Joseph Smith recevant une révélation du messager céleste Moroni |
Voici comment John-Joseph Collins[1] définie le genre de l’apocalypse « à partir de l’examen phénoménologique des textes juifs, chrétiens, gnostiques, grecs, latins et iraniens échelonnés entre 250 av. J.C. et 250 ap. J.C. »[2]
« Un genre de littérature de révélation qui, dans un cadre narratif, présente une révélation transmise par un être céleste à un destinataire humain, dévoilant une réalité transcendante d’ordre à la fois temporel, dans la mesure où elle concerne le salut eschatologique, et spatial, pour autant qu’elle implique un autre monde, le monde surnaturel. »Il est encore précisé que ce genre peut se diviser en deux sous-genres, selon que les textes comportent, ou non, un voyage « céleste » du destinataire.
« Les premiers siècles de l'ère chrétienne foisonnent de telles fictions littéraires destinées á accréditer un Logos de révélation; A.-J. Festugière a étudié le phénomène à propos du Logos hermétique d’enseignement. Selon les versions de ce mythème, un prophète est instruit d'un enseignement secret soit directement, par songe, extase ou conversation avec un dieu, soit indirectement par découverte d'un écrit d'origine divine (tablettes ou stèles) ou par tradition orale ou écrite laissée par un personnage illustre. »[3]En voulant remonter aux origines des révélations, on finit souvent dans le brouillard. Les pistes sont brouillées, quelquefois à plusieurs stades.
« Or les Trois Stèles de Seth, telles qu'elles nous sont parvenues, font état de ce double procédé de transmission. Lors de la première rédaction du texte, un élu, Seth, se présentait comme ayant reçu au cours d'extases multiples un enseignement secret (118,20-23). Par la suite, un second rédacteur aurait introduit la fiction d’une découverte de Stèles pour justifier une relecture du texte primitif : un personnage, Dosithée, aurait pris connaissance de ces hymnes au cours d’une vision où il fut transporté en un lieu où ce texte était caché (118,13-19). »[4]Dosithée étant un personnage mi-historique mi-légendaire. Dans le bouddhisme ésotérique, nous trouvons des révélations (T. snyan brgyud) du même type que les apocalypses définis ci-dessus, avec des procédés de transmission très similaires. Prenons par exemple le cas d’Orgyenpa (T. grub thob 'o rgyan pa rin chen dpal, 1230-1309), dont le surnom fait allusion au pays Oḍḍiyāna[5], où il aurait eu une vision de Vajravarahi qui lui aurait révélé l’Approche du triple vajra (T. rdo rje gsum gyi bsnyen sgrub) du Kālacakra Tantra. C’est dans la même région que se situait le royaume de Gāndhāra, véritable carrefour de civilisations.
La révélation doit se situer dans un cadre narratif avec des éléments mythologiques comme un monde surnaturel (Shambala, Tuṣita...), un être surnaturel, une vision, la découverte ou la redécouverte d’un texte… Le destinataire qui reçoit la révélation d’une façon surnaturelle, rédige habituellement une glose, un commentaire, dont il sera considéré l’auteur. L’origine des révélations est presque toujours incertaine et brouillée, mais les commentaires sont le plus souvent signés par des personnes en chair et en os. Dans l'école tibétaine des Anciens et dans le Bön, on trouve aussi le procédé de la redécouverte de textes (T. gter ma). Et Advayavajra aurait redécouvert deux des cinq Traités de Maitreya.
Il n’y a aucune certitude quant à l’existence historique de nombreux mahāsiddhas à l’origine de révélations. Les destinataires de ces révélations sont souvent des personnages historiques, qui ont rédigé des commentaires et diffusé et transmis l’enseignement. Les hagiographies racontent les circonstances dans lesquelles un destinataire a reçu une révélation. Dans le cas des tantras, qui sont aussi des révélations, ils comportent un prologue et un épilogue qui fixent le cadre narratif. Rien n’empêche les emprunts de révélations par une autre tradition. Dans ce cas, le cadre narratif est simplement adapté conformément.
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[1] Towards the Morphology of a Genre, p.9
[2] Écrits gnostiques, p. 1032
[3] Les trois stèles de Seth: hymne gnostique à la Triade (NH VII,5), édité par Paul Claude
[4] Paul Claude
[5] Vallée de Swāt, région de l’actuel Khyber Pakhtunkhwa, dans la passe de Khyber, l’artère principal entre l’Afghanistan et le Pakistan, pour le trafic entre l’Inde et l’occident dans le passé. Padmasambhava serait originaire de cette région.
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