Après une première période de recherches archéologiques (1873) à Harappa par Sir Alexander Cunningham, pendant lesquelles un sceau carré fut découvert, Sir John Marshall reprit les recherches en 1920, sans trop de succès initialement. Mais une autre découverte, à 350 miles au sud, dans les couches les plus profondes du site d’un stupa bouddhiste à Mohenjodaro (« le mont des morts ») au Pakistan, relança tout. R.D. Banerji, faisant partie de l’équipe de Marshall, y trouva une gravure de cuivre et des sceaux en pierre qui ressemblèrent au sceau découvert à Harappa. On en conclue que les deux sites dataient de la même époque et appartenaient à la même culture. En 1924, Marshall publia un article sur ces découvertes dans le journal Illustrated London News, et dès le numéro suivant la réaction enthousiaste d’un assyriologue, A.H. Sayce, fut publiée, suivie d’une révélation par Dr. Ernest Mackay, le chef d’une expédition américaine en Mésopotamie. Ils avaient découvert un sceau identique à ceux de Harappa et de Mohenjodaro en dessous d’un temple du dieu de la guerre Ildaba, et qui daterait de 2300 av. JC environ. Le premier lien fut établi.
Thomas McEvilley, décédé au mois de mars 2013, a publié un livre, The Shape of Ancient Thought, dans lequel il explique les liens anciens et les allers-retours entre l’orient et l’occident en cinq grandes phases. Dans ce livre, il compare les détails iconographiques des sceaux de Mésopotamie et de la vallée de l’Indus.
Quelques exemples :
Les deux sceau datent d’entre le 2ème et 3ème millénaire avant JC. On y perçoit entre autres un mont/monticule (de neuf pierres) surmonté d’un arbre, flanqué de deux chèvres ou gazelles ? Idem sur le sceau de Mohenjodaro, à gauche, sous un arbre plus grand.
Sur les deux sceau, on perçoit une déesse d’arbre. La première est assise. Elle semble porter une sorte de coiffe. Elle tient un enfant sur les genoux avec une sorte de touffe sur la tête. McEvilley parle d’enfant « à rameau sur la tête » (sprout-headed). Sa robe rassemble à la robe d’Ishtar. La déesse de la vallée de l’Indus porte une coiffe similaire. Devant elle se tient à genoux un homme à cornes, peut-être faisant un geste d’offrande de ses mains. Derrière lui, se tient un taureau. Sur le devant, on perçoit sept personnages (femmes) avec des « têtes à rameau ».
Dans un de ses articles, The Lady and the Tree, Bhikkhu Sujato parle de ce sceau dont il produit une autre reproduction davantage interprétée. Pour lui, l’arbre est l’arbre de bodhi. Plus probablement, c’est un arbre śālā (Shorea robusta) ou Sal (Śāl). Les cheveux de la déesse font une seule longue tresse. Sujato distingue devant la déesse un petit autel avec un crâne humain. L'homme-taureau est barbu et porterait un trident selon Bhikkhu Sujato. Le taureau derrière lui serait masqué et porterait le masque d’un humain. Il y voit le totem du roi, tandis que le crâne signifie son destin sacrificiel, ou bien le rançon de ce sacrifice. Le taureau sera sacrifié à la place du roi.
Les sept déesses (la « tête à rameau fleuri » semble désigner une origine céleste) ont été identifiées avec les sept rivières (saptasindhu)[1], ou avec les pléiades[2]. On perçoit également des symboles en haut du sceau, dont la signification est inconnue. Asko Parpola[3] pense que le poisson au-dessus du taureau est le symbole d’une divinité et qu’il doit représenter une étoile. Le mot « min » désigne à la fois un poisson et et une étoile, les deux brillent... En Mésopotamie, les dieux étaient marqués du symbole d’une étoile. Le symbole de la déesse Ishtar est une étoile à huit branches, une rosette, qui peut prendre la forme d’une roue à huit rayons. La déesse à cornes (Vénus/Ishtar ?) qui habite l’arbre était probablement vénérée comme une nymphe sylvestre (śālabhañjikā[4]) à Harappa.[5] L’homme à cornes (homme-taureau) pourrait être un genre de Gilgamesh[6], un héros solaire comme Héracles ou Vajrapāṇi…
Et la tête à rameau fleuri est-elle en quelque sorte l’équivalent du mont surmonté d’un arbre (flanqué de deux chèvres ou gazelles) ? Le rameau fleuri est un symbole de fertilité, et par là associé à la déesse à cornes dans l’arbre. L’arbre qui surmonte le mont (ou qui le transperce ?) serait-il l’équivalent macrocosmique du rameau fleuri ? Si l’arbre symbolise la déesse à cornes, le symbole des deux animaux se faisant face et séparé/maîtrisé par la déesse à cornes pourrait être sa référence. Mais le maître/la maîtresse des animaux est-il alors masculin ou féminin ? Héraclès ou Diane ? Un héros solaire ou une déesse ?
Supposons que la déesse à cornes de l’arbre soit « Vénus », la planète Vénus, déesse de la fertilité, annonçant le retour du soleil et du printemps, faiseuse de rois. Elle semble en Inde avoir évolué en la figure de la nymphe sylvestre (śālabhañjikā), une yakṣi capable de faire fleurir les rameaux, en tapant du pied la racine de l’arbre Sal. J’avais déjà remarqué que l’iconographie de la mère du Bouddha faisait des emprunts à celle des nymphes sylvestres. Les représentations de la naissance du Bouddha parlent d’elles-mêmes. La mère du Bouddha ne sera donc pas une simple yakṣi, mais aussi mythologiquement associée à Vénus, qui n’est pas la mère idéale. Dans la légende du Bouddha, elle disparaît rapidement pour laisser la place à une mère de substitution[7]. Dès sa naissance, notre dieu solaire fait sept pas, et de chaque pas naîtra un lotus.
En effet, le futur Bouddha, est un enfant avec une « tête à rameau fleuri » : sa protubérance. Une marque de fertilité, un trop plein de sève, de puissance. Et qui symbolise son lien céleste. Un de ses épithètes est d’ailleurs « homme-taureau »[8]. Quand le Bouddha meurt, on lui fait les honneurs d’un roi. Ses reliques sont enterrés dans des stūpa, qui deviennent ses représentations terrestres. Ils consistent en une base carrée, sur laquelle est édifié un dôme, traversé et surmonté d’un « rameau fleuri ».
Dans divers traités tibétains sur l’édification d’un stūpa ou caitya, ceux-ci sont appelés couramment des « arbres d’offrandes » ou « poteaux sacrificiels » (T. mchod sdong S. yūpa). Afin de « charger » un stūpa, tout comme une statuette d’ailleurs, il faut y introduire, planter (T. gtsugs) un « arbre de vie »[9] (T. srog shing). Sans cela, le stūpa ou la statuette est comme mort. L’arbre de vie traverse le stūpa et le surmonte. Pour ceux qui ont peu de moyens, le Sūtra des sanctuaires[10] dit que l’on peut les fabriquer « de la taille d'un noyau de fruit du myrobolan, avec une ombrelle de la taille d'une feuille de genévrier et un arbre-de-vie de la taille d'une aiguille. »
Toussaint traduit le nom du prince par « Belle-Houppe ». Et en effet, « phud » signifie cūḍā, houppe, touffe de cheveux sur le sommet du crâne comme la tonsure d'un brāhmaṇa. Le mot « gtsug » signifie planter, ou sommet de la tête. Le mot tibétain « gtsug tor » traduit le terme sanscrit uṣṇīṣa, qui désigne la protubérance crânienne du Bouddha. Quoi qu’il en soit, Padmasambhava comme le Bouddha ont des têtes à rameau fleuri et sont considérés comme des « hommes-taureau ». Par ailleurs, le terme « gtsug phud » se trouve surtout dans le milieu Bön.
Les sept déesses (la « tête à rameau fleuri » semble désigner une origine céleste) ont été identifiées avec les sept rivières (saptasindhu)[1], ou avec les pléiades[2]. On perçoit également des symboles en haut du sceau, dont la signification est inconnue. Asko Parpola[3] pense que le poisson au-dessus du taureau est le symbole d’une divinité et qu’il doit représenter une étoile. Le mot « min » désigne à la fois un poisson et et une étoile, les deux brillent... En Mésopotamie, les dieux étaient marqués du symbole d’une étoile. Le symbole de la déesse Ishtar est une étoile à huit branches, une rosette, qui peut prendre la forme d’une roue à huit rayons. La déesse à cornes (Vénus/Ishtar ?) qui habite l’arbre était probablement vénérée comme une nymphe sylvestre (śālabhañjikā[4]) à Harappa.[5] L’homme à cornes (homme-taureau) pourrait être un genre de Gilgamesh[6], un héros solaire comme Héracles ou Vajrapāṇi…
Et la tête à rameau fleuri est-elle en quelque sorte l’équivalent du mont surmonté d’un arbre (flanqué de deux chèvres ou gazelles) ? Le rameau fleuri est un symbole de fertilité, et par là associé à la déesse à cornes dans l’arbre. L’arbre qui surmonte le mont (ou qui le transperce ?) serait-il l’équivalent macrocosmique du rameau fleuri ? Si l’arbre symbolise la déesse à cornes, le symbole des deux animaux se faisant face et séparé/maîtrisé par la déesse à cornes pourrait être sa référence. Mais le maître/la maîtresse des animaux est-il alors masculin ou féminin ? Héraclès ou Diane ? Un héros solaire ou une déesse ?
Supposons que la déesse à cornes de l’arbre soit « Vénus », la planète Vénus, déesse de la fertilité, annonçant le retour du soleil et du printemps, faiseuse de rois. Elle semble en Inde avoir évolué en la figure de la nymphe sylvestre (śālabhañjikā), une yakṣi capable de faire fleurir les rameaux, en tapant du pied la racine de l’arbre Sal. J’avais déjà remarqué que l’iconographie de la mère du Bouddha faisait des emprunts à celle des nymphes sylvestres. Les représentations de la naissance du Bouddha parlent d’elles-mêmes. La mère du Bouddha ne sera donc pas une simple yakṣi, mais aussi mythologiquement associée à Vénus, qui n’est pas la mère idéale. Dans la légende du Bouddha, elle disparaît rapidement pour laisser la place à une mère de substitution[7]. Dès sa naissance, notre dieu solaire fait sept pas, et de chaque pas naîtra un lotus.
En effet, le futur Bouddha, est un enfant avec une « tête à rameau fleuri » : sa protubérance. Une marque de fertilité, un trop plein de sève, de puissance. Et qui symbolise son lien céleste. Un de ses épithètes est d’ailleurs « homme-taureau »[8]. Quand le Bouddha meurt, on lui fait les honneurs d’un roi. Ses reliques sont enterrés dans des stūpa, qui deviennent ses représentations terrestres. Ils consistent en une base carrée, sur laquelle est édifié un dôme, traversé et surmonté d’un « rameau fleuri ».
Dans divers traités tibétains sur l’édification d’un stūpa ou caitya, ceux-ci sont appelés couramment des « arbres d’offrandes » ou « poteaux sacrificiels » (T. mchod sdong S. yūpa). Afin de « charger » un stūpa, tout comme une statuette d’ailleurs, il faut y introduire, planter (T. gtsugs) un « arbre de vie »[9] (T. srog shing). Sans cela, le stūpa ou la statuette est comme mort. L’arbre de vie traverse le stūpa et le surmonte. Pour ceux qui ont peu de moyens, le Sūtra des sanctuaires[10] dit que l’on peut les fabriquer « de la taille d'un noyau de fruit du myrobolan, avec une ombrelle de la taille d'une feuille de genévrier et un arbre-de-vie de la taille d'une aiguille. »
« Ceux qui les construisent avec des tas de sableCe n’est pas tout. Notre rameau fleuri va faire une réapparition dans la légende de Padmasambhava, dont le Bouddha annonça l'avènement, d'ailleurs assis entre deux arbres Sal (Toussaint p. 63, PKT, p. 87). Quand le Plérôme, sous la direction de Samantabhadra, décida d’envoyer un Sauveur, ce sera d’abord le Fils de dieu Dam pa tog dkar[12] qui recevra cette mission. Il reçoit la quadruple consécration, fait de Maitreya son régent, et part en mission dans un corps d’émanation (T. sprul pa’i sku ru). Il a la carrière que l’on connaît. Après sa disparition, Samantabhadra vit qu’il fallait convertir les hommes par les trois yogas (T. yo ga gsum) et envoya le Fils de dieu Ye shes tog gi rgyal mtshan. Celui-ci alla devenir le fils de Roi gtsug phud rigs bzang d’Oḍḍiyāna.[13] Il reçut également les quatre consécrations et fut loué/investi par les autres dieux comme l’homme-taureau (T. khyu mchog)[14].
Quand ils se trouvent dans la solitude du désert
Ou les enfants qui en construisent par-ci par-là en jouant
Tous ceux qui construisent des monuments symbolisant le Victorieux
Même avec des tas de sable
Trouveront l'éveil. »[11]
Toussaint traduit le nom du prince par « Belle-Houppe ». Et en effet, « phud » signifie cūḍā, houppe, touffe de cheveux sur le sommet du crâne comme la tonsure d'un brāhmaṇa. Le mot « gtsug » signifie planter, ou sommet de la tête. Le mot tibétain « gtsug tor » traduit le terme sanscrit uṣṇīṣa, qui désigne la protubérance crânienne du Bouddha. Quoi qu’il en soit, Padmasambhava comme le Bouddha ont des têtes à rameau fleuri et sont considérés comme des « hommes-taureau ». Par ailleurs, le terme « gtsug phud » se trouve surtout dans le milieu Bön.
Le pays d’Oḍḍiyāna où se manifestera notre Sauveur, est comme une représentation miniature du cosmos. Au centre du pays, la cité Radieuse (T. mdzes ldan, épithète de Vénus), au centre duquel se situe le Palais des neuf chignons (thor cog, Houppes traduit Toussaint), au centre duquel se dresse un stūpa spontanément apparu, où se trouve le temple de Heruka. La comparaison entre le palais, "au rayonnement ardent du béryl", et le Mont Meru est faite dans le texte même. Il est probable que les neuf chignons/houppes/rameaux fleuris représentent les neuf planètes, mentionnés au chapitre XIII. Il s'agit évidemment des nava graha.
Un premier fils né de l'union du roi et de la reine meurt, mais un jeune enfant autoengendré/Autogène apparaîtra miraculeusement au milieu d'un lotus à huit pétales, semblable à une roue à huit rayons ou à une étoile à huit branches. "Est-il bon ? S'il est bon, ce sera le bonheur des neuf planètes". Il deviendra le Sauveur Padmasambhava.
***
[1] WIJESEKERA, O.H. de A. Buddhist and Vedic Studies. Motilal Barnasidass, 1994, pp. 213ff.
[2] PARPOLA,
[3] The Indus script, 5. Do the 'fish' signs denote dieties?
[4] "femme ou nymphe sylvestre [yakṣī] d'une telle beauté qu'elle fait fleurir un arbre qu'elle touche du pied; en sculpture on la représente déhanchée devant un arbre śāla, touchant de la main un rameau fleuri | courtisane." Dictionnaire Héritage du Sanscrit
[5] Ancient India : Land of mystery, Lost civilizations, p. 21
[6] David Rohl,
[7] Pensons à cet égard aussi aux mères des tulkous tibétains.
[8] « Then another devata exclaimed in the Blessed One's presence: "See a concentration well-developed, a mind well-released — neither pressed down nor forced back, nor with mental fabrication kept blocked or suppressed. Whoever would think that such a naga of a man, lion of a man, thoroughbred of a man, peerless bull of a man, strong burden-carrier of a man, such a tamed man should be violated: what else is that if not blindness? » http://www.accesstoinsight.org/tipitaka/sn/sn01/sn01.038.than.html, Sakalika Sutta, SN 1.38
[9] « Il doit être fabriqué du meilleur matériau, tel le bois de santal blanc ou rouge ou le bois d'aloès (S. Agaru) etc. Au pire, il doit être fabriqué avec du bois de genévrier ou d'un arbre fruitier. » « Il doit provenir d'un endroit ou d'une montagne excellents. En tous les cas, il faudra demander la permission aux gens de cet endroit et présenter des gâteaux d'offrandes aux non-humains en leur priant de nous le donner. Ensuite, un jour, pendant la phase de la lune croissante, où l'on sait que les planètes et les constellations sont en jonction on le marque du côté de l'est et on le coupe. On le laisse bien sécher, et sans inverser le côté de la racine et du sommet, on le rabote des quatre côtés. Côté racine il doit être plus gros et côté sommet plus fin. »
[10] T. khang bu brtseg pa'i mdo
[11] Lotus blanc du Dharma authentique (S. Saddharma-pundarikā-sūtra T. Dam chos pad+ma dkar po), section des Sūtra, volume JA, page 21b :
[12] Ye shes tog gy rgyal mtshan, Fils du roi Belle-Houpe selon Gustave-Charles Toussaint, Dict de Padma, p. 55
[13] Toussaint, p. 55, PKT p. 75
[14] Les équivalents sanscrit donnés sont : gopati, vṛṣabhi, ārṣabha et ṛṣabha.
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