Les Instructions de la remémoration unique ou de la compréhension intuitive simultanée.
En lange indienne : Ekasmṛtyupadeśa
En tibétain : dran pa gcig pa'i man ngag[1] / [ci car 'jug pa'i man ngag]
Hommage au bienheureux Seigneur du monde
Après m'être respectueusement incliné devant l'omniscient
Et ayant rendu hommage à Ārya Nāgārjuna,
Moi, Avadhūtipa[2],
J'écrirai ici les instructions de l'éntrée simultanée/la compréhension intuitive simultanée.
A partir de la première génération de la motivation du candidat-bouddha, jusqu'à la grande consécration (S. abhiṣeka)[3], il y a deux choses à développer : la lucidité (S. prajñā) et l'engagement altruiste (S. upāya).
La lucidité (S. prajñā) consiste en le savoir que tous les faits psychiques ne sont pas produits depuis l'origine et qu'ils ne sont autres que l'élément des faits psychiques (S. dharmadhātu). Elle se pratique par une culture mentale continue, jour et nuit, du commencement jusqu'à la consécration[4].
L'engagement altruiste (S. upāya) consiste en la pensée d'éveil qui ne renonce pas aux êtres. La pratique [des expédients] est de consacrer tous les actes mentaux, verbaux ou physiques, directement ou indirectement, à tous les êtres. Il se pratique en deux phases. Une phase pendant laquelle on se réfère aux êtres, puis une phase sans ne se référer à rien.
Ces phases sont opaques pour les non-instruits et transparents pour les instruits.
Au moment où le corps des qualités (S. dharmakāya) se manifeste, il se dote de lucidité et quand elle devient de l'intuition, elle perdurera.
[Le dharmakāya] n'est pas doté d'actes de lucidité, mais c'est en se familiarisant [avec la lucidité] qu'elle est parfaite. Les actes de l'engagement altruiste se réalisent sans référence,
naturellement et spontanément et se produisent sans effort.
Les candidats-bouddha débutants, puisqu'ils ont encore [la notion du] soi dans les individus, conçoivent des "êtres" et engendrent de la compassion pour eux. En se familiarisant [avec la lucidité] [ils vont découvrir que] "les êtres" n'est que le nom donné à des entités éphémères sans existence autonome. En pensant qu'il n'y a rien d'autre à part les agrégats (S. skandha) interdépendants, les éléments, et les domaines sensoriels (S. āyatana), ou en pensant que ces choses ne sont au fond que conscience (S. svacitta), [les candidats-bouddha] engendrent de la compassion pour ceux qui souffrent de ce fait.
En l'état d'éveil il n'y a plus d'objets sur lesquels s'appuyer. Voici ce qu'en dit Les questions de Suvikrāntavikrāmi[5] (S. Suvikrāntavikrāmi-paripṛcchā-prajñā-pāramitā-nirdeśa T. rab kyi rtsal gyis rnam par gnon pas zhus pa shes rab kyi pha rol tu phyin pa bstan pa) :
"L'intuition de l'éveillé, le bienheureux, ne voit rien.Pourquoi ? Parce qu'il n'est pas doté d'objet d'intuition."
Alors, y a-t-il bien une intuition ou pas à ce moment ? Ārya Nāgārjuna ne l'a pas précisé. Voilà ce qu'il en dit :
"En ce qui concerne l'esprit, aucun éveilléNe l'a vu, ne le voit ou ne le verra.L'être propre sans être propreComment pourrait-on le voir ?"
Les instructions médiates :
En dehors du bien d'autrui, n'ayez pas de préoccupations. Ainsi, le bien d'autrui est l'aspect principal du fruit qu'il faut espérer.
Voici ce qu'a dit Ārya Nāgārjuna à ce propos :
"Le meilleur intérêt d'autruiEst l'aspect principal du fruit à espérerL'état de bouddha etc. est différentIl faut l'espérer comme le fruit de [l'intérêt d'autrui]."
Les instructions pour pénétrer le réel (S. tattvāvatarā T. de kho na nyid la 'jug pa[6]) doivent aussi se fonder sur l'intellect.
Interrogé par [son traducteur] Tsul khrims rgyal ba, Atiśa ajoute :"Ici je l'expose de façon résumée. Pour la version extensive il faudra regarder les instructions de Nāgārjuna et les sūtra du Mahāyāna."
Les instructions de la compréhension intuitive simultanée ont été composées par le paṇḍita Dīpaṃkaraśrījñāna. Elles ont été traduites par le paṇḍita lui-même et par Tsul khrims rgyal ba.
***
[1] dran pa gcig pa'i man ngag toh: 3928; 4476 DGTG mdo vol. ki, pp. 94v-95v
[2] Ou bien Avadhūtipa est tout simplement la transposition du terme avadhūta, ou bien c'est un des noms d'Atiśa. Si c'est un nom d'Atiśa, on peut émettre l'hypothèse qu'Atiśa était Avadhūtipa junior, puisqu'il y avait un Avadhūtipa sénior.
[3] La "grande consécration" signifie ici sans doute la consécration d'un candidat-bouddha au terme de sa carrière de bodhisattva, à l'instar de Maitreya qui s'est fait consacrer dans le ciel de Tuṣita.
[4] Voir ci-dessus, il ne s'agit pas d'une consécration tantrique.
[5] Traduit en français par Georges Driessens dans "La perfection de la sagesse", pp. 47-50
[6] Il existe un texte de ce titre composé par Śrījñānakīrti (dpal ye shes grags pa), un maître de Maitrīpa et sans doute aussi d'Atiśa.
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