samedi 2 novembre 2019

L' "harmonisme" de la Nouvelle Pensée




La Nouvelle Pensée (New Thought) est aussi appelée Penser Nouveau. C’est un courant de pensée religieux qui s'est développé dans la seconde moitié du xixe siècle aux États-Unis.
Les partisans de la Nouvelle Pensée adhèrent tout d'abord à une théorie de la guérison mentale selon laquelle toute maladie est provoquée par des croyances erronées : selon eux, une « pensée correcte » a un effet guérisseur. Ce même principe s'appliquerait à d'autres aspects de l'existence : il existerait ainsi une Loi de l'attraction permettant qu'une pensée positive dirigée vers un but déterminé aboutisse à sa concrétisation dans la réalité. Le mouvement est également panenthéiste : Dieu est omniprésent et la Création fait partie intégrante de la divinité. En conséquence, le mal n'existe pas réellement mais serait une projection des superstitions humaines dont il faut se libérer.” (Wikipedia)
John S. Haller[1] fait remonter la Nouvelle Pensée à Ralph Waldo Emerson et les transcendantalistes[2], qui avaient influencé D.T. Suzuki. Les idées spirituelles et psychologiques de la Nouvelle Pensée ont abouti à un cluster de métaphores culturelles, toujours très présentes dans la pensée spirituelle d’aujourd’hui.

Haller retrace le cheminement entre le calvinisme et la Nouvelle Pensée, où l’élément fédérateur est le “guérisseur mental” Phineas Parkhurst Quimby (1802–1866) et ses adeptes qui avaient pour thèse principale que la maladie était la conséquence d’une croyance erronée. Pour leur “Science en Christ” ils s’étaient inspirés des écrits de Franz Anton Mesmer (1734–1815) et d’Emanuel Swedenborg (1688–1772). Le savoir développé par les sciences était trop limité et devrait être complété d’informations auxquelles on pouvait avoir accès par des canaux extrasensoriels (séances, clairvoyance et autres expériences paranormales). Cette idée s’inscrivait de façon plus générale dans les Anti-lumières et le spiritualisme associé.

Plus philosophiquement/théologiquement, ces chercheurs spirituels s’intéressaient à la neurologie, le mesmérisme et la phrénologie (théorie selon laquelle les bosses du crâne d'un être humain reflètent son caractère), et souhaitaient les intégrer dans leur Nouvelle Pensée faite de christianisme, transcendantalisme, spiritualisme et la “Nouvelle Église” “Swedenborgianiste”.

Ce mouvement s’adressait principalement aux classes moyennes à la recherche de la “guérison” au sens le plus large. La Nouvelle Pensée leur parlait de l’harmonie qui se déployait dans l’individu, Dieu et la société. Dans la société américaine elle a contribué à l’idéal d’individualisme, d’autonomie et de “sanitarisme”.

Le monde mental était la seule et unique réalité, le monde matériel n’étant que la création du premier (lesprit précède la matière, Platon). Il fallait donc utiliser ces nouvelles sciences pour libérer le corps humain des obstacles matériels, causes de maladies. Ce n’est qu’en découvrant la liberté personnelle et la singularité de sa propre nature spirituelle que l’on faisait s’unir avec Dieu ou l’Un, que l’individu trouverait ultimement la santé et le bonheur permanents. Pour contrer la matière corporelle et les déficiences spirituelles, il fallait transformer la pensée mentale en une puissance dynamique à l’aide de l’affirmation catégorique, la mobilisation, la prière, et la visualisation d’une “Science en Christ”. Les “Nouvelles Penseurs” exploraient les nouvelles sciences pour célébrer la vie en identifiant l’étincelle de la divinité au plus intime de l’homme. L’homme avait en lui le pouvoir de recevoir un afflux de vie divine[3].

Sydney E. Ahlstrom (A Religious History of the American People, 1972) invente le terme “religion harmonielle” (harmonial religion), qui comprend toutes les formes de piété et de foi, dans lesquelles la la maîtrise de soi spirituelle, la santé physique et même le bien-être économique sont considérés de découler du rapport d’un individu avec le cosmos…[4]

Selon Haller, la foi de la Nouvelle Pensée en une puissance spirituelle immanente a donné lieu à son intérêt pour des pratiques méditatives comme “entrer dans le silence” (Entering the silence, par ailleurs le titre d'un livre de Thomas Merton), les pouvoirs de la suggestion et les schémas délibérés pour cultiver une attitude optimiste.[5]

Voir aussi : Les racines puritaines du développement de soi et de l'émotionalisme

Un bref historique de la Nouvelle Pensée sur le site Spiritual Living, où l'on trouve une citation du Nouvelle Penseur Ernest Holmes :
The Science of Mind is the study of Life and the nature of the laws of thought; the conception that we live in a spiritual Universe; that God is in, through, around and for us.”
***


[1] The History of New Thought Swedenborg Studies No. 21. The History of New Thought, From Mind Cure to Positive Thinking and the Prosperity Gospel by John S. Haller Jr. Foreword by Robert C. Fuller 

[2] “Une des croyances fondamentales des transcendantalistes était la bonté inhérente des humains et de la nature. Ils croyaient aussi que la société et ses institutions — particulièrement les institutions religieuses et les partis politiques — corrompaient la pureté de l'humain, et qu'une véritable communauté ne pouvait être formée qu'à partir d'individus autonomes et indépendants.” Wikipedia

[3] “The pioneers of this movement found their initial voice in the lecture halls of the nineteenth-century lyceum. Exploiting that forum, a handful of spiritually minded entrepreneurs attracted to the recently discovered “sciences” of neurology, mesmerism, and phrenology sought to graft them to a mixture of liberal Christianity, transcendentalism, Spiritualism, and Swedenborgianism. In doing so, they marked a path religious in content, middle class in character, focused on healing in the broadest sense of the word, and anxious to illuminate the more practical side of human nature. These revelators spoke of a harmony unfolding within the individual, God, and society that would eventually permeate American culture and become a creed for its distinctive brand of individualism, self-reliance, and healthymindedness. The outcome of their collective efforts was a hybrid philosophy simultaneously religious, synoptic, idealistic, optimistic, transformative, and eclectic. Believing that the mental world was the only true reality and the material world its creation, these practitioners of the soul felt they could utilize their newly found sciences to free the human body of its material impediments, including sickness and disease. Only by discovering the personal freedom and individuality within one’s inner or spiritual nature, and merging that individuality with God or the One, could the individual find lasting health and happiness. Through affirmation, advocacy, prayer, and visualization of a “Christ Science,” they set out to transform mental thought into a dynamic power with which to counter the body’s material and spiritual failings. In doing so, they replaced the angry God of the Old Testament with a Creator whose powers were checked by the imposition of rational laws and embraced a worldview where disease was a physical event, not an expression of divine purpose or retribution. Unlike dogma-bound Christians who dwelt on humankind’s fall from grace and the need to expiate themselves from sin and darkness, the practitioners who explored these new sciences chose to celebrate life by identifying the spark of divinity in humanity’s inner nature. The presumption of humanity’s total depravity and of predestination fell before a benevolent Deity operating through known laws, where the intellect alone was free. All that a person was and could be lay within human power that, by inference, was received through an influx of life from the Divine. One of the paths that these new metaphysical philosophers forged would eventually become known as New Thought.” (Haller)

[4] “Harmonial religion encompasses those forms of piety and belief in which spiritual composure, physical health, and even economic well-being are understood to flow from a person’s rapport with the cosmos . . . . Their fundamental claims involve a persistent reliance on allegedly rational argument, empirical demonstration, and (when applicable) a knowledge of the ‘secret’ meanings of authoritative scriptures.”

[5] “[Haller] explains how New Thought’s emphasis on meditative practices such as “entering the silence,” its interest in the power of suggestion, and its deliberate schemes for cultivating optimistic attitudes all stem from the movement’s faith in an immanent spiritual power.” Préface de Robert C. Fuller

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