mercredi 26 octobre 2011

La vie comme un long fleuve tranquille



Un des thèmes souvent débattus au 11ème siècle était le passage du recueillement au recueillement subséquent. Voir par exemple l’échange entre Gampopa et son maître Dyayulpa. Tant qu’il y avait une différence entre les deux, il y avait encore dualité et donc intervention intellectuelle. Les Instructions de l’Inconditionné (T. A khrid) expliquent comment passer de l’un à l’autre, dans l’optique d’éliminer les déformations intellectuelles qui créent la notion de passage.

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Hommage aux guides authentiques

b) Deuxième point, il faut s'entraîner dans la méthode qui élimine les déformations intellectuelles.

(1) Il est important de mettre l'accent sur le recueillement, la dissolution et le maintien.
D'abord, en ce qui concerne la façon d'entrer en recueillement, le texte Signes de réussite au moment du trépassement et de la mort (T. 'da' dga' 'chi drod) de gShen rab dit :
« Dans la Pensée du rayonnement [de la conscience], on entre l’absence de sujet percevant qui appréhende. Les cinq facultés sensorielles sont laissées naturelles et libres. L'Intelligence se dilate. Le corps et l'esprit sont laissés sans intervention aucune. »
Extrait du Cycle des neuf secrets (T. Gab pa dgu skor) :
« la voie de l'esprit est « le bonheur qui ne se construit pas (T.  bcos su med pa bde) »
Extrait des Paroles du Grand maître :
« Dans le domaine où tout ce qui se manifeste émerge de lui-même, on laisse tout ce qui se présente sans s'en préoccuper (T. rang sor). Le sujet percevant, libre de toute appréhension, attachement et identification se déploie librement. Le sujet percevant, où sujet et objet sont indifférenciés, entre dans un état sans culture mentale ni distraction. »
Et de la transmission orale de l'Ermite père et fils :
« Dans un état sans intervention, [l'esprit] entre naturellement dans un mode de vivacité (T. lhag ge), de relâchement (T. 'bol le) et de dissolution (T. shigs se).
Au fond, il s'agit de ne pas laisser s'écarter le sujet conscient des pensées et des remémorations, qui sont le dynamisme [inhérent à la conscience] (T. rtsal), du mode d'être de la conscience fondamentale qui est comme la Mère sur laquelle se fonde l'Intelligence (T. rig pa) qui est comme le Fils sans aucune manipulation, ni va-et-vient de vagues (T. sgre log). »
Le Grand maître dit :
« En chercheant, on le perd ; en le contemplant, on l'obscurcit ; en le cultivant, on le corrompt ; et en étant trop actif, on risque de se perdre dans l'Errance. »
Il n'y a qu'un seul point essentiel (T. gnad) que l'on doit toujours garder présent à l'esprit : il est important de s'avoir entrer dans les modes de l'esprit (T. 'jog shes pa).

(2). Deuxièmement, la façon de dissoudre l'état [de recueillement] entre les sessions. Si l'on ne sait pas se contenter (ldengs pa = 'dang ba) du pic/de la mesure suffisante (T. thog) de recueillement, il faudrait outrepasser le sujet conscient du post recueillement. En laissant se dissoudre graduellement [le recueillement], on laisse se dissoudre en non méditation, tout ce qui avait été médité auparavant. On continue l'expérience sans distraction tout en tranchant avec effort le fil de l'attention du méditant.

Extrait du Tantra :
« Ce n'est pas par la méditation que l'on trouvera le Bouddha. Il faut laisser se lever l'intuition naturellement présente. Quand elle se lève, on n'accède (T. rtogs) pas au principe de l'élément spirituel (S. dhātu-tattva), mais on entre naturellement dans un mode sans considérer le rayonnement [conscient]. »
Extrait des paroles de [Me nyag] :
« On ne le déterminera pas par la méditation, mais en se plaçant naturellement sur le fondement éveillé (T. sangs gzhi'i steng).[1] En se perdant (T. gol) dans l'expérience ordinaire, on laisse se lever l'intuition du rayonnement de la remémoration (T. dran gsal). Quand elle se lève, on n'appréhende pas la vacuité (T. stong nyid), mais on s'appuie sans distraction sur l'absence de méditation. On agit à son gré, la perception de l'instant présent active (T. brel brel po), puis se dissolvant dans le relâchement (T. klod grol). »
Extrait des Paroles du Grand maître :
« C'est comme une charge de bois [sanglée] : elle est lâchée en la lâchant, elle est défaite en la laissant se défaire et elle est dénouée en la laissant se dénouer.
Il est important entre les séquences de savoir relâcher. »
Certains lamas ont dit : « En se contentant (ldengs pa = 'dang ba) du pic (T. thog) du repos mental, c'est comme s'endormir quand on est en route pour conclure une affaire. » « S'attacher à la saveur de l'absorption est un obstacle intérieur. » Puis, extrait du Cycle des neuf secrets (T. Gab pa dgu skor) :
« Celui qui médite en pensant 'Je médite' obnubile la base fondamentale (S. ālaya) et la pensée d'éveil (S. bodhicitta). » Ces propos aussi ne vont-ils pas dans le même sens ?

(3).  Troisièmement, pour maintenir [le recueillement] dans l'expérience ordinaire, il ne faut rien cultiver spécifiquement après la dissolution. Le fil de l'attention en se prolongeant (T. 'thud) naturellement, il est maintenu dans l'absence de méditation et de distraction.

Les modes suffisants (T. chog bzhag[2]). A l'aide des instructions où il n'y a rien à méditer et aucune distraction, le courant de l'Intelligence devient de plus en plus évident.

Extrait des Paroles du Prêtre (officiant des Chefs) Tha mi thad ge :
« Qu'on lance les cailloux/dés astrologiques de toutes les angles ou vers toutes les angles, faites le après avoir planté le point d'ancrage (T. gzer gdab) qui empêche de vous séparer du grand lac (T. gting/rdzing) qui éclaircit le sens. » ???
Extrait des Paroles du Grand maître :
« Après [la pratique] du relâchement, du dénouement et de la dissolution (T. klod dkrol bshig gsum), suivez la série mentale (S. saṃtāna, saṃtati T. rgyud, rgyun), sans méditation ni distraction et sans représentation ni appréhension. »
Ainsi, le fil de l'attention est prolongé spontanément dans cet état et maintenu à tout moment et dans toutes les circonstances.

Pour chaque cycle que l'on commence et que l'on maintient, il faut se conformer aux points essentiels de la posture physique, des regards yoguiqes et du recueillement, pour que l'Intelligence se pose sur le principe fondamental (S. tathātva T. gnas lugs) sans manipulation.

En dissolvant [le recueillement] entre les sessions, on contemple tel quel celui qui médité par zèle (litt. par excès d'excellence), en le laissant se dissoudre graduellement dans un état avec ou sans méditation.[3]

Finalement on préserve [le recueillement] sans le cultiver spécifiquement. Le fil de l'attention empêche l'Intelligence de se perdre dans l'expérience ordinaire. On le maintient en suivant la série mentale (S. saṃtāna, saṃtati T. rgyud, rgyun) sans méditation ni distraction.

Initialement, [la durée de] la dissolution est raccourcie en pratiquant le recueillement et le maintien avec une durée égale. Par la suite, on le prolonge quand on réussit à le maintenir de plus en plus longtemps, en pour finir, quand on sait le maintenir en permanence (T. 'ba' zhig tu), on n'aura plus besoin du recueillement et de la dissolution. On est alors arrivé à la fin de la méditation en sessions.

Par conséquent, puisque le corps de la pratique de l'absence de caractéristiques des sessions traitées ici est le coeur (T. snying tig (sic)) de la pratique, ces instructions concernent la pratique continue qui est la règle générale. En particulier, à l'occasion d'une pratique de rappel/stimulation (T. 'bog =? bog 'don), on peut la faire pendant 10, 15 etc. jours.

C'était le chapitre neuf des Paroles de Dampa Rinpoché sur l'entrainement en la méthode pour éliminer la déformation [intellectuelle].

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[1] "La Base fait l'objet de trois déterminations générales : la base à purifier, la base de la méprise et la base des productions. La base à purifier est la pureté primordiale universelle. " (gZhi la spyi gcod rnam pa gsum / sangs gzhi 'khrul gzhi 'byung gzhi gsum / sangs gzhi ka dag chen po'o). Extrait de l'Exposition du sens des douze tantras garçons (T. rgyud bu chung bcu gnyis kyi don bstan pa).
[2] Il y a quatre modes suffisants : celui de la montagne (T. ri bo cog bzhag), de la mer (T. rgya mtsho cog bzhag), de l’Intelligence (T. rig pa'i cog bzhag) et celui des apparences (T. snang ba cog bzhag). L’idée étant sans doute que ces cgoses se suffisent à elles-mêmes.
[3] On laisse disparaître tout seul l'élan du recueillement, sans l'arrêter net

Texte tibétain Wylie


bla ma dam pa rnams la phyag 'tshal lo
b) gnyis pa bar du blos byas kyi dri ma dang bral ba'i thabs la b.slab pa la/
(1) 'jogs bshig skyong gsum gnad du bsnun pa gal che ste/
dang po bzhag thabs la/ gshen rab 'da' dga' 'chi drod las/ der gsal gyi dgongs pa la der 'dzin gyi shes pa med par bzhag/ sgo lnga rang yan du bzhag/ rig pa khyab bdal du bzhag/ lus sems bcos med du bzhag/ ces dang*/
gab pa las/ sems kyi lam ni bcos su med pa bde zhes dang*/
bla chen gyi gsung las/ gang snang rang sar gyi spyod yul/ thug phrad rang sor bzhag/ 'dzin chags zhen med kyi shes pa rgya yan lhug par bzhag/ gzung ‘dzin dbyer med kyi shes pa sgom med yengs med du bzhag ces dang*/
ri khrod pa yab sras kyi zhal nas kyang*/ ma bcos pa'i nang la rang lugs su lhag ge bzhag/ lhod de bzhag/ 'bol le bzhag/ shigs se bzhag ces dang*/
don du ma kun gzhi yin lugs kyi steng du bu rig pa la bcas bcos sgre log med pa/ rtsal bsam dran gyi shes pa ma g.yos par bya ste/ rang sar thog tu kad de ‘jog pa yin te/
bla chen gyis btsal bas stor/ bltas pas 'grib /bsgom pas slad/bya byed mang na 'khor bar 'khyams nyen 'dug
gsung pa dang*/ gnad gcig pas/ rgyud la 'byor ba bya ste/ 'jog shes pa gal che'o/
2. gnyis pa bar du bshigs thabs la/ bzhag thog der ma ldengs pa byas la/ rjes kyi shes pa la zla dgos te/ shig shig bshig cing sgom yod thams cad sgom med du bshig cing/sgom mkhan gyi dran thag rbad de bchad la yengs med du nyams su blang ste/
rgyud las/ bsgom pas sangs rgyas mi rnyed kyi / rang 'byun ye shes 'char du chug/ shar bas dbyings nyid mi rtogs kyi / gsal la dmigs med rang bzin zhog ces dang/
ne rgyung gi gsung las/ bsgoms pas gtan la mi phebs kyi/ sangs gzhi'i steng du rang bzhin zhog/ bzhag pas
tha mal gyi sar gol gyi/ dran gsaJ gyi ye shes 'char du chug/ shar pas ston nyid mi 'dzin gyi/ bsgom med steng du yengs med sten/ da lta'i shes pa brel brel po/ klod dgrol shig la ci dgar spyod/ ces dang* /
bla chen gyi gsung las/ shing khur dang 'dra ste lhod kyis klod/ shigs kyis shig/ khrol gyis dkrol/ ces gsungs pas/
bar du bsig shes pa gal che/
bla ma kha cig zal nas/ sgom zhi gnas thog tu ldengs pa ni/ don gnyer lam du gnyid log 'dra/ zhes gsungs pa dang*/ tin ne 'dzin ro la chags pa ni nang gi bdud / ces dang*/
gab pa las bsgoms so snyam pa'i bsgom pa des kyang*/ kun gzhi byang chub (p. 97) sems la 'grib
ces gsung pa rnams kyang don de la mi dgongs sam/

3. gsum pa tha mar b.skyangs pa la yang bshig pa'i rjes la ched du mi sgom par/ nang gis dran thag 'thud la sgom med yengs med du bskyang par bya ste/
cog bzhag las/ sgom du ci yang med pa la/ yengs su med pa'i man nag gis/ rig pa'i rgyun yang gsal bar ston/ces dang*/
dpon gsas tha mi thad ge'i gsung las/ thams cad nas  thams cad  du rtsis gdab kyi rde'u gtor la don gsal ba'i gtin (rdzin) chen dang mi 'bral bar gzer gdab ces dang*/
bla chen gsung las/ klod dkrol bshig gsum gyi rjes la/ sgoms yengs med rtog 'dzin med par rgyud la brten ces pas/
nang la nang gis dran thag 'thud de/ dus dang rnam pa kun tu bskyang ngo/
de yang las dang po skor re la chan bar byed pa'i dus su/ lus gnad lta stangs mnyam bzhag ltar bca' ste/ rig pa ma bcos gnas lugs kyi steng du 'jog/
bar du bshig ste bzang bdo ba sgom mkhan la cer gyis ltas te/ sgom yod sgom med du shigs kyis bshig/
tha mar bskyang ste ched du mi sgom/ dran pa thag pas rig pa tha mal du ma shor bar bya ste/ sgom med yengs med 'bral med du rgyud la bsten te bskyang*/
de yang dang po bshig pa thung la 'jog pa dang skyon ba yun cha mnyam tsam bya/ de nas skyong shes je ring du rgyun 'thud la tha ma skyong shes 'ba' zig tu gyur pa dang*/ 'jog bshig mi dgos te/ de tsam na thun sgom zad sar skyol ba yin/
des na da lta thun sgom dus kyi mtshan med kyi dnos gzhi nyams len gyi snying tig 'di nyid yin pas/ dus rnams kun gyi nyams len la gdams ngag 'di spyir 'drim shes par bya zhin/ bye brag tu 'bog pa'i dus su ni bcu bco Inga las sogs su bsgom du gzhug go/
dri ma dang phral ba'i thabs la b.slab pa'i thun mtshams dam pa rin po che'i gsung bzhin/ spros pa ste dgu pa'o/


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