lundi 3 mars 2014

Les sources de la compassion ?



Quelque temps après la mort de l’empereur Ashoka (en 232 av. J.C.), la dynastie des Śātavāhana, initialement des vassaux des Mauryas, déclara leur indépendance et fonda leur propre empire, qui dura jusqu’au 3ème siècle après J.C. Elle protégea l’hindouisme et le bouddhisme. La dynastie des Ikshavakas (aussi connus comme les Sriparvatiyas), initalement des vassaux des Śātavāhana, prirent le pouvoir dans la région et fondèrent la ville de Vijayapuri (Vijayawada) près de Nagarjunakonda (ville de Macherla). La région semble propice aux échanges entre les deux religions. Des sites bouddhistes côtoient des sites religieux anciens, plus tard shivaïstes et śakta.


A proximité de Nagarjunakonda (Macherla, à 15 km de marche, selon Google maps) se trouvent les cascades d’Ethipothala (Ethipothala Falls), au confluent des trois rivières Chandravanka Vagu, Nakkala Vagu et Tummala Vagu, qui rejoignent plus loin la rivière Krishna. Le nom « ethi-pothala » ou « etti-pōtala" signifie en langue Telougou « se lever et déverser ». Devarakonda Venkata Narayana Sarma de la liste list.indology.info propose que ce nom a donné lieu au nom Pōtalaka, composé de Pōtala et de –ka, un suffixe (pratyaya) qui signifie « relatif à ».

Selon le Prof. P.V.Parabrhma Sastry, Srisailam serait aussi connu sous les noms « Srisaila, Sriparvatha, Srigiri and Srinaga », et par conséquent au tibétain « dpal gyi ri ». Sur une des collines près de Nagarjunakonda, on voit des inscriptions où le lieu est appelé « Siri parvata ». Et dans un des registres du roi de la dynastie Ikshvaku, Virapurshadatta (3ème siècle), il est appelé le seigneur de Siri Parvata (Siriparvatadhipati), et ce lieu est dit se situer à l’est de sa capitale Vijayapuri (Vijayawada).

On (?) considère, selon Sastry (sans doute depuis l’époque śakta), que le véritable Srisaila ou Śrī Parvata s’étend sur une surface de 150 km, et comprend également les sites du dieu Mallikarjuna (un des douze Jyotirlingam de Śiva) et de la déesse Bhramaramba, qui se trouvent à une distance d’environ 60 km à l’ouest du Śrī Parvata dans les registres Ikshvaku.[1] En langue telougou, le dieu Mallik-arjuna est appelé Mallayya ou Chenchu Mallayya. Les noms Srisaila et Mallikarjuna ont été introduits au début de l’ère chrétienne avec la sanscritisation (et donc « le domptage ») des noms de lieu. Le nom Śrī Parvata était plus usuel à l’époque des Ikshvaka, et celui de Srisaila depuis le moyen-âge indien. On pourrait même émettre l’hypothèse que la montagne aurait pu s’appeler Mallaya-giri ou -kīla avant la dynastie Ikshvaku et avant la période "de sanscritisation". Se pourrait-il alors que Srisaila soit le Mont Mal(l)aya dont parle le célèbre pèlerin chinois Xuanzang (Hsiuan-tsang, 602 – 664) ? Ce dernier dit en effet que le Potalaka se trouva à l’est du mont Malaya/Srisaila ? (157 km à pied selon Google maps).

Si, comme l’écrit Xuangzang, Avalokiteśvara séjourne sur le mont Potala, « entre ses diverses allées et venues », ce lieu pourrait être à l’origine de son culte. Avant la naissance scripturale d’Avalokiteśvara (au 3-4ème siècle ?), le lieu était dédié à (Chenchu) Mallayya. Les tribus locaux chenchu, sabara, etc. racontent comment un jour Śiva (nom de post-sanscritisation ?) vint à la forêt de Srisailam sous l’aspect d’un chasseur, tomba amoureux d’une fille/déesse chenchu du nom de Pārvatī, lutta (mallaya) avec elle, la maria et s’établit sur la colline. Le nom Mallaya telougou signifierait « lutteur ». Les dieux passent, le culte reste. Le culte d’une déesse locale, est intégré dans le culte de Śiva « le chasseur », la déesse devenant une śakti, une puissance de Śiva. Au même endroit, le bodhisattva Avalokiteśvara devient d’abord un dieu, qui, pour convertir le chasseur sabara local, se montrera plus tard comme un chasseur capable de tuer cent animaux d’une seule flèche (selon Abhayadatta). Le chasseur converti, Śavaripa, prendra l’aspect du Śiva chasseur en compagnie de deux déesses (l’équivalent de « Tārā et Bhṛkuti »). Tout cela dans le même périmètre qui est très chargé en lieux de culte (śakti pīṭha).

Avalokiteśvara lokanātha, 9ème s. Musée Guimet

Le don spécifique d’Avalokiteśvara est d’alléger la souffrance des êtres par un flot de nectar continu s’écoulant de sa main, à l’image d’une cascade (pōtala). Sa posture est celle de la détente (lalitāsana). Les dieux sont des icônes, constitués d’éléments iconographiques (attributs), représentant des qualités ou des caractéristiques, qui sont transférés (d’un dieu à un autre, entre les sectes, entre les religions) comme des gènes iconographiques et qui peuvent être utilisés comme des facteurs de traçabilité.

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[1] « The actual Srisaila the abode of the God Mallikarjuna and Goddess Bhramaramba is located at a distance of about 60 km to the west of Sriparvata of the Ikshvaku records. So scholars are inclined to identify the whole range of hills extending over nearly 150 km as Sriparvata. » Prof. P.V.Parabrhma Sastry

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