lundi 9 décembre 2019

De numérologie et de gnosticisme aryen


Exposition internationale d'hygiène de 1911

Désolé en avance pour un blog potentiellement plus nauséabond. Il s’agit d’analyser le contenu de déjections spiritualistes, pour voir quelles ingestions (et indigestions) aient pu les rendre possibles.

Johan Huizinga, lauteur de Déclin/Automne du Moyen-Âge, écrit dans le chapitre XV Le symbolisme à son déclin, comment une société en déclin s’accroche à son symbolisme en multipliant l’usage des symboles. Devenus vides, ceux-ci n’ont plus de puissance, et l’on pense qu’en les multipliant, leur nombre compensera leur manque de puissance. Mauvais calcul, cela deviendra au contraire un facteur qui accélère le déclin, parce que le manque de puissance des symboles deviendra de plus en plus évidente.
Du point de vue causal, le symbolisme se présente comme une espèce de court-circuit de la pensée. Au lieu de chercher le rapport de deux choses en suivant les détours cachés de leurs relations causales, la pensée, faisant un bond, le découvre, tout à coup, non comme une connexion de cause ou d'effet, mais comme une connexion de signification et de finalité. Un rapport de ce genre pourra s'imposer dès que deux choses auront en commun une qualité essentielle qu'on peut rapporter à une valeur générale. Ou, pour employer la terminologie de la psychologie expérimentale : toute association basée sur une similitude quelconque peut déterminer immédiatement l'idée d'une connexion essentielle et mystique. Fonction mentale assez pauvre, si l'on en restait là.” (Huizinga)
Le “court-circuit de la pensée” se traduit notamment dans la loi de correspondance basée sur la sympathie universelle. L’utilisation des correspondances par le nombre est très populaire. Les religions qui, par souci de rester traditionnelles, ont souvent conservé des arguments “Scientifiques” (numérologiques, etc.) très anciennes, comportant toujours de nombreuses correspondances de nombres.
L'assimilation ne repose souvent que sur une égalité de nombre. Une perspective immense de dépendances d'idées s'ouvre de ce fait, mais ce ne sont que des exercices d'arithmétique. Ainsi, les douze mois signifieront les apôtres; les quatre saisons, les évangélistes ; l'année, le Christ. Il se forme tout un agglomérat de systèmes de sept. Aux sept vertus correspondent les sept prières du Pater, les sept dons du Saint-Esprit, les sept béatitudes et les sept psaumes de la pénitence. Tous ces groupes de sept sont en rapport avec les sept moments de la Passion et les sept sacrements. Chacun d'eux s'oppose aux sept péchés capitaux qui sont représentés par sept animaux et suivis par sept maladies.” (Huizinga)
Le nombre sept est un argument numérologique universel, parce qu’il est dérivé du nombre des sept planètes connues à l’époque de la naissance de l’astronomie, de l’astrologie et de la magie astrale. Les sept jours de la semaine, les sept notes de la gamme pythagoricienne[1] en musique (dans un octave, la huitième note est un do tout comme la première), etc. Dans les systèmes émationnistes (comme p.e. le platonisme), le nombre 7 (ou 9, 7+2) revient régulièrement pour marquer les étapes dans les phases d’émanation et de résorption. En architecture, Les fameux ziggurats avaient sept étages. Dans sa descente dans le monde souterrain, la déesse Ishtar (akkadien)/Inanna (sumérien) doit passer sept portes en se séparant d’un de ses attributs à chaque fois. Idem pour remonter. Pour atteindre le monde de Brahma, l’âme du brahmane doit dépasser le soleil, pour y arriver. Au bout de sept naissances en brahmane... La déesse Tārā soumet les sept mondes[2] dans le louange qui lui est attribué.

Ceux qui sont attachés à une Tradition, et même ceux qui veulent la rénover ou créer une nouvelle Tradition avec des éléments d’anciennes Traditions, se soucieront toujours des arguments de type numérologique et de la loi de correspondance de la sympathie universelle. La théosophie et “lanthropologie gnostique” (source Institut gnostique) pensent pouvoir épauler “l’anthropologie officielle” ou “matérialiste”, en fouillant dans les “Archives Akashiques” (“qui se trouvent dans les Dimensions Supérieures”), et qui sont les archives de la Nature ou de la Sophia, si l’on veut. On pourrait même dire les archives de Dieu, en quelque sorte. Elles sont accessibles aux initiés, grâce à leurs “facultés internes”.

C’est ainsi que la théosophie et l’anthropologie gnostique ont découvert l'existence des races humaines vivant pendant les différents cycles de l'évolution terrestre, au nombre de sept. L’évolution en sept races était nécessaire pour que l’espèce humaine ait un corps “adapté à un monde qui n'avait pas fini de se matérialiser”. La Terre, “comme toute planète de l'espace Infini doit porter sept races, et chacune des ses races aura sept sous-races”. Je laisse découvrir les détails à ceux qui s’y intéressent.

Les Lémures étaient la première race humaine (la troisième) à avoir un corps physique matériel dans une Terre solide. La race Atlante était la quatrième, elle a vécu dans l’Atlantide. elle était plutôt impressionnante, des scientifiques et de mages à la fois ! Inventeurs de vaisseaux cosmiques et de l’énergie atomique... La cinquième race était la race Aryenne, née il y a 12.000 ans au niveau de l’Himalaya (race indo-afghane au Tibet), où vivait la première sous-race. L’humanité vivait dans une théocratie, et les Hommes faisaient la volonté de leur Père céleste, leur “Intime”. C’est l’âge d’Or de l’humanité, puisque les Dieux habitaient la Terre. En même temps, c’est le début de la dégénérescence.  (source Institut gnostique)
Les dieux décidèrent que la sixième sous race sera composée d'hommes et de femmes de tous les pays, ce qui se fait actuellement aux U.S.A. C'est l'âge de fer, la terrible époque du Kali Yuga, qui vît tant de Boddhisattvas échoués dans leur réincarnation.”  (source Institut gnostique)
Kafka avait rencontré Rudolph Steiner et avait raconté cette rencontre en 1911, dans son journal :
« Fin atlantique du monde, fin lémurienne et maintenant fin par l’égoïsme. – Nous vivons à une époque décisive. »
Ces délires de races humaines et de dégénérescence n’étaient malheureusement pas si innocentes que cela.
La cinquième sous race, correspond à la race Germanique, Anglo-saxonne. C'est l'époque des chevaliers de la table ronde, du roi Arthur…”  (source Institut gnostique)
C'est le début de l'âge de fer. Il y a encore deux autres races à venir, après la dégénérescence et la disparition de la race aryenne.
Comment pouvons-nous enrayer le déclin de notre race, s'interroge Adolf Hitler, devons nous former un cercle d'élus, véritablement initiés d’un ordre, d’une confrérie de templiers réunis autour du Saint Graal du sang pur ? Près de dix ans après leur création, les SS sont en passe de devenir cette confrérie de templiers voulue par Hitler. La garde rapprochée du führer, triée sur le volet, disciplinés et fidèles jusqu'à la mort, se transformait peu à peu en élite aryenne, en un ordre mystique voué à la création d'un empire.” (La folie aryenne - documentaire histoire)
Heinrich Himmler est celui qui voulait constituer une aristocratie raciale de surhommes à partir de cette élite, entre autre par le biais de sa Société pour la recherche et l'enseignement sur l'héritage ancestral” (Ahnenerbe).
A l'aube du XXème siècle, les villes d'Allemagne et d'Autriche sont méconnaissables. Les paysans ont fui la misère de la campagne par millions pour se plonger dans celle des usines et des fonderies de la révolution industrielle. L'afflux des masses laborieuses transforme d’élégants quartiers commerçants et aristocratiques en taudis d'ouvriers surpeuplés. Dans les villes, les valeurs de l'ordre établi sont menacés. Les appels à la démocratie, au socialisme mettent en péril le pouvoir des élites dirigeantes traditionnelles. Les croyances religieuses sont ébranlées par la science et la montée du matérialisme. Pour beaucoup, ce nouveau monde n'est que discorde et chaos. Dans les classes aristocratiques et instruites en ce début de siècle l'humeur est à la nostalgie. Les élites regrettent amèrement une époque désormais révolue, un passé qu'elle imagine plus harmonieux, structuré et spirituel.”  (La folie aryenne - documentaire histoire)
Les sources des idées alimentant les théories du retour à la nature ou à une harmonie pré-industrielle, du renouveau spirituel et de l’évolution des races humaines sont diverses. Il y a la Lebensreform (la réforme de la vie), inspirée par la Naturphilosophie (où l’on retrouve Rudolph Steiner). Elle se traduit en amour pour l’Allemagne éternelle (folklorique, “völkisch”) et un retour à la nature dans des mouvements de jeunesse (Wandervogel, Hitlerjugend, ..), pour préparer les futures élites à travers l’éducation ou la ré-éducation.
Des milliers de jeunes allemands rejoignent les Wandervogel. Ils partagent un amour mystique pour la campagne allemande, le folklore et les traditions germaniques, tandis que la science et la médecine sont rejetées comme étant des produits de la révolution industrielle. La mode est au végétarisme, aux plantes médicinales, au naturisme, à la vie en communauté, et à la méditation.

Dans toutes les villes importantes, les adeptes du Lebensreform se passionnent pour le spiritisme, l'astrologie, la magie et les sciences de toutes les doctrines privilégiée par le mouvement. Les plus influentes seront celles enseignées par une aventurière et télépathe russe, Madame Helena Blavatsky ”  (La folie aryenne - documentaire histoire)
Elle se serait faite initier au Tibet par des “élus secrets”. Ce sont ces maîtres qui lui auraient transmis l’histoire de la race humaine, celle mentionnée ci-dessus. Dès 1914, ces théories de Madame Blavatsky s’étaient répandues en Allemagne et en Autriche. Au niveau politique naissait alors parmi les peuples germanophones l’idée d’une réunification sous un empire germanique. Les écrits d’un des maîtres à penser néopaganiste d’Himmler, Guido von List (1848-1919) étaient très appréciés. Celui-ci s’intéressait à l’ésotérisme et aux écrits de Madama Blavatsky. Von List publiait dans le journal théosophique Die Gnosis (fusionné plus tard, en 1903, avec "Lucifer" en "Lucifer-Gnosis" par Rudolph Steiner), et prétendait être le dernier descendant réincarné du clergé aryen armaniste. Il croyait en l'avènement d’un nouveau millénaire aryen et en des “élus secrets”, qui étaient des “prêtres-rois” ("maîtres-rois" ?). Il appelait sa doctrine Armanenschaft ouAriosophie” (armanisme), la sagesse ("sophie") des aryens, qui avait pour rôle de protéger l'héritage occulte de leurs ancêtres aryens. Malgré la conversion forcée des tribus germaniques au christianisme, celles-ci auraient continué de pratiquer en secret leurs traditions. L'ensemble de ce savoir occulte aurait ainsi été préservé au cours des siècles par les francs-maçons, les rosicruciens et les ordres chevaleresques, tels que les templiers. Du petit-lait pour les idéologues national-socialistes germanophones.  (La folie aryenne - documentaire histoire)

De nombreux officiers militaires rejoignaient une organisation cultistes secrète inspirée par les enseignements de von List. L'ordre germanique fondée en 1912 avait des loges dans dix villes allemandes et était dirigé par un concile secret de 12 initiés. Selon von List, le futur empire armaniste serait gouverné par une assemblée similaire, une nouvelle Armanenschaft. Lors de la future création des SS l’assemblée armaniste de von List ne serait pas oubliée.  (La folie aryenne - documentaire histoire)

La science, et notamment la “survie du plus fort” du darwinisme, sera intégrée dans le nazisme sous forme d'eugénisme. Science et spiritualisme main dans la main.
Chez les sauvages, les faibles de corps et l'esprit sont vite éliminés, en revanche nous autres hommes civilisés faisons notre possible pour enrayer le processus d'élimination. Ainsi prolifèrent les membres faibles de la société moderne.”  (La folie aryenne - documentaire histoire) (Darwin - La Descendance de l’homme)
La tendance eugéniste n’était pas une exclusivité nazie, elle était venu d'ailleurs. Le documentaire La folie aryenne, mentionne Le Planning familial de Marie Stopes en Angleterre et son projet de reproduction sélective. Stope publie en 1918 “une version abrégée de Wise Parenthood qui s'adresse aux couches les plus pauvres de la société, intitulé A Letter to Working Mothers on how to have healthy children and avoid weakening pregnanciesLettre aux travailleuses, comment avoir des enfants en bonne santé et éviter les grossesses affaiblissantes »)”. Ce livre est dédié à “ à tous ceux qui souhaitent voir notre race gagner en puissance et en beauté”. “Aux Etats-Unis, la stérilisation obligatoire des handicapés mentaux des alcooliques et des criminels multirécidivistes est légale dans certains états depuis 1907”. L’eugénisme est importé en Allemagne, où il prend le nom d’ “Hygiène raciale”. “L’eugénisme endoctrine profondément la doctrine des occultistes”, raconte le voix-off du documentaire.

[texte du documentaire] A la mort de von List en 1919, “prophète du millénaire aryen”, Jörg Lanz, un ancien moine cistercien (chassé de son ordre pourpéché contre la chair ‘ “) et théologien de renom, lui succède à la tête des mystiques allemands et des visionnaires aryens. Il aura un profond impact sur le développement de l'idéologie nazie et sur celui des structures et des rites SS. Mélangeant l'occultisme aryen de Guido von List aux principes pseudo-scientifiques de l'eugénisme, Lanz crée une nouvelle doctrine : “la théozoologie” (“Die Theozoologie oder die Kunde von den Sodoms-Äfflingen und dem Götter-Elektron” - “Théozoologie, ou la science des singes de Sodome et de l’électron des dieux[3]). Il s'agit là d'une religion au culte de la race inspirée par l'histoire mystique de l'évolution raciale, relatée par Madame Blavatsky. Lanz prétend ainsi que le déclin des aryens a été provoquée par leur métissage avilissant avec une espèce sous-humaine. Il en aurait résulté l'apparition de diverses races mixtes, dont l'existence menacerait la légitime domination des aryens, qui les aurait fait perdre leurs pouvoirs paranormaux. [Fin de citation]

Lanz propose entre autres la polygamie comme méthode de purification raciale (des mères porteuses recevant la semence d’hommes raciaux purs, on pense évidemment aux élites SS). Par ailleurs, un vague petit rappel de la semence divine de Seth censé sauver l’humanité (ou des mythes de la même teneur). La stérilisation pour les plus faibles, et la déportation des races inférieures (vers Madagascar, l'île des lémuriens singes...), ou leur mise en esclavage, constituent l’autre volet du projet. Lanz avait prévu, grâce à l’astrologie, que l’Europe serait envahi par l’Est. Tout le monde connaît la suite de ces idées funestes.

Je renvoie ici encore à l’idée de lInde (et de lHimalaya) comme berceau de la religion primitive des Indo-aryens et des expéditionsraciologuesde lAhnenerbe au Tibet.

Ce qui est important en ce qui concerne “le chiffre sept”, que les sciences astrales anciennes partagent avec les sept cycles et les sept races humaines de Madame Blavatsky, n’est évidemment pas le chiffre sept. C’est l’idée de race, associée à des idées de hiérarchie, de dégénérescence, de purification, de régénération, etc. empruntés au patrimoine ésotérique, qui, lui, fait grand cas de ce genre d'idées.


***


[1] Dans la gamme pythagoricienne, le si est attribué à Saturne, le do à Jupiter, le ré à Mars, le mi au Soleil, le fa à Mercure, le sol à Vénus et le la à la Lune. Dorémifasol la science

[2] “« Je rends hommage à celle qui par « tuttara » et la syllabe « houng » emplit l’espace, le monde du désir et ses prolongement ! à la Puissante qui met à ses pieds les sept mondes et les rassemble sans exception ! »
Extrait du commentaire (Stotratantra) de Taranatha du Louange à Tārā :
“5. La cinquième stance " Hommage à celle qui de Tuttāra…" etc.
[44] Du son des formules tuttāre et hūṃ elle pénètre et remplit tous les lieux de l'univers de concupiscence (S. kāmadhātu), "les cieux", c'est-à-dire les lieux de l'univers des formes (S. rūpadhātu) et "les directions", c'est-à-dire tous les univers de mondes dans les dix directions. Tout en faisant cela, elle écrase sous ses pieds et soumet les sept mondes. Si, par la force des formules (S. vidyā) que tu as consacrées, tu as le pouvoir d'attirer même les grands dieux comme Maheśvara etc. comme tes esclaves/serviteurs, que dire de tes pouvoirs mineurs ?
Les "sept mondes" dans ce [vers] peuvent être les sept habitats (t. snod), les sept types d'habitants (t. bcud), la combinaison des sept habitats et des sept types d'habitants etc. Il y a différentes façons de l'interpréter. Dans ce cas, ce sont les sept mondes de support (t. mthu dang ldan pa'i 'jig rten) : les mondes des nāga, des preta, des asura, des humains, des vidyadhara, des kinnara et des deva.”

[3] On craint le pire avec ce genre de titre. Je n’ai pas lu le livre, mais dans les cercles ésotériques on peut lire des passages comme celui-ci:
Descendants de la race Lémurienne. – Les aborigènes de l'Australie et de la Tasmanie proviennent de la 7ème sous-race Lémurienne. Les Malais, Papous, Hottentots et les Dravidiens du sud de l'Inde proviennent d'un croisement de cette 7ème sous-race et des 1ères sous-races Atlantes. Toutes les races nettement noires ont une descendance Lémurienne.
L'occultisme affirme que les singes anthropoïdes sont les derniers descendants d'un métissage d'hommes et d'animaux qui se fit vers la fin de la 3ème race.” http://misraim3.free.fr/divers2/la_genealogie_de_l_homme.pdf

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