En prenant le discours du Guide comme chemin à suivre,
Comment pourras-tu de nouveau t'associer (T. sdong) avec [des songes] ?
Dans l'espace du merveilleux (S. āścarya) produit par [la syllabe] Hūṃ
L'épouse (S. jāyā) trompeuse (Baṅge T. kyog pa ) utilise la superchérie (T. bslad)
Pour aller vers l'autre rive et la détruire[3] (T. 'joms pa)
[Par] tes diverses perceptions dualistes (Ap. biṇāṇā S. vijñāna)
Tu t'égares dans ce monde merveilleux !
Tu y percevras un soi et un autre !
Ce monde (T. 'gro S. jagat) est comme une bulle d'eau
Le Soi (T. bdag Ap. apaṇā) est la vacuité[4] de la part connaturelle (S. sahaja)
Disposant de ce nectar de non-mort (S. amṛta) avale (T. mid) les poisons !
Si le Soi séjourne (bāsa=vāsa=khyim) dans la conscience dépendante (T gzhan dbang S. paratantra)
C'est en buvant ["les poisons"] que le Soi comprend !
Le Soi dévorera les proches (T. gnyen 'dun) corrompues
Saraha dit que c'est mieux d'avoir une étable vide [5]
A quoi bon (Ap. ki mo) un boeuf corrompu ?[6]
Seul (Ap. ekele T. gcig pus), il détruirait le monde (S. jagat)
Le Soi agit librement (Ap svacchande)
***
[1] suiṇe, peut être "suṇa" (vacuité) ou "supna" (rêve). "hrol" signifie "bdral", séparer ou déchirer. abidyāraa est traduit par "étendre ses bras". J'ai choisi pour "supna" rêve.
[2] L'interjection en apabhraṃśa "re" est rendu en tibétain par "kye" ou "kye ma". Il se traduit en français par "Eh !". Je ne garderai que le signe d'exclamaton. L'interjection a pour fonction chez Saraha de secouer, reveiller son interlocueur.
[3] pha rol 'gro ba 'jomps pa yis" Détruire l'autre monde à cause du parallèle plus loin, "il détruira seul le monde" gcig pus 'gro ba 'joms par byed"
[4] ici même apb a suṇa, vacuité
[5] Nugteren (2005: p. 146) contextualizes the Buddhadharma 'inheritance' of the term 'gotra' (Sanskrit) from the wider tradition, where 'gotra' literally means 'cowshed'.[3]
[6] Selon M. accorder de la force (stobs) aux objets psychosensoriels. (duṣṭa = souillure bala = force)
Quelques commentaires
Ce chant est de loin le plus difficile des quatre. On y entre dans le coeur de la matière. Toutes les traductions et les interprétations divergent. Les deux versions du commentaire de Munidatta prennent un point de vue ésotérique et il faut avouer qu'à première vue ces vers pourront s'y prêter. Il est impossible de ne pas entrer dans des spéculations diverses en traduisant et en interprétant ces vers. Donnons-nous-y alors à cœur joie. Mon point de vue et parti pris seront ceux d'Advayavajra dans son commentaire[1] sur le Dohākośagīti de Saraha.
Mais Saraha, ainsi que d'autres, ont déjà mis en garde contre ce chemin, qui pour lui n'est pas un chemin droit. Le mental a pour défaut d'accorder une réalité à ses créations, à ses songes. A mon avis, Saraha dit dans ce chant que le mental a ce défaut, on le sait. Alors pourquoi s'associer de nouveau à un autre songe, même de Heruka ?
"Le discours du Guide" est celui du Guide intérieur, du Seigneur, vers lequel un guide extérieur nous a guidés selon la méthode d'Advayavajra. Quand on accès à ce "dhyāna naturel et continu"
Pourquoi entrer des méthodes artificielles qui ne sont que des créations mentales et donc semblables à des songes ? A mon avis, Saraha donnera ci-après un exemple d'une méthode qui selon lui est une méditation créée.
C'est à partir de la vacuité, puis de la syllabe-germe Hūṃ qu'est produit le Heruka (ou Hūṃ-kāra selon Munidatta) avec son univers merveilleux, son maṇḍala.
Nairātmya est l'épouse (S. jāyā "qui engendre"), la (contre)partie naturelle (S. sahaja), la Puissance du Heruka. Elle est la Māyā qui voile la réalité. "Cette maîtresse d'erreur et de fausseté" comme dirait Pascal (Pensées, 82). On peut en être dupe ou on peut la reconnaître pour ce qu'elle est, voire activement entrer ce voile pour le transformer ce qui est l'objet de la méthode ésotérique.
Saraha prône la méthode naturelle (Sahaja), qui évite l'installation sur une des deux rives sans l'intention de les détruire. En suivant une méthode qui cherche somme toute de détruire le monde imparfait (ou considéré comme tel), de le remplacer ou de le couvrir de surnaturel, bref de le transformer, on ne peut pas se défaire de l'idée d'un refus et donc d'une dualité.
En ne reconnaissant pas le monde comme une manifestation vide inhérente à la vacuité, en refusant le monde imparfait tel qu'on l'éprouve à travers nos perceptions dualistes et même en voulant le transformer par les mantras etc. en un monde merveilleux, on s'égare selon Saraha.
En fin de compte ("the bottom line"), il y a un refus et pas un élan.
La dualité, le jeu des oppositions, reste toujours de vigueur.
Traditionnellement la bulle d'eau symbolise la fragilité et le caractère impermanent. On peut aussi remarquer que la bulle d'eau est faite avec de l'eau et n'est rien d'autre qu'une sphère vide renfermant de l'espace et recouverte d'une fine couche d'eau.
En quelque sorte un "Soi" doué de conscience. On pourrait éventuellement traduire toutes les occurrences de "bdag" ou "apaṇā" comme je, première personne du singulier pour bien marquer qu'il s'agit d'une instruction bouddhiste et pour poser les limites. Il faut dire que les (mahā)siddhas, qui venaient de tous les bords et qui passaient très facilement de l'un à l'autre, n'étaient pas vraiment préoccupés par la définition du "Soi". L'époque des siddha et des mahāsiddha fait d'ailleurs suite à une longue période de polémiques ou de dialogue sur la nature du Soi entre bouddhistes et non-bouddhistes. Tout naturellement, cela a eu un impact sur la conception du Soi, d'un côté comme de l'autre. Le mahāyāna a constaté la nature vide de toutes les désignations conventionnelles (S. prajñapti), les siddha se sont franchement amusées avec… Le Soi est défini ici comme l'union de vacuité, appelée quelquefois la "part première" (T. cig shos), et la part connaturelle (S. sahaja T. lhan cig skyes pa). Cette conception d'une vacuité "enceinte" et non inerte fait pendant au couple Śiva-śakti.
Les poisons ici sont les objets sensoriels (S. viṣaya). Quand on suit la voie de renoncement, ils sont à prescrire et sont considérés comme des poisons. Quand on suit un chemin de transformation (avec deva-yoga) on transforme ces poisons en nectar. Sur le chemin de la connaissance on dispose d'ores et déjà de ce nectar. En reconnaissant les objets sensoriels comme des manifestations inhérentes à la vacuité, on peut les utiliser sans qu'ils nous nuisent.
Si ce Soi, tel que défini ci-dessus, s'installe "en toute confiance" dans la conscience dépendante, donc en utilisant tous les objets sensoriels au lieu de se couper d'eux en les considérant comme des poisons
C'est en buvant ces "poisons" que le Soi les reconnaîtra comme siens, comme nectar.
Cela ne vaut pas seulement pour les objets (S. viṣaya) extérieurs, mais aussi pour les objets intérieurs, qui nous sont plus "proches". Toutes ces "proches" corrompues, le karma et les facultés sensorielles selon Munidatta, seront dévorées par le même procédé. Le terme "corrompu" revient plusieurs fois. Munidatta l'utilise aussi pour les objets sensoriels qui sont "corrompus" En tibétain "ma rungs pa" signifie "déconvenable". En apabhraṃśa "duṭha", qui correspond au terme sanscrite "duṣṭa", signifie corrompu, souillé, contaminé, vicieux.
Enigmatique. L'étable vide correspond selon Kvaerne au corps. Le bœuf (S. balada) étant sans doute le mental (S. manas). Le chant a commencé avec le mental, il terminera avec le mental, symbolisé par un bœuf. L'étable vide fait penser au verset de Ramasimha (L'offrande de distiques, traduite par Colette Caillet) : "192 Au (Soi) qui, des lieux inhabités fait son habitation, qui laisse vide le lieu habité/ il faut, yogin, faire oblation, - au (Soi) qui transcende péché et mérite."
A quoi bon un mental qui ne perçoit pas correctement et qui embrasse des songes en leur attribuant une réalité qu'ils n'ont pas ?
Si on laissait ce bœuf seul en charge, il détruirait le monde. Je ne suis pas certain du sens voulu. Le mental introduit des notions d'existence, de naissance et de mort. En s'identifiant avec cette existence, on devient soi-même mortel et sujet à la destruction.
Dans l'approche non-duelle que propose Saraha, il n'y a pas de dualité entre la vacuité et la conscience ou entre nirvikalpa et vikalpa. La vacuité n'est pas inerte mais enceinte de potentiel, elle n'est pas isolée de ses manifestations qui ne sont pas produites (S. anutpatti). Elle agit selon son propre désir (S. svachanda), librement.
[1] Peking Tg. n° 3120, Vol. 69, rgyud 'grel XLVII, pages 111-127, folios 97a – 127. Dege D2268. TBRC W23702-1038-eBook.pdf) (p232)
Version en tibétain (Wylie)
stong nyid lag pas hrol cig kye//
khyod kyi rang gi yid kyi skyon//
bla ma'i gsung gi spyod lam kye//
khyod nyid slar sdong ji lta bu//
rmad byung hUM skyes nam mkha' la//
kyog por 'gro ba bslad gyis la//
pha rol 'gro ba 'joms pa yis//
khyod kyi g.yo sgyu sna tshogs pa//
ngo mtshar srid pa'i gti mug la//
kye ma rang dang gzhan dag mthong*//
'gro 'di chu yi chu bur 'dra//
lhan cig skyes pa'i stong pa bdag//
bdud rtsi yod bzhin dug mid kye//
gzhan dbang sems kyi bdag khyim na//
btung ba bdag gis go'o kye//
bdag ni ma rungs gnyen 'dun za//
sa ra has smras mchog yid gyur//
bdag ci ma rungs glang la ni//
gcig pus 'gro ba 'joms par byed//
kye ma bdag ni rang 'dod spyod//
Version en apabhraṃśa
suiṇe abidyāraa re nia mana tohorẽ dose/
guru baaṇa biphārẽ re thākiba taï puṇa kaïse//
akaṭa hũ bhaba gaaṇā/
Baṅge jāyā nilesi pāre bhāgela tohora biṇāṇā//
adabhua bhaba moha re disaï para apaṇā/
e jaga jalabimbakāre sahajẽ suṇa apaṇā//
amiā acchantẽ bisa gilesi re cia para basa apā/
ghārẽ pārẽ kā bujjhile ma re khāiba maï duṭha kuṇḍabẵ//
Saraha bhaṇanti bara suṇa gohālī ki mo duṭha baladẽ/
ekele jaga nāśia re biharahũ svacchandẽ//
Quelques commentaires
Ce chant est de loin le plus difficile des quatre. On y entre dans le coeur de la matière. Toutes les traductions et les interprétations divergent. Les deux versions du commentaire de Munidatta prennent un point de vue ésotérique et il faut avouer qu'à première vue ces vers pourront s'y prêter. Il est impossible de ne pas entrer dans des spéculations diverses en traduisant et en interprétant ces vers. Donnons-nous-y alors à cœur joie. Mon point de vue et parti pris seront ceux d'Advayavajra dans son commentaire[1] sur le Dohākośagīti de Saraha.
Ouvrir tes bras aux songes c'est ton défaut!, mental
Le choix se fait entre ouvrir les bras et déchirer et entre rêve et vacuité. Le mental a pour défaut d'embrasser le songe ou la vacuité, ou de les déchirer. Le tibétain ajoute l'impératif "déchire la vacuité !" c'est ton défaut mental. Ce qui est mis en question dans ce chant et dans le commentaire de Munidatta est que la vacuité seule est inerte et infertile. Pour Munidatta c'est ce qui justifie l'entrée dans la pratique du Heruka conformément au Hevajra Tantra etc.Mais Saraha, ainsi que d'autres, ont déjà mis en garde contre ce chemin, qui pour lui n'est pas un chemin droit. Le mental a pour défaut d'accorder une réalité à ses créations, à ses songes. A mon avis, Saraha dit dans ce chant que le mental a ce défaut, on le sait. Alors pourquoi s'associer de nouveau à un autre songe, même de Heruka ?
En prenant le discours du Guide comme chemin à suivre,
"Le discours du Guide" est celui du Guide intérieur, du Seigneur, vers lequel un guide extérieur nous a guidés selon la méthode d'Advayavajra. Quand on accès à ce "dhyāna naturel et continu"
Comment pourras-tu de nouveau t'associer (T. sdong) avec [des songes] ?
Pourquoi entrer des méthodes artificielles qui ne sont que des créations mentales et donc semblables à des songes ? A mon avis, Saraha donnera ci-après un exemple d'une méthode qui selon lui est une méditation créée.
Dans l'espace du merveilleux (S. āścarya) produit par [la syllabe] Hūṃ
C'est à partir de la vacuité, puis de la syllabe-germe Hūṃ qu'est produit le Heruka (ou Hūṃ-kāra selon Munidatta) avec son univers merveilleux, son maṇḍala.
L'épouse (S. jāyā) trompeuse (Baṅge T. kyog pa ) utilise la supercherie (T. bslad)
Nairātmya est l'épouse (S. jāyā "qui engendre"), la (contre)partie naturelle (S. sahaja), la Puissance du Heruka. Elle est la Māyā qui voile la réalité. "Cette maîtresse d'erreur et de fausseté" comme dirait Pascal (Pensées, 82). On peut en être dupe ou on peut la reconnaître pour ce qu'elle est, voire activement entrer ce voile pour le transformer ce qui est l'objet de la méthode ésotérique.
Pour aller vers l'autre rive et la détruire (T. 'joms pa)
Saraha prône la méthode naturelle (Sahaja), qui évite l'installation sur une des deux rives sans l'intention de les détruire. En suivant une méthode qui cherche somme toute de détruire le monde imparfait (ou considéré comme tel), de le remplacer ou de le couvrir de surnaturel, bref de le transformer, on ne peut pas se défaire de l'idée d'un refus et donc d'une dualité.
[Par] tes diverses perceptions [dualistes] (Ap. biṇāṇā S. vijñāna)
En ne reconnaissant pas le monde comme une manifestation vide inhérente à la vacuité, en refusant le monde imparfait tel qu'on l'éprouve à travers nos perceptions dualistes et même en voulant le transformer par les mantras etc. en un monde merveilleux, on s'égare selon Saraha.
Tu t'égares dans ce monde merveilleux !
En fin de compte ("the bottom line"), il y a un refus et pas un élan.
Tu y percevras un soi et un autre !
La dualité, le jeu des oppositions, reste toujours de vigueur.
Ce monde (T. 'gro S. jagat) est comme une bulle d'eau
Traditionnellement la bulle d'eau symbolise la fragilité et le caractère impermanent. On peut aussi remarquer que la bulle d'eau est faite avec de l'eau et n'est rien d'autre qu'une sphère vide renfermant de l'espace et recouverte d'une fine couche d'eau.
Le Soi (T. bdag Ap. apaṇā) est la vacuité de la part connaturelle (S. sahaja)
En quelque sorte un "Soi" doué de conscience. On pourrait éventuellement traduire toutes les occurrences de "bdag" ou "apaṇā" comme je, première personne du singulier pour bien marquer qu'il s'agit d'une instruction bouddhiste et pour poser les limites. Il faut dire que les (mahā)siddhas, qui venaient de tous les bords et qui passaient très facilement de l'un à l'autre, n'étaient pas vraiment préoccupés par la définition du "Soi". L'époque des siddha et des mahāsiddha fait d'ailleurs suite à une longue période de polémiques ou de dialogue sur la nature du Soi entre bouddhistes et non-bouddhistes. Tout naturellement, cela a eu un impact sur la conception du Soi, d'un côté comme de l'autre. Le mahāyāna a constaté la nature vide de toutes les désignations conventionnelles (S. prajñapti), les siddha se sont franchement amusées avec… Le Soi est défini ici comme l'union de vacuité, appelée quelquefois la "part première" (T. cig shos), et la part connaturelle (S. sahaja T. lhan cig skyes pa). Cette conception d'une vacuité "enceinte" et non inerte fait pendant au couple Śiva-śakti.
Disposant de ce nectar de non-mort (S. amṛta) avale (T. mid) les poisons !
Les poisons ici sont les objets sensoriels (S. viṣaya). Quand on suit la voie de renoncement, ils sont à prescrire et sont considérés comme des poisons. Quand on suit un chemin de transformation (avec deva-yoga) on transforme ces poisons en nectar. Sur le chemin de la connaissance on dispose d'ores et déjà de ce nectar. En reconnaissant les objets sensoriels comme des manifestations inhérentes à la vacuité, on peut les utiliser sans qu'ils nous nuisent.
Si le Soi séjourne dans la conscience dépendante (T gzhan dbang S. paratantra)
Si ce Soi, tel que défini ci-dessus, s'installe "en toute confiance" dans la conscience dépendante, donc en utilisant tous les objets sensoriels au lieu de se couper d'eux en les considérant comme des poisons
C'est en buvant ["les poisons"] que le Soi comprend !
C'est en buvant ces "poisons" que le Soi les reconnaîtra comme siens, comme nectar.
Le Soi dévorera les proches (T. gnyen 'dun) corrompues
Cela ne vaut pas seulement pour les objets (S. viṣaya) extérieurs, mais aussi pour les objets intérieurs, qui nous sont plus "proches". Toutes ces "proches" corrompues, le karma et les facultés sensorielles selon Munidatta, seront dévorées par le même procédé. Le terme "corrompu" revient plusieurs fois. Munidatta l'utilise aussi pour les objets sensoriels qui sont "corrompus" En tibétain "ma rungs pa" signifie "déconvenable". En apabhraṃśa "duṭha", qui correspond au terme sanscrite "duṣṭa", signifie corrompu, souillé, contaminé, vicieux.
Saraha dit que c'est mieux d'avoir une étable vide
Enigmatique. L'étable vide correspond selon Kvaerne au corps. Le bœuf (S. balada) étant sans doute le mental (S. manas). Le chant a commencé avec le mental, il terminera avec le mental, symbolisé par un bœuf. L'étable vide fait penser au verset de Ramasimha (L'offrande de distiques, traduite par Colette Caillet) : "192 Au (Soi) qui, des lieux inhabités fait son habitation, qui laisse vide le lieu habité/ il faut, yogin, faire oblation, - au (Soi) qui transcende péché et mérite."
A quoi servirait (Ap. ki mo) un boeuf corrompu ?
A quoi bon un mental qui ne perçoit pas correctement et qui embrasse des songes en leur attribuant une réalité qu'ils n'ont pas ?
Seul (Ap. ekele T. gcig pus), il détruirait le monde (S. jagat)
Si on laissait ce bœuf seul en charge, il détruirait le monde. Je ne suis pas certain du sens voulu. Le mental introduit des notions d'existence, de naissance et de mort. En s'identifiant avec cette existence, on devient soi-même mortel et sujet à la destruction.
Le Soi agit librement (Ap svacchande S. svachanda)
Dans l'approche non-duelle que propose Saraha, il n'y a pas de dualité entre la vacuité et la conscience ou entre nirvikalpa et vikalpa. La vacuité n'est pas inerte mais enceinte de potentiel, elle n'est pas isolée de ses manifestations qui ne sont pas produites (S. anutpatti). Elle agit selon son propre désir (S. svachanda), librement.
[1] Peking Tg. n° 3120, Vol. 69, rgyud 'grel XLVII, pages 111-127, folios 97a – 127. Dege D2268. TBRC W23702-1038-eBook.pdf) (p232)
Version en tibétain (Wylie)
stong nyid lag pas hrol cig kye//
khyod kyi rang gi yid kyi skyon//
bla ma'i gsung gi spyod lam kye//
khyod nyid slar sdong ji lta bu//
rmad byung hUM skyes nam mkha' la//
kyog por 'gro ba bslad gyis la//
pha rol 'gro ba 'joms pa yis//
khyod kyi g.yo sgyu sna tshogs pa//
ngo mtshar srid pa'i gti mug la//
kye ma rang dang gzhan dag mthong*//
'gro 'di chu yi chu bur 'dra//
lhan cig skyes pa'i stong pa bdag//
bdud rtsi yod bzhin dug mid kye//
gzhan dbang sems kyi bdag khyim na//
btung ba bdag gis go'o kye//
bdag ni ma rungs gnyen 'dun za//
sa ra has smras mchog yid gyur//
bdag ci ma rungs glang la ni//
gcig pus 'gro ba 'joms par byed//
kye ma bdag ni rang 'dod spyod//
Version en apabhraṃśa
suiṇe abidyāraa re nia mana tohorẽ dose/
guru baaṇa biphārẽ re thākiba taï puṇa kaïse//
akaṭa hũ bhaba gaaṇā/
Baṅge jāyā nilesi pāre bhāgela tohora biṇāṇā//
adabhua bhaba moha re disaï para apaṇā/
e jaga jalabimbakāre sahajẽ suṇa apaṇā//
amiā acchantẽ bisa gilesi re cia para basa apā/
ghārẽ pārẽ kā bujjhile ma re khāiba maï duṭha kuṇḍabẵ//
Saraha bhaṇanti bara suṇa gohālī ki mo duṭha baladẽ/
ekele jaga nāśia re biharahũ svacchandẽ//
Merci beaucoup,
RépondreSupprimerPour ce qui est du boeuf, je dirais que c'est le petit égo, la création du mental limité en effet. En opposition ici au "Soi", un seul maître devant habiter la maison ou l'étable...
Encore merci, j'aime ces textes bouddhistes qui n'ont pas peur de prononcer le mot Soi..