samedi 28 octobre 2017

Les méthodes de bonheur (tm) et leurs preuves



Mind & Life est né en 1987, grâce à la rencontre entre le Dalai-Lama, le neurologue Francisco Varela (disciple de Chogyam Trungpa et de Tulku Urgyen Rinpoche), et l’homme d’affaires R. Adam Engle (bouddhiste gelougpa). Parmi les membres émérites de la direction, on trouve Richard J. Davidson, Daniel Goleman, Jon Kabat-Zinn, Roshi Joan Halifax, Matthieu Ricard, et Alan Wallace.

Jon Kabat-Zinn est le cerveau derrière la MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction) ou « Réduction du stress basée sur la pleine conscience ». Richard J. Davidson, professeur en psychologie et psychiatrie à l’université de Wisconsin–Madison, est le fondateur du Center for Healthy Minds ("Mind over matter?" financé pour 64% en contributions fédérales). Il avait étudié à l’université de Harvard avec Daniel Goleman, et fait des recherches sur les interactions entre le cortex préfrontal et l’amygdale dans la régulation des émotions. Il participe également à la vulgarisation du phénomène de la « plasticité du cerveau ».


Dans ses recherches, Richard J. Davidson, a notamment fait des tests avec le moine Matthieu Ricard, qui ont démontré que la « pleine conscience » développe la clarté d’intention, l’altruisme, la bonté, l’empathie et la compassion. Une autre étude avec un panel de 35 chômeurs présentant un niveau élevé de stress avait montré l’efficacité de la « pleine conscience » pour réduire le stress (étude publiée dans Biological Psychiatry en 2016). Le MBSR est aussi utilisé dans l’armée, dans l’entreprise (Google, etc. ) dans les établissements médicaux, dans les écoles, pour les mères de familles, dans les maisons de retraite, etc.
« Les effets bénéfiques de la plupart des techniques de méditation face au stress reposent sur la plasticité du cerveau, c’est-à-dire la capacité de ce dernier à modifier ses structures en fonction des sollicitations qu’il reçoit. Ainsi, les circuits neuronaux fréquemment utilisés, ceux où les interconnexions neuronales sont riches, se consolident et se développent. Ceux qui servent peu ou qui sont victimes du stress finissent par s’étioler. La recherche montre que les différentes techniques de méditation augmentent les connexions entre différentes parties du cerveau. » (Comprendre les effets de la pratique de la méditation de la pleine conscience)
Le stress, en revanche, détruit ces même connexions et contribue à créer de l’anxiété. Il semble donc principalement s’agir d’insérer des petites plages de « reconnexion » au sein des différentes activités sujettes au stress. L’idéal étant évidemment de ne pas avoir une vie exposée à différents types de stress…, mais puisque la « vie moderne » et sa nécessité de croissance « requièrent » que l’on vive de plus en plus sous le stress dans nos façons de travailler et de vivre, et que les périodes de repos se fassent de plus en plus rares, des petites plages de « pleine conscience » permettent de « se reconnecter » un peu, pour mieux repartir et tenir, pour mieux s’armer contre le stress. Il serait d'ailleurs hors de question de s’attaquer aux causes du stress…

La méditation ou la « pleine conscience » n’est pas une méthode magique, où plus on pratique la méditation, plus on serait heureux. Il semblerait qu’il faille plutôt rechercher les effets bénéfiques (en gros suspendre ou réduire le stress), dans un cerveau mieux (re)connecté.

Une étude japonaise menée par Masahiro Toyoda, Yuko Yokota et Susan Rodiek montre que le jardinage aussi stimule le lobe frontal et serait bon pour la plasticité cognitive. Ce dont on se doutait un peu. Et si ça se trouve, il y a plein d’autres activités déstressantes, permettant naturellement d’augmenter « les connexions entre différentes parties du cerveau ». L'image bouddhiste de l'eau boueuse qu'on laisse tranquille pour laisser se déposer la boue et pour qu'il redevienne limpide vient à l'esprit.

Evidemment, les chercheurs de Mind & Life, parmi lesquels on trouve beaucoup de pratiquants bouddhistes, s’intéressent plus spécifiquement aux méthodes (d'origine) bouddhistes, et notamment à la pratique de l’attention, ou pleine conscience, qui a fait le buzz et a fini par devenir un véritable marché. Les chercheurs, auteurs de diverses publications sur ses bénéfices, se tournent naturellement vers cette méthode prouvée, avant d’étudier d’autres possibles méthodes de bonheur ou de décantation de la boue mentale ("se changer les idées"). Conséquence : l’homme le plus heureux du monde est un bouddhiste, et ce sont les bouddhistes les plus heureux… Se pourrait-il qu’en utilisant une méthode à l’origine bouddhiste, le bouddha et les grands bodhisattvas y glisseraient un petit chouïa de leurs bénédictions ?

D'autres instituts d'études où l'on aimerait marier les sciences et la spiritualité sont l'Institute of Noetic Sciences (IONS), qui fait entre autres des recherches sur les corps de résurrection, et l'Institut Suisse des Sciences Noétiques (ISSNOE) qui étudie les voyages astraux. Des scientifiques avec un faible pour la spiritualité qui aimeraient bien lui trouver des preuves scientifiques.

Les tests que l’on fait faire à des méditants en mesurant leur cerveau, afin de prouver les bénéfices de la pleine conscience, de l’altruisme, du vajrayāna, etc. sont en fait incomplets. On devrait faire faire d’autres tests à ces mêmes cobayes. Leur faire faire du jardinage, de la pêche à la ligne, de la randonnée, une bonne partie de jambes en l’air, pour vérifier si cela stimule autant le lobe frontal, oxygène le cerveau, produit de la dopamine etc.

Si on voulait vraiment attribuer les bénéfices de la « pleine conscience » à ses origines bouddhistes, son principe actif est peut-être tout simplement la concentration naturelle dont parle Buddhadasa, quelle que soit notre activité. On pourrait aussi étudier le « jeûne de l’esprit » des Daoistes quand ceux-ci « tombent en arrêt »[1]. Phénomène que l’on trouva d’ailleurs aussi chez des disciples de Dampa Sangyé.
« Un jour, lorsque Dampa Ma (le maître) et Sochung (le disciple) étaient en train de moudre du maïs, Sochung avait relâché la meule et resta les yeux grand ouverts (T. had de) pendant une longue période. Ma lui dit : « Qu’est-ce qui t’était arrivé (tsa cig cig byung 'dug) ? Dampa t’aurais donné des instructions ? ».[2]
Imagine, on marche dans la ville un peu stressé et que l’on doit traverser la route sur un passage à piétons. C’est rouge, on attend et l’on « tombe en arrêt », le lobe frontal est stimulé, le cerveau oxygéné, etc. Si ça se trouve, le score des appareils qui font Ping serait assez élevé à ce moment. Une publication médicale le confirme, et c’est la naissance d’une nouvelle pratique, en plus du yoga, la méditation, le Mindfullness, le jardinage… Le Zebracrossing(tm), avec ses coaches, ses salles spécialement équipées de passages à piétons et feux de signalisation et tout le merchandising et les publications médicales qui vont avec. On n’arrête pas le progrès !
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[1] « Un autre jour encore, Yen Houei revit son maître et lui dit : « Je m'assieds et j'oublie tout (Chinese: 坐忘; pinyin: zuòwàng; Wade–Giles: tso-wang).»
Tchong-ni en éprouva un sentiment de respect et demanda : « Qu'entends-tu par t'asseoir et oublier tout?»
Yen Houei répondit : « Me dépouiller de mon corps, oblitérer mes sens, quitter toute forme, supprimer toute intelligence, m'unir à celui qui embrasse tout, voilà ce que j'entends par m'asseoir et oublier tout. » Philosophes taoïstes, vol. 1, La Pléiade, p. 136-137. La traduction est de Liou Kia-hway et a été relue par Paul Demiéville. Voir aussi le Zuowang

[2] Blue Annals, p. 877 DT 1026

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