Fahai Lama et ses disciples devant la grotte de Taijidong. (Source: Mianhuai Fahai shangshi 緬懷法海上師) |
Il existe une biographie fragmentaire de Huiding, le maître Ch’an de Lama Fahai ("le quarantième patriarche de l'école Kagyu"噶举派第四十代祖师法海喇嘛德相), que ce dernier avait dictée à son propre disciple Xiaoyin (小音), le 6 novembre 1984. Cette biographie s’intitule Biographie du maître réalisé Huiding, un moine contemporain (Xiandai gaoseng Huiding fashi cheng jiu zhuan, 現代高僧慧定法師成就傳). Mon seul accès à cette biographie est à travers le résumé de Monica Esposito dans l’article rDzogs chen in China From Chan to Tibetan Tantrism in Fahai Lama’s (1920-1991) footsteps[0].
Les dates de Maître Huiding (高僧慧定法師) ne sont données nulle part, et il n’y a pas de photo de Maître Huiding à ma connaissance. Il y a une photo de groupe de 1963, où il pourrait figurer. Si cela se trouve, il figure peut-être à droite de la photo ci-dessus... [1] La partie biographique du maître Ch’an de Lama Fahai ne se limitant principalement qu’à la partie qui concerne l’enseignement du bouddhisme ésotérique tibétain de Lama Fahai à Maître Huiding, ainsi qu’à la note 6 de la page 476[2] de Images of Tibet in the 19th and 20th Centuries, mon billet ne sera basée que sur celle-ci. Il est très probable que la biographie fragmentaire contient d’autres données biographiques faisant défaut dans la traduction résumée anglaise. Des références à Maître Huiding, y compris en chinois, sur Internet sont très rares et viennent principalement de sources sur Lama Fahai.
C’est à l’âge de 13 ans que lama Fahai (né en 1920) rencontre maître Huiding dans le district Gushan, à l’Institut bouddhiste (Foxueyan), donc autour de 1933. Maître Huiding aurait reçu des enseignements Ch’an de Xuyun (1840-1959) au temple de Yongquan. Huiding donna le nom de dharma Miaokong à son disciple, et fit de lui son assistant-secrétaire, pour enregistrer ses propres enseignements de soutras. A 19 ans (autour de 1939), Miaokong suit son maître à Jiangxi pour répandre le Dharma. Quelques années plus tard, Miaokong devient l’abbé de Yuantongsi, et fonde à Nanchang une Association bouddhiste, avec Huiding comme président, et lui-même comme vice-président. Les deux auraient publié une revue "Eveil" (Juewu, 覺悟). Après une visite de Gangkar Rinpoché (1893-1957) à Nanchang, Miaokong quitte Nanchang pour aller au monastère de Gangkar au Tibet. Le voyage de Gangkar Rinpoché en Chine se termina en 1939. On peut présumer que Maître Huiding était resté à Nanchang pendant ce temps.
Taijidong, grotte taoïste, "the Great Ultimate cave", photo M. Esposito 1996 |
On n’entend de nouveau parler de Maître Huiding, que lorsque Lama Fahai s’installe dans une grotte appelée Taijidong (太極洞) au Mont Tianmu (Nan tianmushan) autour de 1961. Durant sa longue retraite (1961-1976) dans cette grotte, Maître Huiding aurait été en compagnie de Lama Fahai. A partir de 1976, notre duo reçoit de plus en plus de visiteurs, et décident d’établir un monastère pour femmes. Puis, plus de mention de Maître Huiding, ni même de sa mort, des rituels funéraires, un monument etc., comme s’il n’avait existé que par rapport à Lama Fahai.
La partie essentielle de la biographie de Maître Huiding est le compte-rendu de la conversion du maître Chan au bouddhisme ésotérique par son propre disciple. C’est un fait assez rare pour être signalé. En lisant ce passage, je me suis souvenu de “la conversion” de Gampopa par Milarépa, racontée dans les Cent milles chants de Milarepa par Tsangnyeun Heruka[3]. Gampopa y est décrit comme un moine kadampa un peu rigide, fin connaisseur du mahāyāna, que Milarepa va détendre et introduire dans les pratiques pneumatologiques du bouddhisme ésotérique.
Le rév. Fiolan, disciple principal de Fahai Lama pratique les six yogas de Naropa, photo M. Esposito 1989 |
Je vous renvoie vers la traduction anglaise de la vie de Maître Huiding par Monika Esposito pour les détails de la conversion progressive.[4] Lama Fahai commence par mentionner que son maître avait toujours des doutes par rapport à l’engouement pour le tantrisme de son disciple, et qu’il n’avait pas compris son voyage au Tibet, après avoir atteint le but dans la voie du Ch’an. Un jour Lama Fahai demande à Huiding pourquoi celui-ci, après avoir étudié auprès de Xuyun, et avoir atteint le but sous ce maître, avait voulu continuer sa formation en étudiant les enseignements Huayan (Huyan Jing, Avataṃsaka sūtra) ? Son maître ne lui répond pas. Lama Fahai précise que Huiding ne considérait pas les pratiques ésotériques (mizong 密宗 ou tangmi 唐密) comme du bouddhisme.
Lama Fahai enseignant ses disciples, photo M.Esposito 1988 |
Lama Fahai commence par donner comme amuse-bouche des instructions de la récitation du mantra de Vairocana en association avec la visualisation des trois canaux, et la circulation du mantra. Lama Fahai explique que normalement il n’a pas le droit de donner ces instructions en tant que disciple de Huiding, mais ayant fait des offrandes aux protecteurs il est en mesure de le faire[5].
Huiding se montre un très bon élève et passe par toute une série d’expériences. Huiding veut alors continuer, et au cours d’une initiation devient le disciple de Lama Fahai. Huiding doit désormais pratiquer selon les instructions de de son disciple/maître, ne peut transgresser le samaya et croire en son guru[6]. Les expériences deviennent de plus en plus impressionnantes, et à la fin Huiding est en mesure de monter à Tuṣita, de faire des offrandes à maitreya et de recevoir sa bénédiction. Son corps entier finit par être rempli de nectar. Par la suite, Lama Fahai aurait donné les instructions de Dzogchen à son maître, mais la biographie s’arrête là.
Comment Huiding est-il mort, à quel âge, a-t-il obtenu un corps d’arc-en-ciel, ou un “corps doré”, où son corps est-il préservé ? Tout cela, nous ne le savons pas. Nous savons néanmoins l’essentiel. Le disciple a dépassé le maître Ch’an, et l’a fait progresser encore davantage grâce à la pratique ésotérique. Le renouveau tantrique en Chine a ses maîtres réalisés, et Fahai Lama son tulkou.
Comme je ne maîtrise pas le chinois, les fact-checkers sont le bienvenu.
Le jeune Fahai Lama II et Gankar Rinpoché X |
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[0] “This is a manuscript on the life of Huiding 慧定, Fahai Lama’s Chan master (see note 6), and titled Xiandai gaoseng Huiding fashi cheng jiu zhuan 現代高僧慧定法師成就傳 [Biography of the realized master Huiding, a contemporary eminent monk]. It was recorded by Xiaoyin 小音 at the dictation of Fahai Lama on November, 6, 1984. In the summer of 1991, during my last sojourn at the monastery when I asked Fahai Lama to tell me more about his life, he gave me a copy of this manuscript. The last chapter on the views of Fahai Lama on Chan and Tantrism is reproduced in Appendix 1 and partially translated in the sections below. My thanks to Rev. Folian 佛蓮 for sharing with me the majority of Fahai Lama’s manuscripts and documents. See also Appendix 2.”
L'article a été publié séparaément dans le livre "The Zen of Tantra".
[1] Je pense que le "vieux moine" sur la photo en haut de la page ainsi que sur la photo du blog Fusion du Ch'an et du bouddhisme tibétain au XXème siècle, est le "vieux moine" auquel fait référence Monika Esposito. Elle aurait sans doute mentionné que ce "vieux moine" était Maître Huding si tel était le cas. "In 1991, after Fahai Lama’s death, the community of nuns dispersed. The monastery is nowadays guarded by an old monk and some lay devotees who take care of the commemorative stupa built to preserve Fahai Lamas relics, and they hope for tourism to pick up." The Zen of Tantra, p. 18
[2] "Huiding was born in the Anle 安樂 prefecture (Hubei 湖北). When he was 7 years old, he became monk. At 14 years old, he was ordained by Jingyue 淨月 at the Zhanghuasi 章華寺 of Yichang 宜昌 (Hubei). Later, he went to Jiangxi 江西 at the Gaomingsi 高明寺. Afterwards he reached Fujian and, at the Yongquansi 涌泉寺 of Gushan, he received Chan teachings from Xuyun (Xiandai gaoseng Huiding fashi chengjiiu zhuan, 1-27). For a biography on Xuyun see Charles Luk and Richard Hunn, Empty Cloud, the Autobiography of the Chinese Zen Master Xuyun (Longmead: Element Books 1988). According to some disciples Fahai Lama, after having realized Chan’s three barriers (on this term see note 143), received the seal ( yinzheng 印證) from Huiding and Xuyun (see Fori, “Mianhuai Fahai shangshi,” 10). He withdrew for three years with his master Huiding at Gushan, and before leaving Fujian he devoted himself to the seven meditation practices (dachanqi 打禪七) at Mount Xuefeng 雪峰. See “Shangshi Fahai Lama shengping jianshu,”
[3] Garma C.C. Chang, The Hundred Thousand Songs of Milarepa, Shambala, 1977, volume II, à partir de p. 463, notamment p. 477 etc. Garma C.C. Chang Et également un disciple de gars quand Rimpoché et il n’est pas impossible que le traducteur des Champs et Fahai Lama se soient rencontrés dans son monastère au Tibet.
[4] The Zen of Tantra, p.24 etc.
[5] The Zen of Tantra, p. 28
[6] The Zen of Tantra, p. 29
[1] Je pense que le "vieux moine" sur la photo en haut de la page ainsi que sur la photo du blog Fusion du Ch'an et du bouddhisme tibétain au XXème siècle, est le "vieux moine" auquel fait référence Monika Esposito. Elle aurait sans doute mentionné que ce "vieux moine" était Maître Huding si tel était le cas. "In 1991, after Fahai Lama’s death, the community of nuns dispersed. The monastery is nowadays guarded by an old monk and some lay devotees who take care of the commemorative stupa built to preserve Fahai Lamas relics, and they hope for tourism to pick up." The Zen of Tantra, p. 18
[2] "Huiding was born in the Anle 安樂 prefecture (Hubei 湖北). When he was 7 years old, he became monk. At 14 years old, he was ordained by Jingyue 淨月 at the Zhanghuasi 章華寺 of Yichang 宜昌 (Hubei). Later, he went to Jiangxi 江西 at the Gaomingsi 高明寺. Afterwards he reached Fujian and, at the Yongquansi 涌泉寺 of Gushan, he received Chan teachings from Xuyun (Xiandai gaoseng Huiding fashi chengjiiu zhuan, 1-27). For a biography on Xuyun see Charles Luk and Richard Hunn, Empty Cloud, the Autobiography of the Chinese Zen Master Xuyun (Longmead: Element Books 1988). According to some disciples Fahai Lama, after having realized Chan’s three barriers (on this term see note 143), received the seal ( yinzheng 印證) from Huiding and Xuyun (see Fori, “Mianhuai Fahai shangshi,” 10). He withdrew for three years with his master Huiding at Gushan, and before leaving Fujian he devoted himself to the seven meditation practices (dachanqi 打禪七) at Mount Xuefeng 雪峰. See “Shangshi Fahai Lama shengping jianshu,”
[3] Garma C.C. Chang, The Hundred Thousand Songs of Milarepa, Shambala, 1977, volume II, à partir de p. 463, notamment p. 477 etc. Garma C.C. Chang Et également un disciple de gars quand Rimpoché et il n’est pas impossible que le traducteur des Champs et Fahai Lama se soient rencontrés dans son monastère au Tibet.
[4] The Zen of Tantra, p.24 etc.
[5] The Zen of Tantra, p. 28
[6] The Zen of Tantra, p. 29
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