mercredi 16 juin 2010

Oeuvre : Caryagiti 32


Ni nāda, ni bindu, ni les cercles du soleil et de la lune
Le souverain[1] de la conscience est libéré par son être propre (S. svabhāva)
Ne quitte pas le droit chemin[2], n'en prend pas un autre
L'éveil (S. bodhi) est là (Litt. nye ba), ne t'éloigne pas
Ne prends pas un miroir pour voir tes bracelets (Ap. kaṅkaṇa)
Le Soi (Ap. apā T. bdag nyid) est connu immédiatement par le Soi (Ap. apaṇe)[3]
Ceux qui vont d'une rive à l'autre
S'associent/s'identifient à un individu misérable qui mourra
Ceux qui vont de droite à gauche s'éloignent du but
Saraha, lui, suit le chemin le plus droit[4] !


***

[1] cia-rāa Munidatta : citta-ratnam, mais plus loin aussi citta-rāja. rāa peut être interprété comme "ratna" ou comme "rāja". Ici, Mundidatta a choisi "ratna", le traducteur tibétain "rāja".
[2] En apabhraṃśa seulement "droit" (baṅka M. vakra-mārgaṃ) sans mention de chemin. Après avoir déconseillé le chemin des "nāda, bindu et maṇḍala du soleil et de la lune", il serait étonnant que le "droit chemin" se réfère au canal médian, qui s'est constitué entre les deux gouttes et qui fait partie du système déconseillé.
[3] Ou bien "on se connaît soi-même directement" si la formule avec "le Soi" fait peur. Nia maṇa (T. gnyug ma'i yid) n'est pas représenté dans la traduction tibétain. apaṇe apā bujha tu nia maṇa M. : nija-manasā bodhicittasya svarūpaṃ jānīhi. On retrouve gnyug ma'i yid dans le dohākośagīti de Saraha. Selon Shahidullah bujjhia et bujhia correspondent aux traductions tibétaines "shes" et "rtogs". tuhu = tvam = khyod, te=tad, to=tad
[4] Comme la flèche.


En ce qui concerne les nāda, bindu et maṇḍala du soleil et de la lune, voici comment André Padoux décrit le système Trika du Tantrasadbhāva [5]. Dans ce système ésotérique, les divinités sont dites avoir pour essence la Parole, qui n'est autre que l'énergie, la Puissance (śakti) de la divinité suprême [6], la conscience absolue, union de lumière et de conscience. Chaque phonème de l'alphabet sanscrite correspond à un aspect différent de cette puissance créatrice. L'énergie divine, qui n'est autre qu'Umā [7] la partenaire de Śiva, est lovée autour de la goutte (bindu) du cœur comme un serpent endormi. Elle s'éveille avec une vibration phonique subtile (nāda) faite de connaissance et elle est barattée par la goutte (bindu) (Śiva) présent en son sein. Ce barattement produit des points lumineux (bindu), qui font se lever la force subtile (kuṇḍalinī), qui se tient entre ces deux gouttes (Śiva et śakti). Ainsi c'est au bout de la langue (ou au fond de la gorge comme disait Virūpa) que naissent tous les phonèmes. La goutte (bindu) qui naît du nāda est le rassemblement sur elle-même, la concentration, de l'énergie de la parole. Dans Caryāgīti n° 39 Saraha parlera de "l'être merveilleux produit par [la syllabe] Hūṃ".

"Dans la structure du corps imaginal, bindu désigne souvent le chakra du milieu du front, point par lequel passe la kuṇḍalinī avant d'arriver au brahmarandhra, point limite supérieur du corps. Mais il y a aussi un bindu du cœur, d'où cette dernière peut s'élever."[8]

[5] Comprendre le tantrisme, les sources hindoues, Albin Michel, p.168
[6] Ou le Seigneur suprême (S. parameśvara T. mchog gi dbang phyug) dont parle Virūpa
[7] "Il y en a qui se fixent sur le Seigneur (S. īśvara) et sur son épouse Umā. Se ligotant eux-mêmes avec le lasso des liens existentiels (T. srid pa'i 'ching). Les 84 vers de Virupa"
[8] Padoux, p.175


Version en tibétain (Wylie)
nA da thig le nyi zla dkyil 'khor med//
sems kyi rgyal po ngo bo nyid kyis grol//
drang po'i lam spang gzhan ni ma len cig/
byang chub nye ba ring du ma 'gro re//
lag gdub blta la me long ma len cig//
bdag gis bdag nyid nyes par shes so//
pha rol tshu rol 'gro ba de yis so//
sdug pa'i skye bo dang 'grogs 'chi bar 'gyur//
gang gi g.yas g.yon dag ni don dang g.yang*//
sa ra has smras drang po'i lam mo kye//

Version en apabhraṃśa

nāda na bindu na rabi na saśimaṇḍala/
ciarāa sahābe mukala//
uju re uju chāri mā lehu re baṅka/
niaṛi bohi mā jāhu re laṅka//
hāthe re kāṅkāṇa mā leu dāpaṇa/
apaṇe apā bujha tu nia maṇa//
pāra uāre joi gajaï/
dujjaṇa sāṅge abasa mari jāi//
bāma dāhiṇa jo khāla bikhalā/
Saraha bhaṇaï bapā ujubāṭa bhāilā//


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