La source de nombreuses informations hagiographiques sur Milarepa est Khyoungtsangpa (T. khyung tshang pa ye shes bla ma, ou Jñānaguru), pour lequel Andrew Quintman[1] donne les dates 1115-1176[2]. Il est une source importante pour l'hagiographe Zhidyé ripa (g.yung ston zhi byed ri pa, né en 1320), et pour "l'historien" Gueu lo (‘gos lo tsā ba gZhon nu dpal, 1392 -1481), auteur des Annales bleus. Khyoungtsangpa est généralement considéré comme un des disciples les plus proches de Réchungpa. Il semble être à la source de la légende de Réchungpa, ou du moins est-il l’élément sur lequel sa légende s’est construite.
Gueu lo
mentionne que Khyoungtsangpa fut ordonné moine en présence de Dyayulpa (T. bya ‘dul pa 1075-1138), accessoirement un des maîtres kadampa de Gampopa ; qu'il fait une formation très
complète auprès de plusieurs maîtres illustres et se rend auprès de ‘Bri sgom
gling kha pa[3] pour recevoir
les instructions de la Caṇḍālī
(gtum mo) ; qu'il se fait traiter d’imbécile, car c’est Réchungpa qu’il fallait
voir, pas lui ! Étant apparemment toujours moine, on lui aurait prévenu que Réchungpa est dégoûté
par les religieux... Réchungpa le reçoit malgré tout, lui donne toute la
transmission, encadrée par des banquets tantriques (S. gaṇacakra), et lui ordonne de garder secret le nom
de son mâitre (Réchungpa) et les instructions (la transmission aurale de Cakrasaṁvara), et de ne les dévoiler qu’après sa mort (survenu en
1161).[4]
L’hagiographe de Khyoungtsangpa, que suit Gueu lo, prend soin de raconter ensuite le miracle du
transfert de la conscience sur un corps de pigeon (voir l'épisode du fils de Marpa, Tarma Dodé (Dar ma mdo sde)), pour bien montrer que Khyoungtsangpa
aurait reçu la transmission complète, y compris la possession du corps d’un
autre (S. para-kāya-praveśa T. 'grong 'jug) et pour prouver que Réchungpa aurait
bien reçu toute la transmission aurale (T. snyan brgyud) de Tipupa.
C’est donc en suivant les données hagiographiques de ce
Khyoungtsangpa (qui est, rappelons-le, la source de toute la légende
réchungpiste et par là de quasiment tout ce que l’on « sait » sur
Milarepa), que Gueue lo écrit :
« Milarepa eut les disciples suivants : Réchungpa, qui devint le chef des fils de Milarepa, seigneur Gampopa le grand, qui fut la manifestation d’un bodhisattva[5], et qui devait renaître encore une fois avant d’atteindre l’état de bouddha. »
Ses autres disciples, y compris sa sœur Peta, atteignèrent des grandes réalisations
avant ou au moment de la mort.
Ainsi, Gampopa est déclassé dans la hiérarchie des disciples
de Milarepa. Du premier disciple, le soleil, il devient le deuxième, la lune. Ne
disposant pas des instructions du chemin des expédients (T. thabs lam), et
notamment de la transmission aurale de Cakrasaṁvara,
et suivant plutôt le chemin graduel du mahāyāna avec une Mahāmudrā selon le système des sūtra, l’état de bouddha n’était pas accessible à lui pendant son pénultième
existence. Nous avions déjà constaté le même phénomène pour Maitrīpa et
quelques-uns de ses disciples. Le chemin des expédients n’aime pas ceux qui se
distancient de lui. Le ton est donné pour les hagiographies à venir.
***
Illustration : Réchungpa avec sa coiffe caractéristique. La légende dit: Réchungpa qui a trouvé/atteint la khecarī (T. mkha' spyod) en une seule vie tout comme Milarepa, contrairement à d'autres, suivez mon regard...
[2] Les
dates sont de Gueu Lo (p. 441 etc.)
[3] Le nom
du disciple répa de Milarepa est ‘bri sgom yang legs. Selon Dan Martin, ce serait le fameux disciple de Milarepa
[4] Annales
bleus, p. 442-443
[5] Dans le
milieu tantrique des répas, ce n’est pas un compliment. Cette observation sert
à l’ancrer dans la tradition du mahāyāna.
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