dimanche 17 novembre 2013

L'envol des deux ailes du bien et du mal



Les religions influencées par le zoroastrisme (qui a des racines plus profondes dans les religions de Mésopotamie) ont pour caractéristique d’affirmer une dualité entre la Lumière et les ténèbres, le bien et le mal, les cieux et la terre. Dans la religion sumérienne, la terre appartenait ultimement aux dieux. Le roi, ou roi-prêtre annexe chef de guerre, en était simplement le gérant. Avec le zoroastrisme (entre 1000 et 600 avant JC), qui est une réforme du mazdéisme, on passe du polythéisme à un monothéisme « polythéisante » centré autour d’Ahura Mazda, entouré de Spenta Mainyu, l’esprit du bien et Ahra Mainyu (Ahriman), l’esprit du mal. L’homme est en quelque sorte le champs de bataille où s’opposent ces deux forces.

Zoroastre/Zarathoustra s’opposa notamment aux sacrifices, au sacrifice de bœufs (animaux utiles à l’homme) et à la pratique du "haoma" (boisson enivrante), car l’homme ivre ne sait plus choisir entre le bien et le mal. Mais en Médie, avec les conquêtes des Achéménides (vers 556 av. J.-C.), les mages (mobed de "magupat") peuvent résister à son influence et continueront le sacrifice d’animaux et la pratique du "haoma". Des dieux anciens vont reprendre du service, tels Anahita/Nahid (≈Ishtar), déesse de l'eau et des fleuves, et Mithra, dieu solaire de la guerre. C’est Mithra qui présidera les sacrifices de taureaux et les rites liés au "haoma"[1]

La religion dominante des sogdiens semble avoir été le zoroastrisme, mais grâce à leur position géographique stratégique et leur langue étant la lingua franca (entre le 6ème et le 10ème siècle) sur la route de la soie, ils étaient très ouverts à d’autres formes de pensée et à d’autres religions : manichéisme, bouddhisme, nestorianisme, judaïsme. Ce qui ne les empêchait pas d'êtres de bons vivants.

« …le seul royaume de Samarcande, disent les Chinois, ne compte pas moins de trente grandes villes et de trois cents petites. Elles nous montrent ces aristocrates non seulement comme nous les avons vus sous l'habit de chevaliers et de guerriers, et les informateurs chinois ou musulmans les confirment, mais encore comme des hommes habillés avec soin, non avec recherche, et des femmes parées de somptueux bijoux, bracelets, colliers, diadèmes incrustés de pierres précieuses, tous amateurs de vin, de banquets, de musique, de danses, de chants, de conversations galantes, dont émane une noblesse naturelle qu'expriment les attaches fines, les doigts longs et déliés, la pureté du visage. Leur musique est appréciée partout. Leurs courtisanes ont des amants par toute la terre. »[2]

Tous les alphabets sogdiens étaient dérivés de l’alphabet araméen. De nombreux textes bouddhistes chinois furent traduits par des sogdiens, apparemment pas toujours de manière objective[3].

Le zoroastrisme a influencé les religions monothéistes (judaïsme, christianisme, islam), mais aussi le bouddhisme avec sa « bonne pensée », « bonne parole » et « bonne action ». Malgré sa tendance monothéisante, les dieux du polythéisme qui le précédait n’avaient pas dit leur dernier mot. Entre le monothéisme et le polythéisme, on trouve souvent une phase pendant laquelle les dieux (ou génies) du système polythéiste constituent ensemble le corps du Dieu unique. Ou bien au cours de l’histoire d’une religion, il peut y avoir des retours ("néo-") à la situation originelle et « authentique » de cette religion. Mais cette « situation originelle » est alors le plus souvent de l’ordre de l’imaginaire.

Pour qu’une religion soit réellement fédératrice, elle comporte et maintient souvent des liens avec toutes les filières de ses origines. Il n’est donc pas étonnant de voir que l’esprit du bien et l’esprit du mal entourant le Dieu unique deviennent des camps du bien et du mal, constitués d’êtres surnaturels qui s’opposent. Ce qui avait commencé à être intériorisé par le zoroastrisme, est de nouveau extériorisé dans un plérôme et de son combat contre les forces du mal, et qui permet à une caste des prêtres de sortir de son chômage technique et de conduire des rituels d’offrandes aux dieux et aux démons.

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[1] Source

[2] Les Sogdiens : une chevalerie raffinée au carrefour des cultures, Jean-Paul Roux

[3] Sogdian Translators in Tang China: An Issue of Loyalty par Rachel Lung

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