dimanche 17 mai 2015

Gampopa et Tilopa


Dans la version du Précieux ornement de la libération publié par Rumtek. Tailopa est cité à plusieurs reprises dans le chapitre sur la perfection de la sagesse. Il s’agirait de passages ajoutés ultérieurement à l’œuvre de Gampopa.
1. « De même Tilopa :
Merveille ! Voilà la sagesse de la claire conscience spontanée,
Au-delà des mots, inaccessible à l’intellect
. »[1]
Cette citation vient à la suite d’une autre citation de la Marche vers l’éveil, pour illustrer le fait que personne ne voit l’esprit, et que dire que l’esprit se connaît et s’éclaire lui-même n’a pas de sens. Voici la citation :
« Puisque personne ne peut le voir,
Dire qu’il s’éclaire ou pas
N’a pas de sens, pas plus que de parler
De la prestance du fils d’une femme stérile
. »
Plus loin dans le même chapitre on trouve la citation des célèbres Six dharma de Tailopa :
2. « Ne pensez pas, ne réfléchissez pas, ne connaissez pas,
Ne méditez pas, n’analysez pas :
Laissez (l’esprit) tel qu’il est. »[2]
Suivi de :
3. « Le Repos dans la nature de l’esprit :
Ecoute, fils, quelles que soient tes pensées,
Elles ne t’asservissent ni ne te libèrent.
Quelle merveille ! Repose-toi donc,
En laissant ton esprit tel quel, sans te laisser distraire ni rien corriger
. »[3]
La première citation est probablement extraite d’un texte intitulé L’Exposition du corps vajra caché (tib. rdo rje lus kyi sbas bshad) de Yang dgon pa Rgyal mtshan dpal (1213 - 1258), né dans une famille nyingmapa, spécialiste du corps subtil et disciple de Kodrakpa (ko brag pa bsod nams rgyal mtshan, 1182-1261), et plus tard de Geutsangpa (rgod tshang pa mgon po rdo rje, 1189-1258), le fondateur de la branche supérieure (tib. stod ‘brug) de la lignée Droukpa kagyu, sous la direction duquel il pratiqua les Six yogas de Nāropa. La citation au complet, telle qu'on la trouve dans la thèse de Willa Blythe Miller, est ainsi : 
« kye ho 'di ni rang rig ye shes te//
ngag gi lam 'das yid kyi spyod yul min//
te lo nga yis ci yang bstan du med//
rang gis rang nyid mtshon ste shes par byos//
»
La traduction des deux vers supplémentaires :
« Moi, Tailo, je n'ai rien à enseigner
Connais ce qui se montre de lui-même
 »
La deuxième citation est connus sous le nom « Les six dharma de Tailopa ». Elle provient sans doute de l’anthologie de distiques de Tailopa (sct. dohākoṣa-nāma n° PK3128/DG2281), traduit en tibétain par Vairocanarakṣita, un des maîtres de Zhang (zhang brtson 'grus grags pa 1123-1193). Le verset complet est ainsi : 
« Ne projette pas, ne réfléchis pas, n’analyse pas
Ne cultive pas, n’agis pas, n’ais ni attente ni crainte
Et les schémas mentaux qui y attribuent une réalité disparaîtront d’eux-mêmes
Tu tombes alors sur la nature des phénomènes
. »[4]
La troisième citation se trouve dans un texte de Bus ston (1290-1364) sur les sources des instructions sur le repos dans la nature de l’esprit dans les sūtra et les tantra, intitulé phyag rgya chen po sems nyid ngal gso'i rtsa ba mdo yi lung dang sbyar ba, inclus dans le gdams ngag mdzod (volume MA) de Jamgon Kongtrul (1813 - 1899).[5] Je l’avais repéré dans un lointain passé dans un texte attribué à Gampopa qui avait été intégré son oeuvre complète, mais je n’en avais malheureusement pas noté les références. Si quelqu’un le reconnaît… Ce texte qui explique la méditation du Sceau universel en quatre phases[6] est très probablement la source des ajouts dans le Précieux ornement de la libération

En ce qui concerne les ajouts ultérieurs des citations attribués à Tilopa, voici l’explication du comité de traduction de Padmakara.
« Nous avons utilisé deux textes xylographiés, l’un provenant de Tashi Chökhor Lhünpo Ling et l’autre de Rumtek. Le premier est plus court, bien que parfois plus détaillé. Le second diffère du premier sur quelques points mineurs, mais il comporte des remarques supplémentaires, ainsi qu’un plus grand nombre de citations, notamment dans le chapitre consacré à la connaissance transcendante. Comme plusieurs citations proviennent de textes postérieurs à Gampopa, certains érudits tibétains pensent que le texte a été enrichi ultérieurement par les maîtres de la lignée. 
Quoi qu’il en soit, nous avons suivi les instructions de Péma Wangyal Rinpoché en mariant les deux versions du texte. En supplément à la version de Tashi Chökhor Lhünpo Ling, que nous avons prise pour base, nous avons traduit, en bas de page ou dans le texte même, entre crochets, ce que la version de Rumtek ajoute à la compréhension de l’œuvre. Le texte de Rumtek comporte en outre quelques notes explicatives interlinéaires. Nous les avons fait figurer dans les notes, en fin de volume, suivies de la mention « note de Rumtek ». »
Sans ces citations ajoutées, Tailopa ne figurerait pas dans le Précieux ornement de libération de Gampopa. Contrairement à la méthode de travail exposée ci-dessus, le comité de traduction de Padmakara a lui-même fait un ajout dans le chapitre La cause circonstancielle de l’Eveil : l’ami de bien. On y lit (page 68) :
« Considérons notre ami de bien comme le Bouddha lui-même, ne désobéissons à aucune de ses instructions et soyons à son égard rempli de dévotion, de respect et de foi, à l’image du grand pandit Naropa pour son ami de bien Tilopa. »
Voici la traduction anglaise de Herbert V. Guenther :
« ‘To remain in touch with him by showing him devoted interest and reverence’ is to think of a spiritual friend as the Buddha, not to disobey his commands, and to awaken in yourself devoted interest, reverence and confidence ; as was done by paṇḍit Nāropa. »[7]
Dans la version tibétaine, on trouve « comme le mahāpaṇḍita Nāropa avait suivi [son] ami de bien (sct. kalyāṇamitra) ». [8]

L'importance prise par Tailopa semblerait dater d'après la mort de Gampopa, et Tipupa et Réchungpa en sont considérés comme la source. 

***

[1] Précieux ornement de la libération, éd. Padmakara, p. 255 En tibétain : Tai lo pas kyang*/ kye ho ‘di ni rang rig ye shes te// ngag gi lam ‘das yid kyi spyod yul min// zhes gsungs so/

[2] Précieux ornement de la libération, éd. Padmakara, p. 263 En tibétain : De ltar yang tai los/ mi mno mi bsam mi shes shing*// mi sgom mi dpyad rang sar bzhag// ces gsungs so//

[3] Précieux ornement de la libération, éd. Padmakara, p. 263 En tibétain : sems nyid ngal gsor yang*/ bu nyon khyod gang rnam par rtog/ ‘dir bdag ma bcings ma grol phyir// ma yengs ma bcos rang dgar ni// kye ho dub pan gal sos shig// ces gsungs so/

[4] mi bsam mi mno brtag dpyad mi bya zhing*//
mi sgom mi dbyod re dogs mi bya bar//
der 'dzin blo yi 'du byed rang sar grol//
dang po'i chos nyid steng du de yis phebs//

[5] bu nyon khyod gang rnam par rtog// 'dir bdag ma bcings ma grol phyir// ma yengs ma bcos rang dgar ni// kye ho dub pa ngal bsos shig// ri rab sna tshogs pa nyid pas shes rab kyi pha rol tu phyin pa sna tshogs pa nyid do/

[6] Voici le texte sans le titre...

De goms par byed pa la bzhi ste, 1. sngon ‘gro dang, 2. myam bzhag dang, 3. rjes thob dang, 4. goms rtags dang,,

1. de la sngon ‘gro ni, sems rnal du dbab pa’o, ci ltar dbab na,
shes rab kyi pha rol tu phyin pa bdun brgya pa las,

rigs kyi bu’am, rigs kyi bu mos dben pa’i mal stan brten par bya, ‘du ‘dzi med pa la dga’ bar bya, mtshan thams cad yid la mi byed par skyil krung bcas te ‘dug nas, shes rab la sogs pa dang, phyag rgya chen po’I sngon ‘gro ltar bya’o, ,

2. de nas myam par bzhag pa’I thabs rnams kyang, phyag rgya chen po khrid lugs ltar byas nas, yod med blang dor ci la yang mi sems par ‘bad rtsol dang bral bar bzhag go,

3. de ltar yang tai los, mi mno mi bsam mi shes shing, mi sgom mi dpyad rang sar bzhag, , ces gsungs so, ,

4. sems nyid ngal gsor yang,

bu nyon khyod gang rnam par rtog,
‘dir bdag ma bcings ma grol phyir,
ma yengs ma bcos rang dgar ni,
kye ho dub pa ngal sos shig,

ces gsungs so,

[7] The Jewel Ornament of Liberation, p. 35

[8] Mos pa dang*/ gus pas ji ltar bsten pa ni/ dge ba’i bshes gnyen la sangs rgyas kyi ‘du shes bzhag la/ ji skad gsungs pa’i bka’ mi gcog pa dang*/ mos pa dang*/ gus pa dang*/ dang ba bskyed pas te/ dper na paN chen nA ro pas dge ba’i bshes gnyen ji ltar bsten pa bzhin no/

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