaṃ vā dukkhaṃ. Taṃ kissa hetu: suggahītattā bhikkhave alagaddassa, evameva kho bhikkhave idhekacce kulaputtā dhammaṃ pariyāpuṇanti, suttaṃ geyyaṃ veyyākaraṇaṃ gāthaṃ udānaṃ itivuttakaṃ jātakaṃ ababhūtadhammaṃ vedallaṃ. Te taṃ dhammaṃ pariyāpuṇitvā tesaṃ dhammānaṃ paññāya atthaṃ upaparikkhanti. Tesaṃ te dhammā paññāya atthaṃ upaparikkhataṃ nijjhānaṃ khamanti. Te na ceva upārambhānisaṃsā dhammaṃ pariyāpuṇanti na itivādappamokkhānisaṃsā ca. Yassa catthāya dhammaṃ pariyāpuṇanti tañcassa atthaṃ anubhonti tesaṃ te dhammā suggahītā dīgharattaṃ hitāya sukhāya saṃvattanti taṃ kissa hetu: suggahītattā bhikkhave dhammānaṃ.

Tasmātiha bhikkhave yassa me bhāsitassa atthaṃ ājāneyyātha athā naṃ dhāreyyātha. Yassa ca pana me bhāsitassa atthaṃ na ājāneyyātha ahaṃ vā4 paṭipucchitabbo ye vā panassu viyattā bhikkhū.