samedi 30 novembre 2013

Partir ou ne pas partir (ailleurs)...



L’univers traditionnel est diversement représenté : comme l’Homme cosmique (lokapuruṣa), comme une montagne, un arbre[1]… Comme un ensemble constitué de diverses parties, ou bien les diverses parties considérées comme un ensemble. En haut, c’est l’esprit qui domine, en bas la matière. Plus on monte, et plus l’univers devient éthéré.

Cet univers, le bouddhisme le divise généralement en trois parties : les cinq (plus tard six) destinées, en bas, sont gouvernées par le sensible et la physique (S. kāmadhātu), les quatre méditations (S. dhyāna) sont sa partie psychique (S. rūpadhātu) et les quatre recueillements (P. āyatana, samāpatti) informels (S. arūpadhātu) sa partie spirituelle. En tout, treize niveaux, autant de marches qu’il convient de gravir, pour se libérer, c’est-à-dire pour se débarrasser péniblement (tapas) de toute matérialité et devenir pur esprit. Mais ça c’était avant…


En fait, ce « pur esprit », ce corps spirituel (dharmakāya) est ce qui fait l’unité (le corps) de cet ensemble des treize niveaux. L’homme qui ne peut s’empêcher de produire des images (de préférence à son propre image), l’imagine comme un corps humain. De couleur bleu, comme le ciel, comme l’éther. Et tout comme l’éther, l’Homme est présent dans toutes les parties de son corps, dans tous les treize niveaux, jusqu’à dans les cellules. C’est pourquoi on L’appelle quelquefois « le quatorzième présent dans tous les treize niveaux » (S. caturdaśa). Et pour symboliser cette omniprésence dans les treize niveaux, dans tout l’univers, on imagine qu’il est orné de treize parures.


Comme le quatorzième niveau est déjà présent dans les treize niveaux, plus besoin de gravir l’échelle. Mais il est cependant nécessaire d’être en relation avec cette présence, sinon on serait écartelé entre le physique, le psychique et le spirituel. C’est le message de la Mahāmudrā et du Dzogchen quelquefois dit radical, pour qui le physique, le psychique et le spirituel ne sont pas un fardeau, mais des parures (ou des cercles). Samantabhadra, le tout excellent, n’a pas les treize parures de Vajradhara, qui tient le foudre, mais il est enlacé à la Nature. C’est la Nature, « qu’il baise de sa bouche », qui est sa parure.


Ceux qui cherchent une autre gnose que celle-ci, pensent que le physique et le psychique sont des fardeaux, dont il faut se débarrasser. La gnose est selon eux un moyen qui permet de gravir d’un coup (T. thod bgral) les treize niveaux. L’impur est alors transformé en pur. Les images impures du psychisme sont transformées en les lumières d'un plérôme, et les éléments du corps sont écartés, afin d'accéder au corps de lumière. Avec ce corps de lumière, débarrassé de toute matérialité, ils feront leur ascension sans passer par l’échelle. Où vont-ils ? Je ne sais pas, il faudra le leur demander.

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[1] « [Le Seigneur, Maheśvara] est plus haut que l’arbre du monde et différent de toutes les formes (qui y apparaissent), ainsi que du temps ; mais c’est de lui que tout ceci procède. Il est source de toute vertu, destructeur de toute souillure, maître de la prospérité ; connais-le comme établi en ton propre Atman, comme refuge immortel pour tous les êtres. » Śvetāśvatara Upaniṣad 6.6, trad. Martine Buttex




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