mardi 12 décembre 2023

OKC déclaré suspendu en tant que centre bouddhiste

Je reprendrai ici des éléments d’un article de Rob Hogendoorn sur Open Buddhism annonçant, commentant et analysant la publication d’une déclaration par l’Administration centrale tibétaine (CTA) concernant sa suspension de “la reconnaissance d’Ogyen Kunzang Choling [OKC] comme un "centre bouddhiste”, “en réponse aux allégations d’harcèlement sexuel” à l’endroit de son fondateur Robert Spatz”, alias Lama Kunzang Dorje. La déclaration a été faite le 23/09/2023.


La traduction française de la déclaration du 23/09/2023 :
Compte tenu du procès en cours contre Robert Spatz des centres Ogyen Cheuling, l'administration centrale tibétaine (CTA), qui avait précédemment reconnu cet établissement en tant que centre bouddhiste, déclare par la présente que, en réponse aux allégations de harcèlement sexuel, la reconnaissance est suspendue jusqu'à ce que le tribunal rende un verdict dans cette affaire.[1]
Cette déclaration fait suite à une déclaration antérieure (09/02/1994) de reconnaissance d’OKC en tant que “centre bouddhiste”.


La traduction française officielle de la déclaration du 09/02/1994 :
A QUI DE DROIT

Le présent document est établi afin d’afirmer qu’Ogyen Kunzang Cheuling de Bruxelles et ses établissements en France et au Portugal sont tous d’authentiques Centres Tibétains Bouddhistes. Ces Centres Tibétains Bouddhistes ont été institués sous la direction de trois maîtres Tibétains de l'École Nyingmapa du Bouddhisme Tibétain, tous tenus en très haute et profonde estime. Il s’agit là des trois maîtres de cette école, à savoir Kyabje Dudjom Rinpoche, Kyabje Dilgo Khyentse Rinpoche et Kyabje Kagyur Rinpoche.

Nous espérons très sincèrement qu’il leur sera donné de croître et prospérer en faveur de toute l’humanité et, plus particulièrement, de le faire dans l’intérêt de tous ceux qui souhaitent approfondir et pratiquer la philosophie Bouddhiste et son mode de vie.

Toute assistance et aide prodiguées auxdits Centres Tibétains Bouddhistes seront des plus appréciées.

Signé : illisible
Kalon Tenzin N. Tethong
Président du Kashag
Cabinet Office of H.H. the Dalai Lama
[2]

Le Dalaï-Lama avait visité le centre OKC et y avait enseigné en avril 1990.

En 1993, et plus concrètement en 1994, dans le cadre de la Sûreté de l’Etat, le Ministre de Justice de la Belgique demande “à la Sûreté d’entreprendre une étude approfondie du phénomène” des sectes[3]. C’est dans ce contexte que l’Administration centrale tibétaine (CTA) avait émis sa première déclaration. Cependant, au moment de la publication du rapport en 1997, et suite à des suspicions de délits financiers et 4 plaintes pour abus sexuels et abus physiques, une perquisition est lancée à OKC, et Robert Spatz fera 6 mois de détention préventive. Le procès correctionnel ne débute que 18 années plus tard le 4 janvier 2016. Spatz est alors condamné à 5 ans de prison avec un sursis partiel, devant la cour d'appel de Liège, mais conteste sa condamnation. Le 09/10/2022 il sera définitivement condamné. Voir le documentaire Bouddhisme, la loi du silence d’Élodie Emery et Wandrille Lanos. La première déclaration (1994) de l’Administration centrale tibétaine ainsi que la mention des noms de trois grands lamas tibétains avait été utilisées par les avocats de Robert Spatz, pour justifier que celui-ci était un lama bouddhiste (Lama Kunzang Dorje) reconnu.

Le tribunal Belge a donc d'ores et déjà rendu “un verdict dans cette affaire”, et la suspension aurait logiquement dû être confirmée et rendue définitive. Une instruction judiciaire avait été initiée à Aix-en-Provence contre un disciple de Robert Spatz/Lama Kunzang Dorje en mai 2021, suite à des plaintes déposées en 2018 par huit femmes mineures à l'époque des faits (“attouchements et viols). Cette affaire là est encore en cours.
Il a fallu au Kashag plus de deux mois après la signature de la lettre par le Sikyong pour la remettre en main propre à un représentant des survivants de l'OKC le 7 décembre 2023.

Curieusement, bien qu'il ait prétendument "enquêté" sur la question, le Kashag n'a pas reconnu que le jugement final du procès belge avait été rendu des mois auparavant et avait abouti à une condamnation à une peine de prison avec sursis.

Cette omission apparente pourrait bien avoir été délibérée. Pourquoi ? Parce que le fait de suspendre temporairement son attestation permet au Kashag d'éviter une condamnation claire de l'OKC, quelle que soit l'issue d'un procès étranger.

En effet, en postulant une "affaire judiciaire en cours" qui était en fait terminée, la lettre laisse entendre de manière trompeuse une position de principe que le Kashag n'a manifestement pas prise
.” Open Buddhism, Rob Hogendoorn, Central Tibetan Administration Suspends Attestation Robert Spatz’s Ogyen Kunzang Choling, 08/12/2023
Comme l’observe Rob Hogendoorn, malgré “l’enquête” menée par le Kashag/Administration centrale tibétaine, il n’a pas été tenu compte du jugement définitif belge intervenu en octobre 2022. Comme si celui-ci n’avait pas eu lieu…

La dernière déclaration permet cependant de noter quelques changements dans l’approche de la CTA/Kashag. Elle semble désormais avoir officiellement l’autorité de déclarer “bouddhiste” ou “bouddhiste tibétain” des individus ou des centres, de toutes les appellations tibétaines, ou de suspendre leur homologation. Ce qui est nouveau aussi, c’est que le “harcèlement sexuel” est une raison pour suspendre cette homologation. Peut-être cette déclaration sera la première d’une longue série à venir ? En Occident, en Asie et ailleurs ? Peut-être d’autres raisons, délits financiers, etc., pourront aussi être invoquées pour suspendre l’homologation d’un centre ou d’un individu reconnu "bouddhiste".

En plus de la condamnation d’un chef d’une organisation bouddhiste, ou malgré le manque de condamnation de celui-ci pour diverses raisons (arrangement extrajudiciaire, fuite, décès, maladie, …), d’autres responsables de son organisation peuvent être attaqués en justice pour “harcèlement sexuel”, non-assistance de personne en danger, délits financiers, pratique illégale de la médecine, etc.

Le projet Sunshine mène une enquête sur les abus survenus dans les organisations de Chogyam Trungpa aux Etats-Unis. Le New York Times publie le 12 juillet 2018 : The ‘King’ of Shambhala Buddhism Is Undone by Abuse Report 

En Europe, suite à l'affaire Rigpa/Sogyal :
En avril 2019, Patrick Gaffney [de Rigpa] sera par la suite disqualifié pour une période de huit ans par la Charity Commission[2] for England and Wales, notamment pour avoir eu connaissance des “allégations d’actes impropres et abus sexuels et/ou physiques” contre des étudiants au sein de la charité. Comme il n’avait pas pris les mesures qui s'imposaient, il était considéré responsable de l’inconduite et/ou de la mauvaise gestion dans l’administration de la charité[3]. (The Guardian).” Voir mon blog Une évolution heureuse ? 18/09/2019
En mai 2021, une instruction était ouverte en Aix-en-Provence contre un ancien disciple de Robert Spatz, “soupçonné de viols sur au moins huit fillettes”.

Après avoir engagé une procédure contre le XVIIème Karmapa Ogyen Thinley Dorje, au nom de leur cliente Vikki Hui Xin Han, laquelle procédure avait été abandonnée en 2022 pour des raisons inconnues, le cabinet d’avocats McAllister Olivarius a engagé une autre procédure contre le centre bouddhiste Palpung Thubten Chöling (auparavant Kagyu Thubten Chöling, PTC/KTC) à Wappinger Falls, New York, au nom de trois plaignantes souhaitant rester anonymes.
M. McAllister explique qu'à travers cette procédure, les trois plaignantes cherchent à réparer le préjudice qu'ils ont subi aux mains de Norlha (né en 1938 et décédé en 2018) et de PTC/KTC. Il ajoute :

Toutefois, elles craignent que le fait d'être nommées publiquement ne leur cause, ainsi qu'à leurs familles, des préjudices psychologiques, financiers et même physiques. Ayant déjà énormément souffert des abus sexuels perpétrés à leur encontre, les plaignantes ne devraient pas avoir à subir la honte et l'embarras supplémentaires qui résulteraient de la publication de leurs noms. ... Les plaignantes ont tout intérêt à procéder de manière anonyme dans le cadre de cette procédure. Comme décrit plus en détail ci-dessous, les plaignants ont été victimes d'abus et d'exploitation sexuels brutaux et continus de la part d'un homme puissant, Norlha, pendant des décennies. Plutôt que de protéger les plaignantes, la partie défenderesse a renforcé le pouvoir de Norlha, lui permettant de continuer à abuser sexuellement des plaignantes. Étant donné la communauté très unie, au sein de laquelle les abus des plaignantes ont eu lieu, les plaignantes sont confrontées à des menaces crédibles de préjudice physique, psychologique et économique si leur identité était révélée. La nature hautement personnelle de leurs allégations, combinée aux risques que la divulgation de leur identité pose, est la situation paradigmatique dans laquelle les tribunaux devraient permettre aux plaignants de procéder de manière anonyme.[4]” Open Buddhism, Rob Hogendoorn, Palpung Thubten Chöling Plaintiffs Risk ‘Harm, Harassment, And Retaliation’ 30/11/2023
Ces quelques exemples ne sont pas exhaustifs. Il s’agit de “centres bouddhistes”, dans lesquels du “harcèlement sexuel” a eu lieu, et où les prédateurs allégués étaient protégées par leur communautés respectives contre les accusations des victimes alléguées, par des stratégies de manipulation dites DARVO (nier, attaquer et inverser la victime et l'agresseur). Tout comme OKC, ces centres sont considérés comme des “centres bouddhistes tibétains”, éventuellement homologués par des lettres d'accréditation de la CTA ou d'autres grands lamas tibétains. Des procédures ont pu être engagées contre ces centres bouddhistes ou leurs lamas, pour ensuite être classées, déboutées, réglées à l’amiable, ou sont toujours en cours (ce qui peut durer 18 ans comme dans le cas d'OKC), etc.
→ Chaque année, 580 000 femmes et 197 000 hommes de 20 à 69 ans seraient victimes de violences sexuelles.
→ Depuis 2017, le nombre de victimes de violences sexuelles enregistré sur une année par les forces de sécurité a augmenté de 37%.
→ Pourtant, les condamnations ont diminué dans leur globalité de 18% ; les condamnations pour viols ont diminué de 45%.
→ 99% des auteurs de violences sexuelles sont des hommes.
→ Seuls 8% des auteurs de violences sexuelles font l’objet d’une condamnation et on estime que moins de 1% des auteurs de viols sont condamnés
. “ Rapport Fondation des femmes, Cinq ans après MeToo
En Occident, les cas de “harcèlement sexuel” dans les centres bouddhistes concernent des femmes pour la grande majorité, même si un lama bhoutanais avait été condamné en France à 12 ans de prison pour viol de mineur. Le cas d’OKC est spécifique, au niveau du “harcèlement sexuel”, dans la mesure où les victimes étaient principalement des enfants et des mineurs (viol). Cela explique peut-être la déclaration exceptionnelle à l’endroit d’OKC.

"Temple des enfants" OKC

Des bouddhistes tibétains européens avaient souhaité que leurs enfants aient la même “opportunité” que les enfants dans les monastères tibétains, et les avaient confiés à des centres bouddhistes tibétains en France et au Portugal, comme dans le passé des parents catholiques avaient pu confier leurs enfants à des internats, des camps scouts, etc., gérés par des prêtres catholiques (voir le rapport CIASE). Il s’est passé ce qui se passe partout dans le monde, dans tous les milieux et dans toutes les classes de la société.
“(2:15) Journaliste : Mais ce qu’on comprend est que quand ce vœu de chasteté est subi très jeune et comme une contrainte, ça devient un problème.

Matthieu Ricard : Si c’est une contrainte, c’est un poids qui se traduit par ce qu’on voit, et ce n’est malheureusement pas l’apanage des communautés chrétiennes, le bouddhisme ne fait pas exception, et dans toutes les communautés humaines, il y a 3% de psychopathes. On voit ça dans l’éducation, dans les familles, en fait le pire c’est presque dans les familles, dans le sport, le spectacle, on en voit en n’en plus finir. Ce qu’il faut, c’est accueillir les victimes, qu’elles ne soient pas laissées pour compte, des structures qui permettent de les guider, de les écouter, en temps utile, pas qu’elles aient besoin d’attendre 20 ans, 30 ans. “ Blog Matthieu Ricard sur l'accueil des victimes d'abus sexuel (C à vous) 17/10/2021
Etant donné qu’il y a “3% de psychopathes” dans tous les milieux, dans toutes les communautés, y compris bouddhistes, en Occident comme en Asie, que font les communautés bouddhistes en Occident comme en Asie pour prévenir le “harcèlement sexuel”, et notamment contre des enfants et des mineurs (viol) vivant dans des communautés bouddhistes. Si c’est à cause du “harcèlement sexuel” qu’une communauté bouddhiste, OKC en occurrence, ne peut plus être considéré comme “bouddhiste” (en attendant “le verdict”), que cela implique-t-il pour des centres ou des monastères bouddhistes où du “harcèlement sexuel”, y compris de mineurs (viol), a lieu ? L’Administration centrale tibétaine (CTA) mène-t-elle des enquêtes pour connaître l’ampleur du phénomène, et pour prendre des mesures pour prévenir les abus ? Puisque cela n’est pas “bouddhiste” ?

***

[1] L’original en anglais :

In view of the ongoing court case against Robert Spatz of the Ogyen Cheuling centers, the Central Tibetan Administration (CTA), which had previously issued a recognition to this establishment as a Buddhist Center, hereby declares that, in response to the allegations of sexual harassment, the recognition stands suspended effectively until such a time the court reaches a verdict on this particular case.”

[2] L’original en anglais :

To Whom it May Concern

This is to state that Ogyen Kunzang Cheuling in Brussels and its branches in France and Portugal are true Tibetan Buddhist Centers. These Tibetan Buddhist Centers were established under the direction of three highly respected Tibetan masters of the Nyingmapa school of Tibetan Buddhism, Kyabje Dudjom Rinpoche, Kyabje Dilgo Khyentse Rinpoche, and Kyabje Kagyur Rinpoche. It is our hope that they will continue to develop and flourish for the benefit of all humanity, and particularly for those who wish to study and practice Buddhist philosophy and the way of life.

Every assistance given to these Tibetan Buddhist Centers will be most appreciated.

[signature in Tibetan]
Kalon Tenzin N. Tethong
Chairman of the Kashag
Cabinet Office of H.H.the Dalai Lama


[3] Rapport fait au nom de la commission d’enquête du parlement Belge en vue de lutter contre les pratiques illégales des sectes.

Enquête parlementaire visant à élaborer une politique en vue de lutter contre les pratiques illégales des sectes et le danger qu'elles représentent pour la société et pour les personnes, particulièrement les mineurs d'âge. Rapport fait au nom de la commission d’enquête par MM. Duquesne et Willems le 28 avril 1997.

[4]McAllister explains that trough this litigation, the three plaintiffs seek to to redress the harm they suffered at the hands of Norlha (b. 1938 d. 2018) and PTC/KTC. He adds:

However, in doing so, they fear that being named publicly risks psychological, financial, and even possibly physical harm to them and their families. Having already suffered tremendously due to the sexual abuse perpetrated against them, Plaintiffs should not have to suffer the additional shame and embarrassment that will follow if their names are published. … Plaintiffs have a strong interest in proceeding anonymously in this litigation. As descnbed more fully below, Plaintiffs were subjected to brutal and continued sexual abuse and exploitation at the hands of a powerful man, Norlha, over decades. Rather than protect Plaintiffs, Defendant further empowered Norlha, enabling him to continue his sexual abuse of Plaintiffs. Given the tight-knit community in which the Plaintiffs’ abuse occurred, the Plaintiffs face credible threats of physical, psychological, and economic harm if their identities are revealed. The highly personal nature of their allegations combined with the risks that disclosure of their identities poses is the paradigmatic situation in which courts should permit plaintiffs to proceed anonymously
.”

dimanche 10 décembre 2023

A Delightful Discussion: The Case Against Buddhism



A Delightful Discussion: The Case Against Buddhism

Glenn Wallis, the author of A Critique of Western Buddhism: Ruins of the Buddhist Real had an interesting discussion with professor Charles Hallisey of Harvard Divinity School March 11, 2019 (Youtube). He wrote much about his non-Buddhist approach that follows François Laruelle’s non-philosophy for the tools it offers.
All forms of philosophy (from ancient philosophy to analytic philosophy to deconstruction and so on) are structured around a prior decision, but that all forms of philosophy remain constitutively blind to this decision. The 'decision' that Laruelle is concerned with here is the dialectical splitting of the world in order to grasp the world philosophically. Laruelle claims that the decisional structure of philosophy can only be grasped non-philosophically. In this sense, non-philosophy is a science of philosophy. Laruellean (non)ethics is "radically de-anthropocentrized, fundamentally directed towards a universalized, auto-effective set of generic conditions[1]."
Some emblematic concepts of Laruelle’s non-philosophy are also used in Glenn’ non-buddhism. “Non-”, the principle of “sufficiency”, “decision”, etc., to which Glenn added the “Feast of Knowledge”, corresponding to the second “constructive” part of the book, going back to the Real and “wresting” vital potentialities from the “ruins” of Buddhism. These terms were discussed and explained during Glenn’s conversation with Charles Hallisey, that can be watched on Youtube or read on the website of the Center for the Study of World Religions.


This sort of practice is like a continuous struggle, and Charles Hallisey likens Glenn to the first potential human follower the Buddha met after his Awakening, Upaka the Ajivaka, who was not sufficiently impressed to follow him, but who is imagined to have kept thinking about what the Buddha told him. Upaka’s story can be found in the Ariyapariyesana Sutta, and it’s a, perhaps unintentionally, funny story, which also shows Buddhism’s, and the Buddha’s sufficiency and appeal to authority. I will insert Thanissaro Bhikkhu’s rendering of it.
Within the Ariyapariyesana Sutta, the Buddha says:

Then, having stayed at Uruvela as long as I liked, I set out to wander by stages to Varanasi. Upaka the Ajivaka saw me on the road between Gaya and the (place of) Awakening, and on seeing me said to me, 'Clear, my friend, are your faculties. Pure your complexion, and bright. On whose account have you gone forth? Who is your teacher? In whose Dhamma do you delight?'

When this was said, I replied to Upaka the Ajivaka in verses:

'All-vanquishing,
all-knowing am I,
with regard to all things,
unadhering.
All-abandoning,
released in the ending of craving:
having fully known on my own,
to whom should I point as my teacher?
[4]

I have no teacher,
and one like me can't be found.
In the world with its devas,
I have no counterpart.

For I am an arahant in the world;
I, the unexcelled teacher.
I, alone, am rightly self-awakened.
Cooled am I, unbound.

To set rolling the wheel of Dhamma
I go to the city of Kasi.
In a world become blind,
I beat the drum of the Deathless.'

'From your claims, my friend, you must be an infinite conqueror [ananta jina].'

'Conquerors are those like me
who have reached fermentations' end.
I've conquered evil qualities,
and so, Upaka, I'm a conqueror.'


When this was said, Upaka said, 'May it be so, my friend,' and — shaking his head, taking a side-road — he left.

- Translation by Thanissaro Bhikkhu

Sufficiency


Buddhism didn’t forgive Upaka’s implicit declination to submit to the Buddha’s authority, and already the Ariyapariyesana Sutta has him take a “side-road”, not the direct path to Awakening offered to him. Other rumours[2] about Upaka were to follow in the Pāli tradition. Sufficient Buddhism didn’t want to encourage Upakism.

When not giving in to sufficiency, real practice is a struggle. Charles Hallisey quotes the American philosopher and poet Charles Olson from his book review of Melville’s The Fine Hammered Steel:
In the year Melville was born, John Keats walking home from the mummers play at Christmas 1819-- and afterwards, he had to listen to Coleridge again-- thought to himself, all that irritable reaching after fact and reason. It won't do. I don't believe in it. I do better to stay in the condition of things, no matter what it amounts to-- mystery confusion doubt.”
And Charles adds:
Let me just point out there's no commas between those words. Olson is pushing the English language. Mystery confusion doubt is not three separate things but one thing. It has power. It is what I mean by negative capability. That statement of Keats walking home, thinking to himself all that irritable reaching after fact and reason, it won't do. I don't believe in it. I do better to stay in the condition of things, no matter what it amounts to.”
As Charles comments, Buddhists have known this too, and developed various ways to approach the Real, often negatively (no-self, emptiness, dependent origination…), but these were captured in the different forms of Buddhism (x-buddhism) in sufficient and often authoritarian traditions, where meekness is a perfection I’d add…, and where the Real is not left as “mystery confusion doubt” and loses its power.
Glenn: “Non-Buddhism is Buddhism, minus sufficiency. It's using Buddhist ideas, Buddhist first names for the real, no-self emptiness, dependent origination, and so forth, but minus the sufficiency”.

“But [Upaka the Ajivaka] did not want to be captured. All of these gurus trying to sell me a bill of goods, I'm going to resist. I'm effective. I'm going to think about it for the rest my life. I'm going to resist it. So Buddhism does something as a particular form of ideological capture that seduces the person-- captures the person's desire for happiness, whatever, nirvana, stress-- lack of-- freedom from stress or whatever, whatever all this stuff it promises, an ideological system promises.

It captures the human being's desire, brings the human being into an institutional system of subject formation. You're captured. There's a lot more going on there with this. There's also this kind of conceptual, emotional, affective capture that happens.

This is what disturbs me about Buddhism and about unitary systems of thought. So the “non-” is, what happens once you perform certain operations on the Buddhist material? The point is not to say, oh, Buddhism, just a bunch of nonsense, or it's just another-- just another authoritarian monster. The point is to see what is of value there, to wrest vital potentialities of humans
."

Decision

Glenn: “[...] Secular Buddhist conceit is that it's all about empiricism and the methodology of science. And this idea is in Buddhism that Buddhism presents the idea of the all, the sutta of the all, the sabba sutta, it says that everything I know, I know through my senses. And anything beyond that is another sort of eminent critique here that anything beyond that is going to get you into trouble.

Buddhism has this idea that it's about phenomenality about imminence. And yet in order to really establish that fact sufficiently such that Buddhism is not just another ruly participant at the Great Feast of Knowledge but is actually-- has a kind of mastery and regency and aristocracy that is required for it to be Buddhism, it requires a transcendental concept in which the imminent principle is grounded, and that I took as the transcendental concept in Buddhism, the Dharma.

The Dharma is this kind of vault of cosmic knowledge that gives warrant to Buddhism's claims of phenomenality and imminence. That's a real, real problem. Science could never do such a thing. Science would be no longer science. If it grounded its imminent-- if it grounded its observations of imminence, of the imminent world, in some sort of transcendental signifier, that would not be science. It would be some sort of visionary science, maybe a new agey science or something.

I hope that makes sense. The decision is the fact that Buddhism wants to be a system of knowledge that explains the phenomenal world, the world imminent to human beings. And yet, in order to do that and to have its status as a unitary, specular system of thought, it has to ground that in the transcendent something, and I call that something the Dharma. Does that makes sense?
Charles Hallisey adds an interesting example. Remember the conversation took place in March 2019…
To give an example, a friend of mine who's an activist in Israel, he tells a story about trying to help some Palestinian farmers on the West Bank to get to a well with their sheep. They've been given by court order that they have-- they have a right to the water in this well. Was there with them, and almost immediately, security forces show up. And they say, you can't be here. He pulls out the judgment of the court. And he says, the judgment says that they have a right to the water in the well. The soldier says, they have right to the water in the well, but they don't have a right to be on this land over here. And my friend says, this is crazy. What do you think they're going to do? Helicopter over to the well with the sheep? How are they going to get to the well if-- you know? And so the commander says to him, crazy? Yeah, it's crazy. Those shepherds are crazy. You're crazy. I'm crazy. Those rocks are crazy. The rock-- the well is crazy. Everything here is crazy. That's why I follow orders. And one of the things he would say, that's decision. When everything is crazy, you say I follow what something else is saying.

And then one of the things you could say, oh, the real comes to us in this guise as mystery confusion doubt. Our response always is going to have recourse to decision to try to overcome that. And the confidence in sufficiency will say, of course.”

The Real

Glenn: “[Non-buddhism] is a neologism that means Buddhism that has gone through-- has been run through, minus the decision and sufficiency and so forth. I mean, no self, emptiness.”
After the critique, and staying clear from decision and sufficiency, the Real remains as something “unnamed” and “deeply productive”, in that it makes “human culture produce forms of practice”: psychoanalysis, sociology, economics, … and Buddhism… “constantly making statements about the nature of the Real”.
Something that's unnamed. But it's something that is deeply productive, and human culture produces forms of practice-- psychoanalysis, sociology, economics, whatever-- that tries to identify just what this is.”

[Buddhism] starts telling us all about what emptiness is. Emptiness never remains empty. It's all this fullness of life, et cetera, et cetera. It talks about no self, which is a beautiful concept. It starts explaining the nature of subjectivity, rather than selfhood, that we're formed through material causes as human beings. And then all sudden, Buddhism starts telling us the nature of the self.”
Instead of Buddhism and systems of thought pointing the arrow into the Real, human pain that’s part of the Real points in the other direction and produces Buddhism, but is "unrepresentable to Buddhism".
Glenn: “Laruelle has this beautiful experimental text. It's called, "On the Colors of the Black Universe.[3]"

And in there he talks about the earth. The earth is out in which we live. It's the material forms of everything that we all know. Within this-- on this earth, there are worlds. He always used a capital W. A world is a kind of ideological overlayering of the earth. It's a world that you can be captured, you can be interpolated into.

But beyond all of this is the black universe. It's empty, it's dark. It contains all things, right? And yet it is nothing, and nothing adheres to it. In a way, that's a way of talking about a human Real. It must be foreclosed because if it's not foreclosed, you just start introducing new kinds of ideology masked as truth or something like that
.”

The Feast of Knowledge


Glenn: “I have a concept in here-- a conceit, really-- called the Great Feast of Knowledge. And I imagine in this Great Feast of Knowledge that the Buddha, and the bodhisattvas and the arhats are all arrayed in their attire and their weapons, their conceptual weaponry. And then they come to the Great Feast of Knowledge, where all the disciplines of human culture, in biology and literature and the arts and sociology, all sitting around having conversations and discussions about, what is desire? And they all discuss it from the different perspectives.

At the door-- at the door of that Great Feast of Knowledge, the Buddha and his entourage, they have to put all their attire in the cloakroom. And they have to walk in there stripped of all their aristocracy and the regency that we all know the Buddha presents himself with. This is another idea of stripping of sufficiency. And he goes and he talks to, say, biology about the nature of desire, how it must-- desire functions like this, this is what it is, this is its cause. These are the ramifications of desire. These are how you can ameliorate it.

And biology says, why would you want to do that? Desire is what propels life, desire is this powerful reproductive force, et cetera, et cetera. So the Great Feast of Knowledge is another way of talking about the stripping of sufficiency
.”

Tools (conclusion)
Glenn: “As I mentioned in the introduction, I found the work of contemporary French thinker Francois Laruelle offers unusually effective tools for dismantling authoritative forms of thought, excising their mother lodes of sufficiency, and de-potentializing their subjugating force. Equally, however, Laruelle offers tools for reconstituting humanly useful fictions or fabulations from this dismantled material. And I just want to say that I use those tools for a kind of decimation or dismantling of Buddhism. But I'm always careful to say throughout, the purpose of dismantling or creating a ruin from this exquisite edifice called Buddhism is to see it in a more creaturely light. There you go.”


O bhikṣus and wise men, just as a goldsmith would test his gold by burning, cutting, and rubbing it, so you must examine my words and accept them, but not merely out of reverence for me.” – Gaṇḍavyūha Sūtra

MàJ15122023 For a recent article by Glenn where he further develops "non-buddhism", "Great Feast of Knowledge", "The Principle of Sufficient Buddhism", "the Real" and "Axiomatic Animal Liberation" 
Sorry, Charlie! A Non-Buddhist Argument for Animal Liberation, also in Tricycle
 
 
***

[1] Through Wikipedia: Erkan, Ekin (2019). "A Biography of Ordinary Man: On Authorities and Minorities" (PDF). Cincinnati Romance Review. 46: 119–123.


[2]We hear that after this meeting Upaka went to the Vaŋkahāra country and there, having been attended to by a certain Cāpā, a hunter's daughter, fell in love with her and married her. Thereafter he made his living selling the meat the hunter killed.

This Cāpā, who had apparently admired Upaka as long as he had been an ascetic, began to despise him for having been entrapped by her and endlessly ridiculed him to the end that he left her and making his way to Savatthi, he found the Buddha and entered the order. It was said he became an Anagamin and being reborn in the Aviha Realm reached Arahantship there almost immediately. Cāpā too, apparently joined the order and became an Arahant.

Her life story has a slightly different version of Upaka's meeting with the Buddha. It ends:

The ascetic, discerning the omniscience and great mission of the Master, was comforted in mind, and replied:
'Friend, may these things be! Thou art worthy[18] to be a conqueror, world without end!'

Then, taking a by-road, he came to the Vankahara country, and abode near the hamlet of the trappers, where the head trapper supplied his wants
.” Encyclopedia of buddhism.


[3] Du noir univers dans les fondations humaines de la couleur, François Laruelle

Au commencement il y a Noir –| l'homme et l'Univers plutôt que le philosophe et le Monde. | Autour du philosophe tout devient| Monde et lumière; autour de l'homme tout devient Univers et opacité. | L'homme, qui emporte l'Univers avec lui, est condamné, sans qu'il en connaisse la raison, au Monde et à la Terre, et ni le Monde ni la Terre ne peuvent lui dire pourquoi: seul l'Univers lui répond en étant
noir et muet. | Noir n'est pas dans l'objet ou dans le Monde, il est ce que l'homme voit dans l'homme, et ce dans quoi l'homme voit l'homme. | Noir n'est pas seulement ce que l'homme voit dans l'homme, il est la seule « couleur » inséparable de l'étendue hyperintelligible de l'Univers. | Solitude de l'homme-sans-horizon qui voit le Noir dans le Noir. | L'Univers est sourd et aveugle, nous ne pouvons que l'aimer et l'assister. L'homme est l'être qui assiste l'Univers.”

Incomplete. French publication “Du noir univers: dans les fondations humaines de la couleur,” in La Décision philosophique 5 (April 1988): 107-112.) 

vendredi 8 décembre 2023

Classes philo, cours d'empathie, pratique de l'attention, etc. à l'école

Le futur ministre de l'Education à Trappes avec la fondation SEVE en fév 2020 (photo : FB G.Attal)

Les entrepreneurs attentionnels sont toujours très actifs et les rapports avec l’ancien ministre de la santé Agnès Buzyn, l'écologiste Delphine Batho et le nouveau ministre de l’éducation nationale Gabriel Attal sont excellents. Cela malgré la lettre ouverte envoyée par une quinzaine d’associations et de syndicats au ministre de l’époque (18/01/2022), Jean-Michel Blanquer. Parmi les signataires figuraient “la Ligue des droits de l’Homme, celle de l’Enseignement, les syndicats FSU, CGT et Unsa, la fédération de parents d’élèves FCPE et l’association de lutte contre les dérives sectaires Unadfi.” Ils écrivent notamment :
la pratique sur des enfants mineurs d’une méthode qui peut aboutir à un conditionnement avec perte d’esprit critique et assujettissement de l’individu engendre (…) des risques importants qui ne peuvent être négligés.”
Trappes, avec F. Lenoir, G. Attal et J. Lenormandie en fév 2020 (photo : FB G.Attal)

Gabriel Attal avait déjà rencontré Frédéric Lenoir,
le président de la fondation SEVE (Savoir Être et Vivre Ensemble) avant d’être ministre, en février 2020, et fut très impressionné par les “ateliers philo”, et de “pratique de l’attention”, une autre façon de faire référence à la méditation de la pleine conscience (MPC), introduite en France par le moine bouddhiste Matthieu Ricard, le psychiatre Christophe André, qui sont les “parrains” de la fondation, avec quelques autres célébrités comme Boris Cyrulnik, Edgar Morin, Abdennour Bidar, etc.


F. Lopez, Ilios Kotsou (Mindful Leadership SBS-EM), M.Ricard, F. Lenoir, C. André,
Journée Emergences à Bruxelles "Se changer, changer le monde"

Certains oiseaux de malheur considèrent que ces initiatives privées de la part de “lobbies ésotériques” ou plutôt “philo-spirituels” n’ont pas leur place dans l’école républicaine, et considèrent ces tentatives comme de l’ “entrisme”. Ces initiatives sont néanmoins soutenues par les plus grandes entreprises mondiales et par des acteurs hors pair de “l'entrepreneuriat social”, comme la fondation Ashoka fondée par Bill Drayton, un ancien de McKinsey & Company. La présidente de la branche française Ashoka France, Martine Roussel-Adam, est même la Vice-Présidente de SEVE.
Car l'aide d'Ashoka, association créée en 1980 en Inde par un Américain, Bill Drayton, ancien consultant du cabinet de conseil en stratégie McKinsey, est de "soutenir des personnes dont les idées et les ambitions sont à même de propager de nouvelles solutions aux problèmes sociaux et environnementaux". L'association leur met le pied à l'étrier. Son apport n'est pas seulement financier, mais aussi intellectuel grâce à son réseau de partenaires, entreprises et particuliers. Les cabinets de conseil les plus réputés lui prêtent main-forte : McKinsey, bien sûr, mais aussi Latham & Watkins dans le domaine juridique, Hill & Knowlton (communication), Ernst & Young (financier), Egon Zehnder (ressources humaines).

Des particuliers apportent également un soutien financier (10 000 euros par an chacun) et du temps. "La crise montre bien l'importance de ces nouveaux modèles. Participer à leur émergence m'apporte beaucoup", confirme Martine Roussel-Adam, entrepreneuse elle-même
.” Le Monde, 14/10/2009, Annie Kahn.
Un des objectifs d’Ashoka France est de Transformer L'Expérience Éducative, parce que “les nouvelles générations doivent acquérir des compétences et des qualités essentielles telles que la prise d’initiative, la collaboration ou l’empathie”, pour en faire les acteurs de changement (Changemakers) de demain, “des bâtisseurs du futur”, et “des citoyens conscients, actifs et éclairés”.

Ce en quoi, l’école telle que nous la connaissons semblerait échouer sans l’aide du secteur privé. Un coup de main philanthropique n’a donc pas de refus. Qui sait, si les classes de philosophie, de “pratique de l’attention”, et de “développement de la pensée réflexive” et d’empathie sont un succès, ces entrepreneurs sociaux et attentionnels pourraient jouer un plus grand rôle dans les écoles de la République, en développant l’attention, l’empathie, la résilience, une meilleure gestion individuelle sociale et émotionnelle, etc., en soulageant les professeurs et les budgets toujours sous pression. Le développement de compétences entrepreneuriales parmi eux serait évidemment un plus, et ferait d’eux des citoyens conscients, éclairés, prêts à mettre la main à la pâte.

Le lien école de la République-secteur privé est gagnant-gagnant. Les matériaux, les contenus et les applications “attentionnels” ("attentionique", "conscientique" ?) et la logistique nécessaires aux animations et formations permettent de financer celles-ci, de créer de l’emploi, et de faire un peu de profit aux philanthropes, qui sera éventuellement reversé à des charités. La "conscientique" et le coaching spirituel sont des marchés porteurs (voir mes blogs L'impitoyable marché de la méditation 03/06/2019 et La pleine conscience peut-elle casser des briques ? 30/03/2020).

Vidéo de BFM TV mise à disposition sur le site de SEVE

Après sa rencontre en février 2020 avec Frédéric Lenoir, et avant même de devenir Ministre de l'Education nationale, Gabriel Attal faisait de nouveau référence aux ateliers SEVE sur BFM TV, le 18/10/2020, suite au meurtre de Samuel Paty.
Il faut faire plus, il y a aujourd’hui de très bonnes initiatives qui sont prises, dans certains établissements”. Pour un cadre général, on peut s’inspirer d’initiatives qui sont prises dans certains établissements. Un exemple, quand j’étais secrétaire d’état à l’Education, j’étais voir des établissements scolaires, ce que fait une fondation, la fondation SEVE, qui est porté par un philosophe qui s’appelle Frédéric Lenoir, qui met en place ce que l’on appelle “les ateliers philo”. C’est des ateliers qui permettent d’étayer l’esprit critique des élèves, et d’aborder avec eux des questions difficiles, comme celle-ci [le meurtre de l’enseignant Samuel Paty], pour faire progresser la conscience de chacun.”
Dans l’esprit de Gabriel Attal, il semble s’agir de classes philosophiques de type éducation civique, qu’il faudrait selon lui commencer dès la primaire, pour parler de liberté d’expression, de tolérance, du racisme, de l’antisémitisme, de la radicalisation...


Le 17 octobre 2023, lors de la Commission des affaires culturelles ((à2:34:13), le Ministre, en parlant des "cours d'empathie", réaffirme sa confiance en "les méthodes extrêmement intéressantes" de la fondation SEVE et F. Lenoir, sur lesquelles "il faudra s'appuyer pour déployer l'apprentissage de l'altruisme, de l'altérité et de la tolérance à l'École".

Dans la dernière intervention de Frédéric Lenoir à l’institut Diderot (01/12/2023), celui-ci semble cependant viser une approche davantage entre “la philosophie et la spiritualité” (1:36:37), la philosophie seule ne suffit pas. Il y revient aussi sur le projet SEVE, et mentionne avoir revu récemment Gabriel Attal, cette fois-ci Ministre de l’Education, avec qui il avait déjeuné.
[Le Ministre de l'Education Gabriel Attal] m'a dit qu'il souhaite développer de plus en plus “les ateliers philo” [SEVE] dans les écoles, parce que cela développe les compétences psychosociales et cognitives.
Cela tombe bien, car Frédéric Lenoir raconte également à la fin de sa conférence comment ils ont “formé 5000 animateurs en 7 ans” (1:41:27), et qu’ils travaillent désormais avec l'Éducation nationale. La formation d’un animateur SEVE est sans doute beaucoup plus rapide, et moins coûteuse, que celle d’un enseignant fonctionnaire, puisque les animateurs paient pour leur propre formation.
Le Parcours SEVE est construit autour de trois modalités pédagogiques :

- 8 journées en présentiel en pédagogie active pour un total de 48 h

- Un parcours e-Learning complémentaire d'environ 8h, accessible en ligne sur une plateforme pédagogique dédiée (extranet participant)

- Une mise en pratique de l'animation d'ateliers philo et pratique d'attention en relation bienveillante à l'enfant, avec 3 animations et 3 observations auprès de groupes d'enfants ou adolescents.”

Un parcours dure 65h30m et coûte actuellement “650 € Net de taxe
”.
Au terme de ce parcours, l’animateur SEVE pourra intervenir dans les écoles. Je ne sais pas s’il y a d’autres conditions[1], formation continue, etc.

Pour revenir sur la tendance “entre philosophie et spiritualité”, il faudrait regarder toute la conférence, mais à la fin de la conférence, Frédéric Lenoir résume sa pensée.
“1:36:37 On est entre la philosophie et la spiritualité. En tout cas, c'est une exigence personnelle que nous pouvons avoir chacun, pour nous engager. Si l’on se dit que l’on veut juste recevoir des avantages, mais qu'on est prêt à ne rien donner au collectif on va imploser. C'est cela, la grande crise des démocraties modernes. C'est l'individualisme triomphant qui devient narcissique, et c'est d'ailleurs un danger qui guette les spiritualités. Les spiritualités individuelles, j'en ai dit plutôt du bien, mais il faut bien voir qu'elles sont complètement menacées par le narcissisme individuel, et qu'au fond aujourd'hui, vous pouvez avoir des individus qui vont faire du yoga, de la méditation machin, mais en se fichant complètement de ce qui se passe dans le monde. Ce n’est pas un progrès.

La personne qui l'avait très bien dénoncé, c'est un lama tibétain qui s'appelle Lama Chogyam [Trungpa] Rinpoché, qui est le premier Lama à venir en Occident[2]. Après 5 ans de vie aux États-Unis, où il avait un succès colossal. Il faisait de grands enseignements, il y avait des dizaines de milliers de personnes, il remplissait des stades. Puis au bout de 5 ans, il a écrit un livre qui s'appelle “Le matérialisme spirituel[3]”, et dans lequel il dénonce ce narcissisme.

Il dit, au fond, vous les Occidentaux vous êtes des consommateurs. Vous consommez des objets, mais vous consommez aussi de la spiritualité. Donc vous allez faire des grandes initiations bouddhistes, vous allez pratiquer le yoga, vous allez faire du néochamanisme et cetera, mais si cela ne vous transforme pas, cela ne sert à rien. Cela devient simplement un trophée. Vous dites voilà j'ai fait un stage de Vipaśyanā, j'ai fait un stage de ci, mais ça doit vous transformer, ça doit vous changer votre Être. Vous devez progresser en tant qu'être humain, et si c'est juste une accumulation, eh bien vous êtes dans l'avoir. Il conclut son livre en disant vous êtes des boutiquiers[4]. Au final, il montre à quel point le consumérisme contemporain menace la spiritualité, parce qu'on devient des consommateurs de spiritualité au lieu d'être des humains qui sont transformés par la spiritualité, donc là il y a aussi un vrai danger
.”
Le livre auquel fait référence Frédéric Lenoir date de 1973, Chogyam Trungpa est mort en 1987. Cela ne s’est pas du tout bien passé avec lui, son régent, son fils, certains de ses disciples, ses organisations, mais Frédéric Lenoir, ancien directeur du Monde des religions (2004-2013), ne semble pas être au courant. Trungpa et ses organisations ne manquaient pas de narcissisme justement. Ce que Trungpa reproche au fond aux occidentaux, c’est leur “cherry picking” : “Sélectionner uniquement les éléments les plus désirables d'un ensemble, choisir sur le volet (comme on cueille des cerises, cherry).”

Chogyam Trungpa avec un jeune disciple à genoux (photo: Elephant Journal)

Trungpa demandait à ses disciples de choisir leur voie et leur maître une fois pour toutes, et de s’y tenir, quoi qu’il arrive, et il en est arrivé des choses. Trungpa, Sogyal, Robert Spatz, etc., n’étaient pas de bonnes “cerises”. Ils ne demandaient pas à leurs disciples de développer un esprit critique, au contraire. Pourquoi faire référence à une citation d’un maître religieux, narcissique et sectaire, dangereux pour les enfants en plus, dans le cadre d'une réponse sur les classes de philo, pour apprendre “à avoir une tête bien faite” ? C'est étonnant et inquiétant.

Mes blogs anciens sur Chogyam Trungpa (liste non-exhaustive) :

Il est des nôtres… 2014
Finie la lune de miel ? 2016
L'art d'enfumer 2016
Folle sagesse 2017
Réussir (siddhi) 2017
Shambala et Gésar de Ling, modèles pour une société éveillée séculière ? 2017
Transmissions célestes 2017
Un gourou pour insulter l'ego (II) 2017
Insulter l'ego en torturant des animaux 2018
Noyades en série dans eaux de bain 2019
La pratique d'une idéologie 2019
"Faire les choses, sans les faire vraiment" 2021
La réhabilitation d'un détenteur de lignée déchu 2021
La Trungpamanie fait de la résistance 2021
L'autre livre sur le Vajradhatu-Shambala de Trungpa 2021
Gabriel Attal parmi des volontaires du Service National Universel (SNU) (photo AFP)

"Mais en tout cas, je crois profondément que nous devons aller vers la généralisation du service national universel pour que l'école puisse assumer pleinement cette mission et nous en partageons tous, je crois, l'objectif de former une communauté de républicains et de citoyens éclairés et unis" Gabriel Attal à l'Assemblée nationale, le 17 octobre 2023

Sur le port de l'uniforme à l'école : "Selon le ministère, « le port d’une tenue vestimentaire commune est susceptible de créer une atmosphère de travail et d’égalité au sein de l’établissement ». C’est aussi « un moyen de valoriser l’image de l’école et de l’établissement en créant un sentiment d’appartenance et d’unité entre les élèves », selon le guide." Uniforme à l’école : le ministère de l’éducation précise les contours de l’expérimentation, Le Monde 11/12/2023

Uniformes et pensées uniformes ?


***

[1] Conditions de pré-inscription :

“-un extrait de casier B3 pour que la demande soit traitée

- un CV nous permettant de mieux vous connaître (compétences et expériences)

- une lettre précisant votre motivation à suivre ce parcours et également votre objectif personnel et/ou professionnel. Dans quel cadre pensez-vous expérimenter l'animation d'atelier philo ?”

[2] Voir le titre de l’hagiographie de Fabrice Midal : Trungpa, L'homme qui a introduit le bouddhisme en Occident.

[3] En France : Pratique de la voie tibétaine : au-delà du matérialisme spirituel

[4]En fait, nous avons simplement monte une boutique, une boutique d'antiquités. Peut-etre nous sommes-nous spécialisés dans les objets orientaux, les antiquités du Moyen- ge chretien, ou les vieilleries de telle culture à telle époque, mais, quoi qu’il en soit, nous sommes des boutiquiers. Avant d'être bourrée d ’objets, la pièce etait belle : des murs blancs, un simple plancher, et une lampe au plafond. Un objet d’art tronait au milieu de la pièce et c’était beau. Tout le monde venait jouir de cette beauté, a commencer par nous. Mais nous n'étions pas satisfaits. Nous pensions : « Si ce seul objet embellit tellement ma chambre, plus j ’en aurai, plus ce sera beau. » Alors, nous avons commencé à collectionner et le résultat fut chaotique. Nous avons parcouru la planète entière à la recherche de beaux objets - l’lnde, le Japon, et les contrées les plus diverses. Et, a chaque fois que nous trouvions une pièce rare, comme nous n’en découvrons qu’une a la fois, nous la trouvions belle et pensions qu’elle ornerait notre boutique. Mais, lorsque nous rentrions avec l’objet, il venait s’ajouter a notre bazar heteroclite. L’objet n’irradiait plus aucune beauté des lors qu’il était perdu au milieu de tant de choses merveilleuses. Il ne signifiait plus rien. Et notre chambre magnifique prenait figure de débarras!

L’original en anglais :

But we have simply created a shop, an antique shop. We could be specializing in oriental antiques or medieval Christian antiques or antiques from some other civilization or time, but we are, nonetheless, running a shop. Before we filled our shop with so many things the room was beautiful: white- washed walls and a very simple floor with a bright lamp burning in the ceiling. There was one object of art in the middle of the room and it was beautiful. Everyone who came appreciated its beauty, including ourselves. But we were not satisfied and we thought, "Since this one object makes my room so beautiful, if l get more antiques, my room will be even more beautiful." So we began to collect, and the end result was chaos. We searched the world over for beautiful objects-India, Japan, many different countries. And each time we found an antique, because we were dealing with only one object at a time, we saw it as beautiful and thought it would be beautiful in our shop. But when we brought the object home and put it there, it became just another addition to our junky collection. The beauty of the object did not radiate out any more, because it was surrounded by so many other beautiful things. It did not mean anything anymore. Instead of a room full of beautiful antiques we created a junk shop! Proper shopping does not entail collecting a lot of informa- tion or beauty, but it involves fully appreciating each indi- vidual object. This is very important. If you really appreciate an object of beauty, then you completely identify with it and forget yourself. It is like seeing a very interesting, fascinating movie and forgetting that you are the audience. At that moment there is no world; your whole being is that scene of that movie. It is that kind of identification, complete involvement with one thing. Did we actually taste it and chew it and swallow it properly, that one object of beauty, that one spiritual teaching? Or did we merely regard it as a part of our vast and growing collection?

mercredi 6 décembre 2023

Buddhism and Violence: The Perfection of Meekness

Buddha sitting on the earth, taking the earth as witness (photo: Indiadivine)

Quite a long digression as an introduction, but don’t worry, I will get to the point.

In old mythologies preceding the classic ones, there was the earth and the female/male womb of the earth. The cycle of life consisted of life being generated on the earth from the womb and returning to the womb of the earth, which contained all the seeds of plants, animals and men, male and female seeds, without any identity. This cycle (di-odos) consists of the ascension (an-odos) of biological entities and their descent (cath-odos) back into the womb of the earth. The cycle of life. No heaven and hell, no good or evil, no gods and demons, etc. were needed for this process. This "superstructure" was minimalist. Men and women were born, procreated offspring with their biological seed, and returned into the womb. The “seed” of grandfathers was thought to be “reborn” into grandsons, and the “seed” of grandmothers into granddaughters. No individual identity was attached to these “seeds”.

In my fertile imagination the thought of having to free oneself from an ever returning “identical seed”, or from this Cycle of life didn’t seem to occur then. Even less so the thought of having to help and guide others to “free” themselves too. As for thinking about a beginning and an end of a cycle, what would have been the point?

With the invention of the third (tertiary) level "heaven", a better quality of “life” outside the Cycle of life, and of a "liberated" permanent individual seed, all the attention was directed towards a superstructure, and a new economy evolved around it. Simple life and survival on earth were henceforth in competition with a more glorious afterlife in heaven, at least for those believing in it. One could make efforts for this life, survival and/or comfort, or efforts with longer lasting effects (“investments”) for the afterlife (tib. tshe phyi ma). Celestial experts (hereafter Celestines) would explain how exactly to invest in the future, while making sacrifices in the present.

Since “Seeds” had become permanent and (like Google accounts) capable to keep records of all deeds, words and thoughts of the life of an individual, those who didn’t invest in their afterlife (hereafter Earthlings), would keep descending (cath-odos) back in the womb of the earth, after their death, and, from a Celestine point of view, the same “Seed” would be coming back (an-odos) on earth, as long as their afterlife needs were neglected. Since the Seeds had become individual and permanent, families could be divided into Celestine members caring for their afterlife, and Earthling members who didn’t, out of ignorance or sheer ill will. This entailed that some members of a family could end up in heaven, while others would return to the womb of the earth, henceforth called Hell, Hades, etc. A new cause of worry for the Celestines, who in order to help their unlucky Earthling brothers and sisters needed powerful means, which Celestine experts would gladly provide.

Sure, the newly added third level, would be yet another source of anguish, but at the same time it provided all the means to get a certain peace of mind, provided by Celestine experts. Earthlings could be converted, even at the very last moment, or could be helped in other ways, through prayers and investments on their behalf, to alleviate their future fate (the Cycle of life), to avoid the return to the womb of the earth, and sometimes to get them a place in heaven, even despite themselves.

These two afterlife destinations (womb of earth > earth, and heaven, “the two cities”) are to be found in creeds and religions under all sorts of forms and names. The “heavenly city” is permanent and the “earthly city” is cyclic, and therefore a cause of permanent anguish. The heavenly reality is higher, the earthly reality lower. I mean open your eyes… heaven is above, and earth below.

It’s common sense that acting in favour of, and investing in a higher and permanent reality is better than to do so in a lower one. Those who deny this are Nihilists, who don’t care for the third level. Nihilists, just like their Earthling ancestors living base lives, no better than plants and animals, in a two-leveled world myth cycle. In the three-leveled myth, as long as they are on the earth, and at least until their afterlife, all sprouted “Seeds” are subjected to two realities, the higher and the lower one, and will have to make do with both.

Celestine rules may forbid killing, fornication, stealing, lying, etc., but whilst living on the earth, Celestine experts and their patrons may, in the performance of their duties, need to “seem to” break some Celestine rules, in order to act in the best interest of all, Celestines, Earthlings and Nihilists without distinction. Not only does Celestine realpolitik allow them to do so, it even rewards them for it.

The legend of the Buddha learns us that the Buddha did not take Heaven and the gods as the witness of his Awakening, but the Earth (bhūmisparśa-mudrā). Perhaps he felt closer to the Earthling two-level system or more comfortable with it. You can touch and feel the earth.

As a religion, Buddhism too has a Celestine (paramārtha) and an earthly (saṃvṛti) reality. Buddhism started off as a Śramaṇic movement of renunciates, who wanted to free themselves not only from the earthly reality, but also from certain essentialised elements of Celestine reality. The nirvāṇa thus obtained seems to have been, initially, not an annihilation of the “Seed”, but an unbinding, extinction or “blowing out”, although Buddhists never agreed on the subject. The Celestine reality made quite a spectacular comeback with mahāyāna and vajrayāna, and the former nāstika Buddhism was welcomed back as a peer among other three-level religions. And there was much rejoicing.

Just like any other religion, Buddhism’s own survival has become its first priority, and any sacrifices made for its survival are necessary, and all efforts will be generously rewarded. Buddhism is not a violent religion as long as its interests remain untouched. Alliances with and protection by a Dhamarāja, a Theocrat, or if needed any secular, military and economic power is sought for, in order to guarantee its survival and development. Killing (and almost anything else) is allowed, provided it’s done “with compassion” and for “a good reason”, such as to destroy an enemy. Celestine reality overrules earthly reality, and the cycle of life will continue, until it ends by itself, or until competing Celestine realities finally rid us of it completely. “Compassion” in this context is not empathy, or altruism, but, in Buddhism, the simple conformity to the mahāyāna project of converting those to be converted to Celestine interests, in the long term, by various means, including through the four types of Tantric “enlightened activity (caturkarman).

Many examples can be found in Michael Jerryson’s Buddhist Warfare (2010) of what may seem like Buddhist violence for those looking at it through earthly eyes. For Mahāyāna, anyone with power and wealth is a (potential) bodhisattva, entitled to “violence” for a good (Celestine) cause.

In Chan Buddhism, the Jueguan lun[1] similarly states that, if a murderous act is as perfectly spontaneous as an act of nature, it entails no responsibility:
"Question: “In certain conditions, isn’t one allowed to kill a living being?”—Answer: “The fire in the bush burns the mountain; the hurricane breaks trees; the collapsing cliff crushes wild animals to death; the running mountain stream drowns the insects. If a man can make his mind similar [to these natural forces], then, meeting a man, he may kill him all the same."
In a “heavenly” mindset, when in harmony with heaven, a man may kill another man, acting merely as a Celestine instrument, without any selfish reasons of himself. For the Fifth Dalai Lama, his Mongol protector Gushri Khan, a bodhisattva in disguise, was “entitled” to violence, because he was an ally and protector, and heaven smiled on his pro-Celestine activities. Another Dalai Lama, the Fourteenth, the Nobel Peace Prize 1989, “abstained from condemning the U.S. invasions of Afghanistan and Iraq[2], the U.S. being his ally and protector. He also may have thought that these invasions were in harmony with natural forces, the hand of God or Karma, and that it would not be wise to interfere. Anyway, anthropology (Freud, Girard, Lévy-Strauss, …) teaches us that violence, or even murder (Freud), is found at the beginning of society. The price to pay for leaving the “incomplete” two-leveled Earthling system. Can there be humanity (jen) without heaven (tian)? So, when societies and civilisations are murdering away, they are simply fighting for their own survival. Is violence for higher Celestine (tian) reasons perhaps the price to pay for “humanity” and “compassion”? Is that sort of “compassion” indeed higher than the empathy and compassion of Earthlings, that Chogyam Trungpa and his disciples call “idiot compassion”.
Chogyam Trungpa once said that you can actually kill someone with a sword and penetrating them with the blade is like making love to them. This expression of love and compassion is the same as holding the brother accountable. You can lovingly sink the blade of tough love into him and cut down his ego fixation on approval. If you remind him that his actions caused this result and you cannot offer him absolution. It comes from a place of pure love and compassion for the brother’s confusion. An intimate empathy can almost boil over in your heart as you say the words. But you know that telling the truth, when its hard is the right thing, not excusing your brother’s misconduct — no matter if it damages your family.” Karma Tsering Paljor, Idiot Compassion is not a Buddhist Value
Bernard Faure rightly observes that Buddhist violence isn’t limited to warfare, but includes also “ militant syncretism”.
“[...] rival doctrines were co-opted and integrated at a lower rank in a doctrinal classification (Ch. panjiao) that placed one’s own doctrine at the top. Needless to say, this kind of syncretism easily led to sectarianism[3].”
Metaphors for the conversion of local deities are associated with “sexual submission”[4].
An even cruder sexual symbolism is found in a variant of the myth of Maheśvara’s submission, in which Rudra (another form of iva) is literally sodomized by his Buddhist nemesis, Hayagrīva (a terrible form of the “compassionate” Avalokiteśvara).[5]
Bernard Faure mentions asceticism as a form of violence (tapas, fasting) against oneself, as long as one is not in compliance with heavenly prescriptions. Discrimination against women, yet at the same time putting women on a pedestal and using them as instruments to liberation, or to be displayed as status objects (concubines). Sexual abuse of mudrās, and of children in monasteries. Violence used for the education of young monks or in Western Buddhist centers (OKC). Violence used by gurus/lamas in “crazy wisdom”, “smashing concepts” and “insulting the ego”.

This is not to point at violence used in Tibetan Buddhism in Tibet, in the past, but at the violence still present today in Western settings, and still considered as a part of the transmission. Sogyal Lakar (1947-2019) considered himself a student of Jamyang Khyentse Chökyi Lodrö (1893 – 1959).
For three years, while his tutor was ill, Jamyang Khyentse worked hard to fetch water, gather firewood, look after him and so on. He had no help from anyone else, but did it all on his own. Later on, he would say this had been a supreme method for gathering merit and purifying his obscurations. He used to say, “I purified a little of my negative karma by really serving my teacher.” His teacher was very strict, and used to beat him whether there was good reason or not. Later in his life whenever he shaved his head you could see all the scars from the beatings. It was at the end of his thirteenth year that the tutor passed away.” Orgyen Tobgyal Rinpoche, The Life of Jamyang Khyentse Chökyi Lodrö
Mary Finnigan and Rob Hogendoorn wrote about this in Sex and Violence in Tibetan Buddhism. 
“[Jamyang Khyentse] Chokyi Lodro was a tyrant who punished monks ten at a time. When a flogging was ordered, Rinpoche insisted on four or five hundred lashes and he always watched from the window of his residence when the punishment was delivered.
For some people, being hit on the head is alleged to be a healing method; Chokyi Lodro once knocked a lama nearly unconscious because his blood was said to be toxic. The beating allegedly induced a complete recovery. Orgyen Topgyal even alludes to the possibility that he may have assaulted his young wife. “I haven’t heard that Rinpoche ever hit her, but people tend not to talk about such things".[6].
The day after Sogyal Lakar, Chokyi Lodro’s disciple, lost his temper and hit a nun in her stomach in front of a large audience, he declared this was part of “his method”.
"The next day, one of the Rigpa hierarchy addressed the doubters. Sogyal, he said, was upset that people should be questioning his methods. If people didn’t understand what had actually happened, then they probably weren’t ready for the promised higher-level teachings, and Sogyal would not teach again during the retreat." The Telegraph, Sexual assaults and violent rages... Inside the dark world of Buddhist teacher Sogyal Rinpoche, Mick Brown, 21/09/2017
The Tibetan term for what we see translated as “disciplining”, “converting”, “taming”, “breaking in”, “subjugating” is btul ba or dul ba, in Sanskrit vinayati and damya. In the Mahā-prajñāpāramitā-śastra (The treatise on the great virtue of wisdom), attributed to Nāgārjuna, the Buddha is called “puruṣa-damya-sārathi”, “‘Leader of the caravan of men to be converted”.
The doctrine of the Buddha is a chariot, the disciples are the horses,
The true dharmas are the merchandise, the Buddha is the leader.
When the horses stray from the path and wander from the way,
The Buddha corrects them and controls them
.” MPS
If you wonder why “the caravan of men”, MPS anticipated you’d wonder about this, and provides an answer:
Question. – The Buddha converts (vinayati) women (strī) also and makes them fond of the Path. Why is it a question of men only [in the name puruṣadamyasārathi]?
Answer. – Because men are noble whereas women are lowly, because the woman follows the man and because the man [alone] is master of his actions
."
A good disciple is a meek (dul ba) disciple, or as Chogyam Trungpa would put it:
Well, don’t be amazed to find that actually the whole teaching is simply emptiness and meekness.” Trungpa in conversation with Allen Ginsberg[7].
In Tibetan Buddhism, including as taught and practiced in the West, students are required to practice the “Four Foundations of Buddhist Practice” (sngon 'gro), the last one is specifically called “Guru-Yoga” (bla ma’i rnal ‘byor), but even the first one presents a Refuge tree with the specific lamas of a specific lineage, and the lama is the center of all four practices. One of the books still used as an explanation of these practices, including in the West, is Jamgon Kongtrul’s The Torch of Certainty, Shambhala Publications Inc.
Failure to appreciate the guru's kindness reveals lack of esteem for the Dharma. If you lack such esteem, all your Dharma practice will be futile and will net you no positive qualities no matter how hard you try. If, due to this lack of esteem, you take the arrogant view that it is impossible for the guru to acquire positive qualities, or you take the diffident view that it is impossible for the rest of us to do so, you are meditating with a perverted attitude. Since you have fallen into the first transgression, all your previously accumulated merit is swept away ! Re- spect for the guru and the Dharma will arise of their own accord if you appreciate the guru's kindness. All positive qualities will then be yours spontaneously, with no effort on your part.

Buddhajñānapāda's faithless perception caused him to see Manjushri as a married monk with children. This perception obstructed his attainment of supreme siddhi. Similarly, your own mental attitude causes you to see faults in the guru. How can a Buddha have faults? Whatever he does, let him do it! Even if you see your guru having sexual relations, telling lies and so on, calmly meditate as follows: "These are my guru's unsurpassed skillful methods of training disciples. Through these methods he has brought many sentient beings to spiritual maturity and liberation. This is a hundred, a thousand times more wonderful than preserving a pure moral code! This is not deception or hypocrisy but the highest mode of conduct!" In particular, when he scolds you, think: "He is destroying my bad deeds!" When he hits you, think: "He is chasing away the demons who obstruct (my spiritual progress]!" · Above all, consider the fact that your guru loves you like a father loves his son. His friendship is always sincere. He is very kind. If he seems displeased or indifferent toward you, think that this is the retribution which will remove your remaining karmic obscurations. Try to please the guru by serving him in all ways possible. In brief, do not find fault with the guru.[8]
This will lead to the Perfection of Meekness and the attainment of supreme siddhi. Once a guru yourself, you will require the same of your own “manly” students. As for the other ones, “make them fond of the Path”.

***

[1]Jueguan lun,” in Suzuki Daisetsu Zensh, Vol. 2, ed. D. T. Suzuki (Tokyo: Iwanami shoten, 1980 [1968]) (94a1–5). Quoted by Bernard Faure, Afterthoughts in Michael Jerryson’s Buddhist Warfare (2010.

[2] Ibid. Bernard Faure

[3] Ibid. Bernard Faure

[4] See my French language blog “Le phallus qui soumet la nature et la femme” 01/02/2014

[5] Ibid. Bernard Faure
Also see my blog La promotion fulgurante de l’ambitieux yaksha Vajrapāṇi 20/11/2011

Le Dict de Padma contient un exemple de conversion particulière. Les 24 territoires (S. pīṭha) sont contrôlés par les dieux et démons (S. vighna) sous les ordres de Rudra en faisant souffrir les habitants. Rudra, résidant à Pretapuri, doit être converti pour que la doctrine bouddhique puisse se répandre. Evidemment, Vajrapāṇi sera de la partie. Ce sont Hayagrīva et Vajravārāhi, le cheval et le sanglier, qui sont chargés de cette mission par la congrégation de bouddhas. Hayagrīva pénètre par la "porte du bas" de Rudra, jusqu’à ce que sa tête de cheval sorte par le sommet de la tête de Rudra. Les bras et les jambes de Rudra s’étendent. Vajravārāhi pénètre par le bhaga (vagin) de sa compagne (Umā[7]), et sa tête de sanglier sort du sommet de la tête de la compagne. L’union (T. zhal sbyar) de "Cheval" (Hayagrīva) et de "Cochon" (Vajravārāhi) donne naissance à une manifestation de Vajrapāṇi portant le nom Bhurkumkuta (T. rta phag zhal sbyar dme ba brtsegs pa[8] bskrun [9]). Le culte de Vajravārāhi (Kubjikā) est cependant apparu après l'époque du roi Khri srong lde btsan.”

[6] Finnigan, Mary and Hogendoorn, Rob. (2019). Sex and Violence in Tibetan Buddhism, The rise and Fall of Sogyal Rinpoche, Jorvik Press, p. 25

[7] When the Party’s Over, interview avec Allen Ginsberg in Boulder Monthly, mars 1979.
“ He said, well, the problem with Merwin — this was several years ago — he said, Merwin’s problem was vanity. He said, I wanted to deal with him by opening myself up to him completely, by putting aside all barriers. “It was a gamble.” he said. So I said, was it a mistake? He said, “Nope.” So then I thought, if it was a gamble that didn’t work, why wasn’t it a mistake? Well, now all the students have to think about it —so it serves as an example, and a terror. But then I said, “What if the outside world hears about this, won’t there be a big scandal?” And Trungpa said, “Well, don’t be amazed to find that actually the whole teaching is simply emptiness and meekness.”

[8] Jamgon Kongtrul. (1977). Torch of Certainty, translated by Judith Hanson, Foreword by Chogyam Trungpa.