La pratique de la Terre pure tibétaine se limite le plus souvent à la récitation d’une prière pour renaître dans la Terre pure. La prière récitée le plus souvent est celle composée par Karma Chagmé (Rāgāsya, 1613-1678), « mkhas grub r Aga a sya mdzad pa’i rnam dag bde chen zhing gi smon lam », abrégée en « chags med bde smon » ou « bde chen zhing smon ». Il s’agit d’un texte-trésor (tib. thugs dam), rédigé à la façon des sūtras (tib. mdo lugs). Ce texte comporte néanmoins des éléments tantriques, à savoir, la déesse Tārā, Padmasambhava, la mention de Terres pures et de mondes ésotériques, la prière à sept branches, la demande de protection ici-bas, et la demande de protection au moment de la mort. On y trouve une description détaillée des merveilles de la Terre pure et de la rencontre avec Amitābha, qui en guise de consécration, pose la main sur la tête du nouvel arrivé et lui assure de son éveil futur. La grâce d’Avalokiteśvara et de Mahāsthāmaprāpta est également implorée. La vie quotidienne de la Terre pure consiste en des offrandes faites aux Bouddhas et à Amitābha, en échange de quoi le nectar du Dharma est reçu.
À la différence des traditions anciennes chinoises de la Terre pure[1], avant l’apparition des tantras, les habitants de la Terre pure de l’ouest peuvent se rendre dans les autres Terres pures, pour y recevoir des initiations et des instructions, puis retourner en toute sécurité à la terre pure d’Amitābha. Les Terres pures mentionnées par la prière sont celles d’Avalokiteśvara (Poṭala), de Vajrapāṇi (Alakāvatī), Padmasambhava (Cāmaradvīpa) et Oḍḍiyāna, des haut-lieux du bouddhisme ésotérique. Ils ne sont donc pas condamnés à ne recevoir que les instructions du système des sūtras (tib. mdo lugs). Cette prière adapte une pratique selon les sūtras pour les adeptes de tantras.
Déscente d'Amitābha pour recueillir une âme |
Quand Amitābha passera au nirvāṇa, c’est Avalokiteśvara qui prendra sa suite et qui deviendra le centre de l’attention des habitants de la Terre pure. Ensuite, ce sera le tour de Mahāsthāmaprāpta. Puis, un jour à force d’offrandes, d’initiations et d’instructions, et en faisant les mêmes vœux qu’eux, les habitants de la Terre pure deviendront des Bouddhas et poursuivront leur activité. La prière se termine par un dhāraṇī qui fait que la prière se réalise (smon lam ‘grub pa’i gzungs) et un deuxième qui multiplie le mérite de la prière.
Le colophon précise que la prière est conforme au Sūtra d’Amitābha (tib. ‘od mdo) , le Buddhakṣetravyūhānantapraṇidhānaprasthānaparigṛhītaḥ (tib. sangs rgyas kyi zhing gi bkod pa'i mdo), le Sūtra du lotus (sct. Saddharmapuṇḍarīkasūtra, tib. pad ma dkar po), le Sūtra-dhāraṇī du son du tambour de l’immortalité (tib. ‘chi med rnga sgra ou 'chi med rnga sgra'i gzungs mdo) etc. et qu’elle a été composée par le moine Rāgāsya.
Cette prière est suivie par la courte prière pour renaître dans la Terre pure, le dhāraṇī qui fait que la prière se réalise, et par la prière de dédicace du rituel d’Amitābha du cycle de Dharmas célestes (tib. gnam chos), composée par tulkou Mingyour dordjé à l’âge de treize ans. Il aurait reçu cette prière lors d’une vision d’Amitābha et de son entourage.
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[1] Le Livre de consécration (Kouan-ting king T. 1331), texte tantrique traduit en chinois vers 457, se moque « des ignares qui dirigent leurs prières vers une éventuelle renaissance dans la seule Terre pure du bouddha Amitābha à l’ouest. Ne savent-ils pas qu’il existe au total dix de ces terres pures ? » Michel Strickmann, Mantras et mandarins
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