Dans les systèmes dualistes, il y a pour faire court une distinction entre ce qui est pur et ce qui est impur, ce qui est authentique et ce qui ne l’est pas, ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas, entre l’invisible et le visible, entre l’esprit et la matière, entre l’actif et le passif. Les religions, toujours dualistes dans leurs méthodes, proposent alors des moyens de purification. La purification, comme son nom l’indique, a pour but de se débarasser graduellement de ce qui est impur, inauthentique, faux, visible, matériel et inerte, et d’accéder ainsi à ce qui est pur, authentique, vrai, invisible, spirituel et actif.
On pourrait ajouter de nombreux autres qualificatifs contraires aux deux listes, p.e. permanent et impermanent, immortel et mortel… Mais, pour faire court, on gardera l’opposition pur-impur dans ce qui suivra. Spatialement, le pur se trouve en haut, comme le ciel, et l’impur en bas. Temporellement, le pur est au commencement, et l’impur arrive par la suite. Le pur est par lui-même, tandis que l’impur est une création. Le pur agit, l’impur patit. Tout ce qui est principe actif est dérivé du pur. La théologie étant depuis toujours une affaire d’hommes, et l’homme créant Dieu à son image, c’est plutôt l’homme qui symbolise le principe actif (pur) qui forme et la femme le principe passif qui est informé et qui engendre (impur). Tant que ce symbolisme et la théologie associée perdure, il y aura des gens pour les prendre au premier degré. Et une théologie n’a pas besoin de poser un Dieu bien défini (bienqu’indéfinissable), si elle admet un principe actif et pur.
On dit que le bouddhisme est une religion athée ou non-théiste, parce qu’elle n’a pas le même type de Dieu que les grandes religions monothéistes. Mais comme le prévoyait Nietzsche[1], le bouddhisme porte beaucoup de marques religieuses. Le Bouddha cosmique est à tous égards semblable à un Homme cosmique (lokapuruṣa), comme le principe actif de l’univers. Symboliquement, ce Bouddha, cet Homme cosmique, ne peut pas être représenté par une femme. Et puisque nous pensons (et décidons) de façon métaphorique selon Lakoff, le choix des images peut avoir des conséquences considérables. Tout le long de l’histoire des religions, nous voyons que les symboles sont banalisés et traités comme les référés vers lesquels ils sont censé pointer. Il en va ainsi pour le symbole Dieu-Nature sous toutes ses formes. Et c’est pour des raisons très « théologiques » que le Bouddha dira :
279 (12)-2S3 (16) (279) « Il est impossible et inconcevable, bhikkhus, qu’une femme puisse être un arahant qui serait un Bouddha parfaitement éveillé...(280)...qu’une femme puisse être le roi cakravartin...(281)...qu’une femme puisse occuper la position de Sakka... (282)... qu’une femme puisse occuper la position de Mara... (283)... qu’une femme puisse occuper la position de Brahma ; cela est impossible. Mais il est possible qu’un homme puisse occuper la position de Brahma ; cela est possible. »[2]Cela est impossible, car la « Vérité » veut que cela le soit. La Vérité des révélations se situe dans un passé inaccessible. C’est une Vérité qui s’effritera au cours des siècles et des kalpas, avec la dégénération des temps, des gens, des moeurs etc. Il en va de même pour la Vérité (Dhamma) bouddhiste, surtout du fait d’avoir donné aux femmes la possibilité de rentrer dans les ordres, d’avoir rendu possible ce qui était en fait « impossible ».
« Ananda, si les femmes n’avaient pas obtenu (le droit) d’entrer dans la vie sans demeure selon ce Dhamma et cette discipline, la vie sainte aurait duré longtemps, le véritable Dhamma aurait duré mille ans. Mais maintenant que les femmes ont ce droit, la vie sainte ne durera pas longtemps, le véritable Dhamma ne durera que cinq cents ans. » SourceVoir le billet de David Dubois sur la position de la femme au Noble pays (āryadeśa).
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[1] « Après la mort de Bouddha, l'on montra encore pendant des siècles son ombre dans une caverne, - une ombre énorme et épouvantable. Dieu est mort : mais, à la façon dont sont faits les hommes, il y aura peut-être encore pendant des milliers d'années des cavernes où l'on montrera son ombre. - Et nous - il nous faut encore vaincre son ombre! » (Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir - Luttes nouvelles)
[2] Anguttara Nikaya I 28, Sutta 276, Chapitre XV « Impossible » 279 (12)-2S3 (16) (279) "It is impossible and inconceivable, bhikkhus, that a woman could be an arahant who is a perfectly enlightened Buddha...(280)...that a woman could be a wheel-turning monarch...(281)...that a woman could occupy the position of Sakka... (282)... that a woman could occupy the position of Mara... (283)... that a woman could occupy the position of Brahma; there is no such possibility. But it is possible that a man could occupy the position of Brahma; there is such a possibility." Source
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