Arrêt sur image : le premier ministre tibétain grondé par l'oracle |
Le Dalai-Lama prône « la voie du milieu » comme solution non-violente de la question tibétaine dans le cadre de la Chine[5]. Contrairement à d’autres qui ne reculent pas devant la violence et qui réclament l’indépendance du Tibet (Rangzen). Leur candidat, Lukar Jam, n’arriva pas au deuxième tour. Les partisans de l’indépendance reprochent à Lobsang Sangay de ne pas en faire assez pour l’indépendance tibétaine et de s’occuper trop de l’organisation d’événements religieux etc., ce qui ne serait pas vraiment le travail du Kashag. De l’autre côté, selon Choenyi Woser, Samdhong Rinpoché aurait prévenu son successeur que s’il s’éloignait de la politique de la voie du milieu il viendrait en personne le voir dans son bureau armé d’un bâton…[6]
Le 1er avril, une délégation de membres du Kashag, parmi lesquels Lobsang Sangay et Penpa Tsering, rendit visite aux oracles d’état Nechung Choegyal et Tsering Chenga (Tashi Tseringma) et eurent une audience privée.[7] Tashi Tseringma montra ouvertement son mécontentement avec les deux candidats en leur lançant des graines d’orge et en les grondant en langage d’oracle, pour avoir mis en danger la longévité du Dalai-Lama.[8] La scène avait été filmée par un téléphone mobile et peut être visionnée sur Youtube. Le 7 avril les deux compères présentent leurs excuses publics pour avoir déçu le Dalai-Lama lors de la campagne électorale.
Qui sont ces deux oracles ? Il s’agit de deux médiums (sku rten), canalisant deux esprits domptés, devenus des protecteurs du Tibet, et exprimant leurs volontés[9]. L’oracle de Néchung est habité par l’esprit de Pehar, un démon dompté par Padmasambhava et la ḍākinī Tsering Chenga canalise la déesse Tseringma. Ces protecteurs ont été domptés, c’est-à-dire qu’ils sont désormais au service du Dharma et du Tibet. Quand les protecteurs prennent possession des oracles, ces derniers sont pris de convulsions et deviennent comme incontrôlables. La mise en scène semble suggérer que s’il n’y avait pas les moines pour les retenir, ils pourraient faire un malheur… Khandrola Tseringma est généralement plus gentille avec les saintetés.
Comment la démocratie tibétaine doit-elle naviguer entre toutes ces contradictions ? Fraîchement libérée du joug théocratique, mais apparemment pas complètement, prise en tenaille entre le conservatisme des uns, l'impatience des autres et la Chine qui maintenant impose l'interprétation orthodoxe des doctrines bouddhistes tibétaines (Outline for the Work of interpreting Tibetan Buddhist Doctrines)[10] pour adapter le bouddhisme tibétain au socialisme chinois. Il est indéniable que le bouddhisme tibétain doit être réformé et adapté à la modernité, mais est-ce au gouvernement de Chine de conduire les reformes ? "Est-ce à une république laïque d'organiser l'Islam de France ?" pourrait répliquer la Chine. Une réforme imposée risque de repousser dans ses retranchements les conservateurs et malmener le désir très légitime de préserver la culture tibétaine, à condition qu'elle reste vivante. Il ne faut pas laisser la main à la Chine dans ce domaine. La Chine avait ouvert plus tôt une base de données répertoriant tous les tulkous officiels reconnus... par elle.
Les oracles des démocraties occidentales sont les "agences de notation". Moody's, Standard & Poor's et d'autres démons domptés et contrôlés par le plérôme financier, qui félicitent ou grondent et humilient nos gouvernants en leur jetant des AAA, des B- et de CCC+ à la figure. Moins folklorique, mais tout aussi efficace.
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Màj 29022020 Pour faire une retraite avec l'oracle
[1] La Croix
[2] « Lobsang Sangay’s mortgage bills were allegedly “paid by the Chinese Communist Party” and Penpa Tsering “killed a man and drinks too much whisky » Why I won’t vote in the Final Sikyong Election, Phayul, Tuesday, March 01, 2016 22:07, Choenyi Woser
[3] Source Tribune of India
[4] Choenyi Woser
[5] Source Le Monde
[6] « After all Samdhong Rinpoche once warned Sangay, “You can make any changes as head of the Tibetan cabinet. But if you make any error, no matter how small it is, in your efforts to promote Middle-Way, I will come to your office with a stick.” » Choenyi Woser
[7] Source Asia News Tibet.net
[8] Source Asianews « In the Official letter on the prophecy, the Oracle "condemns the “mishandling of the gift of democracy” besides the violation of the oaths taken by both Sikyong and the Speaker. The letter warned that the mismanagements could lead to negative consequences on His Holiness the Dalai Lama’s health and life and directed the two to offer apology to His Holiness the Dalai Lama. The reference is to the election campaign and various violations of the law, as reported by several Tibetan and international groups. »
[9] Facebook Lhagotsang Traduction anglaise de la lettre et version en tibétain
[10] "Mi notes that all monastcrics are required to have and display a copy of Outline for the Work of lnterpreting Tibetan Buddhist Doctrines but adds that few monks are interested enough in its contents to study it on their own, in the absence of official coercion. This does not negatively reflect on the pamphlet or its ideas: Mi believes that only the United Front Work Department has treated it with sufficient seriousness and that other government bodies have failed to contribute as they should.
Another impediment is the educational level of the monastics themselves: most have an inadequate education in socialist theory, and so they cannot grasp the subtleties of the pamphlet's ideas: ‘There are gaps between the creation of research for theory and practice, the thought of expert scholars, and the practice of monks who are not in full agreement.”
Mi advocates enhanced emphasis on a combination of theory and practice. This involves “guiding and compelling monks to study.” They must be forced to participate actively and enthusiastically in the program of research and interprétation of doctrines and not be allowed merely to listen passively to instructions. Mi also envisages a leading role for the media and Tibet's propaganda network, which should “spread progressive models.” To date there has been too much emphasis on statements of policy and not enough work on practical implémentation of the program.
Buddhist doctrines that “do not fit the présent historical situation" will have to be jettisoned, but no suggestions of specific examples are provided. Monastics must be involved in this process, and they should be required to endorse reinterpretation publicly and inform the Buddhist public that the program accords with traditional Buddhism and that it is essential for the religion’s survival. They should conduct public discussions in which the Party and its leaders are praised. The monks’ task is to “unearth aspects of Tibetan Buddhist doctrine that are consistent with progressive thought and upholding laws and regulations. They should lead other monks to progressively increase their consensus and resolutely move along the path of Chincsc socialism.”
The Buddha Party: How the People's Republic of China Works to Define and control Tibetan Buddhism, John Powers, p. 162