Je compte faire une série sur des correspondances entre le Ch'an et la Mahāmudrā de Gampopa etc.
« Par Buddha, il faut entendre la pureté de l’esprit, dont la radiance compénètre le plan des choses (dharmadhātu). »[1]
« Par Buddha, il faut entendre la pureté de l’esprit, dont la radiance compénètre le plan des choses (dharmadhātu). »[1]
« Le Buddha, c’est la pureté de notre esprit ; la
Loi, c’est la radiance de notre esprit ; la Voie, c’est son rayonnement
pur qui partout illumine sans obstacle. Les trois sont un ; ce ne sont que
des noms vides, ils n’ont point d’existence réelle en soi. Le vrai religieux
est celui qui garde cela présent à l’esprit, de pensée en pensée
indiscontinuellement. »[2]
« Adeptes, le vrai Buddha est sans figure ; la
vraie Voie est sans corps ; la vraie Loi est sans marque particulière. Ces
trois se fondent pour se combiner en un. Qui ne sait discerner cela, s’appelle
un être dont la connaissance est obscurcie par l’acte. »[3]
Comparer avec Gampopa, qui écrivait d'ailleurs que le vrai Buddha est le corps spirituel (S. dharmakāya), et celui-ci est sans figure :
« La conscience individuelle naturelle (sahaja) est le véritable corp spirituel (S. dharmakāya)
Les apparences naturelles sont la lumière du corps spirituel
Le discours naturel est le rayonnement du corps spirituel
Leur indissociabilité naturelle est la réalité du corps spirituel. »[4]
Ou avec son
neveu Gomchung[5]
« Le principe conscient (S. cittatva) naturel (S. sahaja) est le corps spirituel (S. dharmakāya)
Les apparences (S. abhāsa) naturelles sont la lumière du corps spirituel
Accéder à l'essence qui discerne (T. rig pa) l’esprit est l’éveil (S. buddha)
Ne pas y accéder, c'est l'errance (S. saṃsāra). »[6]
Le Buddha est le sujet sublimé[7],
le Dharma est l’objet sublimé. L’interaction (« l’éveil ») dans
laquelle les deux sont indissociés et indissociables est le « plan de la
Loi » (dharmadhātu).
Hi-yun de Houang-po, le maître de Lin-tsi disait :
« Le profane s'attache aux objets ; le religieux s'attache à l'esprit. Oublier à la fois les objets et l'esprit, voilà la vraie Loi. Il est encore facile d'oublier les objets, mais très difficile d'oublier l'esprit : l'homme n'ose pas oublier l'esprit, il craint de tomber dans un vide où il n'aurait plus rien à quoi s'accrocher. C'est qu'il ne sait pas que le vide, fondamentalement, n'est pas vide — il n'en est ainsi que dans la Loi » (Taishô, n° 2012 A, p. 381 a)[8]
« Vénérables, c'est parce que je ne puis faire autrement,
qu'à force de fatras je vous parle maintenant de toutes ces 'puretés' inutiles. Ne vous y trompez pas
: à mon point de vue, il n'y a en vérité pas tant de théories. Si vous en avez
usage, faites-en usage ; sinon, repos ! Quant à ce qui se dit de toutes parts,
que les six perfections et leurs dix mille pratiques doivent être considérées
comme la Loi du Buddha, je dis, moi, que cela relève de l'ornementation, que
c'est l’affaire (pratique) du Buddha,
non la Loi du Buddha. Cela et tout le reste, observance des jeûnes et des
défenses, exploits ascétiques comme de porter de l'huile[10]
sans la laisser couler, tout cela devra se payer, tant que l'œil de Voie n'y
verra pas clair. Le jour viendra où vous sera réclamé l'argent de votre grain !
Et pourquoi ?
'Qui entre dans la Voie sans comprendre la vérité, En renaissant paiera sa dette aux donateurs (croyants).
Quand le notable fut âgé de quatre-vingt-un ans,
L'arbre ne porta plus d'oreille de Judas[11]. »[12]
[1] Entretiens
de Lin-Tsi, Paul Demiéville, Fayard, p. 153
[2] Entretiens
de Lin-Tsi, Paul Demiéville, Fayard, p. 147. Demièville ajoute en note : « d’après
ces définitions, dit Mujaku Dôchû, le vrai Buddha est la substance (t’i), la
vraie Loi est son aspect ‘marqué’ (siang), la vraie Voie est son ‘emploi’
(yong, son activité).
[3] Entretiens
de Lin-Tsi, Paul Demiéville, Fayard, p. 146
[4] rang
sems lhan cig skyes pa chos sku dngos//
snang ba lhan cig skyes pa chos sku'i 'od//
rnam rtog lhan cig skyes pa chos sku'i rlabs//
dbyer med lhan cig skyes pa chos sku'i don//
Extrait de : chos rje dwags po lha rje'i gsung*/ snying po don gyi gdams pa phyag rgya chen po'i 'bum tig bzhugs so/
Extrait de : chos rje dwags po lha rje'i gsung*/ snying po don gyi gdams pa phyag rgya chen po'i 'bum tig bzhugs so/
[5] slob
dpon sgom chung shes rab byang chub (1127-1171), le cadet des neveux de
Gampopa.
[6] sems
nyid lhan cig skyes pa chos kyi sku dang*/snang ba lhan cig skyes pa chos sku'i
'od/sems rig pa'i ngo bo 'di rtogs na sangs rgyas/ma rtogs na 'khor ba yin/ Extrait
des Introductions au Coeur, la collection des trésors de la réalité ultime (T.
snying po'i ngo sprod don dam gter mdzod).
[7] L’homme
est le sujet, non éveillé. « L’objet est désigné par king, le ‘domaine’,
le ‘territoire’. » Cela fait penser aux notions de champ (kṣetra) et connaisseur de
champs dans la Bhagavad gītā.
[8] Entretiens
de Lin-Tsi, Paul Demiéville, Fayard, p. 54
[9] Entretiens
de Lin-Tsi, Paul Demiéville, Fayard, p. 134
[10] « Allusion
à un apologue du « Sûtra du grand Parinirvāṇa
» (Taishô, n° 374, xxii, p. 496 b) où l'on voit un roi faire porter à l'un de
ses ministres, sur une distance de vingt-cinq stades, un bol plein d'huile,
suivi d'un spadassin qui a l'ordre de lui couper la tête s'il en laisse perdre
une goutte : de même l’ascète doit se concentrer sur ses pratiques sans s’en
laisser distraire par rien. »
[11] « Stance
attribuée au cinquième patriarche indien, Deva (?), disciple de Nâgârjuna, qui
rencontra à Kapilavastu un notable âgé de soixante-dix-neuf ans dans le jardin
duquel avait poussé sur un arbre desséché un grand champignon savoureux
(oreille de Judas, auricula judae). Il en fit manger à son deuxième fils ;
chaque fois le champignon repoussait. Le notable, dans sa jeunesse, avait fait
offrande à un moine dont l'« œil de Voie » n'était pas ouvert ; en rétribution
d'avoir accepté une offrande dont il n'était pas digne, ce moine avait été
changé en oreille de Judas condamnée à repousser sans cesse pour le bénéfice du
notable et de son fils, ainsi récompensés de leur pieuse offrande. Le notable
lui ayant dit son âge, le cinquième patriarche prononça la stance citée par
Lin-tsi. La stance et l'apologue se trouvent dans le Pao-lin tchouan de 801
(éd. Kyoto, iii, p. 206), dans la « Transmission de la lampe » de 1004 (Taishô,
n° 2076, ii, p. 211 b). Cette histoire a passé dans le folklore chinois et
japonais, qui en donnent des versions mises au goût du jour.
[12] Entretiens
de Lin-Tsi, Paul Demiéville, Fayard, p. 149-150
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire