dimanche 3 avril 2022

Ce "protestantisme" qui tente de couper les ailes au bouddhisme


En parlant de l’attitude des Occidentaux envers le bouddhisme, il arrive que des experts en la matière disent à la fois que les Occidentaux sont “prisonniers d’une vue mythique du bouddhisme”, et qu’ils l’appauvrissent et en font un bouddhisme “protestant”, à leur triste image…
Au demeurant, maintes idées reçues n’ont même pas pour elles l’appui de la tradition. Ces idées s’imbriquent souvent, un peu comme ces poupées russes qui s’emboîtent les unes dans les autres. La plupart d’entre elles relèvent d’un parti pris fondamental, qui est aussi un acte de foi : la croyance en un bouddhisme « pur », débarrassé de toutes « superstitions », et miraculeusement transmis jusque dans l’Occident moderne à travers les siècles et les cultures. En fait, ce bouddhisme n’est qu’une invention relativement récente, résultant d’une série de réformes dans divers pays d’Asie, au contact de l’Occident et en réponse à la colonisation, à l’impératif de modernisation et à l’influence du protestantisme.”
Voilà ce qu’écrit Bernard Faure dans Les idées reçues sur le bouddhisme (2020). Le même Bernard Faure avait cependant fait une thèse sur le bouddhisme Chan/Zen, démontrant comment cette tradition “s'est formée en rejetant dans les ténèbres extérieures tout ce qui paraissait un peu trop traditionnel”. Il poursuit 
La tradition Ch'an, version chinoise du Zen qui en dérive, se définit donc comme une sorte d'iconoclasme, comme un retour à l'éveil, à l'enseignement pur du Bouddha. Ma thèse de doctorat s'attardait sur la volonté d'orthodoxie du bouddhisme Ch'an, pour montrer comment l'institution s'était développée, comment ce zen s'était fait passer pour iconoclaste, rejetant le rituel, les textes, et insistant surtout sur une filiation ininterrompue depuis le Bouddha primordial jusqu'aux maîtres zen contemporains.”[1]
Sous l’influence du protestantisme et de la modernisation ? Sans doute s’agit-il d’une tendance plus profonde dans le bouddhisme, voire dans l’homme, qui n’a pas attendu le "protestantisme" et “la modernité” pour “protester” ou se rebeller contre une tradition ou un ordre établi, quel qu'il soit.

Peut-être bien avant le Chan/Zen, les prajñāpāramitā sūtra, Nāgārjuna, le madhyamaka, avaient fait preuve du même type de rejet ? Voire même des suttas attribués au Bouddha, dans lequel celui-ci ridiculise le brahmanisme, à l’instar d’autres Renonçants (śramaṇa) ? Ou encore le Dhammapada quand il explique la voie du “vrai brahmane” (XXVI Brāhmaṇavaggo chavīsatimo) ?

Dirait-on que c’est à cause de “la modernité” du hellénisme que le “christianisme” avait “appauvri” le judaïsme, dont il est originaire, en rejetant tout ce qui lui semblait trop traditionnel ? Le bouddhisme s’est toujours adapté pour s’implanter durablement dans différentes régions du monde, et y a laissé des plumes, tout en reprenant de nombreux autres trucs en plume. C’est maintenant peut-être le tour de l’Occident, où certains veulent faire passer le bouddhisme (tibétain) pour une religion rationnelle, empirique, compatible avec les sciences. Quand on lit dans l'article du Point les dix points par lesquels Matthieu Ricard résume le bouddhisme, absolument rien de ce qui caractérise l’exotisme du bouddhisme tibétain ne passe la revue. Pas de référence au Cycle des existences, au saṃsāra avec les six mondes (les enfers, les preta, …), au renoncement, à la voie du bodhisattva et ses nombreuses croyances associées, aux pouvoirs surnaturels, aux pouvoirs du Bouddha, au futur Bouddha Maitreya, aux Terres pures, l’oracle du Dalaï-lama, etc. Tout ce qui pourrait nuire à l’image d’un bouddhisme empirique et compassionné, semble être laissé de côté. Y compris d’ailleurs les problèmes très réels d’abus dans le bouddhisme tibétain

Ce bouddhisme séculier et empirique ne correspond à aucun bouddhisme réel, tel qu’il est pratiqué par les bouddhistes. C’est comme s’il s’agissait d’un bouddhisme idéal, isolé dans une sorte de vacuum, de la communication destinée aux non-bouddhistes ? La sagesse et la compassion produites par “la méditation” sont mesurées par des neuroscients. On ne retrouvera cependant pas ce bouddhisme en passant la porte d’un centre bouddhiste, ou en allant à la rencontre du bouddhisme en Asie. Ce dernier n’est pas réellement en dialogue avec la science (point n° 10[2]).
Ne pas se fier aux apparences, gratter la surface des choses pour en connaître la véritable nature, aller au-delà de notre prisme visuel et de notre propre construction de la réalité... Vous croyez lire la définition de la démarche scientifique ? Vous n'êtes pas bien loin puisque ce processus empirique correspond aussi à la philosophie bouddhiste.”
Dit ainsi, les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être et ce que ce bouddhisme et la science ont en commun. La vérité du bouddhisme, s’il en a une, entre l’être et le non-être, plus ou moins “pure”, peut-elle être connue et/ou prouvée à travers des (neuro)phénomènes ? Capturée dans des croyances, des icônes, des rituels, … ? Chercher cette vérité sur la voie du Milieu, n’est-ce pas forcément évoluer sans s’arrêter aux apparences ? Une sorte de “protestantisme” (théologie négative, “shedding” en anglais) et de “démarche scientifique” en même temps ? L’omelette de “la purification de la pensée” (sacitta paruyodapanaṁ) est-elle possible sans casser des oeufs/apparences ?

Quelle que soit sa façon de pratiquer “le bouddhisme”, en naviguant au mieux entre “le protestantisme”, “la modernisation”, “les apparences”, “la véritable nature”, “les superstitions”, on ne pourrait sans doute jamais satisfaire tous les anthropologues. Si cela est néanmoins votre objectif, la façon la plus sûre serait d’éviter tout ce qui peut créer l’apparence d’orientalisme, de “rejet”, de néo-colonialisme religieux, et autres expressions d’arrogance occidentale. À Rome, fais comme les Romains.

Après la dynastie Tang le terme “yogācāra” en Chine devint quelque peu dérogatoire dans la bouche de leurs adversaires, qui leur reprochaient de courir derrière des “caractéristiques des dharma” (faxiang, dharmalaḳsaṇa) plutôt que “la nature des dharma” (faxing, dharmatā). Pour les suiveurs de “la nature des dharma”, les suiveurs des “caractéristiques des dharma” étaient comme des idolâtres ou des “superstitieux”, même s’il leur arrivait d'admettre qu’une voie progressive pouvait être nécessaire à certains.

On trouve le même phénomène au Tibet, où les suiveurs d’une transmission aurale (tib. bsnyen brgyud) méprisent les suiveurs d’une voie dialectique/philosophique (tib. mtshan nyid kyi theg pa skt. rec. laḳsaṇayāna)[3], à l’instar du chapitre sur le moine Loteun (blo ston dge ‘dun gyi skor) dans les Chants de Milarepa, qui reflète le mépris de leur auteur gTsang smyon heruka (1452–1507). Chez Gorampa[4] (1429–1489), on trouve encore une distinction entre un dharmakāya authentique (tib. yang dag pa, ou mtshan nyid pa) et les rūpakāya, considérés comme “nominal” ou des “désignations” (tib. btags pa ba/btags pa tsam skt. prajñaptimātra).

Simultanément, même ceux qui suivaient des instructions du mahāmudrā et du Dzogchen au niveau de la nature de l’esprit, comme Rechungpa, pouvaient encore être méprisés pour leur pratique “erronnée”, incapable de conduire à des pouvoirs surnaturels (siddhi), uniquement accessibles à travers les pratiques des yogatantras supérieurs (tib. thabs lam).

On voit bien que les tensions entre des pratiques “protestantes” et “superstitieuses” du bouddhisme ont une longue histoire, qui prédate le protestantisme et la modernisation en Occident.



***

[1] Entretien avec Bernard Faure, Interviewers : Philippe Matthey, Violaine Duc, Marie Voide
ASDIWAL. Revue genevoise d'anthropologie et d'histoire des religions Année 2017 12 pp. 7-21

[2]Ne pas se fier aux apparences, gratter la surface des choses pour en connaître la véritable nature, aller au-delà de notre prisme visuel et de notre propre construction de la réalité... Vous croyez lire la définition de la démarche scientifique ? Vous n'êtes pas bien loin puisque ce processus empirique correspond aussi à la philosophie bouddhiste. « Le bouddhisme est toujours prêt à remettre en question certaines de ses affirmations historiques, explique Matthieu Ricard, docteur en génétique cellulaire et moine bouddhiste tibétain [branche particulière du bouddhisme, NDLR]. Par exemple, la cosmologie bouddhiste est aujourd'hui en porte-à-faux avec la physique. Eh bien le Dalaï-Lama l'a souvent dit : aucun problème, cela n'a pas d'importance, cela ne change en rien la quête l'éveil. »

Par conséquent, et contrairement à d'autres religions, le bouddhisme n'a pas de problèmes de dogmes ou de principes. Cette absence de carcan doctrinaire a pu laisser fleurir une collaboration étroite entre les scientifiques et les adeptes de la religion bouddhiste. Nombre de programmes de recherche s'intéressent aujourd'hui aux changements observés dans le cerveau ou dans le corps qu'entraînent la pratique de la méditation, de l'entraînement de l'esprit, de la recherche de l'éveil. Le Dalaï-Lama collabora ainsi activement avec l'institut américain Mind and Life, fondé par le neuroscientifique chilien Francisco Varela. S'y développent les techniques de la neuroplasticité et de la science contemplative.”

[3]Vajrapāṇi begins by repeating the common claim that through the the Mantra practice of Highest Yoga Tantra (anuttarayogatantra), the path to Buddhahood can be traversed and completed in as little as one instant or as much as seven lifetimes, a period much shorter than the three periods of countless aeons required by the path of the Perfection Vehicle (pāramitāyāna), also referred to by tantrists as the Definition Vehicle (laḳsaṇayāna).” The Heart Sutra Explained: Indian and Tibetan Commentaries, Donald S. Lopez Jr.

[4] Dans son commentaire (sBas don zab mo’i gter) de l’Abhisamayālaṅkāra, attribué par les tibétains à Asaṅga.

8 commentaires:

  1. C'est marrant mais c'est toujours ce même faux débat curieux qui voudrait que seul le bouddhisme existant réellement avec son lot de superstitions qui pourrait être considéré comme authentique et le néo-bouddhisme à l'occidentale serait forcément un bouddhisme de pacotille.
    J'ai fait un blablacar avec un chrétien engagé spirituellement dans diverses aventures collectives. Je lui ai posé la question de savoir ce qu'il pensait des dogmes chrétiens comme celui de la virginité de Marie. Il m'a répondu qu'il n'en pensait absolument rien et que ce n'était pas son problème (et donc implicitement que c'était plus le mien que le sien). Lui ce qui l'intéressait c'était les actions concrètes et collectives qui l'intéressaient (pour rendre le monde meilleur). Qui irait lui reprocher de ne pas s'intéresser à la théologie? Ou bien de réciter un "je vous salut marie" de manière un peu automatique?
    De même il est absurde de reprocher à M. Ricard de ne pas parler des problèmes d'abus dans le bouddhisme dans les 10 points qui résument le mieux le bouddhisme. D'autant plus qu'il ne nie pas que de tels problèmes existent

    Votre blog est un joli témoignage de dissonance cognitive entre ce que vous savez des textes bouddhistes et de ce qu'en disent les représentants du bouddhisme. Mais je ne comprends pas pourquoi les textes avec leur lot de superstitions absurdes devrait avoir plus de poids que ce qu'en disent les représentant du bouddhisme si ce qu'en disent les représentant suffit pour donner quelques pistes intéressantes et lumineuses dans un monde assez anxiogène?
    C'est comme si vous vous sentiez obligé de rentabiliser un investissement quitte à en montrer le mauvais côté.
    J'ai eu un prof qui a lu la totalité de l’œuvre de Marx pour en montrer son antisémitisme forcené alors qu'il était souvent passé sous silence par les marxistes (de son époque). Je ne dis pas que son travail n'a aucun intérêt mais il serait absurde de reprocher aux marxistes de ne pas chercher à en tirer le meilleur plutôt que le pire... à moins de considérer le tout d'un seul bloc comme si on était obligé de forcément prendre la totalité de ses propositions comme solidaires les unes des autres. Alors qu'on peut considérer au contraire que ça peut-être seulement stimulant ou inspirant de lire Marx sans pour autant devenir ni marxiste ni antisémite.

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  2. Bonjour SB, merci de votre message.
    Il y a plusieurs aspects à la question, tantôt c’est l’un ou l’autre qui m’interpelle. Il y a une très grande méconnaissance du bouddhisme parmi les convertis occidentaux, mais aussi comme vous le soulignez chez des fidèles natifs. C’est un fait. Il y a aussi un très grand décalage entre la présentation (médiatique) du bouddhisme destinée aux occidentaux et la réalité du bouddhisme tel qu’il est pratiqué. Il y a un décalage croissant entre la culture bouddhiste traditionnelle et les réalités nouvelles de notre monde. Il y a dans le monde bouddhiste même une méconnaissance (ou un désintérêt) des autres écoles bouddhistes. Pourquoi pas ? Il y a bien la parabole de la flèche empoisonnée, donc la tête dans le guidon on avance ! Enfin, pour les non-curieux qui n’ont pas peur d’un peu de fanatisme.

    En ce qui concerne Matthieu Ricard, le bouddhisme qu’il présente n’existe nulle part. Si après avoir lu les dix points, vous vous rendez dans un centre bouddhiste (tibétain), vous risquez d’être surpris. D’ailleurs, quel est l’objectif de ce bouddhisme-là ? Je comprends que dans le bouddhisme zen, les choses peuvent être un peu différentes, parce qu’au départ c’était déjà un bouddhisme plus “protestant”, et puis avec Suzuki et d’autres, c’est peut-être devenu le bouddhisme le plus digeste pour des occidentaux.

    Pour ce qui est de l’importance des textes (avec leur superstitions), il s’agit souvent de Paroles de Bouddha (buddhvacana). Dans des traditions commentariales comme le bouddhisme indo-tibétain et le bouddhisme chinois il est important d’être en adéquation avec les Paroles du Bouddha, même si les commentaires permettent justement de les moduler. Et la très très grande majorité des paroles attribuées au Bouddha servent à imposer des théories et des pratiques par autorité. Cela reste une force d’inertie avec laquelle il faut compter. Et puis les images et métaphores utilisées (même désuètes) nous influencent. Je pense qu’il est important d’en être conscient. La conscience est toujours mieux qu’une “Cancel culture”, mais cela veut dire que le travail intellectuel doit être revalorisé parmi les bouddhistes. La réflexion et le débat doivent rester vivants.

    C’est par rapport à notre époque, et à ce que nous sommes devenus, que le bouddhisme a maintenant des “mauvais côtés” dans son passif. Mettre ou laisser ces côtés au placard, en mettant en avant un bouddhisme positif totalement aseptisé, et en taisant les abus qui se produisent de nos jours dans le bouddhisme, m’a tout l’air d’une dissonance cognitive, d’un déni, d’une répression, qui non seulement ne conduiront à aucun “éveil” ou “libération” qui en valent la peine, mais qui en plus risquent de produire de mauvaises surprises. Le travail d’introspection que propose le bouddhisme au niveau individuel, devrait aussi être mené au niveau collectif. Je ne vois pas comment il pourrait en aller autrement.

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  3. Je ne suis vraiment pas d'accord avec "En ce qui concerne Matthieu Ricard, le bouddhisme qu’il présente n’existe nulle part. Si après avoir lu les dix points, vous vous rendez dans un centre bouddhiste (tibétain), vous risquez d’être surpris."
    Quand bien même Mathieu Ricard présenterait un bouddhisme atypique, il existerait quand même bien quelque part (en la personne de M. Ricard)
    Je me suis déjà rendu dans des centres bouddhistes tibétains et je n'ai pas été surpris. Le lama occidental que j'ai rencontré ne m'a semblé en rien différent de Mathieu Ricard. Je vous mets une vidéo du Lama en question.
    https://www.youtube.com/watch?v=pM33JYptp70
    Il partage son temps entre conférence et pratique de Toumo en montagne en hiver. Lors d'une conférence sur le tantrisme il a dit que Toumo est la principale pratique. Nous avons aussi pratiqué la méditation guidé par ce Lama dans le cadre d'une rencontre inter-bouddhiste (ces rencontres sont bien la preuve que nous sommes curieux des autres traditions)

    Vous me direz que c'est bien la preuve que le bouddhisme occidental est déconnecté du "bouddhisme"

    Peut-être mais je ne vois pas en quoi il serait moins connecté que le bouddhisme de la terre pure pratiqué en Asie par des gens qui ne pratiquent pas la méditation et ne passent pas leur temps dans l'étude des textes?
    Dire qu'il s'agit d'un bouddhisme appauvri est un jugement dont je me garderais bien.

    Dans le zen il y a aussi des superstitions puisque nous récitons tous les jours les noms des Bouddhas qui ont précédé le bouddha Shakyamuni alors que ceux-ci n'ont laissés aucunes traces archéologiques.
    Mais loin d'y voir seulement une superstition on peu apprécier l'idée d'une pluralité de Bouddhas qui tranche avec l'idée d'un Dieu unique. Autrement dit je préfère l'idée d'une pluralité de Bouddhas, en sachant qu'elle est peu vraisemblable historiquement à l'idée d'un unique bouddha ayant empiriquement existé.
    Le bouddhisme qui m'intéresse est précisément celui qui est compatible avec la science (y compris les neurosciences) mais qui laisse la porte ouverte sur le monde invisible (et son bestiaire chatoyant)
    A partir du moment où ce qui relève de la science est bien distingué de ce qui n'en relève pas, je ne vois pas où est le problème.





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  4. Je suis désolé, je n’ai pas visionné la vidéo (un peu le début), mais votre mention du “toumo en hiver”, le met déjà dans une classe à part du bouddhisme médiatique de MR. Après, je serais curieux de voir cette pratique de “toumo” présentée pendant une rencontre inter-bouddhistes, donc à un public général. Dans quelle mesure le lien avec le bouddhisme vajrayāna est préservée ? Surtout si “toumo” est présentée comme la pratique principale (du bouddhisme) ? Je suis pour un bouddhisme adapté, mais il faudrait le faire en connaissance de cause, intelligemment et en profondeur, pas superficiellement. Cela prendra du temps forcément.

    Les diverses pratiques bouddhistes ont leurs raisons, qui ne sont peut-être pas toutes acceptables de nos jours. Elles véhiculent des idées et des images, qui sont peut-être à revoir. Cela peut mettre en cause une pratique dans son ensemble. Tout cela est à revoir. Selon moi, il faut distinguer entre “superstition” et “upāya” dans le bon sens du terme. C’est l’attitude qui compte davantage que la croyance ou la pratique en elle-même. Le bouddhisme de la Terre pure a selon moi un véritable potentiel, quand elle est faite avec une attitude plus active. https://hridayartha.blogspot.com/2017/03/le-bouddhisme-radical-de-shinran.html La récitation du nom de Bouddha peut-être un bon support de la remémoration de Bouddha. Après, il faudrait bien comprendre de quel “Bouddha” et de quelle “Terre pure” on parle.

    Je peux comprendre l’utilité d’un monde imaginal, tant qu’on n’oublie pas ce que l’on fait et pourquoi.

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  5. Peut-être que j'ai une vision naïve ou simpliste du Bouddhisme mais pour revenir aux fondamentaux. Autour du Bouddha historique s'est crée une communauté qui devait être géographiquement à proximité de laïcs pour qu'il doive y avoir nécessairement un échange: de la nourriture en échange de l'enseignement du Dharma. Conséquemment cela doit générer deux discours : un discours exotérique pour les laïcs (ou les non-bouddhistes si vous préférez) et un discours ésotérique interne à la communauté pour les initiés. Si vous prenez les causeries de MR ou du Lama dont je vous ai proposé la vidéo il s'agit d'un discours exotérique (sur le bonheur, le bien vivre, la compassion etc.)
    Rien n'empêche de supposer qu'en privé MR n'a pas aussi un discours sur les déités et tout ce que vous appelez superstition. Rien n'empêche non plus de penser que MR pratique toumo quand il est seul dans son ermitage au Tibet.

    D'un côté, je ne vois pas d'inconvénient à extraire un élément du bouddhisme pour en faire une pratique à part à l'exclusion des autres. Ni, d'un autre côté à considérer que tous les éléments/aspects du bouddhisme sont présents à des degrés divers dans chaque tradition. Par exemple on pourrait croire que Toumo est une pratique spécifiquement tibétaine... sauf qu'il fait suffisamment froid dans de nombreux temple au japon pour que la chaleur intérieure compense le froid extérieur. J'ignore si la chaleur que je ressent quand je fais zazen dehors torse nu par -11° est la même que Toumo mais comme elle génère chez moi joie et sérénité, j'ai du mal à croire qu'il s'agisse vraiment d'autre chose.
    Par conséquent je n'ai pas le sentiment d'une différence de nature entre le zen et le bouddhisme tibétain ni avec la pleine conscience.
    En revanche quand le discours tibétain devient trop ésotérique je considère qu'il m'échappe n'ayant pas le niveau adéquat pour le comprendre.

    Pendant la rencontre inter-bouddhiste nous n'avons pas pratiqué toumo seulement quelques visualisation et le lama a magnifiquement chanté en tibétain. J'ai du mal à croire qu'on puisse faire toumo s'il ne fait pas froid. Une rencontre inter-bouddhiste est déjà davantage un public d'initiés qu'une conférence devant des non-bouddhistes.
    Et c'est donc devant des non-bouddhistes que le Lama a essayé de déjouer des apriori que nous aurions sur le tantrisme que nous avons tendance a associé à quelque chose de sexuel... Par exemple il a dit que lorsque les maîtres tibétains se rencontrent ils parlent entre eux de ce qu'ils font quand ils sont aux toilettes... mais sans nous dire pour le coup ce qu'ils font.
    D'où l'idée d'un discours exotérique et d'un discours ésotérique.
    S'il y a trop de dissonance cognitive chez vous entre les deux discours soit c'est parce que vous n'avez pas le niveau soit c'est parce que c'est réellement choquant... mais personnellement j'aurais toujours un doute.

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    1. Réponse à votre message (14 avril 2022 à 02:57)

      Je vous remercie de votre franchise. Ce sont des sujets intéressants.

      Je ne sais pas si on peut appliquer l’opposition exotérisme-ésotérisme aux débuts du bouddhisme. Il n’y avait rien de caché dans le premier enseignement du Bouddha. Il est très possible que le soutien des premières communautés de moines, était la seule pratique des laïcs. Et si ceux-ci à un moment donné de leur vie se faisaient moine ou moniale, ils pratiquaient vinaya, dhyāna et vipaśyanā. Les laïcs pouvaient aussi prendre des voeux temporaires. Par la suite, oui, certains moines sont devenus experts en les sciences, qui étaient encore très enchantées, et ce savoir a opéré une séparation en sachants/initiés et non-sachants/non-initiés.

      Le toumo est une pratique ésotérique qui s’inscrit dans le tantrisme, un monde enchanté, où la pratique consiste à faire tomber les cloisons entre microcosme et macrocosme. Le corps subtil et l’univers font un, ce qui se trouve dans l’un se trouve dans l’autre. Les cakra sont des cercles de dieux, et le but est de faire l’ascension. Quand on fait de la pratique de “toumo” une sorte de yoga pour produire de la chaleur et un sentiment de bien-être, en oubliant tout le reste, je ne sais pas si on peut dire que “toumo” est la pratique principale. C’est un peu comme ce qui s’est passé pour Mindfulness, quand il est séparé du triple entraînement bouddhiste. J’ai vu que le néerlandais Wim Hoffman (“Iceman”) l’enseigne aussi.

      Pour ce qui est de “la pratique des toilettes”, vous savez qu’une façon de pratiquer est de transformer toute son expérience ordinaire en actes symboliques. Vous fermez une porte, vous fermez la porte aux existences inférieures. Vous mangez, vous nourrissez les cercles de dieux dans votre corps, etc. Un ami avait demandé à son lama ce qu’il devait faire aux toilettes, et le lama lui avait répondu ‘profitez de ce moment de loisir en ne faisant rien et en restant tranquille’. Bonne réponse je trouve

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