vendredi 21 octobre 2022

Grandir dans une secte bouddhiste tibétaine*

Trungpa and Tom Ryken (photo : chronicleproject)

Les enfants du Dharma
- "Dharma Brat" - un bouddhiste, en particulier un bouddhiste Shambhala, âgé de huit à vingt ans, notamment les enfants des élèves de Chögyam Trungpa Rinpoché. -

La première génération de "bouddhistes" tibétains occidentaux de l'organisation Shambhala Vajradhatu de feu Chogyam Trungpa a maintenant passé quarante ans ou plus - sa jeunesse, son âge moyen et sa vie d'adulte avancée - à étudier le bouddhisme. Ils se prosternent, rendent hommage et s'assoient aux pieds des gourous tibétains, leurs lamas, et obéissent à tous leurs désirs comme à des ordres.

Leurs enfants, la deuxième génération née dans ce groupe - les enfants du dharma - sont maintenant d'âge moyen et ont été imprégnés du mème "mon gourou est parfait" depuis leur enfance. Ils sont également les plus activistes et les plus fervents dans leur tentative de créer la bouddhocratie du monde éveillé de Trungpa.

Contrairement à leurs parents, ils n'ont connu que ce scénario et ce récit de l'adoration du gourou dans leur monde androcentrique, qui inclut l'acceptation de l'exploitation sexuelle par leurs lamas et le cercle intérieur occidental des lamas. L'exploitation sexuelle des jeunes femmes, et parfois des jeunes hommes, devient aussi normale dans leurs groupes que celle d'une secte polygame de chrétiens fondamentalistes, dont les chefs religieux sont aussi des chefs de file.

Les enfants du dharma peuvent dire "non" aux abus sexuels, et un nombre considérable d'entre eux le font probablement, mais cela ne les empêche pas de les tolérer (“enabling”) et d'obéir à leurs lamas dans tous les autres domaines, notamment en faisant le vœu de garder secrets les abus sexuels de leurs gourous. Ils se sont fait les dents sur la philosophie du "monde n'est qu'une illusion" et sur la vision "pas de bien, pas de mal" du Tantra. Ainsi, bien qu'elles puissent croire qu'elles sont des "féministes" et des promotrices de l'égalité des sexes dans le monde extérieur, à l'intérieur de leurs sanghas, on leur a appris à ignorer et à recadrer les comportements misogynes flagrants de leurs lamas tibétains et de certains adultes masculins occidentaux de leur entourage, en considérant ces comportements comme normaux. Comme on leur a appris à voir les lamas comme des êtres parfaits toute leur vie - leurs parfaits "bouddhas vivants" - qui ne peuvent rien faire de mal, ils croient maintenant que ces actions sont effectivement des "bénédictions" et non des abus et de l'exploitation sexuels
.” Traduction automatique (DeepL) d’un extrait de Enthralled: The Guru Cult of Tibetan Buddhism, Chapitre 19, The Dharma Brats, Christine A. Chandler.**
"midsummers riding drala"

Une des “enfants du Dharma”, Una Morera, raconte son enfance et jeunesse dans cet univers, dans une série de podcasts appeléeUncoverage. Elle avait eu l’idée en voyant que les livres de Trungpa se vendaient toujours comme des petits pains et que personne ne semblait connaître la réalité sordide de l’univers de Trungpa. Puisque personne n’était au courant, elle se sentait le devoir de raconter son histoire (Episode 2, 3:16). Voici son introduction traduite en français.
Una Morera a été élevée dans la plus grande communauté de bouddhistes d'Amérique, dirigée par l'énigmatique et scandaleux Chögyam Trungpa, Rinpoché, à Boulder, dans le Colorado.
S'échappant du Tibet en 1959, Trungpa Rinpoché s'est rendu en Amérique pour enseigner le dharma et s'entourer d'étudiants occidentaux.

Juste après la naissance d'Una, sa mère a rencontré Trungpa Rinpoché, et quatre ans plus tard, ils ont rejoint sa communauté florissante à Boulder, dans le Colorado.

Responsable de l'introduction de la méditation en Occident, Trungpa Rinpoché était également responsable de sa propre folle sagesse autoproclamée, qui incluait la consommation excessive d'alcool, les relations sexuelles avec ses étudiants et les transgressions des limites de la conventionalité.

En grandissant dans cette communauté, Una a assisté à la naissance d'une société secrète de pratiquants de dharma qui, avec l'aide de Trungpa Rinpoché, a créé un environnement mortel de prédation sexuelle, de classisme et d'assentiment aveugle.

Una a appris que les enseignements de dharma et les actions des étudiants du dharma étaient deux choses très différentes.

C'est l'histoire de la découverte de sa véritable identité après une vie passée à vivre et à respirer une voie spirituelle basée sur des secrets anciens et des tromperies modernes
.”

"Uncoverage" podcasts
"Growing up in a Tibetan Buddhist Cult" - "Grandir dans une secte bouddhiste tibétaine"

Una regarde son passé avec une grande lucidité et franchise, ce qui nous permet d’avoir un aperçu de cet univers. Tous les 12 podcasts méritent d’être écoutés, mais le podcast n° 9 The Garden Party, est comme un concentré de la perversion de cette secte, car c’est ainsi qu’il convient de qualifier le projet de Chogyam Trungpa.

La description de cet épisode mentionne : “Una participe à une garden-party pour les adolescents avec Trungpa Rinpoché à Kalapa Court, la maison de Trungpa Rinpoché.” A cette époque, Una a 11 ans. Une de ses amies qui lui apprend les choses de la vie, “Leyla”, a 13 ans. La meilleure amie de “Leyla” est “Sarah” qui a également 13 ans. Una est très jalouse de cette amitié et de “Sarah”. La mère d’Una avait participé à un séminaire de trois mois et venait de rentrer. Una était restée à Boulder pendant ce temps. La Garden Party était organisée dans la maison de Trungpa (“Kalapa Court”) pour célébrer son retour du séminaire. Les “enfants du Dharma” y étaient invités pour être officiellement introduits à Trungpa. Cela se passa dans le grand jardin de la Cour de Kapala. Una mentionne la “maison de thé” japonaise, spécialement importée du Japon et offerte à Trungpa par ses disciples. Les enfants étaient placés dans un cercle autour du fauteuil où Trungpa s'asseyerait. Il y avait également des gardes militaires (kasung) et des servantes, tous en uniforme. Tout le monde attend l’arrivée de Trungpa.

Le personnel de maison de la cour de Kalapa, Mapleton Avenue 1976

Une servante entre dans le jardin, place un brocard sur le fauteuil, et deux verres en argent sur une petite table, l’un est rempli d’eau et l’autre de saké, selon l’étiquette de la Cour. Una est debout, diagonalement derrière le fauteuil de Trungpa. Trungpa arrive en uniforme militaire blanche avec des gardes et s'assoit. Una voit bien les enfants qui sont présentés à Trungpa. Un par un, les enfants rencontrent Trungpa. Certains restent debout devant lui, d’autres se mettent à genoux. Una surveille bien le comportement des enfants plus âgés, pour savoir comment se comporter selon l’étiquette. On incline le corps, en attendant d’être demandé à se présenter par la garde militaire. Les conversations restent privées à cause de la distance et du brouhaha dans le jardin.

C’est le tour de “Sarah” (13 ans), la meilleure amie de son amie, d’avancer. Una la regarde avec une attention particulière et jalouse. Sarah se met à genoux. Puis Una voit Trungpa lui donner un baiser avec la langue de façon passionnelle. Una sent à la fois une grande jalousie et de l’antipathie pour “Sarah”. Elle regarde autour d’elle, et personne ne semble réagir. Les adultes présents, les servantes, les gardes militaires regardent, sans réagir, mais Una les voit néanmoins s’échanger des regards inquiets. Tout le monde voit et ne voit pas ce qui se passe devant leur yeux (“seeing and not seeing what was right in front of us”). Après le baiser, Sarah, qui a l’air étourdie, le visage tout rouge, cherche sa chaise. Un adulte l’aide à la retrouver et l’accompagne.

Photo d'un autre événément : Elephant Journal

C’est alors le tour d’Una. Elle s'incline profondément. Elle se sentait anxieuse et soumise[1], ne voulant pas faire d’erreurs, comme dans le passé (écouter les épisodes précédentes).

- Good afternoon Sir
- (Il fait un long “mmmmhhh”) Pourrais-tu me donner un câlin ?

Una sait qu’il a une paralysie partielle et ne veut pas lui faire mal, donc elle lui fait un câlin très prudemment.

- Sais-tu aussi comment faire des câlins aux hommes ?
- Yes Sir

Cette fois-ci, Una lui fait un câlin plus serré, mettant ses bras autour sa veste militaire.
Ça y, son audience est terminée. Elle s’incline profondément et retourne à sa chaise.

Sa mère et d’autres tentent d'interpréter ce que Trungpa voulait dire exactement, car chaque parole du gourou est débattue et interprétée. “Peut-être était-il inquiet que tu n’avais pas été élevée avec un père ?” suggère sa mère. Una elle-même pensait une fois de plus ne pas avoir été à la hauteur, le câlin n’était-il pas assez bien ? Ne savait-elle pas faire de bons câlins ? Fallait-il qu’elle fasse davantage de câlins à des hommes ? Elle en conclut que quelque chose n’allait pas avec elle.

Ne pas se sentir à la hauteur, et vouloir bien faire est peut-être ce par quoi un gourou nous manipule et nous exploite. Dans lépisode E6 - Welcome to Shambhala, à Shambala, des enfants dès 8 ans parlent de la méditation avec Trungpa. “Combien de temps passes-tu à méditer ?” Una, et sans doute d’autres enfants, mentent pour ne pas décevoir leur gourou. Une fille dit qu’elle se sent déprimée en méditant. “Médite davantage” “Do you ‘sit’ a lot ?” Il faut s’asseoir davantage quand on est déprimé, dit Trungpa. Una (3:00) explique qu’en écoutant ces extraits, elle entend la gentillesse de Trungpa, elle sent sa propre émotion et celle des autres enfants, mais parlant maintenant, elle sait ce qui va arriver, elle sait comme l’histoire va changer, elle sait que des gens vont mourir… et des centaines et même des milliers d’autres vont subir des abus d’une manière ou d’une autre.

On ne “médite”, ne “s’assoit” ou ne “pratique” sans doute jamais assez, et on se sent nul devant le gourou. Un gourou pervers peut si facilement en abuser.

***

[1] 12:50 “I didn’t need to stirr anything up, it was already quite clearly “stirred up” “. Una prononce ces mots très lentement et ironiquement. Trungpa semblait visiblement encore excité par ce qui venait de se passer.

* Uncoverage: Growing up in a Buddhist Cult, titre du podcast d'Una Morera

** Original en anglais de la citation en tête

"The Dharma Brats

Dharma Brat” - a Buddhist, particularly a Shambhala Buddhist, between the ages of eight and twenty, especially children of students of Chögyam Trungpa Rinpoche.

The first generation of western Tibetan ‘Buddhists’ of the late Chogyam Trungpa’s Shambhala Vajradhatu organization has now spent forty years or more—their youth, middle age, and elder adult lives—prostrating, worshiping and sitting at the feet of Tibetan gurus, their lamas; obeying their every wish as a command.

Their children, the second generation born into this group—the dharma brats—are now middle-aged and soaked in the “my-guru-isperfect” meme since toddlerhood. They are also the most activist and fervent in attempting to create Trungpa’s Enlightened World Buddhocracy.

Unlike their parents, they have known little else than this script and narrative of guru-worship in their androcentric world that includes the acceptance of sexual exploitation by their lamas and the lamas’ western inner circle. Sexual exploitation of young females, and sometimes young men, become as completely normal in their groups as that of a fundamentalist Christian’s polygamous cult, where the religious leaders also keep harems of western women and girls, but, unlike the lamas, these Christian sexual abuse leaders are jailed.588 The dharma brats can say “no” to the sexual abuse, and probably a considerable number do, but that doesn’t stop them from enabling it, and obeying their lamas in all other things; including taking vows to keep their gurus’ sexual abuses a secret. Their teeth have been cut on the philosophy of the “world is just an illusion” and the “no right-no wrong” view of Tantra. So, while they might believe they are “feminists” and promoters of gender-equality in the outside world, inside their sanghas they have been taught to ignore and reframe egregiously misogynistic behavior by their Tibetan lamas and some of the western male adults around them, seeing these behaviors as normal. Since they have been taught to see the lamas as perfect beings their whole lives—their perfect “living Buddhas” –who can do no wrong, they now believe these actions are indeed ‘blessings’ and not sexual abuse and exploitation."

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