Source BD inconnue (Edward Feser) |
On pourrait traiter de l’histoire du bouddhisme, comme on traite de celle de la religion, du sentiment religieux et des cultes, ou de la philosophie. Y a-t-il eu un fondateur ou un inventeur de la religion ou de la philosophie, peut-on espérer le connaître un jour, et cela changerait-il quelque chose à la religion, à la philosophie ou au “bouddhisme” ? La religion, la philosophie et le bouddhisme se déclinent et évoluent dans l’espace et le temps, que “Dieu soit mort” ou que “Dieu soit vivant”. Cela reste avant tout une question de narratif et de récit et des pratiques associées. Et de quel “Dieu” on parle dans ces cas.
Les ascètes śramaṇa, apparus dans la période post-védique, rejetèrent l'autorité des brahmanes et les sacrifices védiques. La libération du cycle de l’existence était une affaire individuelle, le salut dépendait de l’ascèse de chacun, et celle-ci s’appuyait sur la loi de cause à effet (kamma). Certains śramaṇa, p.e. les jains, croyaient en l'idée d'un soi permanent (ātman), ou autre substance immuable, une réalité intrinsèque des phénomènes (jains et bouddhistes auditeurs), et pouvaient accorder un intérêt et/ou un rôle plus ou moins grands aux dieux (daimons) dans la gestion de la Nature et du monde, mais pas en matière de la libération (p. nibbana). Sans soi permanent, qu’est-ce qui pouvait rester prisonnier du saṃsāra, et qu’est-ce qui s’en libérait ? Pour les jains, c’était le soi permanent, purifié de tout karma résiduel, qui se libérait du cycle des existences et évoluait par la suite éternellement dans la sphère des “parfaits” (siddha). Pour les bouddhistes la purification de tout karma, la non-alimentation de nouveau karma, et la cessation de la fausse croyance en un soi aboutiraient au non-retour et à l’extinction.
“On ne reconnaît pas où va le feu qui s'est peu à peu éteint: de même est-il impossible de dire où vont les saints parfaitement délivrés, qui ont traversé le torrent des désirs, qui ont atteint le chemin[1] inébranlable (P. acalam padam)”. (Dabba sutta, Udāna, viii, 10)Les dieux (deva, asura, yakṣa, etc.) en lesquels pouvaient croire les śramaṇa, et dont ils pouvaient faire le culte, le cas échéant - comme Socrate pouvait sacrifier un coq à Asclèpios - étaient comme des daimons, les agents de la Nature/Cycle des existences, mais ne pouvaient rien pour la libération (mokṣa). Ils étaient considérés responsables pour la création, le maintien et la destruction des mondes, comme l’étaient les démiurges et les archontes ailleurs. Les śramaṇa pouvaient être “athées” dans le sens que leur salut ne dépendait pas d’un “Dieu”, d’un Lokapuruṣa, d’un Bouddha (cosmique), d’un Plérôme, ou équivalent … Cela restait encore vrai pour les bouddhistes auditeurs, mais cela allait changer par la suite.
L’absence d’un soi permanent et de réalité intrinsèque des phénomènes (dharmanairātmyā), sciait les branches de l’arbre de l’éveil par lesquelles les śramaṇa bouddhistes sortaient du saṃsāra pour entrer dans le nirvāṇa. Nāgārjuna :
“25, 19. Il n'y aucune différence entre le samsāra et le nirvāņa.Le samsāra et le nirvāņa étant vides d’essence (asvabhāva, śūnya), et étant des concepts (vikalpa), comment sortir d’un concept (nirvikalpa) ? En ne s’y investissant pas (apratiṣṭhāna). Par une conduite éveillée (bodhicārya), par l’engagement sage, l’inséparabilité des deux vérités, qui ne s’investit ni dans le saṃsāra ni dans le nirvāṇa. Cinq vertus “transcendées” par la sixième, la perfection de la lucidité (prajñāpāramitā).
Il n'y a aucune différence entre le nirvāņa et le samsāra.
25, 20. Ce qui délimite le nirvāņa délimite le samsāra.
On ne peut trouver entre les deux fût-ce le plus subtil intervalle.” (Guy Bugault, Stances du milieu par excellence, Gallimard 2002, p.332)
L’idée d’une “sortie”, d’une évasion, voire d’un retour à une Source continue cependant d’obséder les bouddhistes en manque de permanence et d’essences, d’alimenter leurs spéculations, notamment sous la forme de “bodhisattvas”, des êtres aux pouvoirs quasi-divins, entre le samsāra et le nirvāņa, contrairement au Bouddha qui s’était éteint dans le nirvāṇa. Finalement, le saṃsāra et le nirvāṇa de la “non-dualité” du bouddhisme mahāyāna (mādhyamika) seraient absorbés par un monisme ésotérique, centré sur le divin, sous la forme d’un “Bouddha primordial” et ses créations magiques et émanations.
Toutes les oppositions et dualités se neutralisent mutuellement, étant transcendées par et contenues dans ce qui ressemble à l’Un (t. mnyam pa chen po), auquel on attribue des synonymes multiples. Le bodhisattva était dit renoncer au nirvāṇa, “jusqu’à ce que tous les êtres ne soient libérés du saṃsāra”. Désormais le nirvāṇa n’est même plus l’objectif final bouddhiste, mais devient un simple pôle de la dualité saṃsāra-nirvāṇa, qu’il convient de transcender, comme toute autre dualité, dans une union des deux vérités spécifique comme nous allons le voir. Les Bouddhas donnent l'illusion d'entrer dans le parinirvāṇa, mais tout cela s'inscrit dans un simulacre universel, qui a pour seul but de convertir et sauver les êtres. Ce simulacre est possible grâce à la vacuité, vide d’essence, posée comme une sorte de “non-être” auquel certains ont voulu ajouter, ou opposer, de “l’être”, appelé “pure conscience”, “apparence”, “luminosité”, “Lumière”, “pureté divine” (t. lhar dag pa), etc.
La vacuité peut alors devenir comme le simple dynamisme de tout ce qui est produit par dépendance (pratītyasamutpāda), et qui appartient au champ de la raison et des concepts. La voie du milieu bouddhiste à l’ancienne est dite “se limiter” à une vacuité “stérile”, aux sens et à la raison. Pourtant Candrakīrti, avait précisé dans son commentaire Madhyamakāvatāra :
“La vacuité est enseignée en vue d'éliminer toute élaboration (S. prapañca). Aussi l'objectif de la vacuité est la cessation de toute élaboration (prapañca). [En réponse à ceux qui reprochent la vacuité d’être une vue nihiliste : ] Vous qui interprétez la vacuité comme néant (S. nāstitva) et qui, en ce faisant, continuez la toile des élaborations, ne connaissez pas l'objectif de la vacuité. Comment pourrait-il y avoir du néant dans la vacuité, qui est essentiellement la cessation de toute élaboration ? Ce que signifie la production conditionnée (S. pratītya-samutpāda) la vacuité signifie aussi. Mais ce que signifie le non-être (S. abhāva), la vacuité ne signifie pas." (Candrakīrti, Madhyamakāvatāra, sur MMK 24.7[2])Pour les bouddhistes en manque d’être, cette “vacuité” est opposée à “ce qui est” réellement, la lumière divine ou équivalente, qui serait le véritable coeur des êtres. Un “coeur” qui n’est ni sensoriel ni intellectuel. C’est grâce à cette lumière que les êtres auraient la capacité de se libérer définitivement, du saṃsāra comme du nirvāṇa, en étant bien suivi par un guide (céleste). Le bouddhisme de la voie du milieu n’était qu’un simulacre pour faire s’engager les êtres sur le bon chemin. Les Bouddhas faisaient semblant de s’éveiller et de passer au parinirvāṇa. Les auditeurs et les bodhisattvas faisaient semblant de s’éveiller par la pratique de śamatha, vipaśyanā et l’union des deux pendant les sessions, et par la pratique des six pāramitās dans la vie quotidienne. Pour les nostalgiques de l’être, la voie du milieu ne peut être ni la source ni la destination. Selon les bouddhistes “devatavādins” (néologisme “ceux qui croient en dieu/les dieux”), les conceptualisations, le raisonnement, la raison, et même l’abstention de l’activité mentale, la suspension du jugement, le non-engagement mental, le non-investissement, la non-dualité, ne permettent pas de définitivement sortir de la dualité, uniquement de s’en accommoder quelque peu.
La seule véritable sortie de la dualité, spirituellement parlant, serait la voie moniste “non-conceptuelle” de la Lumière divine, “l’essence lumineuse” (t. 'od gsal snying po, “luminous nucleus”), qui comprend tout, et qui participe de l’être de tout. Cette sortie serait principalement une affaire de “coeur”, la raison et l’intellect n’y interviendraient pas de façon “essentielle”. Pour le bouddhisme tibétain, cette voie de la Lumière divine est sans doute expliquée le plus clairement et explicitement dans un commentaire du Guhyagarbha Tantra (t. gSang ba’i snying po de kho na nyid nges pa) par Ju Mipham (1846–1912, Gsang ’grel phyogs bcu’i mun sel gyi spyi don ’od gsal snying po), traduit en anglais sous le titre “Luminous Essence, A Guide to the Guhyagarbha Tantra” par Dharmachakra Translation Committee, et publié par Snow Lion Publications en 2009. Ju Mipham y donne sans ambages et sans filtre sa vision d’un bouddhisme “devatāvādin”, tel qu’il le comprend, et qui est celle de l’école Nyingmapa de son époque, sur la base du Guhyagarbha Tantra. Sans ambages et sans filtre, car il prêche aux croyants ; cet enseignement est destiné à ses propres disciples tibétains. Nous sommes avant la période ou des Occidentaux commencèrent à se tourner vers le bouddhisme tibétain avec toutes leurs propres attentes et bagages. Le "bouddhisme" de Ju Mipham aborde également tout ce qui relève du bouddhisme asiatique en général, ainsi que tout ce qui dans le bouddhisme, tel qu’il était connu en Occident, pouvait intéresser les Occidentaux, et ce qui les attirait en tant que philosophie-religion rationnelle, souvent à travers la théosophie et d’autres mouvements ésotéristes occidentaux. Ju Mipham va même jusqu’à tenter de justifier son bouddhisme théiste par le Madhyamaka, suivant en cela l’exemple de Rongzompa (XIème s)[3].
Seulement, pour Ju Mipham, tout ce qui relève du côté “philosophie-religion rationnelle” du bouddhisme reste au-deçà de la voie “essentielle lumineuse” divine. A nos yeux, cette dernière n’a d’ailleurs rien de singulièrement “bouddhiste”, mais se greffe sur lui pendant le Moyen-Âge bouddhiste, et notamment pendant le deuxième millénaire, et s’adapte à merveille. Le “bouddhisme” n’est alors plus qu’un ensemble de “84 000” doctrines adaptées, que des bodhisattva de lumière tels Mañjuśrī, s’émanant comme des “bouddhas”, ont transmises à des individus, selon leurs capacités de compréhension et leur filiation spirituelle (gotra). C’est une fois le bouddhisme des auditeurs (śrāvaka) et du mahāyāna installé, que les doctrines de l’essence lumineuse commencèrent à prendre essor tout en gardant le bouddhisme comme souche porte-greffe. Cet enseignement fut progressivement transmis dans des révélations (tantras, lignées aurales, gter ma, etc.) par des êtres de lumière, initialement à des moines bouddhistes, des moines-yogis, des yogis-moines, puis à des “yogis” qui se prenaient pour des siddhas et des herukas.
Quand on lit le commentaire de Ju Mipham, avec le Guhyagarbha Tantra en regard, et en oubliant qu’il s’agit de “bouddhisme”, on pourrait parfois avoir l’impression de lire des textes hermétistes, gnostiques, néoplatoniciens, théurgiques, etc., “devatāvādins”... Certes, toute la terminologie bouddhiste de la voie du milieu, de la non-dualité, etc., est bien là, mais peut prendre des tournures spéciales. J’ai écrit au début de l’été une série de blogs sur les changements de sens progressifs des métaphores telles la lumière, la luminosité, l’union de vacuité et de clarté/luminosité, etc., où la lumière finit par éclipser “la vacuité”, l’englober, et briller toute seule "souverainement". La Lumière divine n’a pas besoin de la “vacuité”. Ce sont les auditeurs et les suiveurs du Sūtrayāna qui en ont besoin pour progresser vers “l’essence lumineuse”. Cette “Lumière” fait évidemment penser au Logos et au Noûs, et nous allons voir qu’elle est ouverte dite d’être d’ordre divin.
Avant d’entrer dans les détails de ma lecture du commentaire de Ju Mipham, dans d’autres blogs à suivre, je veux aborder l’idée que dans la pensée de Ju Mipham et d’autres, le bouddhisme “mainstream” est subordonné à la voie essentielle lumineuse. On peut se demander si la méthode bouddhiste est même indispensable pour réaliser “l’essence lumineuse”, si toutefois cette essence est équivalente au Logos et au Noûs ? Le Bön tibétain clame être une religion indigène tibétaine, indépendante du bouddhisme. “Le bouddhisme”, sa logique et son éthique monastique pourraient même empêcher l’accès à la réalisation lumineuse ultime. Il faut parfois même passer par des transgressions pour rompre avec la vérité relative dite ordinaire, “casser la coquille de l’ignorance” (t. ma rig sgong nga'i sbubs 'byed pa) et “déchirer la toile de l’existence” (t. srid pa’i drwa ba gcod pa), pour que la lumière puisse entrer et chasser définitivement l’obscurité. Sans oublier, et c’est un développement plus récent, la nécessité de briser les concepts, y compris ses attentes par rapport au guru. A trop encenser les gurus, ceux-ci finissent par avoir du mal à rester à la hauteur des attentes... Ils sont de simples hommes par rapport au bouddhisme “mainstream”, mais comment faire cadrer cela avec les prétentions du bouddhisme lumineux ? Comment combler ce gouffre ?
“D'une manière générale, dans notre esprit [sems] réside la nature de bouddha, le dharmatā réel, qui est rigpa [conscience pure, “pure awareness”] vide et conscient s'élevant de lui-même, dans lequel les trois kāyas sont tous pleinement présents. Cela a toujours été là, spontanément parfait. Pourtant, comme le soleil obscurci par les nuages, le corps éveillé est obscurci par le corps ordinaire ; la parole éveillée est obscurcie par la parole ordinaire ; l'esprit éveillé est obscurci par l'esprit ordinaire ; et la lumière subtile et claire [dwangs ma’i ‘od gsal] est obscurcie par les agrégats, les éléments et les sources de sens[4].”Ici le terme dharmatā pourrait, en théorie, aussi bien avoir son sens premier de “nature des phénomènes” ou “réalité”, dharma-tā, que son sens définitif (t. nges pa) de “dharmatā réel”, “essentiel lumineux”, qu’il a acquis plus tard et plus spécifiquement à partir du Cycle du Bardo de Karma Lingpa (1326–1386). “L’état intermédiaire du dharmatā” (t. chos nyid bar do), où se manifeste la Lumière du dharmatā (chos nyid kyi ‘od gsal) sous la forme de maṇḍalas[5].
Un autre terme à double sens est le mot tibétain “gnas lugs”, souvent traduit par “état naturel” de l’esprit… mais qui est plutôt “L’état naturel de la Base” (gzhi’i gnas lugs), “l’état naturel primordial” (gdod ma'i gnas lugs), dont les apparences (t. gzhi snang) sont le rigpa-dharmakāya (t. rig pa chos kyi sku). Cet “état naturel” rejoint la réalité (dharmatā) essentielle lumineuse, inaccessible à l’esprit (t. sems). L’esprit de “l’être créaturel” (comme l’appelle Henri Corbin) empêche même de “voir” les apparences pures de la Base, telles qu’elles sont.
L’état naturel est ici celui de la Grande pureté naturelle (rang dag chen po'i gnas lugs), parfaitement reflété au niveau d’Akaniṣṭha, mais déformée en-dessous. Naturel dans le sens d’un reflet fidèle, authentique, identique à l’Image primordiale. C’est cette Grande pureté naturelle du maṇḍala de la Base qui est “l’état naturel” ultime de tous les phénomènes. Demeurer dans “l’état naturel” peut être une expérience très différente selon “l’état naturel” (Sūtrayāna ou Mantranaya) dans lequel on demeure. Même perçus correctement dans le cadre du “bouddhisme”, les phénomènes sont encore déformés par rapport à la Grande pureté naturelle, en ce qu’ils ne reflètent pas la Base, car ils ne sont pas “vus” comme les apparences pures (dag snang, rang snang) de la Base, ou comme des épiphanies des formes divines du maṇḍala primordial si l’on veut. Cela ne relève pas d’une “vision”, car il n’y a rien de sensoriel ni de mental, qui relèverait encore d'un esprit (t. sems). C’est la Lumière du “dharmatā réel” communiquée directement de la Base à la “conscience pure” (rig pa) au niveau du “coeur”. Il n’y a même pas de “communication”. C’est comme un lien direct avec la Base, avec le maṇḍala primordial, avec Akaniṣṭha. La grande Pureté est divine.
“Les tantras insurpassables enseignent que les êtres ont l'essence de bouddha et que les agrégats, les éléments et d'autres facteurs de ce type sont purs dans le sens où ils sont divins[6].” (Luminous Essence, 2009)Le dharmatā “réel” est-il divin ? Les apparences pures, lumineuses ou divines de la Base sont-elles directement “vues”, hors esprit, en lien direct, au niveau du “coeur”, au niveau du “rigpa” au trois kāyas, au niveau de l’essence de Bouddha purifiée ? Est-ce cela le véritable “éveil” bouddhiste ? Les tantras insurpassables qui enseignent comment remonter à la Source dans le corps subtil de lumière réalisent-ils en effet l’objectif qu’ils se posent ? Le bouddhisme des auditeurs et mahāyāna sont dits ne pas être à la hauteur de cet objectif, leur “éveil” n’est pas complet. L’objectif de l’essence lumineuse est-il d’ailleurs toujours un objectif “bouddhiste”, et en adéquation avec la méthode “bouddhiste” ? En s’appropriant “le bouddhisme”, Longchen Rabjam (1308-1364) pense que non.
“La sphère [s. dhātu] est la vérité ultime. On dit qu'en voyant sa nature [t. rang bzhin], on voit la vérité ultime. Mais encore une fois, il n'est pas vrai qu'une vacuité dans laquelle rien n'existe soit la vérité ultime. Les enseignements sur le non-soi et autres ont été donnés aux imbéciles, aux êtres ordinaires et aux débutants comme un remède à l'attachement au soi. Mais [ce non-soi ou cette vacuité], il faut le savoir, [est] en réalité la sphère [ou] la luminosité, [qui est] inconditionnée et existe comme quelque chose de spontanément présent.[7]” (Longchen Rabjam, The Precious Treasury of Philosophical Systems, 2007)La méthode hermétiste par exemple, dont parle Henri Corbin dans L’homme de lumière dans le soufisme iranien (1971) semble plus en adéquation avec l’objectif des maîtres Nyingmapa, sans doute à cause du rôle central du divin. L’homme de lumière (g. phôs) est captif des Ténèbres, mais la “Nature Parfaite”, qui est son Guide de lumière et parèdre céleste, l'arrachera aux Ténèbres. Par ailleurs, il semblerait qu’une des étymologies du mot sanskrit guru est “celui qui détruit l'obscurité”.
Dans les traditions hermétistes, le Noûs apparaît à Hermès sous la forme de Poimandrès, quand son corps d’ “être créaturel” est comme suspendu. Ce double, ce guide de Lumière, est aussi appelé la Nature Parfaite.
" ‘tandis que ses sens corporels ont été mis en ligature’ pendant un profond sommeil. Il lui semble que se présente à [Hermès] un être d'une taille prodigieuse qui l'appelle par son nom et lui demande : « Que veux-tu entendre et voir, et par la pensée apprendre et connaître? - Mais toi, qui donc es-tu? Moi, je suis Poimandrès, le Noûs à l'absolue souveraineté. Je sais ce que tu veux et je suis avec toi partout... Subitement tout s'ouvrit devant moi en un moment, et je vis une vision sans limite, tout étant devenu lumière sereine et joyeuse, et ayant vu cette lumière, voici que je fus épris d'amour pour elle.[8]”Henri Corbin explique que cette “Figure” du Noûs “n'est point une construction allégorique, mais l’Image primordiale grâce à laquelle est perçu un monde de réalités qui n'est ni le monde des sens ni le monde des abstractions de l'entendement[9].”
Ju Mipham fait une distinction entre la connaissance valide (pramāṇa) d’une “vision confinée” (t. mtshu rol mthong ba) et la “vision pure” (t. dag pa'i gzigs pa). Rappelons que “pur” renvoie au “divin”. Ju Mipham attribue la première à l’oeil humain et la dernière à l’oeil divin (t. lha’i mig). Seule la dernière voit la “vraie” réalité telle qu’elle est (t. chos nyid ji lta ba), la “réalité réelle” divine.
“On peut citer comme exemples l'apparition d'autant de champs de bouddha qu'il y a de grains de poussière dans le monde en un seul grain de poussière, l'accomplissement d'activités de plusieurs éons en un seul instant, l'apparition d'émanations sans sortir de l'espace de la Base immuable des phénomènes, et la connaissance de tous les objets de la connaissance en un seul instant avec un esprit non-conceptuel[10].”"Non-conceptuel" est d'ailleurs un autre terme qui prend un sens différent selon qu'il réfère au Madhyamaka ou à la voie essentielle lumineuse. Henri Corbin cite les dernières paroles de Mani : “Je contemplais mon Double avec mes yeux de lumière”[11]. Dans sa Terre de Lumière (Terra Lucida), laissant derrière lui la Terre des Ténèbres (Terra Pestifera). C’est avec des “yeux de lumière” que l’on perçoit la “Terre de Lumière”.
“[La] Forme de lumière assume [ ] la même fonction que la Nature Parfaite. Elle est le guide tout au long de la vie ; elle est la théophanie suprême et le guide de l'Élu jusque dans l'Au-delà. Elle en est « le guide, celui qui l'initie en faisant pénétrer la conversion (μετάνοια) dans son cœur; c'est le Noûs-lumière qui vient d'en-haut, qui est le rayon du sacro-saint φωστήρ [illuminateur], qui vient en illuminant l'âme, en la purifiant, en la guidant vers la Terre de lumière (Terra lucida) d'où elle est venue au commencement des temps, où elle retournera et reprendra sa forme originelle ». Ce sage guide, c'est la Forme de lumière qui se manifeste in extremis à l'Élu,”l'image de lumière à la ressemblance de l'âme”, l'Ange portant “le diadème et la couronne” ; elle est pour chaque Élu la Sophia céleste ou la Vierge de lumière (figure également dominante dans le livre de la Pistis Sophia). Et à cette figure le manichéisme donne explicitement son nom zoroastrien, confirmant ainsi la vision zoroastrienne de la Daênâ d'un être de lumière le rencontrant après la mort sous la forme d'une “ jeune fille qui le guide ”.” (Corbin 1971, pp. 44-45)La Lumière divine et la réalité divine sont uniquement visibles à “l’oeil divin” ou à “l’oeil de lumière”, ou directement au niveau du “coeur”, siège de la perception de la réalité divine.
“Dans Le précieux trésor qui exauce les souhaits [t. yid bzhin mdzod), Longchen Rabjam explique la différence entre le véhicule dialectique et le véhicule du mantra d'une manière assez similaire. Ses explications soulignent le prétendu manque de réalisation de l'inséparabilité des deux vérités par le Sūtrayāna, le manque de compréhension des phénomènes extérieurs et intérieurs en tant que purement divins, etc. Dans le Trésor des principes philosophiques [t. grub mtha' mdzod] de Longchen Rabjam, nous trouvons une déclaration qui souligne davantage les divergences entre les vues ésotériques et celles du Madhyamaka qui [32] sont similaires à celles que nous verrons décrites par Rongzom : « Alors que la vision dialectique réalise simplement la vacuité, l'absence de constructions mentales, [elle] ne réalise pas l'inséparabilité des deux vérités, la nature primordiale demeurant sous forme de divinités et de mantras. Le mantra[naya], lui, la réalise.Comment Longchen Rabjam peut-il prétendre que l'inséparabilité des deux vérités fait défaut au Madhyamaka, et que la vacuité est stérile quand la “Luminosité” lui fait défaut ? rappelons que “Luminosité” renvoie ici au divin.
Il est intéressant de noter que Longchen Rabjam semble impliquer qu'il existe une vue plus élevée que la vue de la vacuité (stong pa nyid, śūnyatā), l’absence de toutes les constructions mentales.” (Establishing Appearances as Divine, 2008[12]).
"Comme nous l'avons vu, les différentes écoles bouddhistes du Tibet ont propagé des interprétations différentes de la nature et de la relation entre les points de vue du Sūtra et du Mantra. Pour certains partisans des premières traductions, le relatif et l'absolu ont la même valeur véridique ; le relatif en tant que divinité doit donc être l'objet d'une réalisation au même titre que l'égalité ultime. Vu sous cet angle, la vacuité en tant qu’absence de toutes les constructions mentales, prônée par le Madhyamaka en tant que vue suprême, n'a tout simplement pas d'apparences divines en tant que vérité relative. Dans la tradition Nyingma, les apparences divines peuvent être l'expression naturelle de la nature lumineuse de l'esprit. Selon cette position, en niant ces apparences, l’expression naturelle de la luminosité, on aboutit à une vérité ultime qui est une négation stérile, la vacuité séparée de son rayonnement inhérent, et les deux vérités seraient donc séparées de manière déraisonnable et non naturelle. Bien que les philosophes Nyingma que nous avons rencontrés ici puissent différer dans leur façon de juxtaposer ou de réconcilier les points de vue du Sūtra et du Mantra, ils sont tous d'accord pour dire qu'en dernière analyse, une séparation entre les deux vérités n'est pas tenable.[13]"Il faut bien comprendre que Longchen Rabjam et d’autres maîtres Nyingmapa font une distinction entre une vérité relative ordinaire (im-pure) et une vérité relative divine (pure). Le Madhyamaka n’admet pas cette différence. Pour le Madhyamaka "dag pa" signifie "correcte" et pas "pure" dans le sens de "divin". Puisque l’union des deux vérités du Madhyamaka ne comprendrait pas cette réalité divine (“la Grande pureté”), elle est considérée comme inférieure par les maîtres Nyingmapa. C’est en même temps la raison de la supériorité du Mantranaya sur le Sūtrayāna, toujours selon les adeptes des mantras.
“La classification des phénomènes en référence aux deux vérités n'est pas seulement appliquée dans le Sūtrayāna, mais se retrouve également dans les enseignements ésotériques. Dans l'école Nyingma, une explication ésotérique importante du paradigme des deux vérités est l'inséparabilité des « deux vérités supérieures » (lhag pa'i bden pa gnyis), c'est-à-dire la grande pureté (dag pa chen po) en tant que vérité relative (kun rdzob den pa, saṁvṛtisatya) et la grande égalité (mnyam pa chen po) en tant que vérité ultime (don dam den pa, paramārthasatya). Il s'agit souvent de la définition du mahayoga (rnal 'byor chen po). Plus généralement, la tradition tend également à différencier le point de vue des enseignements ésotériques dans leur ensemble de celui des enseignements de sūtra en attribuant la pleine réalisation de l'inséparabilité des deux vérités aux seuls enseignements ésotériques[14].”La stratégie des bouddhistes devatāvādins semble être de créer une troisième vérité, ou de créer des sous-divisions dans les deux vérités, ainsi que dans autres éléments doctrinaires. Notamment dans la vérité relative : celle des apparences, qui peuvent être im-pures (ordinaires), ou pures et lumineuses (divines). Il en va de même pour “l’état naturel” (gnas lugs), pour le dharmatā, etc., en jouant sur les différents sens d’un même terme. L’union correcte (t. dag pa) des deux vérités est alors l’union “pure” (t. dag pa) et “lumineuse”, donc divine. Voir à la fois les dharma et le dharmatā “réel”, pur et lumineux, divin. Demeurer dans “l’état naturel” (gnas lugs), c’est demeurer dans l’union supérieure des deux vérités, s’ouvrant ainsi aux apparences “pures”, divines (épiphanies), de la Base. C’est uniquement cela qui conduirait au parfait éveil. L’éveil du “bouddhisme” ne serait pas complet, car il y manquerait l’élément divin, l’essence lumineuse.
Voici un premier brainstorming, un premier blog un peu brouillon sur le sujet, que je compte développer dans d’autres blogs à venir, en apportant davantage de précisions et d’exemples concrets.
Source BD inconnue (Edward Feser) |
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[1] J’ai modifié la traduction “bonheur” en chemin.
[2] “Here we say that you do not understand
the purpose of [the teaching of] emptiness,
emptiness itself, and the meaning of emptiness;
in this way you are thus frustrated.”
Nāgārjuna - Root Verses on The Middle Way, 24:7
Tsongkhapa’s Madhyamaka, Thubten Jinpa, Wisdom Publications
[3] Voir Heidi I. Koppl, Establishing Appearances as Divine, Rongzom Chokyi Zangpo on Reasoning, Madhyamaka, and Purity, 2013, Snow Lion
[4] Traduction FR automatique DeepL. Principles of Khordé Rushen, Nyoshul Khenpo Jamyang Dorje, Translated by Adam Pearcey, 2018. Titre en tibétain : Zab don sgo 'byed gnad kyi man ngag rig 'dzin brgyud pa'i zhal lung.
“Generally speaking, within our minds there resides the buddha nature, the actual dharmatā, which is empty and cognizant self-arising rigpa, in which the three kāyas are all fully present. This has always been there, spontaneously perfect. Yet, like the sun obscured by clouds, the enlightened body is obscured by the ordinary body; enlightened speech is obscured by ordinary speech; enlightened mind is obscured by the ordinary mind; and subtle clear light is obscured by the aggregates, elements and sense-sources.spyir rang re'i rgyud na stong gsal rang byung gi rig pa sku gsum gyi bdag nyid can chos nyid bde gshegs snying po ye nas rang byung lhun grub tu bzhugs yod kyang
Here in saṃsāra, we remain within the confines of karma accumulated through our impure body, speech and mind, as well as mental afflictions and habitual tendencies, and as a result of our failure to recognize our own essential nature, we are deluded.
At the beginning, as a preliminary to the path, we must therefore make a clear distinction or separation between the ordinary mind (sems) and pure awareness (rig pa), separating the phenomena of the mind as the domain or division of delusion and saṃsāra, from the domain or division of nirvāṇa, meaning pure awareness and the absence of delusion. In other words, we must separate the ordinary body, speech and mind, and their associated attachment, which comprise saṃsāra, from the body, speech and mind without attachment, or the naturally arising wisdom of awareness, which comprise nirvāṇa.”
[5] “The subject matter of this tantra [Guhyagarbha] is the maṇḍala of the ground, the ultimate natural state of all phenomena, which is primordially of an enlightened nature within great purity and equality.”
rGyud 'di'i brjod bya ni chos thams cad kyi gnas lugs mthar thug pa dag mnyam chen por ye nas sangs rgyas pa'i rang bzhin gzhi yi dkyil 'khor.
[6] “The unsurpassable tantras teach that sentient beings are of the identity of enlightenment, and that the aggregates, elements, and other such factors are pure in the sense of being divine.”
sngags bla med kyi rgyud rnams na sems can sangs rgyas kyi ngo bor bstan pa dang /_phung khams sogs lhar dag pa sbyar ba dang
[7] Traduction FR automatique DeepL
[8] Corbin 1971, p. 36. Citant la traduction du Poimandrès de A.J. Festugière (1945).
[9] Corbin 1971, p. 42
[10] Traduction FR automatique DeepL
[11] Corbin 1971), p. 44
[12] Heidi I. Koppl, Establishing Appearances as Divine, Rongzom Chokyi Zangpo on Reasoning, Madhyamaka, and Purity, 2013, Snow Lion, pp. 31-32
[6] “The unsurpassable tantras teach that sentient beings are of the identity of enlightenment, and that the aggregates, elements, and other such factors are pure in the sense of being divine.”
sngags bla med kyi rgyud rnams na sems can sangs rgyas kyi ngo bor bstan pa dang /_phung khams sogs lhar dag pa sbyar ba dang
[7] Traduction FR automatique DeepL
“The sphere [dhātu] is the ultimate truth. It is said that by seeing its nature [rang bzhin] you see ultimate truth. But again, it is not the case that an emptiness in which nothing exists at all is the ultimate truth. To fools, ordinary beings, and beginners, the teachings on selflessness and so forth were given as a remedy for being attached to a self. But [this selflessness or emptiness], it should be known, [is] in reality the sphere [or] luminosity, [which is] unconditioned and exists as something spontaneously present.” Longchen Rabjam, The Precious Treasury of Philosophical Systems, Padma Publishing (2007), transl. Richard BarronKlong chen pa: Grub mtha' mdzod, 185.6-186.2: de'ang don dam pa'i bden pa dbyings yin la/ 'di'i rang bzhin mthong bas don dam bden pa mthong zhes bya'i/ cir yang med pa'i stong nyid kyang don dam bden pa ma yin no/ de'ang byis pa so so skye bo dang/ las dang po dag bdag tu zhen pa'i gnyen por bdag med pa la sogs pa bstan pa yin gyi (text: gyis)/ don la dbyings 'od gsal ba 'dus ma byas shing lhun grub tu yod pa shes par bya ste/.
[8] Corbin 1971, p. 36. Citant la traduction du Poimandrès de A.J. Festugière (1945).
[9] Corbin 1971, p. 42
[10] Traduction FR automatique DeepL
“Instances of this are the appearance of as many buddha-fields as there are dust motes in the world in a single dust mote, performing activities of many eons in a single moment, displaying emanations while not departing from the unchanging basic space of phenomena, and knowing all objects of cognition in a single instant with a nonconceptual mind.” Luminous Essence, p. 49Des na phyi ma 'di'i rang yul thun min ni/_rdul gcig gi khyon _la rdul snyed kyi zhing snang ba/_dus skad cig la bskal pa mang po'i mdzad pa ston pa/_chos dbyings 'gyur med las ma g.yos bzhin du sprul pa'i rol pa ston pa/_rnam rtog dang bral ba'i [96] thugs kyis shes bya thams cad dus gcig tu mkhyen pa sogs/_bsam gyis mi khyab pa'i spyod yul gang zhig tha mal pa'i tshur mthong gi yul du 'gal ba lta bur snang ste bsgrub par mi nus pa rnams p96-97
[11] Corbin 1971), p. 44
[12] Heidi I. Koppl, Establishing Appearances as Divine, Rongzom Chokyi Zangpo on Reasoning, Madhyamaka, and Purity, 2013, Snow Lion, pp. 31-32
“In the Precious Wish-fulfilling Treasury, Longchen Rabjam explains the difference between the dialectical and the Mantra vehicles in a somewhat similar manner." His explanations under- score the Sūtrayāna's alleged lack of realization of the inseparability of the two truths, lack of understanding of the outer and inner phenomena as pure divinities, etc. In Longchen Rabjam's Treasury of Philosophical Tenets, we find a statement that further underscores discrepancies between the esoteric and the Madhyamaka views that [32] are similar to those we will see Rongzom describe: "While the dialectical view merely realizes emptiness, the freedom from mental constructs, [it] does not realize the inseparability of the two truths, the primordial nature abiding as divinities and mantras. Mantra [however] realizes it.[13] Traduction automatique en FR par DeepL.
Interestingly, Longchen Rabjam seems to imply that there is a view higher than the view of emptiness (stong pa nyid, śūnyatā), the freedom from all mental constructs.”
“As we have seen, the different schools of Buddhism in Tibet propagated different interpretations of the nature of, and relation- ship between, the views of Sūtra and Mantra. For some advocates of the Early Translations, the relative and the absolute are of equal [34] veridical value; thus the relative as divinities must be the object of realization just as much as the ultimate equality is. Seen in this light, the emptiness qua freedom from all mental constructs advocated by the Madhyamaka as the supreme view, put simply, lacks divine appearances as the relative truth. In the Nyingma tradition, divine appearances can be the natural expression of the luminous nature of the mind. According to this position, by negating such appearances, the natural expression of luminosity, one ends up with an ultimate truth that is a barren negation, emptiness isolated from its inherent radiance, and the two truths would thus be unreasonably and unnaturally separated. While the Nyingma philosophers that we have visited here may differ in their individual ways of juxtaposing or reconciling the views of Sūtra and Mantra, they all agree that in the final analysis a separation between the two truths is untenable.”[14] Traduit automatiquement par DeepL
“The classification of phenomena with reference to two truths is not only applied in the Sūtrayāna, but can also be found in the esoteric teachings. In the Nyingma school, a prominent esoteric explanation of the two-truths paradigm is the inseparability of the "two superior truths" (hag pa'i bden pa gnyis), i.e., great purity (dag pa chen po) as the relative truth (kun rdzob den pa, samvrtisatya) and great equality (mnyams pa chen po) as the ultimate truth (don dam den pa, paramārthasatya). Often this is pointed out as the defining view of Mahayoga (rnal 'byor chen po). More generally, the tradition also tends to differentiate the view of the esoteric teachings as a whole from that of the sūtric teachings by ascribing a full realization of the inseparability of the two truths to the estoric teachings alone.”
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