dimanche 24 janvier 2021

Que faire du "lien féodal" désuet de l'institution des lamas ?


“I feel some of this lama institution is some sort of interference of feudal system,
that is out of date. It now must end.”

Le bouddhisme tibétain est une forme de bouddhisme tantrique indo-tibetain, où le guru prend une place centrale. Cette place devient encore essentielle dans la pratique dite “guruyoga” (tib. bla ma’i rnal ‘byor), où le disciple cherche à unir son esprit avec celui du guru, d’où l’importance de bien choisir le guru humain, qui va servir de médiateur. Dans certaines écoles, notamment l’école Kagyu, le chemin du guru, et la dévotion au guru deviennent la méthode d’éveil de prédilection.

Comme l’expérience directe, l’analyse (les listes de dharma, les cinq skandhas, les cinq éléments etc.), l’introspection, etc. sont importantes dans le bouddhisme, et qu’il convient d’examiner le buddhadharma, comme un orfèvre testerait de l’or, le vajrayāna, qui est une forme de bouddhisme, propose de bien examiner le guru, avant de se lier à lui, à travers des initiations, des instructions avancées, etc., car l’approche du vajrayāna ne permet pas que l’on revienne sur sa décision. On reviendra plus loin sur “ce qui” ne permettrait pas de revenir en arrière, ou de changer d’avis.

La voie du guruyoga est donc en quelque sorte contraire au bouddhisme, en ce qu’il convienne de ne plus utiliser son esprit analytique, et de développer la perception pure, afin d’aboutir à une réalisation de non-dualité, une fois l’examen du guru terminé. Elle demande l’engagement total (samaya) de celui que l’on ne peut pas appeler autrement que le disciple. La perception pure implique que ce que le bouddhisme considère être des fautes, ne sont plus considérés comme tels[1], dans l’apprentissage de la non-dualité.

Le cérémoniel du vajrayāna, et une partie de sa terminologie, reprend ceux du sacre d’un suzerain (rājādhirāja) médiéval indien[2]. Dans ce contexte, le mot samaya désigne le “lien féodal”. Briser ce lien conduirait, selon le vajrayāna, aux pires souffrances (infernales), et à l’exclusion du fruit ultime, le parfait état de bouddhéité.

Dans une vidéo Youtube (Dalai Lama speaks out about Sogyal Rinpoche), le Dalaï-Lama parle des abus de la part de certains guru, et met en cause le système qui permet cela. Il parle d’un système “féodal”, lequel terme est très approprié.
I feel some of this lama institution is some sort of interference of feudal system, that is out of date. It now must end.”
On voit bien que ce qui pose le problème à ce niveau du bouddhisme tibétain est cette relation au maître. Vu de l’occident, cette relation est en effet désuète, et cette soumission quasi-totale peut être qualifié de "féodale", quant à son principe. Dans le vajrayāna il s'agit de la relation maître-serviteur, avec l’engagement de loyauté totale, de perception pure, qui ne peut voir aucune faute en le maître.

Pourtant, le DalaÏ-Lama ne dit rien qui va dans le sens de l’abolition de ce système guruvāda féodal désuet. Il évoque la nécessité d’examiner le maître au préalable, avant de s’engager avec lui. Mais cela était déjà une recommandation faisant partie de ce système féodal. Au final, une petite indignation, mais rien ne change. “It now must end”, mais qui va l’abolir et comment ?

DKR à Londres, 1ère conférence

Dans la tournée de maîtrise de dégâts de Dzongsar KR, qui a eu lieu en 2018, après l’affaire Sogyal, celui-ci avait deux conférences au centre Rigpa de Londres. J’ai regardé la première qui est en ligne. Rien de vraiment intéressant la première heure et demie. Des questions sur le consentement (1:03), la folle sagesse et les moyens habiles (1:04), n’ont pas réellement reçu de réponse (1:24. On se tourne vers l’avenir, que faire désormais ? Une citation de Mingyur Rinpoché est présenté à DKR (1:32:00).
When the issue is people being hurt or laws being broken, the situation is different.
In that case, the violation of ethical norms needs to be addressed. If physical or sexual abuse has occurred, or there is financial impropriety or other breaches of ethics, it is in the best interest of the students, the community, and ultimately the teacher, to address the issues. Above all, if someone is being harmed, the safety of the victim comes first. This is not a Buddhist principle. This is a basic human value and should never be violated. The appropriate response depends on the situation. In some cases, if a teacher has acted inappropriately or harmfully but acknowledges the wrongdoing and commits to avoiding it in the future, then dealing with the matter internally may be adequate. But if there is a long-standing pattern of ethical violations, or if the abuse is extreme, or if the teacher is unwilling to take responsibility, it is appropriate to bring the behavior out into the open.
In these circumstances, it is not a breach of samaya to bring painful information to light. Naming destructive behaviors is a necessary step to protect those who are being harmed or who are in danger of being harmed in the future, and to safeguard the health of the community
.” Extrait de Lions Roar, When a Buddhist Teacher Crosses the Line, 26/10/2017 Mingyur Rinpoche
DKR est d’accord avec cette déclaration, mais remarque qu’il y a divers degrés d’engagement. L’engagement est généralement marqué par la prise d’une initiation auprès d’un maître. Certains prennent cependant des initiations, pour établir une connexion ou pour recevoir une bénédiction. Si, après analyse et après avoir pris la décision de s’engager avec un maître, l’on constate au bout d’un temps qu’il se comporte mal, etc. et que l’on rompt l’engagement, il s’agit d’une rupture du samaya (1:36:24). Une des solutions, est alors de s’éloigner du maître, sans faire de bruit (1:37:10). De toute façon, la critique n’est pas réellement admise dans aucune des écoles du bouddhisme. Une autre solution est de continuer son apprentissage auprès de ce maître, jusqu’à ce que l’on ait reçu les instructions les plus avancées, et ensuite on peut se retirer. Pourquoi perdre du temps à s’engager avec un autre, nous n’avons pas beaucoup de temps.

Même en ce qui concerne l’examen au préalable, c’est très bien, mais pendant combien de temps on va examiner son futur maître ? Tant que nous fonctionnons dans la dualité, nous trouverons toujours des défauts en le maître.

Petite digression, dans le cas de Dagri Rinpoché, Lama Zöpa Rinpoché de la FPMT avait écrit que Dagri Rinpoché était un saint, et que seul un autre saint était en mesure les actions d'un saint[3].

DKR nous suggère que cet examen préalable soit en fait impossible et infaisable. Quand il vient trop tard il est illégitime.

La différence entre le Dalaï-Lama et DKR est que le premier semble penser que ce système féodal est désuet, et qu’il faut l’abolir, mais sans ne rien faire qui va dans ce sens, et que le dernier ne veut pas “assouplir ("bend") les principes du vajrayāna”(1:14:40), il ne veut d’aucune réforme du vajrayāna, motivé par un changement d’époque, par le politiquement correct... S’il changeait les règles du vajrayāna, il deviendrait par là, le leader d’une secte.

DKR tente une esquive par le bouddhisme mainstream, en demandant Que se passerait-il si on mettait en cause le principe que tous les composés sont impermanents ? Il confond ainsi l’approche d’analyse et d’expérimentation directe, avec une approche de transmission d’une Révélation venant du Corps symbolique d’un Bouddha ou d’une divinité. La première se vérifie, la deuxième s’accepte par confiance et foi.

C’est à partir de 1:51:00 que DKR, après avoir répété que l’objectif final est de réaliser l’état du Guru, vient réellement aux faits.
Il y a des gurus ambitieux, mal formés, vicieux, égoïstes, qu’ils soient des gurus auto-proclamés ou officiellement reconnus, peu importe. Les abus, l’abus de faiblesse, l’abus sexuel, l’abus physique, financier, émotionnel, cela existe en effet. Il ne faut pas être naïf au point de penser que tous les lamas tibétains soient des saints. Non vraiment pas, et nous ne pouvons et ne devons pas les défendre, dans l’intérêt du Buddhadharma et du vajrayāna”. (fin de vidéo 1).
Quel est alors le principe du système féodal, désuet, auquel il faut mettre un terme ? Comment y mettre un terme, qui s’en chargera ? Le lien féodal (samaya) entre maître et disciple etc. etc. détermine la structure et l’hiérarchie féodale de tout l’ensemble. Il empêche que les uns critiquent les autres, même si la critique est justifiée et les faits avérés. Ni avant (pas le temps, la "dualité" empêche de juger), ni pendant, ni après. Dans le bouddhisme tibétain, ce lien féodal (samaya) sera-t-il plus fort que l'intérêt du buddhadharma et le vajrayāna, et causera-t-il un jour la ruine des deux ? 


"Old Boys'Club" film Guru in Disgrace de Jaap verhoeven

C’est pourquoi je pense que nous devrions retourner à la situation indienne originelle : ni réincarnation, ni institution de lamas. C’était une certaine tradition, mais une tradition très reliée au système féodal, une conception ancienne qui doit disparaître. Comme je l’avais dit précédemment, nous devrions être des bouddhistes du XXIème siècle. Pas suivre un chemin orthodoxe.”
Rencontre à Dharamsala le 25 octobre 2019 entre le Dalaï lama et des étudiants de l'Inde et du Bhoutan.

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[2] Indian Esoteric Buddhism, a social history of the tantric movement, Ronald M. Davidson, p. 106 etc.

[3]We will have to achieve enlightenment in order to investigate the beginningless rebirths of Dagri Rinpoche. We have to be enlightened; otherwise, we can’t investigate. This is my logic.” Lama Zopa Rinpoches Advice to Students of Dagri Rinpoche 14/05/2019

samedi 23 janvier 2021

Briller comme mission



Il y a une vue gnostico-alchimique manichéenne dans le bouddhisme tibétain, où, dans la bataille des forces de la Lumière contre celles de l’Obscurité, les Envoyés des Lumières tentent de récupérer et sauver les âmes emprisonnées dans l’Obscurité. Leurs âmes sont des étincelles de Lumière perdues dans l’Obscurité. Il est alors essentiel pour les Envoyés des Lumières d’attirer l’attention des âmes perdues, et d’établir des connexions avec elles, de quelle nature que ce soit. Toute attention qu’une âme perdue accorde à un Envoyé va alors dans le bon sens, même si les contacts établis sont perçus de façon négative par les âmes perdues, parce que le lien (tib. rten ‘brel) est établi, c’est le début du début de la conversion, qui conduira ultimement au sauvetage de l’âme perdue par l’Envoyé en question, et le retour de cette étincelle dans la Lumière du Plérôme.

C’est cette croyance, qui permet de dire à un Gyatrul Rinpoché, suite aux abus dans la communauté Vajradhatu/Shambala par les Envoyés (“grands bodhisattvas”) Chogyam Trungpa et Thomas Rich, que les personnes abusées ont de la chance, car l’Envoyé “voyait en vous une connexion karmique à cultiver” et “c’était à cause de sa bonté qu’il avait reconnu votre karma de cultiver cette connexion et de l’actualiser”.

C’est la même croyance, qui fait dire à un Dzongsar KR :
Aspirez à créer des connexions avec les gens, même ceux qui ne perçoivent qu’une bribe de votre T-shirt aux couleurs voyantes dans une foule, ce qui aura pour conséquence qu’un grain de dharma soit semé dans leurs esprits.[1]
Si vous croyez en la Bataille entre les Forces des Lumières et les Forces de l’Obscurité, dans un Plérôme de Lumière qui envoie des Envoyés sur la Terre, pour capturer l’attention des âmes perdues, par tous les moyens, afin de les sauver et ramener vers la Lumière, ce bouddhisme est le vôtre. Vous serez entre de bonnes mains. Si vous avez une autre idée du bouddhisme, par exemple celui que le Dalaï-Lama enseigne en public, plus rationnel, plus digestible aux occidentaux, le plus souvent en anglais, il ne correspondra pas forcément à celui de votre lama-racine. Pour en être certain, vérifiez auprès de lui/elle ce qu’il/elle pense des “connexions karmiques à cultiver”.


Brochette de gourous
GàD : Namkhai Nvingpo Rinpoche. Dzigar Kongtrul Rinpoche (debout). Shechen Rabiam Rinpoche (tenant une photo de Jigme Khyentse Rinpoche. le dernier fils de Kangyur Rinpoche), Dzongsar Khyentse Rinpoche (en parinirvana), Neten Çhokling Rinpoche (debout)

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[1] "Aspire to create connections with people, even those who catch no more than a glimpse of your brightly coloured T-shirt in a crowd, that result in the seed of dharma being sown in their minds." Source https://www.facebook.com/IAmSamLongSamIAm/posts/10221779572896678

vendredi 22 janvier 2021

La réhabilitation d'un détenteur de lignée déchu


Chogyam Trungpa et le Régent Vajra Ösel tendzin (Thomas Rich) (photo FB Vajra Regent Ösel Tendzin Library)

Un autre chapitre (15) du livre Enthralled de Christine A. Chandler traite du régent vajra de Chogyam Trungpa. Il s’agit de Thomas Rich ou Osel Tendzin (1943–1990). Je ne vais pas rappeler ici les détails de ses comportements[1], qui ont entre autres conduit au déces dun jeune homme contaminé par le VIH, fait relaté dans le New York Times du 26 février 1989. Tout comme Chogyam Trungpa, Thomas Rich eut de nombreuses relations sexuelles, parfois plusieurs par jour[2]. Il était réputé pour inciter et parfois forcer des hommes hétérosexuels à avoir des rapports avec lui. En cas de résistance, c’est l’ego du disciple qui fut mis en cause. En décembre 1988, la direction de Vajradhatu avait communiqué à ses membres que le VR avait contracté le virus il y a trois ans, donc autour de 1985. Cela ne l'avait pas empêché de rester sexuellement actif. Trungpa lui aurait dit que ses pratiques tantriques le protègeraient.

Le Régent Vajra Ösel Tendzin

Lors de sa visite à Vajradhatu en 1992, Gyatrul Rinpoché[3] expliquait aux disciples de Trungpa et de Rich, que ceux qui avaient eu la chance d’avoir eu des rapports sexuels avec ces maîtres, qui étaient des grands bodhisattvas, de ne pas s’en vanter.
Et n’oubliez pas que c’était à cause de sa bonté qu’il avait reconnu votre karma de cultiver cette connexion et de l’actualiser. Si votre attitude en est une d’humilité et de dévotion, et que vous suivez ses instructions, cela pourra être très bénéfique pour vous à cause de la nature particulière de votre connexion avec lui.”
En 1989, le RV désigna Patrick Sweeny comme le successeur de sa lignée. Cette désignation fut confirmée par Thrangu Rinpoché et par Dilgo KR[4]. Sakyong Mipham étudiait auprès de son maître Dilgo Khyentsé Rinpoché au Népal, quand il fut appelé aux USA par le Régent Vajra, dans le cadre de la succession de son père Chogyam Trungpa, et la mort imminente du Régent Vajra porteur du virus du SIDA depuis 1985 environ. Les directions de Vajradhatu et de la fondation Nalanda avaient demandé (29/12/1988) au Régent Vajra de démissionner. Le VR répondit (17/01/1989) qu’il ne pouvait pas démissionner car cela briserait son engagement auprès de son maître Trungpa. 

Le seizième Karmapa aux USA, avec Trungpa et Rich

Thomas Rich et le seizième Karmapa

Le seizième Karmapa et Thomas Rich

Dans la crise qui sensuivit, Dilgo Khyentsé Rinpoché (17/10/1989), à la demande du VR et de Karl Springer, écrit à la communauté et demanda de suivre le RV, qui fut nommé par Trungpa et confirmé par le seizième Karmapa. Quand le conflit perdura, Dilgo KR recommanda au RV de faire une retraite, et demanda (15/02/1990) à la communauté de se regrouper, en faisant le rituel (composé par Trungpa) du Sādhana de la Mahāmudrā. Le lendemain de la mort du RV (26/08/1990), SE Jamgoeun Kongtrul demanda la communauté d’accepter le Sakyong Mipham comme successeur. Dilgo KR envoya une lettre allant dans le même sens, le même jour. 

Thomas Rich et Dilgo KR

En 1991, Karl Springer écrit à Dilgo KR pour lui demander de nommer un régent pour le régent, un successeur à Thomas Rich[5]. Le disciple principal du VR, Patrick Sweeny, fit de même. Dilgo KR répondit, en ce qui sera sa dernière lettre à la communauté (10/08/1991), que cela n’avait pas de sens, et qu’il convenait de mettre tous les problèmes et  allégations de côté[6]. Dilgo KR est mort en septembre 1991. 

Lettre de Dilgo KR du 17/10/1989

A la demande de se mettre en retraite, le VR déménagea en 1989 à Ojai, Californie, avec certains de ses disciples, parmi lesquels Patrick Sweeney, que le VR avait choisi comme son détenteur et successeur. Après la mort du VR, Sweeny créa Satdharma[7], afin de continuer la lignée du VR, séparée de Vajradhatu[8]. Le site web de Satdharma, fut actif pendant un certain temps, mais affiche actuellement uniquement une page d’accueil avec la possibilité de contacter Patrick Sweeny. Par le biais du site Wayback, on a accès à certains documents, où l’on voit apparaître de nouveaux joueurs tibétains[9].

Thrangu R. à Ojai, Californie, en 1995,
photo : Ladye Eugenia Stewart

Notamment Thrangu Rinpoché[10], qui fit construire, et qui consacra un stupa (stupa of the awakened mind) à la mémoire du VR à Ojai, Calfornie. Il composa également une prière d'invocation des bénédictions du Régent Vajra (en 1993). Il devint un des conseillers spirituels de la lignée du VR. Plus tard, Thrangu Rinpoché construira son propre stupa et centre à Crestone, Californie.

Sakyong Mipham et le RV (detail thangka du Vidyadhara de Greg Smith 

Un rapprochement entre la lignée de Sakyong Mipham et la lignée du VR et son sucesseur Patrick Sweeny fut rendu possible par l’intermédiaire de Khenpo Tsultrim Gyamtso[11]. Le 7 juillet 2005, Patrick Sweeny se rendit en France, au château du Mas Marvent (Dechen Chöling) pour y rencontrer le Sakyong Mipham[12]. Suite à cette rencontre, une lettre daccord entre les deux parties fut publiée, dans laquelle les deux lignées se reconnaissaient mutuellement. La lignée et l’héritage du Vajra Régent Ösel Tendzin, Thomas Rich, était reconnu par Vajradhatu/Shambala et par les grands khenpos de la lignée Kagyupa.
Whenever disharmony is followed by harmony, that harmony is strong, long-lasting and pure. Whenever contradiction is brought under the clear gaze of wisdom realizing equality and original purity, it self-liberates into spaciousness and openness that is filled with joy and love. Chogyam Trungpa Rinpoche and Vajra Regent Osel Tendzin demonstrated this path to beings” (extrait d’une lettre de Khenpo Tsultrim Gyamtso R, cité dans l’accord)
Patrick Sweeny fit allusion au schisme causé par le scandale autour du Régent Vajra comme un “tremblement de terre de samaya”. Il y eut un autre tremblement de terre en 2018, quand le Sakyong fut accusé d’abus sexuels[13]. Il n’est pas certain que le royaume de Shambala survive cette fois-ci. Satdharma, le site web de la lignée du Régent Vajra, ne consiste plus qu'en une simple page d’accueil, où la seule action possible est de contacter Patrick Sweeny, le successeur et le détenteur de la lignée.

On voit bien le rôle joué par des hiérarques tibétains dans l’aventure Shambala. Dilgo KR fut un des conseils de son disciple Chogyam Trungpa, et avait personnellement conduit son couronnement en tant que Sakyong. Le seizième Karmapa avait confirmé la désignation de Thomas Rich en tant que Régent Vajra de Chogyam Trungpa. Quand les scandales autour des contaminations VIH par le Régent Vajra ont éclaté, Gyatrul Rinpoché est venu pour rappeler à l’ordre tous ceux qui avaient eu des rapports avec sexuels avec Trungpa ou Rich. Dilgo KR avait initialement demandé à la communauté de rester loyal au Régent Vajra, avant de recommander que celui-ci fasse une année de retraite. Après la mort du VR en 1990, Patrick Sweeny, son détenteur de lignée, avait reçu le soutien de Thrangu Rinpoché, qui l’avait aidé à sauver la lignée du Régent Vajra, que le seizième Karmapa avait confirmé. Khenpo Tsultrim Gyamtso, avait aidé au rapprochement des deux lignées et à la réintégration de la lignée du Régent Vajra.

Livre paru à l'occasion du 25ème anniversaire du parinirvana de Thomas Rich

Reste à voir comment les hiérarques tibétains vont réagir après les scandales de l’été 2017 (Sogyal Lakar) et de Shambala en 2018. La disgrâce de Sogyal Lakar changera-t-il quelque chose aux sauvetages décomplexés de lignées et de lamas ?

Lire ou relire aussi Tibetan Buddhism Enters the 21st Century: Trouble in Shangri-la de Stuart Lachs

MàJ 19022021 Mme Rich prend le relais
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[1] Voir aussi John Steinbeck IV and Nancy Steinbeck (2001). The Other Side of Eden: Life with John Steinbeck, Prometheus Books. ISBN 1-57392-858-5.

[2] Encountering the Shadow in Buddhist America, Common Boundary Magazine 1990 May/June, Katy Butler

[3]N’ayez pas de pensée ordinaire à ce sujet, du type “Oh, il a couché avec moi, alors je suis son égal ; cela fait de moi quelqu’un de spécial, car il a couché avec moi”. Ce n’est pas la façon de penser qui convient à une sangyum. Il est de la responsabilité d’une sangyum de considérer qu’il voyait en vous une connexion karmique à cultiver. Et n’oubliez pas que c’était à cause de sa bonté qu’il avait reconnu votre karma de cultiver cette connexion et de l’actualiser. Si votre attitude en est une d’humilité et de dévotion, et que vous suivez ses instructions, cela pourra être très bénéfique pour vous à cause de la nature particulière de votre connexion avec lui. Si vous cultivez cette situation, vous pourrez progresser, et être très utile aux autres. Mais si vous ne reconnaissez pas le niveau de cette connexion et la percevez comme quelque chose d’ordinaire, en vous gonflant d’orgueil et d’ego, vous aurez réellement manqué cette opportunité. Ce serait plutôt comme coucher avec un roi, mais [votre maître] n’était pas un roi, mais un bodhisattva. C’est une grande différence”. Gyatrul Rinpoche, Oral Commentary on the Natural Great Perfection by Dudjom Lingpa, given in Boulder, 1992, trans. Sangye Khandro, ed. Ian Villarreal, later published by (Ashland, Oregon: Mirror of Wisdom Publications, 2000), 58-59

[4] Biography of Patrick Sweeney sur le site de Satdharma, via Wayback.

[5]In this letter, written almost a year after the Regent’s death, Karl expresses the difficulties that he and others have experienced since the Vajra Regent’s death. In particular, Karl points out that while the Regent had agreed to the decision that the Sawang would assume leadership of Vajradhatu, he did so under certain conditions. One of these conditions was that the Regent retained the right to choose his own dharma heir and lineage successor “regardless of who ran Vajradhatu.”

[6]His Holiness’ replies comes quickly. “There would … be neither purpose nor benefit in newly appointing a regent of the Regent, instituting a holder of his lineage, dividing the dharma centers into two sections and so on. Therefore, it is important that, beginning now, any and all allegations concerning this be set aside completely.” His Holiness died in September 1991, just seven weeks after this letter was sent.” Réponse à Karl Springer.

His Holiness’ letter to Patrick, dated the same day, conveys what is essentially the same message. “There would … be neither purpose nor benefit in newly appointing a regent of the Regent or instituting a holder of his tradition. Therefore, it is important that, beginning now, any and all allegations concerning this be set aside completely.” Réponse à Patrick Sweeny.

[7]SATDHARMA is the organization that organization that encompasses the Ojai encompasses the Ojai Valley Dharma Center alley Dharma Center, the Pullahari R ullahari Rullahari Retreat Center, and the Vajra Regent Ösel Tendzin Library and Archives. It was founded to hold and continue the transmission in the West of the Buddhist and Shambhala lineages of the Vidyadhara, Chögyam Trungpa Rinpoche and his Vajra Regent, Ösel Tendzin. Satdharma is under the direction of the current lineage holder lineage, Patrick Sweeney.” Satdharma Bulletin dec. 2002

[8] Letters of The Current Situation

[9]Spiritual Advisors

Satdharma is most fortunate to have the Venerable Khenchen Thrangu Rinpoche as a spiritual advisor. His encouragement and authorization have empowered the growth of Satdharma’s study and practice activities, including Vajrayana transmission given by Patrick Sweeney early last year and to be given again next January. Thrangu Rinpoche will continue to be a guide for further expansion. Mr. Sweeney will also be working closely with the Dzogchen Ponlop Rinpoche to develop our curriculum. Ponlop Rinpoche has requested him to teach a course in yoga at his annual Nalandabodhi sangha retreat. Ponlop Rinpoche will be visiting Ojai and Pullahari for one week in January of 2004. Additionally, Khenpo Tsultrim Gyamtso Rinpoche has tentatively scheduled a visit to Ojai and Pullahari in November 2003
.” Satdharma Newsletter March 2003

[10] "In 1995 Very Venerable Thrangu Rinpoche visited the Ojai sangha at Shantigar, Ojai, California, There he gave the Cakrasamvara Abisheka to senior students.

Afterwords there were several days of small group discussions and lunches while the practice instructions were given.

The day after that he gave a community talk articulating his view of the Vidyadhara's significance and legacy, the Vajra Regent's particular importance in that, and why it was essential to continue to preserve and share the Vajra Regent's teachings.

The Vajra Regent's Library and Archives and this Timeline are the result of many students' devotion. This particular talk was a vital inspiration and catalyst
.” Site https://www.vajraregent.org/ faire une recherche sur "Thrangu"

[11] Extrait d’une lettre du Khenpo envoyé à Patrick Sweeny :
Dear Patrick,

Sakyong Mipham Rinpoche has requested teachings from me on the Six Dharmas of Naropa. I have invited him to receive these teachings from me from December 3-11 at your Pullahari Retreat Center, and he has eagerly accepted. This is a very auspicious circumstance, because you are a student of Trungpa Rinpoche and Sakyong Mipham Rinpoche is also Trungpa Rinpoche's student and his son. So it makes a good connection.

From Khenpo Rinpoche

The sangha as a whole experienced what you might call a samaya earthquake back in the late 80’s and early 90’s. Both Khenpo Rinpoche and Thrangu Rinpoche have encouraged me to do whatever I can not to perpetuate that difficulty.” extrait de : Transcript of talk and discussion at Dechen Chöling en France PSTL.2005.07.07.DCL

[12] Transcript of talk and discussion at Dechen Chöling en France PSTL.2005.07.07.DCL

[13] TheKingof Shambhala Buddhism Is Undone by Abuse Report 11/07/2018
Les déboires financiers de Shambhala International

mercredi 20 janvier 2021

Du féminisme éveillé, vraiment ?


Jetsun Khandro Rinpoché, la réincarnation d'une sangyum du quinzième Karmapa (photo Volker Dencks)

Un des chapitres les plus intéressants du livre Enthralled de Christine A. Chandler est celui intitulé Les Dakinis et leur “féminisme spiritualisé” (ch. 18 The Dakinis and Their “Spiritualized Feminism”).

Il est un fait que des hiérarques bouddhistes tibétains avaient et ont une activité sexuelle, même ceux qui sont censés avoir des voeux de célibat. Certains sont des yogis, et ont des femmes, des familles, des concubines/maîtresses officielles et non officielles. D’autres sont des abbés et des moines réincarnés, qui, de par leur statut, peuvent avoir une activité sexuelle, justifiée de diverses façons. Même si ce n’est pas/plus le cas officiellement, les voeux du vajrayāna prévalent sur les autres types de voeux. Je n’ai pas souvenir d’avoir jamais entendu ou lu qu’un haut dignitaire avec des voeux de bhikkhu était exclu de son sangha, pour avoir eu une activité sexuelle.

June Campbell écrit dans “Traveller in Space” que “l’objectif de la sangyum secrète dans le contexte monastique, était de fournir aux pratiquants mâles des opportunités d’activité sexuelle, sans troubler la structure du système. Ces actions furent uniquement possible avec la complicité des femmes impliquées[1].

En Occident, cela devint plus complexe à cause de l’ignorance et des attentes des convertis occidentaux. Pour eux, les voeux d’incontinence s’appliquaient à tous les religieux monastiques, y compris les grands maîtres. Ne connaissant pas encore la relation de maître à disciple, mais ayant l’habitude des rapports médecin-patient etc., des relations sexuelles dans ce cadre n’étaient pas considérés acceptables. En même temps, ils avaient connaissance de l’existence de pratiques sexuelles avancées “encadrées” par le Tantra, du moins le Tantra tel quils le comprenaient. Il y avait la libération sexuelle, et des jeunes maîtres tibétains qui furent initialement des compagnons. Ces maîtres enseignaient qu’il ne fallait pas s’emprisonner dans une relation de couple traditionnel, et pratiquer le détachement en ayant des partenaires multiples[2].

Dans cette activité sexuelle généralisée, celle des maîtres tibétains devenait acceptable, pour les femmes ou les hommes qui allaient être leurs partenaires sexuels pendant un moment. Même un maître avec des voeux monastiques restait avant tout un pratiquant tantrique. Il était généralement admis que ces pratiques n’étaient pas tolérées pour des moines ordinaires, mais on fit une exception pour les grands maîtres, même s’il fallait que cela reste confidentiel, et caché au grand public. Sur ce fond "orthodoxe", des abus sexuels, des abus de pouvoir, et des abus de faiblesse, etc. ont également pu avoir lieu.
Toutes les actions de ce précieux et parfait Lama,
Quelles qu’elles soient, sont bonnes.
Tout ce qu’il fait est excellent.
Entre ses mains le travail, maléfique d’un boucher
Est bon, et apporte des bienfaits aux bêtes,
Inspiré par la compassion pour toutes.
Quand il s’unit sexuellement de façon impropre,
Ses qualités s’accroissent, et s’élèvent comme renouvelées,
Montrant que les moyens et la sagesse ont été réunis.
Ses mensonges qui nous dupent,
Ne sont que les signes habiles par lesquels il nous
Guide sur le chemin de la liberté.
Lorsqu’il vole, les biens volés se changent en denrées nécessaires pour soulager la pauvreté de tous.
Quand un tel Lama réprimande
Ses paroles sont de puissants mantras
Pour faire disparaître la détresse et les obstacles.
Ses coups sont des bénédictions
Qui accordent les deux siddhis et réjouissent tous les hommes fervents et respectueux.
Ainsi qu’il est dit ci-dessus, apprécions les aspects bienfaisants de toutes ses actions.” Extrait du Flambeau de la certitude de Jamgoeun Kongtrul  
Les premiers scandales dans le milieu bouddhiste tibétain en Occident ont éclatés fin années 1980, début années 1990. La mort du SIDA du régent vajra, qui l’avait passé à de nombreux de ses disciples, en pensant être sous la protection des dharmapāla. La mort d’un jeune homme d’une vingtaine d’années, disciple du régent. Le procès contre Sogyal Lakar en 1994[3]. En 1996 paraît le livre de June Campbell, Traveller in Space: Gender, Identity, and Tibetan Buddhism, sur les identités de genre dans la société tibétaine, leurs rôles symboliques, la carrière d’un jeune tulkou, privé de la présence maternelle et féminine dès un jeune âge, la misogynie inhérente au système, et la possibilité des monastiques de haut rang d’avoir une activité sexuelle avec des femmes sous le sceau du secret. Accessoirement, June Campbell mentionne sa propre relation avec Kalou Rinpoché I. C’est ce dernier fait qui lui avait attiré le courroux des disciples, et pour lequel elle est surtout connue dans les cercles bouddhistes tibétains...[4] La section Controverses de la page Wikipedia de Sogyal Lakar, donne d’autres détails concernant ce maître.

Le prix Nobel de la paix du Dalaï-Lama en 1991 avait pu contribuer à lever les doutes sur le bouddhisme tibétain en tant que secte dans l’opinion publique. Des célébrités occidentales, des universitaires, des psychologues, des nonnes, des journaux sympathisants (Huffington Post, plus tard The New York Times) ont également donné des lettres de noblesse au bouddhisme tibétain en Occident. Des films comme Seven Years in Tibet, ou Little Buddha, avec un rôle pour Sogyal Rinpoché… Le soutien de Chogyam Trungpa et Sogyal Lakar par des célébrités. Tout cela a suscité de la sympathie pour le bouddhisme tibétain. L’amour pour la science du Dalaï-Lama et la fondation de Mind and Life a pu donner l’idée que le bouddhisme tibétain aurait un fond “scientifique”. S’il était scientifiquement prouvé que la réincarnation n’existait pas, le bouddhisme devrait laccepter selon le Dalaï-Lama... Tout cela est très rationnel, raisonnable et sympathique.

Ce qui nous intéresse dans ce chapitre d'Enthralled, c’est la façon de laquelle ces institutions réagissent pour étouffer le scandale et maîtriser les dégâts, et quel rôle des femmes jouent à ce niveau. Essentiellement, en étant présentes, en souriant et en gardant le secret. Des grands lama en visite après la mort du régent, comme Gyatrul Rinpoché, les rappelait que les “mécomportements” des maîtres étaient “des grandes bénédictions de grands bodhisattvas, qui étaient plus grands que des rois”, comme si d’ailleurs la royauté était une référence dans une démocratie. Il rappelait aux hommes dans l'assistance qu’ils avaient de la chance de pouvoir confier leurs femmes, filles, soeurs et amies à de grands bodhisattvas comme Trungpa et Gyaltrul. Puis, pendant une retraite à Boulder en 1992, il rappelait à l’ordre les sangyums de Trungpa et tout celles et ceux qui avait eu des rapports sexuels avec Trungpa et le régent, de faire très attention à leur attitude.
N’ayez pas de pensée ordinaire à ce sujet, du type “Oh, il a couché avec moi, alors je suis son égal ; cela fait de moi quelqu’un de spécial, car il a couché avec moi”. Ce n’est pas la façon de penser qui convient à une sangyum. Il est de la responsabilité d’une sangyum de considérer qu’il voyait en vous une connexion karmique à cultiver. Et n’oubliez pas que c’était à cause de sa bonté qu’il avait reconnu votre karma de cultiver cette connexion et de l’actualiser. Si votre attitude en est une d’humilité et de dévotion, et que vous suivez ses instructions, cela pourra être très bénéfique pour vous à cause de la nature particulière de votre connexion avec lui. Si vous cultivez cette situation, vous pourrez progresser, et être très utile aux autres. Mais si vous ne reconnaissez pas le niveau de cette connexion et la percevez comme quelque chose d’ordinaire, en vous gonflant d’orgueil et d’ego, vous aurez réellement manqué cette opportunité. Ce serait plutôt comme coucher avec un roi, mais [votre maître] n’était pas un roi, mais un bodhisattva. C’est une grande différence”.[5] 
Le Dalaï-Lama et Gyatrul Rinpoché

Le Dalaï-Lama connaît-il cette opinion de son ami ? Qu’en pense-t-il ? Il est évident que Gyatrul Rinpoché (né en 1925) ne se rendait pas compte du décalage énorme, il était convaincu de ce qu’il avançait. C’était d’ailleurs sa propre sangyum et traductrice, Sangye Khandro (Nanci Gustafan), qui le traduisait et qui avait publié le commentaire oral dans lequel se trouve cette réprimande. Il n’y a pas de doute qu’il aurait pris la défense de n’importe quel autre maître tibétain. Les disciples qui le suivent, et qui le soutiennent dans cette opinion, n’auront pas de mal à considérer que tous ceux et celles qui ont une telle “connexion karmique” et qui ont la chance d’avoir tapé dans l’oeil du maître sont très chanceux. Recruter de nouveaux candidats pour leur maître est alors un acte de compassion. Il y a ceux qui savent cela, et ceux qui, dans un état d’esprit ordinaire, empêtré dans le saṃsāra, ne le comprennent pas ou s’en offusquent. Il convient alors d’être prudent et d’avoir un discours pour chaque camp, en protégeant le maître, sa compassion spéciale, et la bonne attitude à avoir. Aider à étouffer des “scandales” qui n’en sont pas quand on a la bonne attitude, va alors de soi. Quand le bouddhisme du maître est attaqué, on lui vole à l’aide. Garder le silence équivaut à défendre le bouddhisme contre les non-initiés.

Quand ce sont des femmes qui prennent la défense du maître, ou qui s’affichent à son côté, c’est encore mieux. N’y a-t-il pas une certaine solidarité entre femmes, surtout depuis le féminisme ? D’ailleurs, même le Dalaï-Lama et le Dix-septième Karmapa se déclarent féministes. Pensent-ils, comme Gyatrul Rinpoché, que la meilleure chose qui puisse arriver à une femme, c’est être le partenaire sexuel d’un grand bodhisattva ? Et est-ce que l’âge y change quelque chose ?

Ce que Christine A. Chandler semble reprocher aux femmes prenant la défense du bouddhisme tibétain patriarcal est leur “faux féminisme”. Il existe un livre et un site intitulé “Dakini Power” de Michaela Haas, où sont présentées douze “femmes extraordinaires donnant forme à la transmission du bouddhisme en Occident”, autrement dit, elles sont des véritables ḍākinī[6].
The dakinis are depicted as strong and fiercely independent. The Tibetan word for dakini, khandro, literally means "sky-goer," and hints at the expansiveness of their view. Traditionally, the term dakini can refer to outstanding female practitioners, consorts of great masters, and to denote the enlightened female principle of non-duality which transcends gender.”
Un des rôles les plus importants et honorables de ces ḍākinī, est de servir de sangyum, de partenaire sexuel d’un grand maître. Khandro Rinpoché est devenue Khandro Rinpoché, parce que dans sa vie antérieure elle était la sangyum du quinzième Karmapa, pas parce qu’elle était “férocement indépendante”. Tsultrim Allione est appelée la “féministe éveillée”, car elle semble aspirer à créer un bouddhisme tibétain féminin, mais à quel degré souscrit-elle encore aux thèses patriarcales ci-dessus ? Le rôle de sangyum est-il toujours d’actualité ? Autre femme férocement indépendante, la nonne américaine Pema Chödrön, qui avait successivement pris la défense de Chogyam Trungpa, le régent Thomas Rich, Dzigar Kongtrul Rinpoché[7], et le Sakyong Mipham, avant de relâcher ce dernier très récemment.

Y a-t-il réellement de la place pour un “Dakini Power” de femmes férocement indépendantes à l’ombre des croyances et pratiques patriarcales et misogynes, qui ont toujours cours, même parmi des hiérarques des nouvelles générations ?

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[1] Traveller in Space (The Athlone Press, 1996), p. 97.

[2]Some of Trungpa’s inner circle even facilitate finding him a steady supply of new sexual partners for his Tantric ‘advanced’ teachings.’ Procuring sexual partners for a guru can be part of one’s devotional practices. Tibetan Tantric Buddhism encourages sexual couplings and re-couplings as a sign of detachment. Aloofness from traditional relationships is encouraged; except when it comes to your gurus.” chapter 1 Reckless Madness

Dans les stages de Khenpo Tsultrim Gyamtso, ses élèves furent encouragés de changer régulièrement de “grogs po” et de “grogs mo”, de petit(e) ami(e). Il y eut parfois pas mal de larmes pendant ces stages. Le “détachement” n’était pas facile pour tous.

[3]Pour « mauvais traitements physiques, psychiques et sexuels » déposée par une personne sous le pseudonyme de Janice Doe, qui réclame alors 10 millions de dollars. Les poursuites judiciaires engagées au civil se terminent en décembre 1995 par un règlement amiable et financier dont ni les termes, ni les détails de l'affaire ne sont rendus publics.” Wikipédia.

[4] Voir p.e. #MeToo ? À genou ! (sexisme et religions) d’ André Lacroix (11 janvier 2019), ou l’article “I was a Tantric sex slave” de Paul Vallely (10 février 1999) dans le journal britannique The Independent. Extrait de cet article, June Campbell explique :
The psychological pressure is often increased by making the woman swear vows of secrecy. In addition, June Campbell was told that "madness, trouble or even death" could follow if she did not keep silent.
"I was told that in a previous life the lama I was involved with had had a mistress who caused him some trouble, and in order to get rid of her he cast a spell which caused her illness, later resulting in her death.”

[5] "So if you are doing the Shambhala training, and if you have faith in the place of Shambhala and in those great enlightened beings who have manifested in this place for our welfare, then the blessings that enter your mind will be very swift, and this will help increase your own understanding of your Buddha nature. … Shambhala is not to be mistaken with Shangri-la. Everyone thinks: ‘I want to go there.’ But that’s just made up, that’s a movie…. Now this is really not my business, but I want to mention anyway, to some of the women who are the sagyum, or the consorts, of Trungpa Rinpoche, you should be very careful about your attitude. Don’t have an ordinary mind about it, thinking in an ordinary sense: ‘Oh, he slept with me, so I’m equal to him; this makes me special, because he slept with me.’ This is not the way that a sagyum of someone like this should think. It’s the sagyum’s responsibility to consider that he saw in you a karmic connection that could be cultivated. And consider that it was because of his kindness in recognizing your karma that there was an ability to cultivate that and bring that out. If you have an attitude of him with humility and devotion, then if you follow whatever teachings he gave you, because of the special aspect of your connection with him this can be of tremendous benefit to you. If you cultivate your situation, you can then go ahead and be of tremendous benefit to others. But if you fail to see the level of the connection and think of it as being only ordinary, and elevate your pride and ego, you’ve really failed in that connection. That would be like sleeping with a king-but he was not a king, he was a great bodhisattva. There’s a difference." 

Gyatrul Rinpoche, Oral Commentary on the Natural Great Perfection by Dudjom Lingpa, given in Boulder, 1992, trans. Sangye Khandro, ed. Ian Villarreal, later published by (Ashland, Oregon: Mirror of Wisdom Publications, 2000), 58-59

[6] Il s’agit de Khandro Rinpoche, Khandro Tsering Chödron, Dagmola Sakya, Jetsunma Tenzin Palmo, Pema Chödrön, Thubten Chodron, Karma Lekshe Tsomo, Tsultrim Allione, Sangye Khandro, Chagdud Khadro, Roshi Joan Halifax, et d’Elizabeth Namgyel.

[7]Dzigar Kongtrul is also one of the many lamas that tell the women, confused and in pain, that the sexual advances of these ‘living Buddhas,’ like him, is a “great blessing” and to be chosen for sex with any of these living Buddhas, like him, is an honor.” Enthralled, chapter 18.