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Maitrīpa "pratiquant" dans un charnier (HA60674) détail |
Qui n’a rêvé, enfant, d’avoir des superpouvoirs[1] comme de nombreux personnages dans le contes des frères Grimm. Et franchement, l’effroyable Rumpelstilzchen (Nain Tracassin) (KHM055), qui change de la paille en or, en échange d’un premier-né, n’a-t-il pas des airs d’un vetāla ou d’un vidyādhara ?
"Aujourd'hui je fais un rôti, demain je brasse de la bière,Dans les contes de Grimm, pouvoirs surnaturels et pouvoirs alchimiques se mélangent, tout comme dans le genre des contes dits de “vampires” ou Vetāla indiens, népalais et tibétains, dont l’usage et les interprétations évoluent en fonction des modes. Faveurs, magie, alchimie magique, alchimie interne, dans le but d’une transformation ou auto-déification, voire avec des desseins nettement plus pragmatiques (les huit siddhis, aṣṭasiddhi).
après-demain je vais chercher l'enfant de Madame la Reine[2],
ah comme c'est bien que personne ne sache
que je m'appelle Rumpelstilzchen![3]"
“La magie a la même finalité que la mécanique. Il s'agit d'essayer d'arracher à la nature ses secrets, c'est-à-dire de découvrir les processus occultes qui permettent d'agir sur la nature pour la mettre au service des intérêts humains. Mais la [magie antique] repose originellement sur la croyance selon laquelle les phénomènes naturels sont provoqués par des puissances invisibles, dieux ou démons, et que l'on peut ainsi modifier les phénomènes naturels en contraignant le dieu ou le démon à faire ce que l'on veut réaliser. On agit sur le dieu ou le démon en l'appelant par son vrai nom, puis en accomplissant certaines actions, certains rites, en utilisant des plantes ou des animaux que l'on considère comme étant en sympathie avec la puissance invisible que l'on veut forcer. Le dieu devient alors le serviteur de celui qui a accompli la pratique magique. Car le mage prétend dominer cette puissance, la contraindre, l'avoir à sa disposition pour réaliser ce qu'il désire.” (Hadot, 2008[4])Depuis toujours, les mages se tournent plutôt vers les entités semi-divines, plus proches, plus prêts à commercer (troc et transactions), et plus corruptibles que les dieux. Dans l’univers indien, les vidyādhara et les siddha, pouvant servir d’intermédiaire aux humains, étaient au départ semi-divins[5] avec une certaine immortalité, parfois un peu bancale, comme dans le cas du vetāla (“vampire”) qui a besoin d’entrer dans une dépouille pour communiquer et interagir avec les mortels.
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Vidyādhara volant, l'épée dans sa main, Robert N Linrothe 1951 |
Les humains qui voulaient acquérir des pouvoirs surnaturels -- avec des motivations si humaines -- et un corps immortel, se tournèrent vers ceux qui étaient censés détenir (dhara) cette science (vidyā), les vidyādhara “de naissance”. En obtenant cette science, ainsi qu’un corps quasi immortel, les humains pouvaient à leur tour devenir comme des vidyādharas. Les êtres semi-divins, qui sont des intermédiaires, peuvent être trouvés dans des lieux intermédiaires, sur les cimes de montagnes, dans des lieux de “transition” comme les charniers et les crématoriums, là où l’on pouvait par ailleurs trouver à la fois des moines bouddhistes, des kāpālikas, des vāmācāras (tāntrika “de la main gauche”), etc.
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Vidyādhara chevauchant un cadavre vetāla (HA792) détail. |
Cette science (vidyā) et ces pouvoirs pouvaient être obtenus par des faveurs, des grâces. Ils pouvaient faire l’objet de transactions, ou être obtenues par la force rituelle. Par exemple en appelant l’entité semi-divine par son vrai nom, ou en s’adressant à son supérieur, etc. Les experts en rituels étaient des sorciers, des mages, des “accomplis” (siddha). Au lieu de passer la nuit dans des charniers soi-même, on pouvait faire appel à leur services, contre un petit obole (dakṣiṇa) ou une grande offrande, qu’il fallait mieux payer afin d’éviter l’ire de l’officiant, comme certains l’avaient appris à leur dépens. Tout cela nous le savons grâce aux différentes versions de Contes de vetāla.
Le roi converti au bouddhisme Harṣa, également connu sous le nom de Harṣavardhana (590-647), régna sur “l'Inde du Nord” de 606 à 647, et unifia une grande partie de cette région, y compris la vallée du Gange, le Népal, le Bihar, le Bengale et le Sind.
“Au début, Harṣa était un adorateur de Śiva, mais il devint ensuite un bouddhiste Mahāyāna. Il était cependant tolérant à l'égard des autres croyances. Dans le but de populariser et de propager les doctrines du Mahāyāna, Harṣa organisa à Kanyakubja une grande assemblée présidée par Hiuen Tsang (602-664). Hiuen Tsang emporta de nombreux manuscrits en Chine et en traduisit plus de 600. Une autre grande cérémonie se tint pendant 75 jours à Prayag (Allahabad). Les images de Bouddha, du Soleil et de Śiva y étaient vénérées, et des dons d'articles de valeur et de vêtements étaient distribués par charité. Tous les cinq ans, des cérémonies religieuses étaient célébrées dans l'ancienne ville d'Allahabad. C'est là qu'avait lieu la cérémonie de Dāna, ou don, qui durait trois mois.” (World History Encyclopedia, Gaurav Chugani)Sa cour accueillit des érudits comme Bāṇabhaṭṭa, auteur du Harṣacarita, une biographie détaillée du règne de Harṣa. Avec les récits de voyage de Hiuen Tsang, c’est une des sources principales concernant ce roi bienfaiteur de l’université de Nālandā. Lors de la narration des origines de la dynastie Puṣpabhūti, Bāṇa y décrit un rituel tantrique nocturne accompli en compagnie du roi Puṣpabhūti, le fondateur de la dynastie, par un ascète (Bhairavāchārya) dans un charnier (śmaśāna). Voici la version de Bāṇabhaṭṭa.
Le roi et trois hommes arrivèrent dans un lieu avec une mise en scène rituelle, silencieuse et macabre. Un noir-obscur, éclairé par des lampes à huile, enfumé par l'encens de guggul et des grains de moutarde protecteurs dispersés partout. Au centre d'un cercle de cendre, Bhairavācārya, le corps luisant, était assis sur un cadavre enduit de santal rouge. Il effectuait un rituel de feu dans la bouche ouverte du mort. Entièrement vêtu de noir, le corps couvert de substances noires, il offrait des grains de sésame noirs au feu. Ses yeux étaient rougis par la fumée, ses mains et ongles souillés luisants par le contact avec le cadavre. En murmurant des mantras, il versait du sang dans les flammes. Son corps en sueur brillait à la lumière des lampes. Un cordon sacré pendait sur son épaule, comme un accoutrement de vidyādhara (vidyā-rājenêva brahma-sūtraṇa)… Le roi s'inclina devant lui. Bhairavācārya le salua et poursuivit son rituel[6].
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Apparition de Lakśmī (Ernest Griset 1870) |
Une entité spirituelle (d’abord perçue comme hostile) se manifeste, que Puṣpabhūti combat avant qu’elle ne se révèle être la déesse Lakśmī. Lakśmī est la déesse de la prospérité, de la fortune et du pouvoir royal. Sa manifestation après un combat rituel symbolise l'obtention légitime du pouvoir et de la prospérité par Puṣpabhūti.
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Yogi faisant marcher des cadavres (grongs 'jug) (HA792) détail |
Bien que les vetāla ne jouent pas encore leur rôle spécifique apparu plus tard, et font plutôt partie du décor, la scène racontée par Bāṇabhaṭṭa partage des motifs communs avec les récits de vetāla. Les vetāla y apparaissent comme des esprits qui habitent les cadavres abandonnés, dansant parmi les bûchers funéraires et produisant des sons terrifiants.
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Scène de charnier (HA7778) |
Bāṇa les décrit avec des attributs macabres: leurs corps pâles et décharnés, leurs mouvements saccadés (à la Walking Dead), et la façon dont ils se manifestent subitement avant de disparaître. Ils font partie d'un ensemble d'entités qui comprend également des piśāca (goules), des ḍākinī (sortes de sorcières tantriques) et d'autres êtres associés aux pratiques śākta-tantriques. Par ailleurs, le vetâla indien n'est pas exactement équivalent au vampire occidental. Il s'agit plutôt d'un esprit qui prend possession d'un cadavre n'ayant pas reçu d'obsèques appropriées[7].
L'association de vetāla avec les rites tantriques de crémation et le fait que les Kāpālikas pratiquaient également des rites dans ces lieux suggèrent un lien entre les deux. Le Śivaïsme Kāpālika est caractérisé par des rituels impurs, souvent liés aux lieux de crémation, et l'adoration de Śiva sous sa forme de Bhairava. Le culte de vetāla est également lié aux lieux de crémation et aux divinités féroces (Po-chi Huang, 2009[8]). L'organisation des Kāpālikas semble avoir disparu au XIIIe ou XIVe siècle, survivant principalement dans les textes littéraires de leurs opposants. Cela signifie que le mouvement Kāpālika en tant que groupe religieux organisé était plus tardif par rapport à la première mention littéraire significative des contes de vetāla au VIIe siècle (White, 2000[9]).
“Les cadavres sont remarquablement souvent associés aux Mahāvidyās[10], et les terrains de crémation semblent être particulièrement privilégiés comme lieux pour les vénérer. Kālī, Tārā... sont toutes décrites comme se tenant debout ou assises sur des cadavres... souvent décrites ou représentées comme résidant dans des terrains de crémation... En discutant de l'empuissantement ou de la perfection des mantras, qui s'accomplit principalement par la répétition, le Mantra-mahodadhiḥ dit : "Un Sādhaka qui, assis sur un cadavre, effectue un lakh (100 000) [répétitions] de ce mantra, son mantra devient puissant et tous ses désirs chéris sont bientôt réalisés." ... Le Tantrasāra, un texte principalement consacré aux Mahāvidyās, contient des descriptions détaillées à la fois du śavā sādhanā (effort spirituel avec un cadavre) et du citā sādhanā (effort spirituel sur un bûcher funéraire). Ces rituels ne sont pas décrits comme applicables à une déesse particulière parmi les Mahāvidyās, donc probablement les deux techniques sont appropriées dans le culte de n'importe laquelle, ou du moins de plusieurs des Mahāvidyās[11].” (Kinsley, 1997)Les "Vingt-cinq [histoires] du Vampire" (Vetālapañcaviṃśatikā) étaient fixés par écrit en sanskrit vers le XIe siècle. La version la plus connue fut composée par Somadeva, un brahmane cachemirien du XIe siècle, et elle était intégrée dans son vaste recueil "Kathāsaritsāgara" (l'Océan des rivières des contes). Louis Renou, célèbre indianiste français, a choisi de traduire cette version pour son édition française (Gallimard/Unesco, 1963).
“Quelles que soient les incertitudes concernant la genèse de ces Contes au Pays des neiges, il est incontestable en revanche qu'ils y reçurent un accueil enthousiaste, ainsi que ce fut le cas en Mongolie. En effet, on ne dénombre pas moins d'une vingtaine de recensions tibétaines différentes (cette différence pouvant porter sur le titre, l'énoncé du récit-cadre, le contenu, l'ordre ou le nombre d'histoires qui la composent) sous forme de manuscrits, de xylographes ou de livres de format moderne, versions qui totalisent plus de soixante épisodes différents, certains communs à toutes et d'autres ne se retrouvant que dans certaines.”Il existe une version tibétaine de 21 contes, qui porte le titre abrégé “Ro sgrung”, et qui a pour titre complet “Les vingt-et-un contes des vetālas transformés en or“ (dPal mgon 'phags pa klu sgrub kyis mdzad pa'i ro langs gser 'gyur gyi chos sgrung nyer gcig pa rgyas par phye ba), et qui est attribué à Nāgārjunagarbha[14], qui serait un autre nom d'Ārya Nāgārjuna[15]. C’est en fait un Nāgārjuna légendaire ET tantrique[16], car le Nāgārjuna “que nous connaissons” est de toute façon légendaire. Cette version montre le lien entre l’univers des vetālas “transformés en or” (gser ‘gyur) avec leurs pouvoirs (siddhi), et celui des siddhas et vidyādharas et leur accomplissements (siddhis) dits “ordinaires”, comparés au siddhi ultime qu'est le parfait éveil.
“Lors du passage de l'Inde au Tibet, seuls ont été conservés la technique de l'enchâssement d'histoires dans l'histoire ainsi que le trio du récit cadre: l'ascète, le cadavre dans son arbre[12] et le personnage mis au défi de rapporter ce dernier (selon les versions, un prince, un mendiant ou un simple garçon).”
(Les Contes facétieux du cadavre (Mi ro rtse sgrung[13]), Françoise Robin et Klu rgyal tshe ring, Asiathèque, 2005)
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Vetāla avec la langue sortie, vu par Franciso Vargas |
Dans différentes oeuvres, le grand expert en histoire surnaturelle, Tārānātha (1575–1634) explique le lien entre Nāgārjuna (le tantrique), l’alchimie, la transformation en or (gser ‘gyur), les vetālas, et les siddhis. Dans son Histoire du bouddhisme indien (Dam pa'i chos rin po che 'phags pa'i yul du ji ltar dar ba'i tshul gsal bar ston pa dgos 'dod kun 'byung), il explique comment obtenir le “vetāla-siddhi” (ro langs kyi dngos grub)[17], et de transformer la langue du vetāla en une épée magique de Vidyādhara et son corps en or “durable”. En coupant la langue du vetāla avec ses propres dents… Tout “morceau d’or” tranché du corps transformé du vetāla est restauré magiquement durant la nuit, ce qui rend la quantité d’or potentiellement inépuisable. Détail piquant, un certain moine bouddhiste appelé Naradā avait besoin de beaucoup d’or pour construire le monastère d’Odantapuri, et avait fait appel à un yogi “non-bouddhiste” (tirthika) expert. Le rituel réussit, et le moine et le yogi hérétique se partagent le butin. L’or est pour le moine, et l’épée magique pour le yogi, qui s’envole en vidyādhara vers les royaumes des dieux (lha yul du song).
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Raja Vikram trouve le "Jogi" (Ernest Griset 1870) |
Dans un autre texte, Les sept lignées d’instructions (bKa’ babs bdun ldan[18]), Tārānātha explique les origines de la lignée du Mahāmudrā (tantrique). Nāgārjuna (le tantrique) y est présenté comme le disciple de Saraha.
“Ayant été ordonné moine, il n'y avait rien que [Nāgārjuna] ne pouvait comprendre dans les textes du Tripiṭaka du Mahāyāna et du Hinayāna et dans les sciences subsidiaires. Puis il pratiqua les sādhanas de Mahāmāyūrī, Kurukulla, les neuf Yakşis et Mahākāla et atteignit également le siddhi de la Pilule, le siddhi du Collyre, le siddhi de l'Épée, le siddhi du Pied-Rapide, le siddhi de l'Élixir et le siddhi du Trésor-Caché, ainsi que beaucoup d'autres. Finalement, il perfectionna tous les pouvoirs lui permettant de détruire la vie et de la ranimer [gcod pa dang slar gso ba], et les Yakşas, Nāgas et Asuras devinrent tous ses serviteurs. En perfectionnant l'extraordinaire siddhi de l’alchimie [≈ bcud len], il atteignit un corps de Vajra et l'on dit qu'il obtint de grands pouvoirs magiques ainsi que le pouvoir de prescience.Maintenant que nous savons comment est obtenu le “vetāla-siddhi”, il semble tout naturel que Nāgārjuna figure comme expert dans les Contes de vetāla bouddhistes tibétains.
Ayant perfectionné le Mantra de Mahākāla à Dhānyakataka, il y resta et médita sur le Tantra de Mahākāla et sur la pratique consistant à forcer sa présence. Soutenu en ce lieu par Acala, il perfectionna la forme illusoire de Mahākāla avec des dakiņis autour de sa tête et il fit apparaître Mahākāli, à partir de chacun des huit Tantras de Mahākāla, d'une forme à deux bras jusqu'au Tantra traitant de la forme à dix-huit bras, la forme réflexe de Kurukulla, etc. En invoquant ces formes, il put gagner le conseil des Vidyādākinīs. On dit qu'il invoqua les 160 différentes sortes de sādhana, perfectionna, tous les huit siddhis communs, tels que les siddhis de l'Épée et du Mercure, etc., à un degré absolu de perfection[19].”
Un des effets secondaires[20] des Contes de vetālas est qu'ils confirment la croyance dualiste de la séparation entre l’âme (ou “l’esprit” (pneuma) immortel et le corps mortel. Un “corps” est contrôlé par celui qui l’habite. Un vetāla peut entrer ou “posséder” (praveśa) le corps d’un autre (parakāya, grong ‘jug en tibétain)[21]. A la mort, l’âme, l’esprit, la conscience, le “rigpa”, etc. est dit quitter le corps mortel. Tout comme il semble possible de transférer sa volonté ou conscience, temporairement ou à long terme, sur le corps d’un autre, et de le contrôler, “la conscience” d’un individu peut être transférée (‘pho ba) dans une terre pure comme Sukhāvatī au moment de la mort. Il y a d’un côté un “esprit”, et de l’autre, le corps d’un autre (parakāya), ou une terre pure (dag pa'i zhing khams), où “l’esprit” peut être transféré (‘pho ba) volontairement et activement, et non dans le cadre d’une transmigration subie, malgré soi. Ces contes ont pour effet de créer un univers mental d’un “esprit” autonome, capable de s’installer dans un corps (et de le contrôler), ou alternativement de l'éjecter vers une terre pure. La voie du milieu entre être et non-être et le non-dualisme, le vrai, en prennent un coup. Mais pour la littérature c’est définitivement un plus…
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Vikram and the Vampire, Tales of Hindu Devilry by Richard F Burton, illustrated by Ernest Griset, Londres 1870 |
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"Les fables, loin de grandir les hommes, la Nature et Dieu, rapetissent tout." Lamartine (Milton) |
Les séries de pratiques dites “Six yogas” ou de trois “yogas” aux débuts de l’école Shangpa kagyu (corps illusoire-rêve-Lumière) sont associés aux grands tantras (Guhyasamāja, Hevajra, Cakrasaṃvara, etc.), et ont pour objectif de préparer le corps mental subtil (lumineux) afin de rejoindre la Lumière Mère (ou Père…). Les contes de vampires et de fantômes de tout genre peuvent ainsi constituer un véritable “soft power” spiritualiste, en abordant de façon ludique ce qui nous horrifie le plus.
Les pouvoirs des vetālas, et autres entités surnaturelles, ont toujours intéressé les siddhas, mahāsiddhas et vidyādharas, à la recherche de gnose (vidyā) et de méthodes (upāya) pour trouver l’immortalité, contrôler le monde et ses habitants, et assaillir les portes des cieux, avec le parfait état de bouddha au loin, quelque part à l’horizon. Les austérités (tapas) et l’ascèse de l’époque des śramaṇa furent dépassées par la recherche de pouvoirs. Les tantras hindous, bouddhistes, etc. allaient donner les recettes pour répondre aux “besoins”. Une gnose (vidyā) et des méthodes censées avoir été transmises par des entités surnaturelles qui les détenaient (dhara). En les recevant, et en les mettant en oeuvre, les mêmes pouvoirs étaient désormais à la portée de tous les humains chercheurs de vérité et/ou de gnose.
Comme nous avons vu, parmi ceux-là, selon la tradition, il y avait Nāgārjuna (2e -3e siècle), le deuxième Bouddha, avant que Padmasambhava (“le chef des vidyādhara”[22]) ne lui dérobait ce titre. L’autorité de Nāgārjuna fut utilisée pour authentifier toutes sortes d’écritures bouddhistes, et y compris les révélations de gnose (vidyā) et de méthodes appelées “tantras”, notamment le Guhyasamāja. C’est grâce à ses pouvoirs surnaturels que Nāgārjuna a pu durer, vivre et évoluer avec le bouddhisme. Son corps mortel avait peut-être disparu au 3e siècle, mais son “esprit” hante toujours les contrées bouddhistes, en y inspirant des auteurs de tout genre.
Ce Nāgārjuna est à sa place dans les “Contes de vampires” du bouddhisme tibétain. Dans une version Indienne, c’était le roi Trivikramaśena (Vikram pour des intimes comme Richard F Burton) qui entra en contact avec le vetāla (animant un cadavre), et qui obtint grâce à celui-ci “la souveraineté des vidyādharas”. (Renou, Contes du vampire, 1963). Dans la version tibétaine il obtient entre autres une épée magique (un des huits siddhis ordinaires) pour abattre un méchant tāntrika de la main gauche (vamācārya).
Egalement au Tibet, et figurant dans la même lignée de Mahāmudrā exposée par Tārānātha (voir plus haut), on trouve Maitrīpa (alisas Maitrīgupta, Advayavajra, etc.), qui aurait reçu toutes les initiations et instructions du légendaire Śavaripa pour devenir un vidyādhara.
“[Maitrīpa] devint Seigneur d'innombrables Vīras⁴ et Ḍākas⁵. Il pensa : « Maintenant j'ai obtenu les huit Siddhis⁵⁶, le siddhi de l'épée et tous les autres. » Quand tous les signes de perfection étaient apparus, il pensa qu'il devrait faire durer sa vie un éon et qu'il deviendrait un Vidyādhara. Il se procura tous les objets rituels nécessaires. Śavarī pointa son doigt vers eux, les réduisant en cendres. Il dit à Maitrīpa : « Que ferais-tu d'une telle illusion ? Enseigne plutôt le sens profond ! » et, en conséquence, ayant prononcé ces paroles, Maitrīpa retourna à Mādhyadeśa[23].”Avec Maitrīpa, l’objectif de devenir un vidyādhara (sorcier) immortel, aurait dû s’arrêter par la demande de Śavarī, qui l’invita à enseigner le sens profond (da khyod sgyu ma ci bya/gnas lugs kyi don gya cher shod, extrait de bka' babs bdun ldan p. 566). Mais il semble avoir encore changé d’avis…
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Nāropa en vidyādhara (HA32125) détail |
Nāropa ne figure pas dans la même lignée de Mahāmudrā, mais il aurait reçu le même type d’instructions du légendaire Tailopa. Dans La Vie de Marpa écrite par Tsangnyon Heruka (1452-1507), lors d’un banquet gaṇacakra dans un charnier, Marpa pense avec nostalgie au bon vieux temps de Nāropa et Maitrīpa.
“Dans le charnier, les chacals hurlaient et l'on entendait toutes sortes de bruits. Tous ceux qui s'étaient rassemblés prirent peur. ‘Il faut terminer ce festin sans tarder, dirent-ils. Ce charnier est un peu trop risqué, les non-humains pourraient nous amener des obstacles’.C’est justement grâce à la fréquentation des charniers, et de leurs habitants surnaturels, que Nāropa et Maitrīpa maîtrisaient l’art de manipuler des cadavres (grong ‘jug), tout comme Marpa d’ailleurs. Enfin, c’est que raconte Tsangnyön Heruka. Dans sa hagiographie de Marpa, celui-ci en fait la démonstration devant le cercle de ses bienfaiteurs ébahis (Charrier 2003, p. 165-167).
Par devers lui, Seigneur Marpa pensa : ‘Les maîtres Nāropa et Maitrīpa auraient préféré rester dans le charnier et s'asseoir sur un cadavre pour vraiment prélever de la chair humaine. Quand ils ne peuvent s'en procurer, ces maîtres entrent en absorption méditative et s'en délectent par la visualisation. Même si des hordes de ḍākinīs courroucées se mettaient en file pour recevoir les tormas, ils n'auraient aucune peur. Mais ce soir, dans ce vallon désert, il se trouve que les pratiquants sont terrorisés par les hurlements des chacals et le bruit des éléments.” (Marpa, maître de Milarépa, sa vie, ses chants, trad. Christian Charrier, Claire Lumière, 2003, p.142)
“En Inde, j'ai reçu de la parèdre Laie Adamantine [Vajravārāhī], les pilules bénies et les instructions orales qui font revivre, seul remède contre la mort fondé sur la sagesse primordiale. Je vais rester ici et transférer ma conscience dans l'agneau qui est là-bas. Allez donc voir comment il réagit, dit-il à Jowo et ses disciples, ainsi qu'aux nombreux donateurs qui s'étaient rassemblés.C’est à cause de ce genre de pouvoirs que Marpa a pu avoir “la ferme conviction que Naropa et Maitripa étaient encore plus grands que le Bouddha.[25]” (Charrier, 2003, p. 129). Cela était dû notamment aux siddhis accessibles par les méthodes de sa lignée. Il existe différentes classes des huit siddhis ordinaires, parmi lesquels les siddhis associés au vetālas (voir ci-dessus). La liste des siddhis ordinaires était toujours d’actualité dans le Commentaire du Lamrim Yeshe Nyingpo par Jamyang Khyentsé Wangpo (1820-1892)[26].
A ces mots, tous se dirigèrent vers le cadavre de l'agneau qui, lorsque le maître entra en absorption méditative, bondit et se mit à gambader. Stupéfaite, la tisseuse à l'ouvrage s'écria en tremblant :
Comment est-ce possible ? Il était raide mort et le voilà debout à faire des bonds!
Effrayée, elle s'apprêtait à le frapper de son balai, lorsque les témoins accoururent.
- Ne le frappe pas ! crièrent-ils. C'est lama Marpa! Il lui a transféré sa conscience.[24]”
“Pour résumer le sens de l'explication détaillée de la pratique de l’initiation de sagesse-connaissance : d'abord, examiner, attirer et purifier la partenaire de sagesse (rig ma) constitue la phase de l'approche (bsnyen pa'i yan lag). La phase de l'approche appuyée (upasevā) [correspond) aux nombreux aspects de la phase de jonction (sbyor ba'i yen lag) qui consiste en les 27 instructions du chemin de la méthode (upāya-mārga), et qui résulte en la phase de l'accomplissement (sgrub pa'i yan lag), où sont générés les quatre joies descendantes en ordre descendant situées dans les quatre cakras, puis, dans la phase du grand accomplissement, où sont stabilisées les quatre joies en ordre ascendant. En s'efforçant de pratiquer ces quatre phases, [se manifeste] la septième chemin de l'accumulation (tshogs lam) qui consiste en la transformation non-définitive, et les deux niveaux des quatre [facteurs] dépendants, où par la réintégration (yoga) de la pensée du débutant (adikarmika), la pensée et l'énergie (rlung) deviennent malléable, ce qui résulte en les huit siddhis ordinaires, à savoir le vetāla-siddhi, la transmutation en or, l'épée, l'armure, Prasena (la connaissance des événements passés, présents et futurs), la marche rapide, une longévité vajra (tshe rdo rje), les perceptions extrasensorielles, les créations vajra (rdo rje sgyu ma) et autres accomplissements. On obtient également les quatre grands rites (caturmahākriyā, las chen bzhi), etc., comme il est enseigné, permettant ainsi d'accomplir le bien [d'autrui].[27]”Si on ne tient pas compte de l’évolution historique du bouddhisme tibétain (pāramitāyāna, vajrayāna, mahāmudrā tantrique, Dzogchen), ni des auteurs bouddhistes spécifiques et les oeuvres qui leur sont attribués, et qui inscrivent dans cette évolution, on pourrait croire que l’objectif et les méthodes étaient toujours les mêmes, et qu’une lignée (p.e. celle de la transmission du vetāla-siddhi) soit réellement ininterrompue ? En effet, en ce qui concerne la nécessité des huit siddhis pour un éveil "complet" (y compris le “vetāla-siddhi”), très peu semble avoir changé au 19ème siècle, ni au 21ème d’ailleurs… Khenpo Lodro Donyod reprend dans un chapitre de son livre sur l’origine du Kālacakra[28], verbatim, le passage du Vetāla-siddhi mentionné ci-dessus. Cependant, la méthode macabre pour obtenir ces siddhis semble avoir été abandonnée. Elle passe désormais par des “visualisations” (travail de l’imaginaire), par une alchimie interne (rtsa-rlung-thig le), et surtout par la dévotion au maître, considéré comme un vidyādhara, et à sa lignée qui remonte au Roi de tous les vidyādhara, le Précieux Guru Padmasambhava, source de tous les siddhis, sous un de ses nombreux aspects. La pratique est devenu essentiellement un guruyoga, qui se résume dans un mantra (oM AHhU~M badz+ra gu ru pad+ma sid+d+hi hU~M:), une requête pour recevoir les siddhis, et qui dépend surtout de la dévotion.
“Inspirez-nous de vos bénédictions dans cette vie, la suivante et dans les états du bardo,
Délivrez-nous de l’océan de souffrance du saṃsāra,
Inspirez-nous de vos bénédictions afin que nous puissions atteindre notre nature éveillée non née et
Accordez-nous les siddhi ordinaires et suprême ![29]”
ཨོཾ་ཨཿ་ཧཱུྂ་བཛྲ་གུ་རུ་པདྨ་སིདྡྷི་ཧཱུྂ༔
Le cercle est fermé. Dans une première phase, les faveurs et les dons étaient accordés par des dieux. Dans une deuxième phase des Renonçants (śramaṇa), tournant le dos aux dieux, s'occupaient de leur propre salut et nirvāṇa. Dans une troisième phase, des yogis davantage engagés dans le monde, se tournèrent vers des entités semi divins capables de leur donner des pouvoirs (magiques), afin d'agir plus efficacement dans le monde. Dans une quatrième phase, des yogis davantage entrepreneurs voulaient devenir eux-mêmes des vidyādhara et des sidhas. Dans une cinquième phase, les pouvoirs des vidyādhara et des sidhas étaient intégrés dans le cursus d'un Bouddha omniscient et omnipuissant, un māhavidyādhara. Dans une sixième phase, les lignées de māhavidyādharas deviennent l'objet d'un culte, permettant aux dévots d'obtenir les siddhis ordinaires et suprême comme une grâce.
***
[1] KHM 071 - Les six compagnons qui viennent à bout de tout
KHM 036 - La petite table, l'âne et le bâton
[2] “la fille du roi de Mālava”…, que les siddhas aiment faire enlever par des yakṣa ou des protecteurs à leur service. Voir p.e. le bKa' babs bdun ldan gyi brgyud pa'i rnam thar de Tārānātha.
“ji ltar bzhed pa thams cad nag po chen po bsgrubs pas dpag tshad brgya phrag mang po'i pha rol nas
brtan g.yo'i dngos po nam mkha' las khyer 'ongs te/ma la ba'i rgyal po'i bu mo nam mkha' las khyer 'ongs pa phyis mkha' 'gro gi gA d+ha ra zhes pa grags/ phal cher ni shar phyogs su sa la'i nags su gtso bor bzhugs/"
[3] „Heute back ich, morgen brau ich,
übermorgen hohl ich der Frau Königin ihr Kind,
ach wie gut ist, daß niemand weiß,
daß ich Rumpelstilzchen heiß!“
Rumpelstilzchen (1812), Wikisource
[4] Pierre Hadot, Le voile d'Isis. Essai sur l'histoire de l'idée de Nature. Folio Gallimard, 2008.
[5] Le cinquieme siécle aprés J.-C., l'Amarakoṣa (t. ʼChi med mdzod) définit les Vidyādharas (Sorciers) comme faisant partie de la classe des demi-dieux, aux côtés des nymphes, des dryades, des protecteurs, des musiciens célestes, des centaures, des goules, des cachés et des Parfaits (Siddhas).
[6] Extrait de The Harṣacharita of Bāṇabhaṭṭa. 7th ed. Bombay : Nirnaya-Sagar Press 1946.
Tair eva cânugamyamāno jagāma tāṃ bali-dīpâloka-jarjarita-guggulu-dhūpa-dhūma-gṛhyamāṇa-dig-vibhāgatayā vikṣipyamāṇa-rakṣā-sarṣapârdha-dagdhândhakāra-palāyamāna-niśām iva samupakalpita-sarvôpakaraṇāṃ niḥ-śabdāṃ ca gambhīrāṃ ca bhīṣaṇāṃ ca sādhana-bhūmim.[7] Encyclopedia of Demons in World Religions and Cultures, Theresa Bane, McFarland & Company, Inc., Publishers Jefferson, North Carolina, and London, 2012.
tasyāṃ ca kumuda-dhūli-dhavalena bhasmanā likhitasya mahato maṇḍalasya madhye sthitaṃ dīptatara-tejaḥ-prasaram, pṛthu-pariveṣa-parikṣiptam iva śarat-savitāram, mathyamāna-kṣīrôdâvarta-vartinam iva mandaram, rakta-candanânulepino rakta-srag-ambarâbharaṇasyôttāna-śayasya śavasyôrasy upaviśya jāta-jāta-vedasi mukha-kuhare prārabdhâgni-kāryam, kṛṣṇôṣṇīṣam, [111] kṛṣṇâṅga-rāgam, kṛṣṇa-pratisaram, kṛṣṇa-vāsasam, kṛṣṇa-tilâhuti-nibhena vidyā-dharatva-tṛṣṇayā mānuṣa-nirmāṇa-kāraṇa-kāluṣya-paramâṇūn iva kṣayam upanayantam, āhuti-dāna-paryastābhiḥ preta-mukha-sparśa-dūṣitaṃ prakṣālayantam ivâśuśukṣaṇiṃ kara-nakha-dīdhitibhiḥ, dhūmâlohitena cakṣuṣā kṣatajâhutim iva huta-bhuji pātayantam, īṣad-vivṛtâdhara-puṭa-prakaṭita-sita-daśana-śikhareṇa dṛśyamāna-mūrta-mantrâkṣara-paṅktinêva mukhena kim api japantam, homa-śrama-sveda-salila-pratibimbitābhir āsanna-dīpikābhir dahantam iva karma-siddhaye sarvâvayavān, aṃsâvalambinā bahu-guṇena vidyā-rājenêva brahma-sūtraṇa parigṛhītaṃ Bhairavācāryam apaśyat. upasṛtya câkaron namas-kāram. abhinanditaś ca tena sva-vyāpāram anvatiṣṭhat
[8] The Cult of Vetāla and Tantric Fantasy, Po-chi Huang, dans : Rethinking Ghosts in World Religions, Brill 2009
[9] David Gordon White, Tantra in Practice, 2000.
[10] Les Mahāvidyās sont considérées comme différentes manifestations ou aspects de la Déesse suprême (Mahādevī). Elles représentent la totalité de la réalité divine féminine, englobant des aspects à la fois terrifiants et bénéfiques. Kālī, Tārā, Tripura, Sundarī (ou Śoḍaśī), Bhuvaneśvarī, Bhairavī, Chinnamastā, Dhūmāvatī, Bagalāmukhī, Mātaṅgī, Kamalā (forme de Lakṣmī).
[11] “Corpses are remarkably often associated with the Mahāvidyās, and cremation grounds seem to be highly favored as places in which to worship them. Kālī, Tārā . . . a re all said to stand on or sit upon corpses . . . o ften described or pictured as dwelling in cremation grounds. . . . In discussing the empowerment or perfection of mantras, which is accomplished primarily by repetition, the Mantra-mahodadhiḥ says: “A Sādhaka who, sitting on a corpse, performs one lakh (100,000) [repetitions] of this mantra, his mantra becomes potent and all his cherished desires are soon fulfilled.” . . . The Tantrasāra, a text devoted primarily to the Mahāvidyās, has detailed descriptions of both śavā sādhanā (spiritual endeavor with a corpse) and citā sādhanā (spiritual endeavor on a cremation pyre). These rituals are not described as applicable to a particular goddess among the Mahāvidyās, so probably both techniques are appropriate in the worship of any, or at least several, of Mahāvidyās.” David Kinsley, Tantric Versions of the Divine Feminine: The Ten Mahāvidyās (Berkley: University of California Press, 1997), pp. 233–34
[12] Dans les contes de vetāla, celui-ci, quand celui-ci n’occupe pas un cadavre, il dort le plus souvent pendu à un arbre, la tête vers le bas, comme un chauve-souris… Crooke, Introduction to the Popular Religion, 67, 97, 152 ; Cuevas, Travels in the Netherworld, 95-97 ; Saletore, Indian Witchcraft, 83.
[13] Bod rigs kyi dmangs khrod gtam rgyud mi ro rtse sgrung, Xining, qinghai : Mtsho sngon mi rigs dpe skrun khang,
Buddhist Digital Resource Center, 2022
[14] “C'est ainsi que se termine "Les vingt-et-un contes du vetāla transformateur." Que celui qui écoute ou lit ces histoires obtienne sagesse et mérite. Ce texte a été composé par le grand maître Nāgārjunagarbha. Qu'il apporte bienfaits et bénédictions à tous les êtres.”
Dans Ro sgrung, le colophon indique:
"Ce texte contenant les récits de la transformation alchimique des vetālas a été composé par le grand ācārya Nāgārjunagarbha. Il a été traduit de la langue de l'Inde vers la langue du Tibet et révisé avec soin. Que par ce mérite, tous les êtres puissent atteindre l'état de bouddha.
Que tous les êtres soient heureux. Qu'ils soient libres de la souffrance. Qu'ils ne soient jamais séparés du bonheur sans souffrance. Qu'ils demeurent dans l'équanimité, libres de l'attachement et de l'aversion envers les proches et les lointains.
Ces paroles de sagesse qui transforment l'esprit comme l'alchimie transforme le métal en or, puissent-elles être préservées longtemps et apporter bienfaits et bonheur à tous ceux qui les entendent, les lisent ou les méditent.”
[15] Réimpression de Tibetan Cultural Printing Press Dharamsala-176215 Distt. Kangra, H.P. (India) 1984. Première édition chinoise 1980.
[16] Dans l’école Nyingmapa, Nāgārjuna fait aussi partie des huit vidyādharas.
“The Eight Vidyadhara are the important Indian teachers associated with the Eight Pronouncement deities of the Nyingma tradition likely originating or promoted first by Nyangral Nyima Ozer (1124/1136- 192/1204 [P364])” Himalana Art 5120.[17] Pour la traduction anglaise, voir Tārānātha’s History of Buddhism in India, traduit par Lama Chimpa, Alaka Chattopadhyaya et édité par Debiprasad Chattopadhyaya, Motilal Banarsidass, Delhi, reprint 1990, pp. 262-264.
[18] David Templeman, The Seven Instructions Lineages, LTWA, Dharamsala, 1983.
[19] “Having become ordained as a monk there was nothing he could not understand in the Tripitaka texts of Mahāyāna and Hinayāna and in the subsidiary sciences. Then he practised the sadhanas of Mahāmāyūrī, Kurukulla, the nine Yakşis and Mahākāla and also attained the Pill siddhi, the Eye salve siddhi, the Sword siddhi, the Fleetfoot siddhi, the Elixir siddhi and the Treasure-trove siddhi, as well as many others. Finally he perfected all the powers to enable him to destroy life and to revive it again, and Yakşas, Nāgas and Asuras all became his servants. By perfecting the extraordinary Elixir siddhi he attained a Vajra body and it is said that he got great magical powers as well as the power of foreknowledge.
Having perfected Mahākāla's Mantra at Dhānyakataka, he stayed there and meditated on Mahākāla's Tantra and on the practice of coercing his presence. Supported in that place by Acala, he perfected the illusory form of Mahākāla with dakiņis surrounding his head and he conjured forth Mahākāli, from each of the eight Mahākāla Tantras, from a two-armed form right up to the Tantra dealing with the eighteen armed form Kurukulla's reflex form, etc. By summoning forth these forms he was able to win the counsel of the Vidyādā-kinīs. It is said that he summoned forth the 160 various kinds of Sadhana, perfected, all eight of the common siddhis, such as the Sword and Mercury siddhis etc., to an absolute degree of perfection.” David Templeman, The Seven Instructions Lineages, LTWA, Dharamsala, 1983, p. 4.
[20] Par la grille de lecture de George Lakoff, auteur de "Metaphors We Live By" (1980), co-écrit avec Mark Johnson, où il développe la théorie des métaphores conceptuelles qui structurent notre pensée quotidienne. Appliqués à notre thème.
Construction d'un cadre cognitif dualiste: Les pratiques comme le transfert de conscience (grong 'jug) ou les rituels avec vetālas renforcent implicitement une vision dualiste corps/esprit. Cette métaphore fondamentale structure toute l'expérience spirituelle qui suit.[21] En tibétain, parakāya-praveśa est traduit par grongs ‘jug.
Cartographie de réalités parallèles: L'imagination de ces pratiques crée une géographie mentale où coexistent le monde ordinaire et un monde peuplé d'entités surnaturelles accessibles par des "techniques" spécifiques. Cette cartographie cognitive influence profondément la perception du pratiquant, qui commence à interpréter des expériences ordinaires comme des signes ou manifestations de ce monde parallèle.
Désensibilisation éthique subtile: Même pratiquées uniquement par visualisation, ces techniques impliquent d'imaginer des actes (manipulation de cadavres, extraction d'organes) qui normalement provoqueraient une répulsion éthique. Cette désensibilisation par l'imagination peut graduellement estomper certaines frontières morales intuitivement reconnues.
Conditionnement par la métaphore du pouvoir: La quête des siddhis, même métaphorisée, maintient active la métaphore centrale du "pouvoir spirituel comme acquisition" qui structure l'expérience du pratiquant. Cette métaphore peut subtilement orienter la pratique vers l'accumulation plutôt que le lâcher-prise.
Consolidation identitaire par l'exotisme: Ces pratiques imaginées créent une identité spéciale pour le pratiquant qui se voit comme héritier d'une tradition ésotérique ancienne. Cette métaphore fondamentale de "l'appartenance à un cercle d'initiés" structure profondément l'expérience sociale et psychologique.
[22] Guru Rinpoche est la manifestation de “Guru Dorjé Draktsel”, “the supreme chief of vidyādharas”. Light of Wisdom, Vol. II, trans. Erik Pema Kunsang. Rangjung Yeshe Publications: Hong Kong, 1998, pp. 65-66.
[23] “He became Lord over countless Viras and Dakas, He thought, "Now I have gained the eight Siddhis, the sword siddhi and all the rest." When all the signs of perfection had arisen, he thought he should make his life last an aeon and that he would become a Vidyadhara. He obtained all the ritual necessities. Savari pointed his finger at them, reducing them to ashes. Maitripa asked, "What would you do with such an illusion? Explain the profound meaning of this situation!" and, accordingly, having uttered those words he went back to Mādhyadeśa.” Templeman (1983), p. 12
[24] Extrait de : mNga' bdag mar pa lo tsA'i rnam thar bla ma dgyes pa'i bstod dbyangs sgra sgyur mar pa lo tsA'i rnam thar mthong ba don ldan/
da 'di 'dra mi mdzad par zhu zhus pas/ phan gnod ma byung bas/ de bas kyang 'jigs su song ste yang phug ron gyi drung du phyin zhu ba phul bas/ phug _phug ron gzhan lus grong du zhugs// gshog brkyang mkha' la ngo 'phur _ro_na _'gye_la _'phral _bla ma bzhengs nas/ rang lus khang stong bzhin bor nas/ zhes gsung zhing bshad pas/ der tshogs pa kun grong 'jug _la nges _she_sa _byas// bya ma bu 'phrad nas rtse ba de// kun kyis mthong ba ngo mtshar che/ 'drongs pas mchog tu ngo mtshar skyes par gyur to/ de ltar grong 'jug mdzad pa'i lo rgyus jo bos thos pas zer zer _min pa/ bden rang mi bden na ya mtshan de 'dra bas che ba mi 'ong zer zhing*/ bden nam/ yid la yang nar mar grong 'jug bden rdzun nga rang gis mthong ba zhig byed dgos snyam yod pa'i tshe/ nam zhig_jo bo'i tha ga ma zhig gi rtsar lu gu ltang dkar cig zhos 'grangs drags shi ba'i ro cig 'dug pas/ rje mar pa la jo bo na re/ khyed kyis 'di _la phug ron ltar grong 'jug gyis dang zer bas/ ngas rgya gar nas yum rdo rje phag mo'i bcud len shi sos kyi gdams _ngag ye shes kyi sman sbyor cig yod de byed pa yin gsung*/ jo bo la sogs bu slob dang*/ yon bdag mang po rang 'dzom sar/ rje mar pa'i zhal nas/ ngas 'dir bsdad nas 'jug pas/ lu gu ci byed cing 'dug ltos shig gsung ba ltar/ jo bo sogs mi kun gyis lu gu'i ro'i sar phyin/ bla ma ting nge 'dzin la bzhugs tshe/ lu gu har langs te 'khrabs pas thog ma ha las te/ g.ya' 'o na kho shi tshar ba langs te 'khrub pa 'di 'dra zer/ 'ol lu brdeg grabs byed cing 'dug dus/ ltad mi rnams kyis sleb ste ma brdeg cig/bla ma mar pas grong 'jug mdzad pa yin no byas _pas/ mo na re/ sngar rna bas thos pas/ de ring mig gis mthong ba ya mtshan pa ang zer/ thag bkrol nas lu gu dang rje mar pa'i phyogs la phyag phul lo// jo bos grwa pa rnams la lu gu sos pa bla ma yod sar sleb pa'i thabs gyis shig byas/ jo bo rang gis bla ma'i drung du phyin pas grongs pa'i tshul du 'dug/ grwa pa rnams kyis lu gu sku yod sar sleb par mdzad dgos pa'i gsol ba btab pas/ sku yod sar byon nas yang 'khrab cing / de nas sku bzhengs te/ dus sgra sgyur mar pa lo tsA'i rnam thar mthong ba don yod/ gsum sangs rgyas skyed yum gyi// bcud len 'chi med ye shes ni// grong 'jug bdud rtsi'i sman sbyar bas// lu gu shi sos gar dang ldan// zhes gsungs nas/ jo bo dad pa lhag par skyes te/ chos dbang zhus shing slob 'bangs su gyur to//[25] Extrait de : Mar pa lo tsA’i rnam thar, Si khron mi rigs dpe skrun khang, 1983, p. 103
NA ro mai tri gnyis ka la sangs rgyas las kyang lhag pa lta bu’i ‘du shes skyes so/[26] gSung 'bum/ 'Jam dbyangs mkhyen brtse'i dbang po, Vol. 17,
bla ma'i thugs sgrub rdo rje drag rtsal las/
Zhal gdams lam rim ye shes snying po'i 'grel pa ye shes snang ba rab tu rgyas pa zhes bya ba. Extrait :
sher dbang gi nyams len rgyas par bstan pa de rnams kyi don mdor bsdu na/ thog mar rig ma brtag 'gugs sbyong gsum gyis 'du bya ba bsnyen pa'i yan lag ste/ nye bar bsnyen pa'i yan lag ni thabs lam gyi chos nyer bdun gyis bsdus pa'i sbyor ba'i yan lag rnam pa mang pos/ yas babs kyi dga' ba bzhi 'khor lo'i gnas bzhir mas rim du bskyed pa ni sgrub pa'i yan lag dang*/ mas brtan gyi dga' ba bzhi yas rim du brtan par byed pa ni sgrub pa chen po'i yan lag ste bzhi po nyams len la brtson pas/ 'gyur ba ma nges pa dang/ brten pa bzhi'i sa gnyis kyis bsdus pa'i tshogs lam 'dun pa sems pa las dang po pa'i rnal 'byor gyis rlung sems las su rung bas thun mong gi dngos grub ro langs/ gser 'gyur/ ral gri/ go cha/ pra se na/ rkang mgyogs/ gzhan yang rdo rje tshe dang/ dbang po drug gi mngon shes dang/ sgyu ma rdo rje la sogs pa'i grub pa dang/ las chen bzhi sogs ji skad gsungs pa ltar grub pas don byed cing*/[27] Les quatre grands rites (caturmahākriyā, las chen bzhi, las bzhi, 'phrin las bzhi) correspondent aux quatre types d'activités : pacificier (zhi), enrichir (rgyas), subjuguer (dbang) et violente (drag).
[28] Dus 'khor chos 'byung in+dra nI la'i phra tshom, composé par 'Bo dkar mkhan po blo gros don yod. Première phase : Présentation générale de la tradition des Sugatas (skabs dang po bde bar gshegs pa'i ring lugs spyir bstan pa), à partir de page 152.
[29] La Prière en sept chapitres à Padmākara, le second Bouddha (sLob dpon sangs rgyas gnyis pa'i gsol 'debs le'u bdun ma bzhugs so).
'di phyi bar do gsum du byin gyis rlobs//
'khor ba sdug bsngal gyi rgya mtsho las bsgral du gsol//
skye med snying po lon par byin gyis rlobs//
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