Les fameux ziggurats ont tout l’air de représentations du cosmos aux sept sphères (sept planètes). Les modèles les plus anciens avaient trois étages, les plus récents sept. Au sommet de cette montagne cosmique à terrasses un temple, consacré à Marduk (Amar-Utu), l’équivalent de Jupiter, « Jupiter-Belus ». Le nom sumérien de cet édifice est Etemenanki (É.TEMEN.AN.KI), ce qui signifie « Temple de la fondation du ciel et de la terre ». Après sa déstruction en 689 av. J.C., cette ziggurat fut reconstruite par Nabuchodonosor II. Celui-ci parle de l’édifice comme de « la maison des sept lumières de la terre, le plus ancien monument de Babylon ».[1]
Walter Matthew Gallichan, auteur de Women Under Polygamy, écrit que dans une des tours du temple de Jupiter-Belus, il y a avait un temple dans lequel aucun mortel ne pouvait passer la nuit à l’exception d’une femme du peuple choisie par le dieu. Cette femme, qui était une vestale, était dite recevoir la visite du dieu en personne…[2]
Depuis Dumuzi, les rois étaient considérés comme des avatars du dieu, qui, une fois par an, accomplissaient le rite du mariage sacré avec la déesse Inanna/Ishtar, pour faire revenir la fertilité au pays. Les babyloniens prenaient très au sérieux leurs mythes, qui réactualisaient tous les ans, selon un calendrier bien établi, sous la forme de rites.
Ces rites et la récitation du poème de la Création servaient ainsi à légitimer l’autorité du roi et de la religion. Confucius n’aurait pas fait mieux.
Nous avons un maṇḍala qui est une réplique de la représentation du cosmos. Sept étages fermement plantés dans la base terrestre, tel un liṅgaṃ, surmontés d’un temple dédié au chef des dieux. Le nom Marduk, est dérivé d’amar Utu (« veau taureau du dieu solaire Utu »). Ce dieu reçoit les offrandes du peuple. Dans cet édifice il y avait également un temple où une vestale choisie du peuple pouvait passer la nuit et recevoir la visite du dieu. Le mariage sacré du roi/avatar de Jupiter et de la déesse Inanna/Vénus fait venir la prospérité dans le pays et pleuvoir les bénédictions. Dans les rites, qui réactualisent le mythe, le rôle du dieu est joué par le roi, avatar et représentant du dieu.
Le scénario des divers rites de ce roi, pourrait très bien servir de sādhana à un cakravartin. Ce qui doit être éternellement renouvelé par des mythes et des rites pour survivre n'est autre qu'une idéologie.
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[1] Source de Wikipedia : Mc Clintock, Strong (1894). Mc Clintock and Strong cyclopaedia By John McClintock, James Strong. pp. 465–469. « The tower, the eternal house, which I founded and built. I have completed its magnificence with silver, gold, other metals, stone, enameled bricks, fir and pine. The first which is the house of the earth’s base, the most ancient monument of Babylon; I built and finished it. I have highly exalted its head with bricks covered with copper. We say for the other, that is, this edifice, the house of the seven lights of the earth the most ancient monument of Borsippa. A former king built it, (they reckon 42 ages) but he did not complete its head. Since a remote time, people had abandoned it, without order expressing their words. Since that time the earthquake and the thunder had dispersed the sun-dried clay. The bricks of the casing had been split, and the earth of the interior had been scattered in heaps. Merodach, the great god, excited my mind to repair this building. I did not change the site nor did I take away the foundation. In a fortunate month, in an auspicious day, I undertook to build porticoes around the crude brick masses, and the casing of burnt bricks. I adapted the ciruits, I put the inscription of my name in the Kitir of the portico. I set my hand to finish it. And to exalt its head. As it had been done in ancient days, so I exalted its summit. »
[2] The temple of Jupiter Belus was an immense square building. In one of the towers was a temple, wherein no mortal might pass the night except a native woman chosen by the deity from the whole nation. This priestess, who was a vestal, was said to be visited by the god himself.
[3] Marcel Detienne, Les Maîtres de Vérité dans la Grèce archaïque, p. 69