mardi 27 février 2024

Sur la bandaison spirituelle et la "puissance mâle" de l'âme

Herma (Hermès ithyphallique) en bronze, 490 av. JC (The Met)

Pour approfondir ce sujet, je vais regarder du côté des naassènes (qui ne sont pas les ophites[1]) et qui constituent un groupe particulier de “gnostiques”[2]. Nous les connaissons principalement (et négativement) par La Réfutation de toutes les hérésies, attribuée à tort à Hippolyte de Rome[3], et dont l’auteur est désormais appelé le “Réfutateur”. La réfutation des naassènes dans ce livre est probablement basée sur un texte de type sermon. M. David Litwa (2024) a (re)traduit le passage de La Réfutation de toutes les hérésies et reconstitué le “sermon naassène”, qu’il attribue à un prédicateur anonyme (“le Prédicateur”). Dr. Litwa reconstruit ensuite hypothétiquement la doctrine et le praxis dans le groupe de ce Prédicateur naassène de la région d’Alexandrie, disposant à l’évidence d’une bonne bibliothèque….

Même si cela n’est pas si exceptionnel dans ce milieu, on est frappé par la grande ouverture d’esprit et l’attitude très inclusive et universaliste du Prédicateur qui puise dans des sources gréco-romaines (Homère, Platon, …), égyptiennes, judaïques, chrétiennes, assyriennes…, à la fois de lumière divine et humaine, dans une optique de déification ouverte à tous, mais pas sans sacrifices… Déification dans le sens d’une continuation incorporelle (ἄνευ τε σωμάτων, Phédon 114c[4]). Pour le Prédicateur naassène il s'agit, outre cette continuation, d’ “atteindre la non-génération (ingeneracy), ou "la sortie de la roue de la naissance et de la renaissance[5]. Dr. Litwa observe que pour Clément d’Alexandrie, l’âme est destinée à une ascension au-delà des sept sphères à échapper à la naissance et à l’engendrement même[6]. Un nirvāṇa divin. Sans corps psychique”, “noétiqueetpneumatique “qu’est-ce qui” continue ? Cest une question mal posée aurait dit le Bouddha (Phagguna Sutta). Les Fils de Lumière n’hésitent pas à faire des affirmations sur l’étincelle divine, le soi véritable ou “la puissance mâle de l’âme[7] ?

Dans mon blog Création pure et impure, lumière divine et humaine, nous avions vu le processus de création ou d’émanation “pure” en couples (syzygies), et logiquement l’âme est constituée d’une part mâle et féminine. La “puissance mâle” est considérée comme la “partie supérieure” de l’âme, ou de l’esprit (“male mind[8]). Cette idée peut être pris au premier degré, mais nous verrons que ce n’était sans doute pas le cas chez les naassènes.
“[Pierre : ] Que Marie sorte du milieu de nous car les femmes ne sont pas dignes de la vie. Et Jésus répond à cela: Voici, je l'attirerai afin de la faire mâle, pour qu'elle devienne, elle aussi, un esprit vivant semblable à vous, mâles. Car toute femme qui se fera mâle entrera dans le Royaume des cieux.” Evangile de Thomas, logion 114[9].
Platon affirmait qu'il était nécessaire "d'exercer la partie supérieure de l'âme, qui n'est autre que l'intellect, de telle sorte qu'elle se mette en harmonie avec l'univers et s'assimile à la divinité."[10]
Les stoïciens conçoivent une partie hégémonique ou directrice de l'âme, un principe directeur qui est "le meneur", "le chef", "le commandant"[11].
Le bouddhisme (Dhammapada) suit une ligne similaire : "Le mental est l'avant-coureur des conditions, le mental en est le chef, et les conditions sont façonnées par le mental. Si avec un mental impur, quelqu'un parle ou agit, alors la douleur le suit comme la roue qui suit le sabot du bœuf."[12]

Un des exercices de Marc Aurèle, consistait à circonscrire le "vrai" moi et de le délimiter du "fleuve en flux perpétuel". Il établit qu'une personne se compose de trois choses : le corps, le souffle vital (pneuma, l'âme qui anime le corps) et l'intéllect (noûs). De ces trois choses, deux sont acquises, mais la puissance intellectuelle, qui s'élève au-dessus des entrelacements du Destin, qui est pure et libre pour elle-même, est nôtre[13].

Il semble évident que cette “partie supérieure de l’âme” ou “puissance intellectuelle” corresponde à ce que certains appellent la partie “mâle” de l’âme ou de l’esprit, sans forcément prendre “l’âme” dans un sens religieux. Dans la Politique, Aristote en fait aussi une affaire de “puissance d’agir“ “genrée” :
“ ‘Y-a-t-il quelqu’être pour lequel il soit préférable et juste d’être esclave ? ‘, demande Aristote. Le philosophe répond en affirmant que l’autorité et la hiérarchie sont naturelles parce que nécessaires et utiles. Par exemple, l’âme commande au corps, l’intellect au désir, l’homme à l’animal, le mâle à la femelle, et certaines notes le font même à d’autres en musique. L’inversion de ces hiérarchies naturelles est un symptôme de dérangement, comme dans la vieillesse, où le corps commande à l’âme, ou dans un ménage disharmonieux, où la femme commande à l’homme.[14]
Le même type d’argument se retrouve chez certains propos de Paul
Toute femme qui prie ou prophétise tête nue fait affront à son chef car c'est exactement comme si elle était rasée. Si la femme ne porte pas de voile, qu'elle se fasse tondre! Mais si c'est une honte pour une femme d'être tondue ou rasée, qu'elle porte un voile! L'homme, lui, ne doit pas se voiler la tête: il est l'image et la gloire de Dieu; mais la femme est la gloire de l'homme. (1 Co 11,5-7)[15]
Par nature, ou parce que tout est idéologiquement mis en oeuvre pour qu’il en soit ainsi, la femme, contrairement à l’homme, n’aurait pas de puissance d’agir (agency), et certains appliquent cette théorie également à l’âme avec ses deux parties, supérieure et inférieure, active et passive (“sensitive[16]). Cette idée se trouve même au XVIIème siècle dans les théories du quiétisme de Molinos, ici présentée par Jules Lemaître (dans Fénelon) :
“6° Notre libre arbitre une fois remis à Dieu avec le soin et la connaissance de notre âme, il ne faut plus se soucier des tentations ni prendre la peine d'y résister. Les représentations et les images les plus criminelles qui affectent alors la partie sensitive de l'âme sont tout à fait étrangères à la partie supérieure. L'homme n'est plus comptable à Dieu des actions les plus criminelles, parce que son corps peut devenir l'instrument du démon, sans que l'âme, intimement unie à son Créateur, prenne aucune part à ce qui se passe dans cette maison de chair qu'elle habite.
(Ici nous rejoignons les Paterniens, les Nicolaïtes et les Bégars.
)”
Molinos est mort en prison. L’involonté et la passivité, même théopathique, n’étaient pas appréciées à l'époque.

On verra que chez les naassènes, cette duplicité de l’âme n’était pas insurmontable.
"Les humains ont une âme inférieure, qui comprend un ensemble de passions et de pulsions. Mais il y a aussi une âme supérieure, que le Prédicateur appelle "la puissance masculine" (5.7.13), que l'on peut identifier à l'esprit (noûs). Ce mental, ou esprit, est le véritable humain à l'intérieur : la "personne intérieure" et la "graine de moutarde" dans le langage biblique.

60 Dieu et l'humanité
C'est la partie de l'humain qui est consubstantielle au Fils de Humain.
L'objectif des naassènes est de détacher cet esprit divin du corps et de l'âme inférieure pour devenir un esprit pur et immortel - un "dieu" dans les hauteurs (5.7.39 ; 5.8.24-30)
[17]."
Mythologiquement et iconographiquement, l’aspect ithyphallique d’Osiris et Hermès, et même l’autocastration d’Attis, représentent la puissance mâle de l’âme, le véritable soi, le noûs, qui pointe vers le ciel[18].
"La particularité de l'interprétation du Prédicateur réside dans sa lecture spirituelle et platonicienne de cette énergie. L'énergie signifiait le pur pouvoir noétique du Dieu humain, une force sans mort, sans corps ni mauvaises émotions. L'Humain - ou plutôt le Fils de l'Humain - pouvait donc bien être symbolisé par le phallus, malgré le fait que l'Humain était androgyne. Contrairement à Jésus, l'Humain n'avait rien de littéralement masculin - il n'avait pas de pénis matériel ni de testostérone. Il était plutôt une pure énergie noétique et pouvait être appelé "Intellect" (5.10.2). On peut ici comparer Plotin, un platonicien sobre d'esprit éduqué à Alexandrie, qui allégorisa le phallus une génération plus tard. Il a fait la remarque suivante : "Je pense que les sages d'antan font mystiquement allusion à quelque chose dans les rites à mystères lorsqu'ils représentent l'ancien Hermès comme ayant toujours son organe générateur actif. Ce faisant, ils montrent que ce qui génère les choses dans le monde sensible est le Logos intelligible". Cette conception n'est pas très éloignée de l'interprétation de Naassène. Hermès est le Logos créateur, mais le Logos, pour le Prédicateur, c'est aussi Jésus et le Fils de l'homme.[19]
Pour le Prédicateur, les rapports sexuels, notamment entre un homme et une femme, étaient proscrits, car ils ne produisaient que des futurs morts[20]. L’unique échappatoire à la mort était le baptême avec de “l’eau céleste”, une substance spirituelle. Ceux qui se plongeaient dans l’eau spirituelle passèrent par “la porte véritable”, Jésus le béni (5.9.21), la troisième porte par laquelle Paul fut passée… En y passant, on se sépare de son habit de chair, et l’on entre dans une communauté spirituelle, où des esprits purs se rencontrent. Ce baptême/passage avait pour résultats de faire des fiancés (“mâles”= androgynes, “grooms”) des hommes et des femmes baptisés. Les femmes baptisées, devenues des “esprits mâles” pouvaient se distinguer par un habit (de moine) particulier.
Quant à toi, Mariamné [Marie-Madeleine], change de costume et d'apparence: dépouille tout ce qui, dans ton extérieur, rappelle la femme, la robe d'été que tu portes, ne laisse pas la frange de ton vêtement traîner par terre." [Actes de Philippe 95]

Marie porta dès lors un habit de moine. Cette image de sainte se maintint dans la tradition chrétienne. Au Moyen Âge, Marie-Madeleine fut canonisée et devint l'objet d'un grand culte.”[21]
Dr. Litwa observe que le “genre” des “fiancés” était de toute façon instable, puisqu’ils avaient été “émasculés par l’esprit vierge” (The Naassenes). Les eaux baptismales étaient “séminales”.
Les semences de l'Humain étaient arrosées et poussaient à l'intérieur des individus. Le baptême signifiait la renaissance, et plus précisément la naissance spirituelle (Jean 3,6, cité dans 5.7.40). La naissance spirituelle ne créait pas des enfants destinés à mourir, mais des êtres spirituels immortels appelés "dieux" (Ps 82,6)[22]".

Selon le Prédicateur, le pénis castré ou la "puissance masculine" de l'âme représente l'esprit purifié, coupé des forces de la naissance mortelle. Le prédicateur révélait ainsi le sens profond du mythe [de Cybèle]"[23].
Le Prédicateur utilise et interprète ces mythes pour soutenir sa propre thèse. Le pénis castré, le phallus d’Osiris/Dionysos/[Siva]/Hermès, etc., ithyphalliques, signifie pour les Naassènes, la “puissance mâle” de l’âme de tous les “promis”, masculins et féminins.

Pour les naassènes, cela faisait partie de la rédemption. Le baptême par l’eau céleste était suivi par le rituel de l’onction avec de l’huile dite “ineffable” (chrème ?), qui permettrait la “sortie du cosmos”. Ceux qui recevaient l’huile, recevaient "le vierge”, "le pur esprit”, et rejoignaient “la race sans roi” (abasileus genea).
Ils étaient sans roi parce qu'ils étaient "déjà rois" (1 Cor 4:8), exerçant leur autorité non pas sur les nations mais sur leurs désirs corporels.[24]
Après le baptême et l'onction, les chrétiens naassènes partageaient la plénitude du royaume supercosmique (5.8.30, 5.8.2).”
A la différence de la plupart des théories bouddhistes ésotériques, et certainement de son praxis, il n’y a pas de distinction entre les “promis” hommes et femmes, après le baptême et l’onction, qui correspondent à une “renaissance” qui serait la véritable “naissance spirituelle”. Il n’y aura pas de retour métempsychique, pas de nécessité pour les femmes de naître d’abord dans un corps mâle. Chez les naassènes, la “puissance masculine” de l’âme n’est pas naturellement opérationnelle chez les hommes. Le corps spirituel et sa "puissance mâle" n’est pas genré, mais “androgyne”. Hommes et femmes doivent passer par le baptême et l'onction pour l’obtenir.

***

[1] M. David Litwa, Found Christianities: Remaking the World of the Second Century (London: T&T Clark, 2021), 99–111, 276–87

[2] Voir M. David Litwa, The Naassenes, Exploring an Early Christian Identity, Routledge, 2024


[3]This anonymous author—wrongly identified with a Roman martyr called Hippolytus—was the greatest heresy hunter of his time.4 I will call him “the Refutator” after the name of his magnum opus, The Refutation of All Heresies.” M. David Litwa, The Naassenes, Exploring an Early Christian Identity, Routledge, 2024

[4] "Ceux qui se trouvent suffisamment purifiés par la philosophie", se distinguant des autres, "vivent absolument sans corps pour la suite du temps et parviennent à des demeures plus belles encore que celles-là" (114 c).” Françoise Frazier, Collection de l'Institut des Sciences et Techniques de l'Antiquité, Année 2007, 1079 pp. 189-202 Une relecture du mythe final du Phédon. Le philosophe et son logos.

En anglais : “[114c] they mount upward into their pure abode and dwell upon the earth. And of these, all who have duly purified themselves by philosophy live henceforth altogether without bodies, and pass to still more beautiful abodes which it is not easy to describe, nor have we now time enough.” Plato. Plato in Twelve Volumes, Vol. 1 translated by Harold North Fowler; Introduction by W.R.M. Lamb. Cambridge, MA, Harvard University Press; London, William Heinemann Ltd. 1966.

[5] M. David Litwa, You Are Gods: Deication in the Naassene Writer and Clement of Alexandria,
Journal: Harvard Theological Review / Volume 110 / Issue 1 / January 2017Published online by Cambridge University Press: 21 December 2016, pp. 125-148Print publication: January 2017

For the Naassene writer, deication is not just the immortal continuation of this form of life. It means attaining ingeneracy, or breaking out of the wheel of birth and rebirth.”

[6] Les Stromates. “The soul is one day destined to rise above the seven heavens and escape from birth and generation itself (ἐξαναδύναι γενέσεως [Strom. 4.25.159.2] (SC 463:322.10)]; cf. γενέσεως ὑπεξαναβᾶσα [Strom. 4.25.155.4 (SC 463:316.17)]).”

[7] "L’âme mâle", "l’âme énergétique", “la dimension vibratoire du corps”, etc.
The “male power of the soul” (the true self or divine spark) is meant to depart completely from the body and rise to God (Ref. 5.7.13).” Litwa, You are gods, p. 143

[8]For the Preacher, one no longer engaged in “male” and “female” works (begetting and childbearing).” In this androgynous state, the baptizand was putatively freed from sexual desire. Sex drive was transmogrified into spiritual drive, a lust for union with the ultimate Human, made possible by the Son of Human clothed in flesh. Baptizands were empowered to cut themselves off from sexual activity in order to ensure their spiritual productivity. They attained spiritual fertility by sending their “male” minds above (5.7.13), living as though the body were a corpse, and—in Platonic language—engaging in the “practice of death” (detaching the higher consciousness from the flesh by rising above the world of sense).” Dr. Litwa, The nasseenes

[9] Cité par Catherine Barry dans Des femmes parmi les apôtres, 2000 ans d’histoire occultée, Les grandes conférences, 1997, p. 31

Il y a deux niveaux de langage dans cette citation. Pierre s'attaque à Marie-Madeleine en raison de la différence physique, ce qui témoigne d'une discrimination à l'égard des femmes. Jésus répond à un autre niveau, symbolique, qui fait appel à l'enseignement sur la nature di- vine qui est androgyne. Toute âme est féminine et doit retrouver sa partie måle pour pouvoir entrer dans le Royaume. Il n'est plus question des différences physiques entre hommes et femmes: cela ne compte plus, car le corps est voué à la mort. Seule l'âme peut aspirer à la vie éternelle.”

[10] Hadot, Qu'est-ce la philosophie antique p. 108

[11] Les stoïciens I, Frédéric Lidefonse, p. 172

[12] Dhammapada, Les dits du Bouddha, Albin Michel p. 29

[13] Pierre Hadot, La citadelle intérieure, p. 130

[14] L’esclavage selon Aristote, Romain Treffel, article en ligne.
"§ 8. Reconnaissons donc que tous les individus dont nous venons de parler ont leur part de vertu morale, mais que la sagesse de l’homme n’est pas celle de la femme, que son courage, son équité, ne sont pas les mêmes, comme le pensait Socrate, et que la force de l’un est toute de commandement ; celle de l’autre, toute de soumission. Et j’en dis autant de toutes leurs autres vertus ; car ceci est encore bien plus vrai, quand on se donne la peine d’examiner les choses en détail. C’est se faire illusion à soi-même que de dire, en se bornant à des généralités, que « la vertu est une bonne disposition de l’âme », et la pratique de la sagesse ; ou de répéter telle autre explication tout aussi vague. À de pareilles définitions, je préfère de beaucoup la méthode de ceux qui, comme Gorgias, se sont occupés de faire le dénombrement de toutes les vertus. Ainsi, en résumé, ce que dit le poète d’une des qualités féminines :
Un modeste silence est l’honneur de la femme, est également juste de toutes les autres ; cette réserve ne siérait pas à un homme
.”
Aristote, Politique, Chapitre V, traduit par Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, 1874

Voir aussi mon blog Être, être déterminable et ne pas être.

[15] Cité par Catherine Barry dans Des femmes parmi les apôtres, 2000 ans d’histoire occultée, Les grandes conférences, 1997, p. 37

Il faut voir ici pourquoi le port du voile s'imposait. La femme était considérée comme la «propriété privée» d'un seul homme, son mari, et le principal honneur auquel elle pouvait prétendre dans la vie était de lui être fidèle. Une femme recluse à la maison était fidèle aux yeux de tous. Mais si elle s'exposait aux regards ou qu'elle sortait trop librement de chez elle, elle laissait alors planer un doute sur sa chasteté. Et une femme suspectée d'adultère était presque aussi déshonorée que si elle l'avait de facto commis.”

[16] P.e. cela se trouve encore dans les notions Sense and Sensibility (Jane Austen)

[17]Humans have a lower soul, which includes a set of passions and drives. Yet there was also a higher soul, what the Preacher called “the male power” (5.7.13), which one can identify with mind (nous). This mind or spirit is the true human within: the “inner person,” and “mustard seed” in biblical language.

60 God and Humanity
This is the part of the human that is consubstantial with the Son of Human.26 The Naassene goal is to detach this divine mind from the body and the lower soul to become a pure, immortal spirit—a “god” on high (5.7.39; 5.8.24–30).
” Dr. Litwa, The Naassenes

[18]The Preacher specifically linked Hermes’s creative role with his erect phallus as depicted in the cult statue at Cyllene. Hermes’s erect penis apparently had the same allegorical meaning as the castrated genitals of Attis (5.7.15), and the erect phallus of Osiris (5.7.23, 27). The “male power” of the soul, the true self or nous, is what curves upward to heaven.”

[19]What was distinctive about the Preacher’s interpretation was his spiritual and Platonic reading of this energy. The energy signified the pure noetic power of the Human God, a deathless force removed from bodies and bad emotions. The Human—or rather Son of Human—could thus well be symbolized by the phallus, despite the fact that the Human was androgynous. As opposed to Jesus, there was nothing literally male about the Human—he did not have a material penis or churning testosterone. Rather s/he was pure, noetic energy and could be called “Intellect” (5.10.2). Here one can compare Plotinus, a sober-minded Platonist educated in Alexandria, who allegorized the phallus a generation later. He remarked: “I think the sages of old mystically hint at something in the mystery rites when they portray the ancient Hermes as always having his generative organ active. In so doing, they show that what generates things in the sensible world is the intelligible Logos.” This understanding is not far from the Naassene interpretation. Hermes is the creator Logos, but the Logos, for the Preacher, is also Jesus and the Son of Human.”

[20]According to the Naassene report, “the intercourse of a woman with a man is exposed and established as an entirely evil and forbidden act” (5.7.14).

Apparently, the Preacher likened sex to the work of pigs and dogs (5.8.33). These pigs and dogs include other Christians who engage in mortal sex for the production of children doomed to die.”

[21] Cité par Catherine Barry dans Des femmes parmi les apôtres, 2000 ans d’histoire occultée, Les grandes conférences, 1997, p. 34

[22]The seeds of the Human were watered and sprouted inside individuals. Baptism meant rebirth, and specifically spiritual birth (John 3:6, quoted in 5.7.40). Spiritual birth did not create children destined to die, but immortal spirit beings called “gods” (Ps 82:6)”.

[23]According to the Preacher, the castrated penis or “male power” of the soul represents the purified mind cut off from the forces of mortal birth. In this way, the Preacher revealed the deeper meaning of the [Cybele] myth.

[24]They were kingless because they were “already kings” (1 Cor 4:8)—exercising authority not over nations, but over their bodily desires.” The Naassenes

lundi 26 février 2024

Création pure et impure, lumière divine et humaine

Urizen, le démiurge de William Blake (British Museum)

Lire les textes “gnostiques” et lire sur les “gnostiques” me fascine, car rien ne semble encore figé à Alexandrie. La pensée est encore vivante car traversée par différents apports mythologiques, culturels, religieux, philosophiques, même si le fond de l’air est théiste avec un Dieu et une création/émanation, les forces des Lumières et les forces de l’Obscurité. Le coeur du problème est la Nature de ce Dieu, à la fois Source et Destination. Comment préserver sa transcendance tout en permettant son immanence ? Comment faire pour qu’il soit à la fois inaccessible et accessible ? L’idée d’intermédiaires et de sas spatiaux et temporels semble alors évidente. Cela est très clair dans le groupe des Séthiens, et notamment dans les versions brève et longue de leur écrit L’Apocryphon de Jean/Le Livre des secrets de Jean (BG ; NH III, traduction française de Bernard Barc), qui reflète la révélation faite par un enfant/vieillard de lumière à Jean. L’enfant/vieillard est avec Jean en tout temps. Il est à la fois le Père, la Mère et le Fils. Il est éternel, sans souillure et sans mélange. Il apparaît à Jean pour lui révéler la génération inébranlable de l’Homme parfait.

Ce texte adressé aux hommes imparfaits, mais idéalement en voie de perfection, est à toute évidence une création littéraire, où des prêtres et des philosophes moyen-platoniciens ont eu la main. Leur présence se ressent dans le vocabulaire choisi, et dans les actes divins qui sont comme des rites. Le texte parle un langage et utilise des images que les homme imparfaits et leur monde puissent reconnaître et comprendre aisément. “Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas” en quelque sorte. En haut le monde intelligible (manifestation pure), et en bas le monde sensible (manifestation impure) ; le reflet impur, où le pur est inaccessible à cause des déformations causées par les passions, etc.

Pour ce qui est de la part transcendante du modèle intelligible, elle est appelée Monade, l’Esprit invisible et inconnaissable, à part par Lui-même. Cette connaissance directe et non-déformée (pure) est l’Esprit se pensant (tib. dgongs pa) en Lumière. Cette Pensée est une Puissance, et de cette Puissance (Barbélô) procéderont tous les éons (s. kalpa) temporels, où seront engendrés les générations. Barbélô est la Puissance suprême tournée vers l’Un, la Monade, constituant comme un cercle fermé “masculin” avec la Monade.

Étant tourné vers la Monade, l’Un, la Puissance suprême “manifeste la masculinité du Père en cinq éons ; tournée vers le multiple, la Puissance suprême manifeste sa féminité dans cinq autres éons, se constituant ainsi elle-même comme l’Homme primordial androgyne, Mère-Père (BG 26,15-29,18)[1]” Dans ce premier “cercle fermé”, il y a donc le Père, la Mère-Père androgyne (tournée vers l’Un) et le Fils primordial androgyne (tournée vers le multiple). Quand la Mère-Père androgyne (Barbélô) est tournée vers l’Un, le Père, elle manifeste la masculinité du Père, et quand elle se tourne vers le multiple, elle est le Fils primordial androgyne, et manifeste sa propre féminiité dans cinq autres éons.

De cette façon, la “féminité” est présente en puissance dans la Monade/l’Un quand celui-ci se pense lui-même, dans un cercle fermé, et c’est sa Pensée, la Mère-Père androgyne (Barbélô), qui en se tournant vers le multiple, exprime sa féminité. Tout est parfait quand l’Un fait face à sa Pénsée en cercle fermé, mais l’Un est en quelque sorte désolidarisé de sa Pensée, quand celle-ci se tourne vers le multiple et manifeste sa féminité créatrice. C’est un premier intermédiaire et un premier sas. Cela ne suffit pas pour désolidariser tout à fait l’Un.

Même si le Fils primordial androgyne est en essence la Mère-Père androgyne (Barbélô), tournée vers le multiple, il est comme un nouvel intermédiaire. Puisque ce Fils a été “conçu dans la pensée de l’Esprit et dans le silence (BG 31,10-11)", et engendré par la Mère-Père androgyne, il est inférieur à Elle, et doit être “perfectionné” par des “dons”, Bonté et Intellect. Il reçoit en outre de l’Esprit (Monade, Père) “le soin de ‘créer toutes choses par sa parole’ Logos ? C’est donc le Fils primordial androgyne qui, tourné vers le multiple, procède à la création “par sa parole”. Nous sommes toujours dans le modèle intelligible d’une création pure et éternelle (“constitué de façon parfaite et définitive”). Les "dons" que l'Esprit transmit au Fils primordial androgyne, serviront sans doute d'antécédent aux transmissions par les prêtres aux candidats du salut dans le cadre de baptêmes, ablutions, initiations, mystères, consécrations, sacrements, etc. 

Ce monde intelligible “prend la forme d’un Homme parfait véritable”, Adamas, qui est l’image de l’Homme primordial, “détenteur d’une connaissance parfaite, capable d’exprimer par la parole cette triade qui n’était jusqu’ici que pensée (BG 34,19-35, 20)”. Le mot Adamas en grec, signifie “diamant”
ἀδάμας / adámas, « inébranlable, incassable », de adamastos : inflexible, inébranlable, qui a donné l'adjectif adamantin, l'ancien nom du diamant adamant et également la désignation adamantane, hydrocarbure tricyclique de formule C10H16)”. (wikipédia Diamant)
Ce monde intelligible avec ces douze éons et ces quatre lumières, prenant la forme d’Adamas, est la création parfaite telle qu’elle avait été prévue. La continuation de la création dans le monde sensible est plus complexe. Cela était-il prévu aussi, ou un accident ? Les opinions et les croyances à ce sujet divergent. Est-ce une façon de Dieu pour connaître encore davantage sa Pensée, cette fois-ci concrétisée au niveau sensible ? Est-ce que les humains sont des sortes de cobayes dans un laboratoire sensible ? Est-ce un accident maîtrisé, voire souhaité et nécessaire ? S’il y a accident, il serait imputable à une féminité trop poussée (Sophia et l’archonte Yaldabaôth), poussant trop loin la création dans le sensible, dans la matière[2]. Quoiqu’il en soit, cette création-là dans le sensible est imparfaite, et les humains descendants d’Adam (qui n’est pas Adamas) sont imparfaits, et doivent être perfectionnés, sauvés pour réintégrer la création adamantine pure d’Adamas.

Leur imperfection les empêche de voir cette création pure, cette Réalité pure et réelle. La création pure envoie des sauveurs “détenteur[s] d’une connaissance parfaite, capable d’exprimer par la parole cette triade”, qui montrent la voie à suivre pour réintégrer la création adamantine pure. Dans cette voie “adamantine”, les humains sont purifiés, initiés, oints et perfectionnés par des prêtres, pour qu’ils réintègrent la création pure. Débarrassés de toutes leurs tares, purifiées et grâce à la connaissance parfaite, la gnose, les écailles leur tomberont des yeux, et ils apercevront de nouveau la Réalité, telle qu’elle est réellement.
Dans le Vajrayāna [véhicule adamantin], on conçoit donc deux registres de perception de la réalité relative : la réalité relative impure, conditionnée par les forces opérantes, biaisée par les obscurcissements de la connaissance et des passions, et perçue par les êtres ordinaires piégés dans le cycle des existences; et la réalité relative pure, c'est-à-dire la manifestation incomposée et inconditionnée des précédents phénomènes, sous la forme des déités vides et lumineuses. Cette dernière est l'expression formelle de la vacuité ou réalité absolue.

Toute l'efficience de la pratique repose sur le fait qu'elle n'est que le rétablissement de la perception pure de la réalité relative : l'exercice répété de la visualisation, associé à la récitation des mantra, l'énergie sonore de la Réalité, purifie et transforme peu à peu la perception ordinaire qui finit par s'effondrer ou se déchirer comme un rideau usagé pour faire place à la vision pure. L'union indivisible de la vacuité et de la clarté se manifeste alors pleinement comme les formes pures du tathāgatagarbha enfin actualisé
.” (P. Cornu, Livre des Morts Tibétains, p. 180-181)
C'est au XIVème siècle, avec la Révélation de Karma Lingpa (1326–1386), qu'apparaît un sixième Bardo de "la réalité relative pure" (t. chos nyid bar do), qui introduit une deuxième réalité "relative" divine et donc supérieure car réellement susceptible d'apporter "le salut" dans le bouddhisme des Anciens, et qui ouvre la perspective aux prêtres d'élargir leur offre de services post-mortem. Cela fera une troisième vérité "religieuse", en plus de la vérité ultime et la vérité relative "ordinaire". Celle-ci permettrait un salut "Réel" contrairement au "repos inférieur" de "l'Intellect-foi" (voir ci-dessous).

Dans l’ogdoade, à la huitième terre, au-dessus de la sphère des sept planètes du sensible, l’homme perfectionné, en s’approchant du plérôme et de la Pensée de Dieu, verra enfin “les déités vides et lumineuses” du monde intelligible.
Puisque l'Homme parfait véritable a conçu le modèle de l'humanité en trois générations (BG 35,20-36,15), l'histoire humaine doit s'organiser ainsi. L'initiative en est prise par l'Archonte qui crée une femme psychique et matérielle à la ressemblance d'Épinoia, pensant ainsi attirer cette dernière (c'est-à-dire l'Esprit) dans sa créature. La tentative est évidemment vouée à l'échec mais a pour conséquence de faire passer une part de la puissance de l'Archonte, c'est à-dire de l'âme, dans la femme psychique (BG 59,6-19). Dès lors l'âme, cette puissance de la Mere confisquée par l'Archonte, se trouve divisée entre Adam et la femme psychique, tandis qu'Épinola détient l'esprit. L'humanité naîtra, en conséquence, d'un double mariage d'Adam. S'unissant d'abord à la femme psychique et matérielle, il donne naissance à une lignée de “psychiques” tiraillés entre l'esprit et la matière (BG 63,2-9) et placés sous le contrôle de deux archontes, Yaoué-Caïn et Eloïm-Abel (BG 62,3-63,1; 63,10 12). S'unissant ensuite à Épinoia, la femme spirituelle, Adam donne naissance à Seth et à la lignée des “spirituels” (BG 63,12-16). Toutes ces âmes ont pour vocation de reconstituer le monde intelligible mais par des voies spécifiques que l'auteur décrit en clair dans un petit traité des fins dernières (BG 64,14-71,2). Tandis que certains descendants de Seth accèdent directement à la connaissance (BG 72,12-73,18), d'autres choisissent de se laisser enfermer dans le monde archontique pour venir en aide aux âmes des psychiques qui s'y trouvent enfermées (BG 73,17-75,13). Telle est la situation actuelle.” (EG, Pléiade p. 210)
Sophia, la mère de Yaldabaôth, le créateur du monde sensible, était le douzième éon pur du Fils primordial androgyne/Barbélô. Agissant seule sans l’accord des cinq éons mâles du Père, il y a eu une rupture de son état androgyne Mère-Père, et elle devient uniquement Mère. “Une partie d'elle-même nommée Sophia se projette hors de l'intelligible”, dans le sensible, l'autre partie, nommée “Epinoia de la lumière” demeure dans l’intelligible. L’union de la Sophia “sensible” et d’Adam donne naissance à la lignée des “psychiques” (empêtrés dans le sensible), Caïn et Abel. L’union d’Epinoia et d’Adam, donne naissance à la lignée des “spirituels” de Seth (ayant préservé le lien avec l’intelligible). La part “spirituelle” semble liée aux cinq éons mâles du Père, et sans doute à "la part mâle de l'âme" sur laquelle je reviendrai une autre fois. 

Tous les humains, descendants de Sophia/Epinoia ont une parcelle de Lumière et donc une possibilité de remontée vers l’intelligible, mais se divisent en trois races/familles ou “filiations spirituelles” (g. genea s. gotra, kula t. rigs). Ce qui est très remarquable chez les Sethiens, c’est “que certains descendants de Seth accèdent directement à la connaissance” tandis que “d'autres choisissent de se laisser enfermer dans le monde archontique pour venir en aide aux âmes des psychiques qui s'y trouvent enfermées”. Des bodhisattvas pourrait-on dire.

Dans d’autres groupes de chrétiens (“gnostiques”), comme ceux à l’origine de La Sagesse de Jésus-Christ (NH III,4 ; BG 3, traduction en ligne de Catherine Barry), il y a trois “filiations spirituelles”, avec des noms différents. Dans un article de 1994[3], Catherine Barry écrit :
Dans le premier récit (VII, 23, 9-24, 29a), l'origine de l'humanité est décrite en trois épisodes, où Roberge a reconnu trois natures, ou races, d'êtres humains. Il y a d'abord les «psychiques», qui tirent leur «racine» d'un principe démiurgique mâle, «l'Obscur». Ils sont dotés d'un corps et d'une âme matériels dont la formation est attribuable au coït de puissances cosmiques mâles et femelles. Puis viennent ceux qui détiennent, en sus de leur corps et de leur âme matériels, une parcelle d'intellect, parce qu'ils ont leur racine dans « l'Intellect-Foi ». Ceux-là sont dits « noétiques». Enfin, la troisième race se révèle la plus parfaite, puisqu'elle possède, en plus du corps, de l'âme, et de la parcelle d'intellect, le don d'une pensée héritée de « l'Étonnement de l'Esprit ». Leur racine à eux est l'Esprit inengendré, et ils sont appelés les « pneumatiques ». Les trois principes d'où les trois races tirent chacune leur existence sont également mentionnés dans un deuxième récit anthropogonique (27, 34b-28, 4a), qui raconte le repeuplement suivant le déluge.”

“ La race issue de la racine de lumière s'y trouve promise à une remontée vers sa racine — donc au salut parfait —, et celle qui vient de l'Intellect-foi à un repos inférieur, précisément dans le lieu que les pneumatiques auront quitté lors de leur remontée. Quant à la race dite psychique, celle-là se verra dissoute dans la matière, c'est-à-dire dans «l'Obscur», exclue par conséquent de toute forme de repos
.[4]
Seuls les “pneumatiques” remontent vers leur racine de lumière, les “noétiques” trouvent un repos inférieur, tout comme - selon le mahāyāna - celui des auditeurs bouddhistes du “petit véhicule” aspirant à un nirvāṇa “stérile”, et les “psychiques” restent captifs dans “la matière”, tels des “icchantika”, déclarés hors-la-loi par les bouddhistes, et sont condamnés à continuer la métempsychose ou de se perdre dans le puits de l'Oubli. En effet, plusieurs groupes de chrétiens à Alexandrie croyaient à la métempsychose.

Le bouddhisme dans ses formes ésotériques du mahāyāna et du vajrayāna (véhicule adamantin) partage mutatis mutandis de nombreuses croyances, l’amour des mystères, des théories cosmogoniques, théogoniques, anthropogoniques et généalogiques avec les premiers chrétiens de l’orient, dans de nombreuses variations, y compris “internes”. Sans aller jusqu'à dire que les uns ont influencé les autres, cela est certainement dû à une “mondialisation” spirituelle dans le monde helléniste, au moment même d’une mondialisation commerciale en croissance et d’une succession de volontés d’impérialisme.

Ces éléments religieux (Lumière divine) le bouddhisme les partage avec d’autres religions, mais le bouddhisme a une part singulière qui lui est propre et qui aspire davantage à une lumière humaine.

Voir aussi 
Les trois corps éclipsés par les trois états intermédiaires   
Le bodhisattvayāna
***


[1] Ecrits gnostiques, Pléiade, p. 208

[2]L'eon responsable est nommé Sophia, dernier des douze éons du Fils. C'est elle qui, se projetant hors du modèle intelligible, donne naissance à un Fils imparfait, l'Archonte Yaldabaôth, créateur du monde sensible. Sophia n'est en fait qu'une manifestation de Bar- bélő, la (ou le) Mère Père, Puissance parfaite tournée vers l'un par sa masculinité et vers le multiple par sa féminité. Après avoir manifesté parfaitement sa masculinité dans l'Homme parfait véritable, Barbélő poursuit cette marche vers le multiple qu'implique sa fémi- nité. Elle agit donc sans l'accord des éons mâles, mais conformément au modèle intelligible de sa propre féminité. Cette fonction maternelle qui la pousse à enfanter provoque chez elle une double rupture: de Mère-Père qu'elle était, elle devient Mère et tandis qu'une partie d'elle-même nommée Sophia se projette hors de l'intelligible, l'autre, nommée Epinoia de la lumière, y demeure (BG 36,16-37,18). L'Archonte Yaldabaôth, fruit de l'impétuosité de Sophia, ne connaît du monde intelligible que l'image reflétée par sa mère. Dérobant à celle-ci une part de sa puissance, il s'empare de cette image partielle de l'intelligible et l'érige en modèle absolu. Il se crée une cour archontique qui n'est qu'une pâle imitation des éons du Fils (BG 37,18-44,9). De plus, comme il est ignorant de la masculinité des éons célestes, il se présente à ses archontes comme unique (BG 42,10-43,5), provoquant ainsi par son blasphème le «repentir » de sa mère qui décide de lui reprendre cette part de puissance dont il a fait mauvais usage (BG 44.9-47,13).

La reconquête puissance est décrite dans le troisième volet. L'instrument de cette reconquête est l'homme; c'est lui qui est chargé de reconstituer la plénitude symbolisée par l'Homme parfait véritable qui a été détruite par la sortie de Sophia
.” EG, Pléiade, p. 209

[3] Catherine Barry, Les textes de Nag Hammadi et le problème de leur classification. Chronique dun colloque, Laval théologique et philosophique, 1994

[4] Laval théologique et philosophique, Volume 50, numéro 2, juin 1994, Les textes de Nag Hammadi et le problème de leur classification. Chronique d’un colloque, Catherine Barry.

vendredi 23 février 2024

Il suffit de passer le pont...

"Dignitaires passant le pont vers la Terre pure" (détail Bridge of the Seven Treasures)
"Deux diables Courte-vie et Prompte-mort, précipitent dans les flots les âmes qui s’y engagent"

Sans syncrétisme pas de religion. Cependant, le mot syncrétisme prend souvent un sens péjoratif dans une religion qui se respecte.
Fusion de différents cultes ou de doctrines religieuses; en partic., tentative de conciliation des différentes croyances en une nouvelle qui en ferait la synthèse.”
Et pourtant, sans "syncrétisme" aucun culte, aucune religion ou spiritualité n’existerait. Le syncrétisme semble poser moins problème dans l’art, la musique, la gastronomie. Quand on touche aux croyances et aux identités culturelles, cela devient nettement plus sensible. Le terme syncrétisme semble alors vouloir dire “Chacun chez soi et les cochons seront bien gardés”, car la fusion termine si souvent en con-fusion.

Dans de nombreuses religions, sept est le nombre de perfection, et même la gamme diatonique de Pythagore consiste en 7 notes. Car il y avait initialement sept planètes connues dans notre cosmos. Toutes les religions, anciennes ou nouvelles, tiennent toujours au nombre ancien. Il ne faut pas toucher un système qui fonctionne : if it ain't broke, don't fix it. Donc la terre, les sept planètes, les dieux-planètes, et les Parfaits et Dieu au-delà, n’y touchons pas. Les sept jours de la semaine nommés d’après les sept planètes sont très bien comme ils sont. 

Les religions s’intéressent surtout à la vie de l’âme (tib. bla) après la mort et à l’au-delà. L’âme est une étincelle de lumière, ou autre semence, embourbée temporairement dans un corps, et qui aspire à retourner dans l’au-delà afin de rejoindre la Lumière divine ou l'Un.

Screen capture from Prof. dr. Wouter Hanegraaff

Les religions ainsi que les platoniciens et néoplatoniciens[1] s’intéressent notamment au voyage retour. Il faudrait que l’âme (re)traverse les sept planètes, disons sept jours pour traverser chaque sphère planétaire et les entités qui la fréquentent, soit sept fois sept, quarante-neuf jours, un long voyage, pour une âme solitaire sans boussole. Et de quoi vivra-t-elle ? Les religions offrent tous les services dont pourrait avoir besoin une âme transmigrante. Les taoïstes et les bouddhistes en Chine sont parmi les mieux outillés dans ce domaine[2]. Leur saṃsāra se limitait encore à cinq destinées, là où le bouddhisme tibétain en compte six. Les religieux ont pour tâche d’empêcher que les âmes de trépassés soient agressées lors de leur périple ou transmigrent dans de mauvaises destinées, et veillent à leur confort optimal pendant le voyage qui dure au maximum 49 jours, soit sept semaines.

Henri Doré fig. 60 la roue de la métempsychose avec 5 mondes

Grâce au système des révélations terma (gter ma), le bouddhisme tibétain, à force de multiples fusions successives à différentes époques (notamment aux XVI-XIXème siècles), a su rattraper son retard en complétant et en ajustant son outillage GPS post-mortem, et prendre même de l’avance sur toutes les autres religions. Quasiment toutes les options sont disponibles.

Henri Doré, cercueil, autel avec tablette de nom (Chine) 

Je vais me limiter dans ce qui suit aux Guides de géolocalisation mythocosmique (rigs drug gnas 'dren) et à la pratique de Korwa Dongtrouk[3] que l’on trouve dans la collection du Rinchen Terdzö de Jamgön Kongtrul (1813-1899). Comme dans les Recherches sur les superstitions en Chine (première partie) de Henri Doré, on y trouve une petite table-autel avec une tablette nominale (Tib. ming byang C. Ji Ling 祭灵), qui sert de “siège de l’âme” temporaire, le temps des rituels. “C’est une tablette en papier, une sorte de poche ou de grande enveloppe rouge rectangulaire, censée contenir l’âme [tib. bla] du défunt dont on a écrit le nom dessus” (H.Doré). 
Nous avons ici le principe de l'effigie nominale représentant le défunt, qui sert de support pour fixer son principe conscient, lequel pourra ensuite être aisément instruit. Ce substitut du corps est ici représenté par des morceaux de vêtement ayant appartenu à l'individu ou même par des fragments de ses os si les funérailles sont achevées, et par l'écriture du nom du défunt. La mention du la (tib. bla) errant, sorte d'âme vitale d'origine non-bouddhiste, est un indice de l'ancienneté probable d'un procédé qui fut par la suite adapté aux doctrines bouddhistes et approchantes du Youngdroung bön. On notera aussi la mention selon laquelle cette pratique doit être faite chaque semaine après le décès. Enfin, l'allusion aux déités paisibles et courroucées montre le lien étroit de ces rituels avec la période post mortem, lien confirmé par l'existence du Bardo Thödröl de la transmission orale (tib. sNyan rgyud bar do thos sgrol) chez les Bönpo dès le XI siècle[4].”
Dans les pratiques tibétaines, on peut trouver à la fois des éléments taoïstes, Bön, manichéens, zoroastriens, tantriques indiens (sādhana, abhiṣeka), etc. Philippe Cornu a assisté à des rituels “Nédren” (tib. gnas ‘dren), et en donne une description dans son livre.
Il m'a été donné plusieurs fois d'assister à un rituel de nédren, notamment en 1989 où celui-ci était présidé par le IVe Dodroupchen rinpoché ; en 1996 également avec l'actuel VII dzogchen rinpoché ; et en 1997, où le rituel était accompli par Tülkou Pégyal rinpoché, un maître rattaché à la tradition du monastère dzogchen et spécialisé dans les rituels des défunts. Dans tous les cas, le corps étant absent, on fabrique d'abord une carte-support portant le nom du défunt, le mingtchang ou tsentchang (tib. mtshan byang), monté sur un bâtonnet vertical : l'ensemble constitue le tchangbou (tib. byang bu). La carte-support est une feuille de papier rectangulaire sur laquelle figure le dessin du défunt assis sur un lotus, les mains en prière, surmonté d'un parasol, les syllabes Ā SU NṚ TRI PRE DU étant apposées respectivement au niveau du front, de la gorge, du cœur, de l'ombilic, du sexe et des plantes des pieds de la représentation. Ces syllabes sont celles des différentes destinées du samsara. L'idée est de purifier ces empreintes karmiques figurées sous forme de lettres, afin d'éviter que le défunt ne soit entraîné à renaître dans l'une de ces destinées. Une baguette de bois horizontale, collée en haut du dessin, permet de fixer celui-ci sur un axe vertical en bois ou en bambou planté dans un bol de riz, d'orge ou de sable. La baguette horizontale est alors recouverte d'une étoffe, si possible provenant d'un vêtement ayant appartenu au défunt. Puis un miroir, symbole de l'esprit, est soit attaché au sommet du mingtchang, soit disposé dans une coupelle placée à côté.[5]

 

Tablette nominale (ming byang) (photo : P.Cornu IV.13)
Colonne des syllabes sur la droite A Ni Tir Pre et Du 

D’abord, la conscience, ou le “continuum de conscience” pour tenter de rester dans un cadre axiomatique bouddhiste, est convoqué et fixé dans le support, la “tablette nominale” (ming byang). Impossible pour une conscience en dérive dans le bardo d’y résister. Philippe Cornu précise que les maîtres nyingmapa arrivent même, au-delà des 49 jours, à capturer des âmes (bla) ou des "continuum de conscience" dans leur nouvelle destinée misérable, et de les fixer avec le mantra NṚ YAṂ VAJRA AṄKUŚA[6] JA JA dans le “siège de l’âme” (p. 725), afin de les sauver par un Nédren de la deuxième chance. Une fois capturée, l’âme, par le biais de son “siège”, ainsi que son esprit-miroir sont purifiés par l’eau consacrée versée sur le miroir rituel. Les syllabes marqués aux différents endroits du siège-corps, Ā SU NṚ TRI PRE DU, représentent les six mondes : les dieux (Ā), les demi-dieux (SUra), les humains (NARa), les animaux (TIRyak), les mânes (PREta) et les états misérables (DUrgati). Ces syllabes-mantras correspondent à “l'énergie sonore de la Réalité”. La Réalité vibre en effet en Sanskrit.
Dans le Vajrayana, on conçoit donc deux registres de perception de la réalité relative : la réalité relative impure, conditionnée par les forces opérantes, biaisée par les obscurcissements de la connaissance et des passions, et perçue par les êtres ordinaires piégés dans le cycle des existences; et la réalité relative pure, c'est-à-dire la manifestation incomposée et inconditionnée des précédents phénomènes, sous la forme des déités vides et lumineuses. Cette dernière est l'expression formelle de la vacuité ou réalité absolue.

Toute l'efficience de la pratique repose sur le fait qu'elle n'est que le rétablissement de la perception pure de la réalité relative : l'exercice répété de la visualisation, associé à la récitation des mantra, l'énergie sonore de la Réalité, purifie et transforme peu à peu la perception ordinaire qui finit par s'effondrer ou se déchirer comme un rideau usagé pour faire place à la vision pure. L'union indivisible de la vacuité et de la clarté se manifeste alors pleinement comme les formes pures du tathāgatagarbha enfin actuali
sé.” (p. 180-181)
Rencontres du troisième type. Communiquer grâce à l'énergie sonore de la Réalité
Ā SU NṚ TRI PRE DU

Comment l’âme, ou le “continuum de conscience”, est-elle empêchée de transmigrer dans une des six destinées ? Pardi, en brûlant leurs six syllabes-germe marqués sur le support ! Après avoir été lavée par l’eau consacrée ("ignée"), et en brûlant les germes des six mondes, il est tout simplement impossible que ceux-ci se matérialisent de nouveau pour l’âme sauvée. L’effigie vide sera incinérée, mais l’âme aura déjà passé le pont.

Les Guides de géolocalisation mythocosmique (rigs drug gnas 'dren) consistent en plusieurs parties en fonction des versions extensives ou condensées :
Les préparatifs et la création du support
La convocation de la conscience et sa fixation dans le support
La séparation des influences négatives
Les ablutions et purifications des obstacles et des actes négatifs
L’extirpation des poisons (tib. dug phyung, d’origine Bön)
Refuge et consécration
Hommages et offrandes
Incinération des nourritures et boissons (zas bsngo bsregs)
Montrer la voie (lam sbyong bstan pa)
Projection de la conscience dans un champ pur (rnam shes spar ba)
Crémation de l’effigie, rassembler les cendres de l’effigie et en faire des offrandes votives tsatsa en les mélangeant avec l'argile.
 
Korwa Dongtrouk (Samye Ling)

La pratique de Nédren est encadrée dans un rituel tantrique (sādhana), comme celui de “Avalokiteśvara rouge”, Rituel très condensé de la tablette nominale associé au rituel de l’aiguière du Grand compatissant qui secoue les tréfonds du saṃsāra[7]. Les ”tréfonds du saṃsāra” sont secoués par l’incinération des syllabes-germe des six mondes, et l’eau consacrée de l’aiguière lave l’esprit et “la conscience” (bla). Mais la conscience est d'abord attirée et fixée dans le support : 
"Par la vérité des Trois Joyaux
Par la vérité du dharmatā parfaitement authentique
Par la vérité de l'infaillibilité des liens de l'harmonie universelle (brten 'brel)
Par la vérité du Bienheureux Grand compatissant qui secoue les tréfonds du saṃsāra
Et par la puissance de la vérité universelle (bden pa chen po), où que se trouve la conscience de l'individu qui est passé de ce monde à son existence suivante, où que ce soit dans une des six destinées ou dans l'état intermédiaire, qu'elle se pointe ici sur le champ ! NṚ VAJRA-AṄKUŚA JA (trois fois)"
L’officiant qui se visualise comme “Avalokiteśvara rouge” imagine les sommets de ses mains jointes comme les Pères-Mères des Cinq Familles. Des interstices entre les dix doigts joints fusent des lumières de gnose qui brûlent les syllabes des six destinées, aux six emplacements du corps-support du trépassé, du même coup réduisant en cendres (bhasmi) ses actes négatifs (pāpaṃ) et obnubilations (avaraṇa) par la grâce de tous les tathāgata. Oṃ sarva tathāgata adhiṣṭhāna-adhiṣṭhite sarva pāpaṃ avaraṇa bhasmiṃ kuru svāhā, et le tour est joué. Le performatif est rendu possible grâce à l'énergie sonore de la Réalité réelle (mantra). Le mantra à six syllabes d’Avalokiteśvara purifie les six passions qui sont à l’origine de la transmigration dans les six mondes. Le rituel très condensé contient un transfert direct dans la Lumière infinie. Pas de transfert de la conscience dans un champ pur, ou dans le “point d’union d’Amitābha uni à son épouse, devenant ainsi un fils de Vainqueur"[8]”. Amitābha, la Lumière illimitée, le Noûs.

Longchen Rabjam explique dans le Trésor du véhicule suprême :
Selon le degré de richesse des donateurs, qui peut être supérieur, moyen ou médiocre, les médiocres feront effectuer le rituel pour guider hors des six destinées [rigs drug gnas ‘dren], présenté plus haut, un jour durant, les moyens sept jours et les supérieurs sept semaines.[9]
Philippe Cornu ajoute :
Il faut rappeler que, dans le bouddhisme en général, il est d'usage pour les laïcs de prodiguer leur offrandes aux moines ou aux yogis afin d'accumuler des mérites en échange des services rituels qui leur sont offerts. Cette ‘économie’ propre au rapport social entre fidèles laïcs et communauté monastique joue évidemment un rôle lors de la mort d'un membre de la famille et il n'est pas rare que celle-ci fasse des dons considérables en échange du rituel funéraire effectué par les lamas et les moines. Le mérite accumulé est alors dédié au défunt.[10]
Il en allait de même dans la Chine de H. Doré avec le rituel taoïste/bouddhiste pour "passer le pont en argent et en or" (过“金银桥). Ces ponts sont d'ailleurs disponibles en ligne comme des artéfacts religieux. 
3° Cérémonie du Fong-ling.

Le troisième ou le cinquième jour après la mort, les riches invitent les bonzes, pour aider l’âme à passer le pont (sans doute le pont de la douleur, jeté sur le torrent rouge, et du haut duquel les deux diables Courte-vie et Prompte-mort, précipitent dans les flots les âmes qui s’y engagent)
[voir la première illustration].

Les bonzes viennent en procession, puis, quand la nuit est venue, ils vont se placer devant la demeure du défunt. En avant de la porte d’entrée, un simulacre de pont a été construit avec des tables, placées les quatre pieds en haut ; chaque pied de table soutient une lanterne allumée.

A la tête du pont a été dressé un siège élevé, où monte le principal bonze, la tête ceinte du chapeau à cinq cornes. Du haut de ce siège, il marmotte des incantations, puis jette des gâteaux que les curieux se disputent les uns aux autres ; les bonzes s’en vont, et la cérémonie est finie
[11].”
Syncrétisme ou non, les religions ont beaucoup de choses en commun. La cosmologie, leurs sciences surannées, les hiérarchies, les clercs, les sermons sur le mérite et le démérite, la tare innée d'un être humain (péché originel, avidyā, manque, dette ...), dévalorisation de ce qui est terrestre, survalorisation de ce qui est céleste, la rédemption, les indulgences, … la reproduction des moyens de production. Quel est le bénéfice réel de ces croyances et rituels, qui en sont un condensé ? Leur propre maintien. Et la continuation du réincarnationisme ou du "continuum de conscience" qui est le nerf de la guerre du bouddhisme.

Manuscrit Le pont des sept trésors avec 11 dignitaires qui le traversent (détail Bridge of the Seven Treasures)

De gauche à droite :
1.Nonne bouddhiste
2.Femme chaste
3.Filiale et respectueuse des ancêtres
4.Aime faire l'aumône et soulager les gens
5.Conseille les autres pour qu'ils fassent le bien
6.Propage le taoïsme
7.Comprend la bonté et récompense sa source
8.Il trouve de la joie dans la bonté et se réjouit de la partager
9.Construit des temples et des sanctuaires, des salles et des monastères
10.Il a éclairé son esprit et vu sa nature
11.Cultive le dao pendant son mandat

Devenir une simple âme vierge, sans ignorance, dualisme, passions, actes "négatifs", puisque tous ces éléments doivent être éliminés durant la vie ou sinon en urgence au moment de la mort (en brûlant la syllabe NṚ), ce serait le plus haut degré de perfection d'un être humain ?

Kalou R II pratiquant Korwa Dongtrouk à Hawai
 (capture d'écran 2022

***

[1] Au-delà des sept sphères planétaires, ils imaginent une huitième (ogdoade), une neuvième (ennéade) et même une dixième sphère, l’Un. Il faudrait s’appeler Buzz l'Éclair pour aller plus loin.

[2] Voir p.e. H. Doré : Recherches sur les superstitions en Chine, première partie

[3] Thugs rje chen po 'khor ba dong sprug gi bum chog dang 'brel ba'i byang chog shin tu bsdus pa

[4] Philippe Cornu, Le Livre des morts tibétain, Buchet-Castel, 2009, p. 717

[5] Philippe Cornu, Le Livre des morts tibétain, p. 722

[6] Le “crochet adamantin”.

[7] Thugs rje chen po 'khor ba dong sprug gi bum chog dang 'brel ba'i byang chog shin tu bsdus pa

[8] Philippe Cornu, Le Livre des morts tibétain, p. 759. “La conscience du défunt devient un HRĪḤ rouge, l’essence de l’esprit”.

“Ecoute fils défunt de bonne famille
Quel que soit le lieu où tu naîtras dans le cycle des existences
Il aura la triple souffrance pour nature
Sans s'attacher à, et réifier cette [existence]
Produis l'éminente pensée d'éveil
Et remémore la Réalité réelle [symbolique]
Les cinq chemins [du petit véhicule] n'ont pas d'essence propre
Perfectionne les dans un état semblable à une illusion
Et ton corps mental au Coeur lumineux
Ira dans le Champ Arrangment-de-lotus
Puisse tu t'y éveiller manifestement
De façon indifférencie de la Gnose de Lumière infinie
Ta conscience qui a pris l'aspect de la lettre A blanche
Est transférée ('pho) dans le Coeur blanc de Lumière infinie
Tes reliefs (snyigs ma) seront purifiés par les flammes de Gnose
En l'Elément primordial (ka dag) profond [au niveau de la racine hypostatique] et lumineux.”

Nyon cig tshe 'das rigs kyi bu
'khor ba'i gnas ris gar skyes kyang
sdug bsngal gsum gyi rang bzhin yin
de la ma chags ma zhen par
byang chub mchog tu sems bskyed nas
chos nyid bden pa dran par gyis
lam lnga rang bzhin med pa ste
sgyu ma lta bu'i ngang du rdzogs
'od gsal snying po yid kyi lus
padmo bkod pa'i zhing du song
snang ba mtha' yas ye shes dang
dbyer med mngon par byang chub shog
rnam shes aa yig rnam pa ni
'od dpag med kyi thugs kar 'pho
snyigs ma ye shes me lce yis
gting gsal ka dag dbyings su sbyang

[9] Philippe Cornu, Le Livre des morts tibétain, p. 719-720

[10] Philippe Cornu, Le Livre des morts tibétain, p. 720

[11] H. Doré : Recherches sur les superstitions en Chine, première partie, page I.60

[12] "In general, the head (of the body) is described as the essence of the Tathāgata (Vairocana), the right hand as that of Akṣobhya,[1] the left hand as that of Ratnasambhava, the left foot as that of Amitābha, and the right foot as that of Amoghasiddhi. Then, among the fingers which are the appendages (of those hands), the middle one represents the enlightened family of indestructible reality, the index finger represents the enlightened family of the tathāgata, the thumb represents the enlightened family of gemstones, the fourth finger represents the enlightened family of the lotus, and the little finger represents the enlightened family of activity.

In this context, the hand-gesture known as the "indestructible palms" (rdo-rje thal-mo) is the causal basis of the seals or hand-emblems. It is described as follows: On the tips of the five fingers of the right hand or Akṣobhya (mi-bskyod), on the five solar disks (nyi-ma'i dkyil), the size of round grains, are respectively the syllables (yi-ge) HŪṂ, OṂ, SVĀ, ĀṂ, and HĀ. These are the five (seed)-syllables of the male consorts of skillful means. And on the five fingers of the left hand or Ratnasambhava (rin-chen), on five lunar disks (zla-ba'i dkyil) the size of grains or amulets there are respectively arrayed the five syllables (yi-ge) MŪṂ, LĀṂ, MĀṂ, PĀṂ, and TĀṂ which belong to the female consorts of discriminative awareness. The union (sbyar-bas) in the gesture of "indestructible palms" which comes about through (las) the respective combination (zung-du sprad-pa) of those two sets of five (lnga-gnyis), namely, the five fingers of the right hand and those of the left hand, is the causal basis for the emergence of ('byung-ba'i rgyu) the seals or hand-emblems (phyag-rgya) belonging to the different deities
." Guhyagarbha Tantra (with Commentary), Gyurme Dorje, 1987