jeudi 22 novembre 2012

Le sang du dragon



"Zosime de Panopolis, gnostique né à Panopolis (auj. Akhmim), dans le sud de l'Égypte (Haute-Égypte) au 3ème siècle, est le plus ancien auteur connu ayant traité d'alchimie." (Wikipedia). Il vivait à Alexandrie vers 300. Il serait l’auteur de textes comme Mémoires authentiques ou Écrit authentique sur l'art sacré et divin de la fabrication de l'or connus que par des citations d'auteurs grecs ultérieurs ou des traductions en arabe et en syriaque. 

Ses œuvres mentionnent une certaine Marie la Juive, Maria Hebraea, Maria Prophetissa, Marie la Divine ou Marie la copte, une alchimiste de l'époque hellénistique qui a probablement vécu entre le troisième et le deuxième siècle avant notre ère. Elle serait selon Wikipedia “considérée la première alchimiste non-fictionnelle de l’occident. » Un des axiomes qui lui est attribué est « l’axiome de Marie », considéré comme le principe de l’alchimie :
« Un devient deux, deux devient trois et du troisième vient l'un comme quatrième. » 
Le psychiatre Carl Gustav Jung avait même utilisé cet axiome comme une métaphore pour le processus d’individuation[1].

Or, il est probable que l’origine de l’alchimie est chinoise et qu’elle s’est répandue par la route de la soie. Et plus précisément qu’elle est d’origine taoïste, où l'on utilise un axiome similaire dans p.e. le Livre de la Voie et de la vertu (Tao Te King)
« Le Tao a produit un : un a produit deux ; deux a produit trois ; trois a produit tous les êtres. » (Livre 2,42)
Voici comment François Jullien traduit (dans Nourrir sa vie, p.71) assez littéralement un passage du corpus du Zhuangzi (Tchouang-tseu) (chap. 18) :  
« Du mélange au sein du flou, par modification il en est advenu du souffle-énergie (qi) ; du souffle-énergie, par modification il en est advenu la vie ; à présent par une nouvelle modification il y a aboutissement à la mort. »
Voici le passage au complet, traduit par Liou Kia-hway
« La femme de Tchouang-tseu étant morte, Houei-tseu s'en fut lui offrir ses condoléances. Il trouva Tchouang-tseu assis les jambes écartées en forme de van et chantant en battant la mesure sur une écuelle. Houei-tseu lui dit :
« Que vous ne pleuriez pas la mort de celle qui fut lai compagne de votre vie et qui éleva vos enfants, c'est déjà assez, mais que vous chantiez en battant l'écuelle, c'est trop fort !
— Du tout, dit Tchouang-tseu. Au moment de sa mort, je fus naturellement affecté un instant, mais réfléchissant sur le commencement, je découvris qu'à l'origine elle n'avait pas de vie; non seulement elle n'avait pas de vie, mais pas même de forme; non seulement! pas de forme, mais même pas de souffle. Quelque chose de fuyant et d'insaisissable se transforme en souffle, le souffle en forme, la forme en vie, et maintenant! voici que la vie se transforme en mort. Tout cela ressemble à la succession des quatre saisons de l'année. En ce moment, ma femme est couchée tranquillement dans la grande Maison. Si je me lamentais en sanglotant bruyamment, cela signifierait que je ne comprends pas le cours du Destin. C'est pourquoi je m'abstiens.
» (Philosophes taoïstes, Pléiade, p. 216) 

En alchimie, l'ouroboros, serpent ou dragon qui se mord la queue, est un sceau purificateur.

« Il symbolise en effet l'éternelle unité de toutes choses, incarnant le cycle de la vie (naissance) et la mort. On doit à Zosime de Panopolis, le premier grand alchimiste gréco-égyptien (vers 300) la fameuse formule :
« Un [est] le Tout, par lui le Tout et vers lui [retourne] le Tout ; et si l'Un ne contient pas le Tout, le Tout n'est rien (Ἓν τὸ πᾶν καὶ δι' αὐτοῦ τὸ πᾶν καὶ εἰς αὐτὸ τὸ πᾶν καὶ εἰ μὴ ἒχοι τὸ πᾶν οὐδέν ἐστιν τὸ πᾶν). Un est le serpent l'ouroboros, le serpent qui mord sa queue], celui qui possède l' ios [la teinture en violet ?, dernière étape de la transmutation après le noircissement, le blanchiment] après les deux traitements [noircissement et blanchissement ?]. Cette formule est accompagnée du diagramme de l'ouroboros. » (Wikipedia
Ce que possède l’ouroboros, le dragon, est le "sang du dragon", le cinabre, qui vient du grec κιννάβαρι « cinabre, sang de dragon, sorte de teinture; plante tinctoriale, garance ».

En alchimie, tout pointe vers la Chine et vers le taoïsme avec son empereur jaune, son aurifaction et ses dragons.

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Illustrations : le symbole yin yang, un ouroboros gnostique dans le Codex Venetus Marcianus (11ème siècle) et le symbole du cercle (ensō 円相) dans le Zen.



MàJ 01022013 1, 2, 3 et 10 tetraktys (le multiple, 1+2+3+4) chez Pythagore. La suite des quatre figures ci-dessus viennent du film Meurtres à Oxford de Álex de la Iglesia.

MàJ 14052013 Les ophites, et encore les ophites




[1] «  La progression du 4 au 3, 2 et 1, - l’axiome alchimique de Marie -, représente quatre tendances respectivement antagonistes qui doivent finalement s’unifier. La quaternité, un des archétypes les plus répandus, représente les dispositions des fonctions d’orientation du conscient ; le cercle exprime l’image primordiale de l’homme et de son âme et le nombre quatre représente l’état pluriel de l’homme qui n’a pas encore atteint l’unité intérieure. La triade, agent de surgissement, apparaît comme masculine, la dyade comme féminine. Psychologiquement, la triade représente le désir, l’instinct et la détermination tandis que la dyade correspond à la réaction psychique face aux décisions du conscient. L’eau signifiant l’inconscient, trace par sa montée et son retour (dans la fontaine), le cercle de la vie. Ces formes symboliques d’archétypes universels sont des projections inconscientes des alchimistes. Dialectique du moi et de l’inconscient. Partie 2. Individuation  II. Anima et animus. (1928)

6 commentaires:

  1. Does the dragon feed off its own blood so it can go on living, or does it just keep gulping down its tail further and further until it is completely gone? The ouroboros symbol seems ambivalent to me.

    I know the dragon's blood tree grows in Socotra (island property of Yemen), which some think was named for Sukhavati They found Brahmi inscriptions by Indian travelers in a cave there (some Italians wrote about them, honest).

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  2. Hi Dan,

    I'd say it feeds on its own blood (qi, prana, rasa, celestial fire...), the stuff the universe or Nature is made of. Nature is a snake or dragon-like vortex (klong) boiling over with dragon blood. Yogis have their own internal ouroboros (kundalini, avadhuti...) sucking its own dragon blood upwards, from the tail right in the head. Immortality for dummies. :-)

    Seriously, this sort of alchemy/immortality seems to have been a big buzz almost all over the globe. I can't believe that Tibet only had access to it trough India. Why not also directly (or indirectly via Buddhism) from China? Through Taoism. I think Taoïsm or whatever name it had there (if it did have one at all) was big in Tibet, very big! Why do Bönpos wear blue?

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  3. Which from the Cradle to his Crowne,
    Is fed with his owne blood;
    And though to some it seemeth strange,
    He hath no other Foode.

    W.B. Dec. 1633

    Page 343 of Theatrum Chemicum Brittanicum

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  4. Thank you Dan! Everything sizzling nicely in your alchemical laboratory? ;-)

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  5. I'm just a puffer. Not a smoker.

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  6. I guessed as much. I thought I recognised you in the audience (middle row). http://www.youtube.com/watch?v=Wik2uc69WbU

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