Arbre de refuge Drigoung, détail, Himalayan Art 413 |
À sa mort, le Bouddha aurait dit à ses disciples que l’on est soi-même[1] son propre “refuge”, “île”, “lumière”, “sanctuaire”, et que le “Dharma” est son refuge. “Il n'y a pas d'autre refuge”.
“Soi-même est une île
Demeurez-y
À part le refuge en soi-même
Il n'y a pas d'autre refuge
Le Dhamma est une île
À part le refuge en le Dhamma
Il n'y a pas d'autre refuge”[2]
"Les hommes frappés de peur vont en maints refuges, dans les collines, les bois, les jardins, les arbres et les temples. Mais un tel refuge n'est pas sûr, un tel refuge n'est pas suprême ; recourant à un tel refuge, on n'est pas libéré de tout mal." – Dhammapada, XIV, 188-189 (trad. centre d'études dharmiques de Gretz)Après la mort du Bouddha, et avec l’essor du Sangha, celui-ci est également devenu un refuge. À un certain moment, peu importe quand, la “prise de refuge” est devenu le rituel par lequel on déclara adhérer à la doctrine bouddhiste. Verbalement, cela se passe par la récitation à trois reprises de la triple formule de refuge:
“Buddhaṃ saraṇaṃ gacchāmiCette formule reste inchangée dans le bouddhisme mahāyāna, et jusqu’aux débuts du bouddhisme tibétain. Chez Atiśa, chez Gampopa etc., on trouve encore ce triple refuge. En expliquant la prise de refuge, c’est l’équivalent tibétain de cette formule que Gampopa utilise dans son Précieux ornement de la libération. Dans le même livre, il cite le Prajñāpāramitā en huit mille stances (Aṣṭasāhasrikā-prajñāpāramitā) pour rappeler que le Tathāgata (Bouddha) n’est pas son corps formel (rūpakaya), mais qu’il est le corps absolu (dharmakāya). Il cite le Continuum insurpassable (Mahāyānottaratantraśāstra), qui déclare que le Bouddha est le véritable refuge, et il cite l’Ornement des sūtra (Mahāyāna-sutrālaṅkāra) qui explique que “La libération n’est que l’épuisement de l’erreur”. Cela revient à dire que le véritable refuge est de connaître (buddho) le Réel.
Dhammaṃ saraṇaṃ gacchāmi
Sanghaṃ saraṇaṃ gacchāmi”.
Dans le bouddhisme tantrique et gnostique, le Réel devient une Gnose, qui a été révélée et qui est transmise dans le cadre d’une relation Maître/néophyte. Au Tibet, cela a changé la nature du refuge, je ne sais pas exactement à partir de quelle époque. Ce serait très intéressant à savoir. Désormais, un bouddhiste gnostique ne prend pas seulement refuge en les Trois Joyaux (Bouddha, Dharma et Sangha), mais également en les Trois Racines (lama, yidam, ḍākinī/dharmapāla), qui sont respectivement les Racines des bénédictions, des pouvoirs (siddhi) et des activités[3]. Cela donne dans le Longchen Nyingthig[4] :
“Dans les Trois Joyaux et leur essence, les sugata,Alternativement, explique Patrul Rinpoché[5], on peut réciter le quadruple refuge :
Dans les Trois Racines : lama, yidam et khandro,
Dans les canaux, les souffles internes, les thiglé, et dans leur nature, la bodhicitta,
Dans le maṇḍala de l’essence, de la nature et de la compassion,
Je prends refuge jusqu’à ce que l’Éveil soit pleinement réalisé.”
Je prends refuge en le LamaLe lama, étant l'essence des Trois Joyaux : Bouddha, Dharma et Sangha, il vient à la première place, et peut même remplacer les trois en disant la prière/mantra : Lama khyenno, qui signifie quelque chose comme "Ô Maître ! Je m’en remets à vous. [Litt. Vous savez ce qui est le mieux pour moi]"[6].
Je prends refuge en le Bouddha
Je prends refuge en le Dharma
Je prends refuge en le Sangha.
Notons la distance parcourue entre “le refuge” des dernières paroles du Bouddha mourant et le refuge du bouddhisme gnostique, qu'on pourrait en effet nommer "lamaïsme", du fait de l'importance du Lama.
Pour l’anecdote, les « Trois racines » dans le Code de la Loi Suprême (Khrims gzhung chen po (1957) du Bhoutan sont le Pays, le Roi et le Gouvernement (Royal Government Of Bhutan, décret national n° 136).
***
[1] Le vénérable ajahn Liem explique que « Bouddho » signifie : « Ce qui sait et qui est éveillé”.
[2] tasmātihānanda, attadīpā viharatha attasaraṇā anaññasaraṇā, dhammadīpā dhammasaraṇā anaññasaraṇā. Mahāparinibbānasuttaṃ (DN 16)
[3] Les quatre activités : pacification, accroissement, pouvoir, violence.
[4] « La Clarification de l’Excellent Chemin de l’omniscience » : Notes sur le Ngöndro du Longchen nyingthik, de Jamyang Khyentsé Wangpo (1820-1892)
[5] The Words of My Perfect Teacher, Revised Edition by Patrul Rinpoche, Padmakara, p.184
[6] Traduction française utilisée dans « Appel du Lama de loin » Supplication pour une prompte bénédiction du Maître indissocié des Trois Corps par Kyabdjé Pabongkha Dordjétchang © 2010 Dagpo Rimpotché et Institut Guépèle
"Le lama est le Bouddha,
"Le lama est le Bouddha,
Le lama est le Dharma,
Et le lama est le Sangha,
Le lama est celui qui accomplit tout :
Devant ton Corps, ta Parole et ton Esprit, nous nous inclinons !" « La Clarification de l’Excellent Chemin de l’omniscience » : Notes sur le Ngöndro du Longchen nyingthik, de Jamyang Khyentsé Wangpo (1820-1892)
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