"Ce mysticisme métaphysique, qui prit au XIVe siècle son plus grand essor, et qui, au moins dans son expression, se confondit chez plusieurs de ses principaux partisans avec le panthéisme, se rattachait au Pseudo-Denys et à Scot Érigène; il avait toujours existé à côté de la scholastique et du mysticisme scholastique, mais sous une forme réprouvée par l'Église : enseigné par Amaury de Bène et ses disciples, il était devenu la propriété de la secte des Frères du libre esprit ou des Béghards. Amaury de Bène et David de Dînant avaient renouvelé la doctrine de l'unité absolue et du développement successif de l'être. Dieu, suivant eux, est l'essence de tout, il est tout, tout est Dieu. Quoique condamnées, ces doctrines s'étaient rapidement propagées; David de Dinant les avait exposées dans des livres écrits en français. Déjà, vers 1216, des opinions semblables avaient été soutenues à Strasbourg par un certain Ortlieb, et proscrites comme hérétiques. Bientôt la secte des Ortliebiens, ou des Frères du libre esprit, comme elle s'appelait, avait rempli toute l'Allemagne, et se montrait fréquemment aussi en France. Pendant tout le cours du XIIIe siècle, elle avait été persécutée, mais jamais extirpée. Le fond de sa doctrine était un mysticisme panthéiste,mais étranger à toute tendance scientifique, et souvent assez grossier dans sa forme populaire. Au commencement du XIVe siècle, les Frères du libre esprit étaient plus nombreux que jamais , notamment dans les villes des bords du Rhin , depuis longtemps les siéges principaux des sectes hérétiques. Suivant une circulaire de l'évêque de Strasbourg, de 1318, ils enseignaient alors que Dieu est tout ce qui est, qu'il est même le principe de tout; qu'il n'y a nulle différence entre le Créateur et la créature ; que le but de l'homme est de s'unir avec Dieu de manière à perdre en lui son être particulier; que, parvenu à cette union, l'homme n'est pas seulement semblable à Dieu, mais Dieu lui-même par nature et sans différence , créateur, éternel; que cette union peut s'accomplir déjà dans cette vie, et qu'alors l'homme acquiert la vraie liberté de l'esprit, consistant à ne plus être soumis à aucune loi extérieure, soit civile, soit ecclésiastique ou morale ; qu'il peut faire dès lors tout ce qu'il veut, attendu que ce n'est plus lui, mais Dieu qui le fait."
(Études sur le mysticisme allemand au XIVe siècle, Charles Schmidt)
***
Le jardin des délices, Jérôme Bosch,
Juste un mot pour dire que vos billets de blog sont toujours intéressants et stimulants.
RépondreSupprimerBravo.
Merci Philippe, ça fait toujours plaisir !
RépondreSupprimer