Louis de la Vallée Poussin, Nirvana
§ 3. — Que Le Bouddhisme n’est pas une gnose.
Parmi les explications de la scolastique, soit indienne, soit européenne, plusieurs sont artificielles. Nous ne croirons pas que, si le Bouddha refuse de s’expliquer sur le principe vital et sur le saint délivré, c’est parce que le principe vital est inexistant, parce que le saint, de son vivant, était semblable à un chariot, sans personnalité, sans unité. Nous ne croirons pas non plus que le Bouddha, qui a enseigné la responsabilité, l’acte et le fruit, nie l’existence de l’individu qui agit et mange le fruit de ses actes; ou que, s’il condamne la doctrine de la permanence et celle de la non-existence, s’il nie l’existence (
sabbam atthi) et la non-existence, c’est parce qu’il a édifié une théorie du devenir. — Ou plutôt et pour mieux dire, car n’est-il pas hasardeux de raisonner sur les paroles du
Tathāgata ? nous croirons qu’il y eut un Bouddhisme exempt de toutes ces belles théories sur l’être et le devenir, indifférent à ces belles théories et qui ne faisait pas de « la connaissance de toute chose la condition nécessaire du salut »
[1]. Bouddhisme du Bouddha ? Bouddhisme précanonique ou primitif ? En tout cas un Bouddhisme étranger au nihilisme du canon, le Bouddhisme qui fit un sort aux textes dont nous nous occupons ici ou qui les rédigea, dont témoignent les questions réservées, le refus de dire s’il y a une âme ou s’il n’y en a pas, la condamnation de l’anéantissement, le sermon du Bois des Simsapâs, la parabole de l’éléphant et des aveugles nés, le sermon sur le porteur du fardeau.
Ce Bouddhisme n’est pas un système, mais n’est pas non plus un « agnosticisme » : comme il croit au Bouddha, le dernier venu d’une longue série de sauveurs, il croit à la transmigration, il croit au
Nirvāṇa, bien suprême et fin dernière.
Aucun doute n’est légitime sur ce point, car le Bouddhisme du canon, tout pénétré de nihilisme, continue à croire à la transmigration et au Nirvana. Un des témoignages les plus notables à ce point de vue est celui des stances où nous rencontrons, probablement pour la première fois, l’expression « série » employée pour désigner l’individu en écartant toute idée d'une entité métaphysique. Elles s’expriment sur le
Nirvāṇa en termes non ambigus : « Telle est cette série, une fantasmagorie où il n’y a pas de moelle : considérant ainsi les éléments de l’être (
khandha), le moine énergique, attentif jour et nuit, abandonnera les attachements, se fera un refuge, marchant comme si sa tête était en feu, ayant pour but le séjour inébranlable » (
Samyutta, III, 143).
Mais ce Bouddhisme ne veut pas préciser les relations de l’âme et du corps, problème plein d’embûches, et il interdit toute spéculation sur l’état du saint délivré, parce que le saint délivré est passé au-dessus du plan de l’existence et de la parole. Comme il condamne les discussions sur la discipline, renvoie dos à dos les partisans de « l’indulgence » et les partisans de la « rigueur », et s’en tient à la bonne vieille discipline du
Prātimokṣa, de même il condamne les discussions d’ordre théorique, anéantissement, permanence, origine du monde, etc. Il regarde avec malveillance les « opinions » (dṛṣṭi), sources de contention, d’opiniâtreté, d’erreurs
[2]. Honnis ceux qui disent : « Ceci est vrai, tout le reste est folie ; j'ai raison : vous avez tort. » — Tout cela n’est pas utile à la paix, au détachement, à la délivrance.
Le Bouddhisme n’est pas gnostique
[3] et fait contraste avec d’autres branches du Yoga où le salut dépend de la possession d’une gnose (
vidyā), ici connaissance de l’identité de l’âme et de Dieu, là, distinction de l’âme et de la Nature. Sans doute la délivrance dépend de la possession de certains « savoirs » (
jñāna) dont l’ensemble constitue le chemin du
Nirvāṇa ; mais ces « savoirs » sont d’ordre moral et prennent rarement, et seulement par des contaminations secondaires, un aspect métaphysique. Reconnaître que le corps est impur, que la vie est transitoire, que la sensation est douloureuse, que les choses sont vides de moelle : c’est moins un « savoir» qu’une conviction qui guérira la maladie du désir
[4].
La scolastique aime à dire que le Bouddha diversifia son enseignement d’après les dispositions de ses auditeurs ; que certains Sūtras, de sens clair (
nītārtha), doivent être compris à la lettre ; que d’autres
Sūtras, de sens implicite et non déduit (
neyārtha), doivent être interprétés : hypothèse bien commode pour les exégètes et qui, dans plusieurs cas, est légitime. Le canon voit dans le Bouddha un médecin, le grand médecin ; la scolastique le représente comme un empirique. Le Bouddha craint que les hommes grossiers, rassurés du côté de l’enfer, ne commettent le péché ; il veut que les sages apprennent à se dépouiller de tout égoïsme : aussi enseigne-t-il aux uns l’existence du moi et aux autres l’inexistence du moi. De même la tigresse transporte ses petits dans sa gueule : elle serre assez les dents pour qu’ils ne tombent pas — dans l’hérésie de l’anéantissement du moi empirique — mais évite de les blesser — par les dents de l’hérésie du moi chose réelle.
[5]
La scolastique exagère : il n’est pas sûr que le grand médecin ait distingué le moi empirique (
saṃvṛtisat,
prājñaptika — existant conventionnellement, existant comme désignation) et le moi réel ; mais il est raisonnable de chercher dans des considérations morales et thérapeutiques une des sources ou la source principale des thèses nihilistes du Bouddhisme.
Pour nous en convaincre, comprenons et commentons une des remarques qui donnent tant de prix au petit traité des Origines bouddhiques
[6] : « Les tendances morales du Yoga ont pu aisément, transportées sur le terrain métaphysique, inspirer le nihilisme bouddhique. À force de réprouver toute préoccupation égoïste, de refuser aux objets sensibles toute importance, de répéter qu’il faut les considérer, avec leur cortège de plaisir et de douleur, comme s’ils n’étaient pas, l’esprit, surtout l’esprit hindou, polit sans peine en arriver à nier toute existence objective. » — La vérité de cette observation est illustrée par la comparaison d’une stance du
Dhammapāda et d’un sermon du
Saṃyutta. La stance exprime une pensée vierge de métaphysique : « L’homme qui considère le monde comme une bulle d’eau, comme un mirage, échappe aux regards du roi de la mort. » Le sermon, qui contient en germe toute la pseudo-philosophie des
Prajñāpāramitās, nie la réalité objective des composants de la personne humaine : « L
e Bouddha, le neveu du soleil, a déclaré que le corps est semblable à un flocon d’écume, la sensation à une bulle d’eau, l’idée à un mirage, la volition à la tige creuse du bananier, la connaissance à une apparition magique[7]. »
La théorie et la pratique du chemin — destruction du désir — ont poussé la spéculation vers la négation de la personne (
pudgalanairātmya : Petit Véhicule), plus tard vers la négation des éléments mêmes de la pseudo-personne (
dharmanairātmya : Grand Véhicule).
Le Bouddhisme — considérons ici le seul Bouddhisme des moines— se propose comme but unique la destruction de la soif : le saint, délivré de la soif, sera du même coup délivré de la renaissance. Or, l’abstinence et la pénitence sont manifestement insuffisantes
[8] : le moine vit dans un dénuement presque complet et dans un renoncement complet à la volupté ; mais craignons qu’il ne s'attache aux petites choses qu’il possède ou dont il a besoin, développe à l’occasion de ces petites choses tout le grouillement des passions humaines, jalousie, égoïsme, frivolité, bassesse ; soit sujet aux vertiges qui détruisent une longue constance. — Le remède du désir est d’ordre intellectuel.
Il faut chasser un
nimitta par le
nimitta contraire
[9] , la « note » d’agréable, de pur, de permanent, par la note d’odieux, d’impur et de transitoire. Le désir mourra quand la notion de désirable, d’abord ébranlée et réduite par l’étude des défauts que présente tout objet désirable, sera définitivement éliminée.
Donc il faut penser à la vieillesse, à la maladie, à la mort ; il faut savoir que la volupté, obtenue à grand peine, dure peu et sera compensée par les souffrances infernales. Ce sont là des jugements exacts (
tattvamanaskāra) : ils ne suffisent pas. La maladie du désir exige des jugements inexacts, des jugements qui ne sont pas conformes à la réalité, qui ne portent pas sur les choses comme elles sont, mais comme on veut qu’elles soient, des
adhimuktimanaskāras, des jugements qui résultent d'un effort d’imagination
[10]. C’est ainsi qu’on expulse la « note » du sexe par la « note » de l’impur ou de l’horrible, en considérant le corps vivant comme une masse en décomposition, bleue, putride, mangée par les vers, réduite enfin à l’état de squelette : tel n'est pas le corps vivant. C’est ainsi que l’ascète s’efforce de penser, et arrive à penser, que tout est douleur, rien que douleur (
sarvam duḥkham) : ce qui n’est pas vrai, ou n’est vrai qu’à un certain point de vue. La spéculation bouddhique n’est pas née de la conviction que « le monde ne recèle que douleur »
[11] : elle est au contraire convaincue que les choses agréables sont agréables, et le grand effort des saints est de voir les choses agréables sous l’aspect de désagréable. Les Sautrāntikas et les Mahāsāṃghikas prétendent, il est vrai, que toute sensation, même la sensation agréable, même la sensation d’indifférence, est douloureuse en soi, «
douloureuse en tant que douloureuse[12] ». —Ce que nous appelons sensation agréable ne serait, d’après certains théoriciens, que sensation désagréable atténuée ou que sensation désagréable d’un certain caractère succédant à sensation désagréable d’un autre caractère : les damnés trouvent plaisir à étancher leur soif avec du plomb fondu, le porteur d’un fardeau fait passer agréablement le fardeau de l’épaule droite à l’épaule gauche. Mais il est facile de montrer le paradoxe. Si la sensation agréable est regardée par les saints comme douloureuse, c’est parce qu'elle est « douloureuse par transformation », en tant qu’elle est remplacée par une sensation désagréable. Cependant il est des sensations agréables qui ne sont pas mêlées de souffrance et qui se prolongent presque une éternité — les bouddhistes, ces prétendus pessimistes, assurent que le simple don d’une fleur au Bouddha produit des siècles de paradis — ces sensations agréables sont cependant odieuses aux saints. Les saints qui aspirent à l’éternel
Nirvāṇa, à la pensée des quarante mille périodes cosmiques du bonheur du suprême paradis, éprouvent plus de dégoût et d’horreur que le pécheur, brûlé dans les enfers, pour les tortures de l’enfer : ils reconnaissent en effet que toutes les sensations, agréables ou désagréables, sont «
douloureuses en tant que produites par des causes. » — Le monde est plein de joies et de récompenses comme aussi de peines et de châtiments : l’homme ordinaire règle là-dessus sa conduite. Le candidat au Nirvāṇa veut mépriser les joies du monde : il dira que ces joies ne sont pas des joies, parce qu’elles sont impermanentes ; de même il dira que le « soi » est une illusion, parce qu’il veut s’affranchir de l'idée de « mien ».
Car les objets agréables sont agréables et pourront toujours provoquer le désir aussi longtemps que le désir n’est pas coupé dans ses racines : l’ascète doit détruire l’idée de « mien » et perdre l’habitude de penser « moi ». Il doit éliminer ces deux formes d’orgueil ou d’amour propre (
māna) qui sont l’
ahiṃkāra et le
mamiṃkāra, « dire je », « dire mien ». — Mais comment acquérir la science du non-mien et du non-moi sinon par une longue habitude ? Le moine, entré en recueillement, considère une à une les sensations, pensées, voûtions, choses sans durée, sans consistance, sans cohérence ; il contemple sa vie intérieure et en note les incidents et les troubles, comme ferait un témoin étranger, comme les saints lisent la pensée d’autrui : « Cette pensée n’est pas « moi », car elle n'est pas ce que je veux qu’elle soit ». Il sent s’écouler tout ce qu’il possède, tout ce qu’il est, sans s’affliger, sans se réjouir.
Une fois détruite l’idée de « mien » et de « moi », le saint possède la sérénité : «
Que m’importe l’incendie de Mathurā puisque rien, dans Mathurā, ne m’appartient ? ». Aussi longtemps que l’homme pense « mon corps », il prend part au plaisir et à la souffrance du corps, comme un homme souffre des infidélités de la femme qu’il nomme sa femme : mais l’inconduite des autres femmes ne le touche pas. — Le saint ne souhaite pas que sa vie soit prolongée, il ne souhaite pas la mort, il attend son temps comme le serviteur ses gages. Il ne pense pas aux actes qu’il a accomplis, ni aux existences qu’il a traversées, ni à celles qui l'attendent ; encore moins éprouve-t-il plaisir et regret de ce qu’il fut, est et sera. — Je suis délivré et sans attachement ; je suis pur : mais je ne dois pas me complaire dans cette pureté, dans cette délivrance, bien qu’elles soient le
Nirvāṇa même ou la possession du
Nirvāṇa. Je ne dois pas désirer le
Nirvāṇa, je ne dois pas dire : « Je possède le
Nirvāṇa, le
Nirvāṇa sera ma part »
[13] car toute délectation entachée de l’idée de moi et de mien est condamnable et dangereuse
[14] : le feu allumé avec du bois de santal brûle comme tout autre feu.
La pente vers soi est le commencement de tout désordre ; du moins est-elle le principe du désir : vérité morale ; considérer le moi comme fait de sensations, de pensées, de volitions, dont on regarde le flux sans s’y intéresser : pratique ascétique. Nihilisme, négation d’une âme en soi, négation de toute réalité permanente, théorie d’une âme faite de pièces et de morceaux (et si mal agencés) : transposition dans l’ordre doctrinal des appréciations et des exercices ascétiques. — Une métaphysique destructive a été soudée paradoxalement et par un accident secondaire à une discipline de Yoga qui cependant est restée très ferme sur deux points, transmigration et
Nirvāṇa, ascèse et délivrance du désir.
On ne nie pas que la scolastique nihiliste —la scolastique du Canon et qu’on pourrait peut-être attribuer à Śāriputra — ait utilisé diverses spéculations : « Au-dessous de la vision éblouie de l’unité, la recherche philosophique consacrait au monde des réalités, à l’analyse plus ou moins serrée de ses éléments, un travail de classification et d’énumération d’où sortit aussi son nom de Sāmkhya »
[15]. Les penseurs du Bouddhisme ont trouvé des matériaux dans les listes où étaient distinguées les choses (
dharmas), comme on voit par l’
Upanishad (
Katha, 4, 14) ; dans des rudiments de psycho-physiologie — tantôt six éléments, eau, feu, vent, terre, intelligence et espace, constituent l’homme; tantôt une division en quatre termes, corps, sensation, pensée, dharmas ; tantôt cinq termes, corps, sensations, idée, mystérieux
samskāras, dharmas — dans des rudiments de logique : preuve de l’inexistence par la non-perception ; discussion à quatre branches : oui, non, oui et non, ni oui ni non ; causalité et accumulation des synonymes du mot cause, etc. Mais l’aspect même des « doctrines » du Bouddhisme scolastique, la variété des nomenclatures qui sont la partie solide de ces doctrines, l’instabilité des formules où on s’efforça de les exprimer (par exemple la formule du Pratītyasamutpāda), tout indique des pensées peu sûres d’elles-mêmes. On pense que cette idéologie flottante fut mise au service d’une spéculation d’ordre pratique qui cherchait des thèmes de méditation nihiliste. Dans le Bouddhisme, pessimisme et nihilisme vont de pair, appartiennent à une littérature d’exercices spirituels.
***
[1] Comme dit un Sūtra cité Abhidharmalkoṣavjūkhyā, I. p. 4, au bas.
[2] Suttunipâta, pussim .
[3] Nous entendons parler du Bouddhisme du Petit Véhicule.
[4] Nos textes nomment « ascète », yogin, yogâcâra, le moine qui pratique les extases en vue de la conquête du salut. L'ascète, disent-ils, prend possession des « savoirs » lorsque, dans l’extase (qui est par définition concentration de la pensée), il est à même d’imprégner l'âme de la vue exacte des caractères généraux (sāmānyalakṣana) des choses. Ces « savoirs » ne sont pas des intuitions mystérieuses d’ordre spéculatif. Les quatre « applications de la mémoire », qui sont la pierre d'angle du Chemin ne comportent pas d’autres notions que celles, très générales, de souffrance et d’impermanence.
[5] 1. La comparaison est de Kumārulābha, un docteur de l’école Sautrāntika (cité par Vasubandhu, trad. Hiuun-tsang, XXX, 4 a). La doctrine du « non soi » (nairātmya) de la pensée ou du principe vital (pudgalanairātmya), en d'autres termes la négation du satkaya, occupe une place énorme dans la littérature monastique, car quiconque au moi croit ne peut déraciner le désir. Est-ce à dire que la croyance au moi (satkayadṛṣṭi) soit mauvaise (akuṣala), soit un péché et porte des fruits douloureux ? Non pas. On range cette croyance dans la catégorie de l’aryakṛta, du « non défini au point de vue de la rétribution. » Cette croyance, en effet, si elle produit le désir qui, bon ou mauvais fait obstacle au Nirvāṇa, est aussi génératrice de bonnes actions, c’est-à-dire d’actions mûrissant en sensations agréables : si on renonce au meurtre, si on fait l’aumône, c’est parce qu’on redoute l’enfer, parce qu’on désire le paradis. En d’autres termes, le nairātmya est la vérité des ascètes, le satkaya est la vérité des hommes ordinaires.
[6] 1. Origines bouddhiques, p. 36. —« Peut-être cette doctrine |de la négation du soi] n’a-t-elle été d’abord que l’expression amplifiée de ce néant des choses, de cette insignifiance de l’individu qui sont des idées naturellement familières à une école de renoncement» (R.H.R., 1900, II, 362).
A. KEITH (Buddhist Philosophy, p. 75), qui ne paraît pas avoir lu M. Sénart, se place à peu près au même point de vue. Mais là où nous parlons du Yoga ou de la communauté bouddhique, il parle du Maître lui-même : « Les écoles bouddhiques divergent fortement en ce qui concerne la doctrine du « soi » : ce fait force à conclure que l’enseignement du Maître n’était pas clairement exprimé... Nous pouvons croire que le but principal du Bouddha était d’apprendre aux hommes comment mettre un terme à la souffrance, et qu’il insista sur la négation du soi » parce que, à son avis, poursuivre directement son bien personnel est pour l’homme le plus sûr moyen de le manquer : le bien, en effet, est l'absence de désir ; le remède le plus efficace est de se rendre compte que la doctrine d’un moi permanent est radicalement fausse. »
[7] Dhammapāda, 170; Saṃyutta, II, 142 (comparer Madhyamakāvatāra, trad. p. 23).
[8] L’histoire de Vītaṣoka est très caractéristique (J. PKZYLUSKI, Légende d'Açoka, p. 271).
[9] Majjhima, 1, 119.
[10] Voir Abhidharmakoṣa, II, trad. p. 325.
[11] OLDENBERG, Bouddha, p. 209 : «Si ce monde a été pesé par le» bouddhistes et trouvé trop léger, ce n’est pas qu’ils n’y voient qu’illusion à la surface, au fond vide et néant; leur raison est tout autre ; c’est qu'il recèle lu douleur, c’est qu’il ne recèle que douleur.
[12] L'Abhidbarmakoṣa, vi. 3, explique la vérité (le la douleur. — Sur le pessimisme, Muteon, 1904, p. 113; Way to Nirvana (1917), p. 109; de bonnes remarques, GROUSSET, Philosophie orientale, 155, 186, 196. — Ci-dessous 174-175.
[13] C’est dans ce sens qu’il faut comprendre Majjhima, I, 4 : pathavim... nibbanam nibbanato abhiññaya nibbanam na maññati, nibbanasmin na maññati, nibbanam me ti na maññati, nibbanam na bhinandati: «Il connaît en vérité (et non pas seulement par les mots, samjanati) la terre, l'eau, le feu, lèvent, les démons, les dieux...l’ensemble du monde, le Nirvāṇa, comme étant terre .. . Nirvāṇa; il ne se considère pas comme étant Nirvāṇa, comme étant dans le Nirvāṇa, comme possédant le Nirvāṇa; il ne se comptait pas dans le Nirvāṇa ». — Sur manyana voir Dhammasangani 1116, 1233, Mahūvyutpatti, 245, 677 ; śiksāsamuccaya, 251, n. 2, Bodhicarya, IX, 88, Nettipakarana, p. 24; Lotus, III. 14; Madhyamakavrtti, XVIII ad finem ; la version tibétaine rlom sems, orgueil, égoïsme.
A. KEITH (Buddhist Philosophy, p. 49) comprend : « he accepts earth as earth, Nirvāṇa as Nirvāṇa, but in them and in all else he does not believe (na maññati) ».
De même l’expression na nimittaggāhī hoti ne signifie pas : « il ne suppose pas un objet correspondant à la sensation », mais « il ne considère pas l’agréable comme agréable, la femme comme femme, etc. » Le recueillement animitta n'est pas le recueillement « which recognizes no objects of perception » ; dans la scolastique, un recueillement où l’ascète considère le Nirvāṇa (Abhidharmakoṣa, viii, 24).
Buddhaghoṣa croit que l’ascète doit désirer le Nirvāṇa ; aussi prétend-il que Majjhima, I, 4, vise le Nirvāṇa-dans-ce-monde (Kathāvatthu, ix. 2).
[14] « Si un homme est sans souillure, et ne reconnaît pas correctement » — c’est-à-dire en écartant toute idée de moi et de mien — « sa pureté, il en prendra complaisance, et, par cette complaisance, la concupiscence troublera sa pensée. Si un homme est souillé et reconnaît correctement son impureté, il désirera la pureté, s’exercera et fera effort vers la pureté ; il mourra sans concupiscence, haine, aberration, ordure et souillure. (Majjhima, 1, 26). —«
Un regard de vaine complaisance fait disparaître le bien ; un regard d'humilité fait disparaître le mal. » (Fénelon).
[15] SÉNART, Bhagavadgīta, p. 23.