samedi 5 juin 2010

Voir Naropa


Voici trois façons de voir Naropa.




1. Pendant son troisième et dernier voyage en Inde, Marpa eut une vision de Naropa.
"A la pointe d'un santal au feuillage luxuriant, brillait une sphère de lumière arc-en-ciel dont les couleurs chatoyantes frôlaient les branches. A l'intérieur, Marpa distingua clairement le mandala complet, avec les neuf divinités, du vainqueur Hevajra, leurs couleurs, attributs, ornements et autres signes distincliifs étincelants. Comprenant qu'il s'agissait de la manifestation de son maître, Marpa se prosterna, lui fit des offrandes et le pria. Du cœur de la parèdre Nairātmya, depuis le cercle formé par les huit syllabes du mantra qui semblaient avoir été dessinées par la pointe d'un cheveu, jaillirent des rais de lumière qui vinrent se fondre dans son cœur. Marpa comprit que cela émanait de la bonté du grand pandit Naropa et reçut ainsi la bénédiction du corps et l'initiation de la parole. Malgré sa joie, son aspiration à revoir son maître était si forte qu'il fondit en larmes, implorant et suppliant. Alors, le grand pandit Naropa surgit, paré de tous les ornements des charniers, déployant la fascination et les autres signes des neuf attitudes du Heruka."[1]

2. Nag tsho Tshul khrims rgyal ba (1011 -1064) était envoyé en mission en Inde pour ramener Atiśa. Ce dernier avait besoin d'une année pour préparer son départ de Vikramaśīla. Il devait arriver au Tibet en 1042. En attendant Nagtso Lotsāwa décida d'aller voir Nāropā (mort autour de 1041) à Phullahari dans l'Inde oriental. Il a dû le voir vers la fin de sa vie et donne la description suivante de Nāropā :
"Puisque j'étais parti seul comme un moine insignifiant pour inviter le Seigneur Atiśa et que celui-ci devait rester encore un an à Magadha, j'avais eu l'intention de visiter le Seigneur Nāropā, dont la réputation était immense. Je voyageais vers l'est de Magadha pendant un mois, comme j'avais appris que le Seigneur demeurait dans un vihara connu sous le nom de Phullahari. J'étais très chanceux de le rencontrer. Le jour de mon arrivée, on disait qu"un prince féodal était arrivé pour lui rendre hommage. J'y suis donc allé et voyais qu'un grand trône avait été érigé. Je m'asseyais en face. La foule commença à s'exciter "Le Seigneur arrive !"Je regardais et voyais que le Seigneur était assez corpulent, aux cheveux blancs teintés en rouge (avec du henné) et portant un turban vermillon. Il était porté (sur un palanquin) par quatre hommes et mâcha du bétel. Je saisis ses pieds en pensant "Il faut que j'entende ce qu'il dit". Mais les gens me poussaient de plus en plus fortement et de plus en plus loin de son siège et finalement j'étais éjecté hors de la foule. Alors j'ai pu voir la face du Seigneur, mais je n'ai pas pu l'entendre."[2]
3. Chant-vajra de Nāropa
Hommage à Mañjuvajra

C'est par les représentations (S. vikalpa), le venin intoxicant du serpent,
Que la conscience (S. svacitta) est atteinte
Tant qu’il y a des représentations différenciées
On y sera asservi
Et on éprouvera des peines inutiles
Ce n'est pas par des illusions poursuivant d'autres illusions
Que l'on s'en débarrassera

Mais c’est en héros (S. vīra) engagé
Qu’il faut accéder au Réel (S. tathatā)
Plus on analysera (T. rnam dpyad) [les représentations]
Et plus on s'en débarrassera

Avec son nombre croissant de têtes toxiques, la Prajñā
Dévorera le soi (T. bdag nyid)
Nourissez-la donc du lait du samādhi
Cela tuera le mangouste (T. ne’u le) de la représentation différenciée (S. vikalpa)

Avec ses centaines de têtes de serpent, la Prajñā
Devore Nāropa en permanence
Qui peut le savoir ?
C’est Nāropa lui-meme qui le sait
Et c’est Nāropa lui-même qui l’écrit.

Ainsi se termine le chant-vajra (S. Vajra-gīti) du Mahāyoga de Nāropa
***
[1] Marpa, Claire Lumière, pp110-111. Hagiographie écrite au XVème siècle par gTsang-smyon heruka, également l'auteur des Chants de Milarepa. Selon cette hagiographie, après avoir instruit Milarepa et en partant en Inde pour la 3ème fois, Marpa (1010-1087 ou 1012-1092) aurait rencontré Atiśa juste avant l'arrivée au Tibet de ce dernier (1042). Marpa devait dans ce cas avoir eu environ 32 ans...
[2] Davidson p. 317, p.412 note 44
Rnal 'byor byang chub seng ge'i dris lan, SKB III.277.4.5-278.2.2:
[3] PKTG 3137 Vajra-gīti / rdo rje’i glu par Nāropa / Mahāyoga Nāḍapāda
Vol. 69, rgyud ‘grel XLVII (page 139)


Version Wylie du chant de Naropa

rdo rje’i glu

Bcom ldan ‘das ‘jam dpal rdo rje la phyag ‘tshal lo

rnam rtog sbrul gdug g.yo can gyis,
zin par gyur to rang gi sems,
ji ltar ji ltar rnam rtog pa,
de ltar de ltar rnam par bcings,
don med sdug bsngal mang po myong,
‘khrul pa’i rjes su ‘brangs pa yis,
‘khrul pa spongs par mi ‘gyur te,
dpa’ bo snying rjer ldan pa yis,
de bzhin nyid la goms par gyis,
ji ltar ji ltar rnam dpyad na,
de ltar de ltar rnam par bral,
shes rab sbrul gdug mgo mangs kyis,
bdag nyid la ni za bar byed,
shes rab sbrul gdug mgo mangs ni,
ting ‘dzin ‘o mas rtag tu gsos,
rnam rtog ne’u le gsod par byed,
shes rab sbrul mgo brgya pa yis,
nA ro pa lo rtag tu za,
de ni su yis shes pa yin,
nA ro pa ni nyid kyis shes,
nA ro pa ni nyid la dris,

Ma hA yo ga nA ro pa’i rjo rje’i glu rdzogs so

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