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Au XVIIIème siècle naissait l’idée de l’Inde comme le berceau de la religion primitive de l’humanité de la race « aryenne », dont le culte des dieux et la croyance en la réincarnation (métempsychose, palingénésie, …) sont par la suite passés en Egypte, en Grèce etc., mais de façon altérée et amoindrie. L’influence du judaïsme et l’avènement du christianisme avait étouffé ce polythéisme et la croyance en la réincarnation. A la Renaissance, que les Anti-Lumières considéraient comme la première Renaissance, on reprit contact avec l’Antiquité et sa philosophie, mais aussi avec ses religions et croyances. Les Lumières ont conduit à un rôle de moindre importance pour les religions, et à la séparation de l’état et la religion et la science et la religion. Cette mise à l’écart fut suivie de réactions Anti-Lumières. Le rejet total des Lumières étant impossible, il fallait faire avec, mais en retrouvant une place pour les « lumières de la foi », une alliance entre la science et l’esprit.
La découverte de l’Inde, son culte de dieux et sa croyance en la métempsychose ont amenés certains indianistes, historiens, philologues etc. à spéculer que les formes indiennes étaient plus anciennes et que l’Inde pourrait être le berceau de cette religion primitive, dont on connaissait déjà les formes plus « tardives » et diluées de l’Antiquité, notamment en Egypte.
« Tous ceux qui ont voyagé dans l’Inde attestent que les Divinités de l’Egypte & de la Grèce y sont adorées. Surtout on trouve dans tous les Temples & sur tous les grands chemins le culte du dieu Apis sous la figure d’une vache. » (le jésuite allemand Athanase Kircher 1602-1680)[1].Pour les Anti-Lumières (hormis les églises catholiques et protestantes établies), la redécouverte de la religion primitive de l’Inde est vu comme un potentiel antidote des Lumières, une seconde Renaissance, cette fois-ci spirituelle. C’est le début de nombreuses recherches, études, traductions et publications sur l’Inde, l’hindouisme et le bouddhisme.
« C est de voir encore au milieu de ces Peuples non seulement des préceptes de Morale & de Vertu très beaux mais de voir peut être à la honte des Chrétiens les mèmes Préceptes suivis & pratiqués mieux que parmi nous. » Sinner (1770)
Certains considèrent que la première diffusion de cette religion primitive indienne s’était arrêtée à mi-chemin, en moyen-orient, en Egypte et en Palestine, et qu’elle avait été altérée par le judaïsme et le christianisme. En plus, sa force aurait été diminuée par la « pitié dangereuse »,[2] que l’on reprochera plus tard au bouddhisme nihiliste sapeur et sa compassion.
« En même temps, et ceci relève plus de l’histoire des idées que de l’économie de « la pensée une », Schopenhauer s’efforce - comme Herder, comme Schelling, comme Friedrich von Schlegel, qui pourtant milita pour l’émancipation des Juifs - d’arracher le christianisme à sa racine hébraïque, et de lui trouver une origine indienne. Il en résulte un comparatisme religieux dont le principe n’a d’autre consistance que la dépréciation et l’isolement de l’Ancien Testament. Schopenhauer se savait-il, sur ce point, proche de Schelling qu’il critiquait par ailleurs ? Schelling avait en effet commencé par penser que la religion indienne était la source de l’idéalisme le plus ancien, et que les livres bibliques faisaient obstacle à la perfection du christianisme. « Le Nouveau Testament, écrit Schopenhauer, [...] doit avoir une origine indienne quelconque : son éthique qui transfère la morale dans l’ascétisme, son pessimisme et son avatar en témoignent. [...] Comme un lierre en quête d’un appui s’enlace autour d’un tuteur grossièrement taillé, s’accommode à sa difformité, la reproduit exactement, mais reste paré de sa vie et de son charme propres, en nous offrant un aspect des plus agréables, ainsi la doctrine chrétienne issue de la sagesse de l’Inde a recouvert le vieux tronc, complètement hétérogène pour elle, du grossier judaïsme [...]. Ainsi nous voyons que les doctrines du Nouveau Testament ont rectifié et changé celles de l’Ancien, ce qui les a mises en accord, dans leur fond intime, avec les antiques religions de l’Inde. Tout ce qui est vrai dans le christianisme se trouve aussi dans le brahmanisme et le bouddhisme. Mais la notion juive d’un néant animé, d’un bousillage passager qui ne peut assez remercier et louer Jéhovah pour son existence éphémère pleine de désolation, d’angoisse et de misère, on la cherchera en vain dans l’hindouisme. »[3]C’est au niveau doctrinaire que la belle religion primitive aurait été étouffée, à mi-chemin, par les doctrines de l’Ancien Testament, le Nouveau Testament ayant réussi à corriger le tir un peu, mais de façon incomplète. Mais à cela, s’ajouteront encore des arguments linguistiques (langue mère –indogermain - pure et forte) et raciaux (la race aryenne). Trois facteurs responsables de l’affaiblissement de la religion primitive. Il fallait sauver le christianisme de ses racines hébraïques et le restaurer en puisant dans la religion primitive indienne, avec sa métempsychose… Après l’épisode « culte du néant » du bouddhisme, qui avait également affaibli la religion aryenne originelle, c’était finalement le Vedanta, en tant que religion universelle, qui pourrait aider l’Occident de guérir de son matérialisme (Lumières).
Vivekananda sut trouver les mots qui allaient droit au cœur d’un Occident en pleine crise d’identité. En parlant en termes de Religion universelle, de race, de type et de langue, les anti-lumières allemands ont dû bien le comprendre, il parlait parfaitement « indogermain ».
Extrait de Le culte du néant :
« [Vivekananda] imagine une dégénérescence liée à l’existence du bouddhisme. Elle n’est pas dépourvue de connotations raciales. « Les Tartares, les Béloutches et toutes les affreuses races humaines se déversaient sur l’Inde et se faisaient bouddhistes, se fondaient avec nous et apportaient leurs coutumes nationales. ». Cette dégénérescence est évoquée en des termes particulièrement haineux. Vivekânanda écrit en effet: «Les cérémonies les plus repoussantes, les livres les plus horribles et les plus obscènes qui n’aient jamais été écrits par la main de l’homme ou conçus par son cerveau, les plus grandes bestialités qui se soient jamais donné pour de la religion ont tous été le produit du bouddhisme dégénéré. »[4]Parmi les Anti-Lumières (allemands), on trouvait à la fois des catholiques et des protestants pour qui l’Ancien Testament était un livre sacré et dont il convenait de s’inspirer, mais aussi des protestants qui rejetaient l’apport hébraïque de l’Ancien Testament et cherchaient à restaurer le christianisme en le complétant par une mythique religion originelle indienne. Ils n’étaient pas gênés par les notions de nation, de pureté de race, de religion, de langue etc. La compassion était peut-être même pour eux un facteur d’affaiblissement. Les nationalismes étaient à la mode. Peut-on réellement considérer comme des progressistes des personnes pensant en ces termes-là ? Remplacer une tradition antique par une autre, imaginaire, comme source d’inspiration est-ce vraiment un progrès ?
« Pour certains chercheurs comme Isaiah Berlin ou Zeev Sternhell, la pensée des contre-Lumières a eu des filiations intellectuelles dans certains courants de pensées apparus plus tard, comme le totalitarisme ou le néoconservatisme. » (wikipedia)MàJ15092021 When the Nazis sent scientists to the Himalayas BBC News site
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[1] Cité dans les Essais sur les dogmes de la métempsychose et du purgatoire (publié en 1770) du suisse Jean Rodolphe Sinner (1730-1787).
[2] Elisabeth de Fontenay, ‘La pitié dangereuse’, dans Présences de Schopenhauer, R-P. Droit. Sur l’expression « puanteur juive » (Foetor judaïcus) utilisée par Schopenhauer.
[3] Elisabeth de Fontenay, ‘La pitié dangereuse’
[4] Le culte du néant, Roger-Pol Droit p. 228
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