Illustration de Danica Da Silva Pereira |
La métaphore exemplaire des expédients (upāya) du bouddhisme mahāyāna est celle racontée dans le Sūtra du Lotus (Saddharmapuṇḍarīkasūtra, traduit en chinois en 286), où des enfants se trouvent dans une maison en feu. Leur père, le Bouddha, essaie de les en faire sortir en leur promettant à chacun son chariot favori.
“La maison brûle et trois enfants de filiation [gotra] différente y sont enfermés. Pour leur en faire sortir le riche marchand Bouddha leur promet de jolis véhicules, comme expédient dans la perspective de la vérité fonctionnelle [saṁvṛtisatya]. Des chariots respectivement tirés par une chèvre (auditeurs), un daim (Bouddhas-par-soi) et un boeuf (bodhisattva-). Il leur promet par ailleurs un super véhicule tiré par un boeuf blanc, qui correspond à la doctrine pour bodhisattva+ du véhicule unique du Sūtra du Lotus. La véritable intention et enseignement du Bouddha est donc ce véhicule unique [ekayāna].” (Blog Roll up for the Treasure Tower 2022)Tout y est un expédient, y compris la division en une vérité absolue (paramārthasatya) et une vérité fonctionnelle (saṁvṛtisatya), et en sūtras à interpréter (neyārtha) et de sens certain (nītārtha). Dans cette absence de sens et d’essence, la seule sortie possible ce sont les expédients proposés par “le Bouddha”, l’éveillé. Pas le Bouddha "nirmāṇakāya" des auditeurs, ni des Bouddhas-par-soi, ni même le Bouddha saṃbhogakāya enseignant les bodhisattvas, mais le Bouddha divinisé du véhicule unique, qui n'est toujours qu'un expédient. Mi mensonge, mi vérité. Mi certain, mi à interpréter.
Les expédients sont les fils par lesquels le bouddhisme du Bouddha divinisé compte guider ses enfants vers ce, vers quoi ces derniers veulent être conduits, de par leurs filiations (gotra). Arriveront-ils jamais au but ? Suivront-ils les fils jusqu’au bout ? Reste la figure du Bouddha divinisé, ou de celui qui le représente, au moins pour les enfants, les “fils du Bouddha”, qui portent en eux la semence du Bouddha. Si tout est expédient, le Bouddha divinisé aussi ? Serions-nous les enfants d’un expédient ? Des expédients nous-mêmes ? Des enfants ?
Si nous voulons rester des enfants, pour quelque raison que ce soit, dans le cadre de quel expédient que ce soit, nous serons des enfants d’expédients : du Bouddha et de son Dharma, ou du Saṅgha, du maître, du gourou, etc., qui les représente. Jusqu’à ce que nous soyons nous-mêmes des Bouddhas ? Mais même étant des Bouddhas nous-mêmes, ne serions nous pas toujours des enfants d’expédients ? La “maison en feu” est dite avoir une sortie, le Bouddha lui-même l’avait dit, mais les expédients, en sort-on jamais ? Serons-nous à jamais des enfants ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire