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dimanche 24 juillet 2022

Transports célestes

 
Envol d'une ménade avec un satyre. Fresque de Pompéi (Maison de Dioscuri VI, 9, 6).
Inv. No. 9135.Naples, National Archaeological Museum

Le dieu de la Nature (puruṣa) et sa parèdre (prakṛti), quelques soient leurs noms, vivent aux sommets des montagnes, à la jonction entre le Ciel et la Terre, et c’est là aussi que se situent leur haut-lieux de culte, réels ou imaginaires.

Khecara de Vajrayoginī de la tradition de Nāropa (XVIIIème)

L’univers de Cakrasaṃvara, divinité bouddhiste ésotérique de tantra-mère, rappelle l’univers de Dionysos/Śiva[1]. C’est une divinité Père-Mère, la Mère étant la Reine-vajra (tib. rdo rje btsun mo), Vajrayoginī. Dans le vajrayāna, quand c’est la Reine-vajra, qui est au centre du culte, la divinité Père reste dans les parages pour la “sceller”, comme un roi marque son territoire et ses décrets par son sceau, son effigie sur la monnaie, ses édits, etc., pour que sa volonté soit faite. Dans les approches ésotériques, ce qui est vrai pour le macrocosme le sera aussi pour le microcosme, puisque les deux sont indifférenciables.

Après que Cakrasaṃvara avait dompté Rudra Bhairava, il s’installa en haut du Mont Meru, au milieu d’un entourage composé de bouddha et de bodhisattvas, de Guerriers (skt. vīra) et Guerrières (skt. vīrinī) des cinq clans (skt. kula), du Compilateur ésotérique (skt. guhyaka tib. gsang bdag) [Vajrapāṇi], ainsi que de la suite de Rudra Bhairava. Tous ceux furent initiés et reçurent les explications du tantra à plusieurs reprises.

Le temps de la pratique, en attendant le rapt... détail HA24275

Les pratiquants (sādhaka) qui réussissent (siddhi) le sādhana de la Reine-vajra, ont la promesse d’être transportés, de leur vivant, au paradis céleste (khecara), l’éther, de la Reine-vajra. 

Les siddhi devenus opérationnels... détail HA24275

Le khecara est un état d'impesanteur spirituel, un transport céleste, et prend une place centrale dans l’univers de la Reine-vajra, et donc ultimement celui de Cakrasaṃvara


Arrivée à destination, détail HA334

L’union directe avec le dieu (puruṣa) n’étant pas commode (on s’unirait avec quoi qui nous resterait ?), on passe pas la Reine-vajra (un visage tourné vers le dieu, l’autre vers nous), qui est plus accessible[2]. Il faudrait être fort comme Abhayakāra, pour refuser ses charmes (à trois reprises...).

Ceux qui sont arrivés au Khecara sont désormais des vidyādhara (tib. rig 'dzin),
capables de voir la face de la Reine-vajra détail HA11162

Vidyādhara, dynastie Gupta, Vème siècle, Musée Guimet 

Que faut-il faire ici-bas pour attirer l’attention de la Reine-vajra et être transporté dans l’éther ? Il y a les façons conventionnelles, telles les arts, d’Apollon et des Muses, et puis il y a les transports moins avouables de Dionysos, avec son cortège de ménades et de satyres, la nuit dans des lieux solitaires et effroyables. Les premières ayant plutôt lieu le jour, ou le soir, après le travail, dans de beaux temples, et les dernières la nuit dans des lieux moins fréquentables et fréquentés.

Autour d'un corps déchiqueté, détail HA24275

Dans l’univers bouddhiste ésotérique de la non-dualité, les extrêmes, indissociables, se rejoignent, et pourvu que l’on arrive à la non-dualité (qui peut être une union qui ne dit pas son nom), à l’état d'impesanteur spirituel, peu importe par quel chemin on passe.

Dans la suite de Dionysos/Bacchus, on trouve les ménades et les satyres (la thiase, “cortège d'une divinité” (Atilf), ‘khor dang bcas pa en tibétain…), comme les premiers adeptes de son culte, et par extension les initiés dans son culte à mystères, suivi ou précédé d’animaux prédateurs et déchiqueteurs. Le mot “ménade” vient du verbe maínomai, “délirer, être furieux”. Le terme français Bacchante vient du latin bacchans “délirer”, à son tour dérivé du nom latin de Dionysos : Bacchus. Thyade (bacchique) est encore un autre mot pour désigner une “femme qui célébrait le culte de Dionysos” “Les Bacchantes, les Thyades et les Ménades, ceintes de la nébride tachetée, agitaient le thyrse entouré de lierre” (Atilf). “Thyade” vient “du grec ancien Θυάς, Thuas ou Θυιάς, thuias, “transporté de délire bachique, inspiré”. Le mot “bhakti[3]” en sanskrit signifie “dévotion passionnée” (wikipedia).
Dans son expédition dans l'Inde, Dionysos ne vêt ses soldats que de vêtements longs et de nébrides, il ceint le thyrse de lierre, il donne le signal avec des cymbales et des tambours. Il enivre ses ennemis et les livre à l'orgie et c'est ainsi qu'il met l'Inde en sa possession.[4]” (POLYEN. Stratagèmes, 1, 1-2)
Des instruments de musique, certes, mais bruyants, qui recouvrent toute communication civilisée, comme on les utilise aussi dans l’entourage de Cakrasaṃvara. C’est la tragédie des Bacchantes d'Euripide qui est une source importante pour notre compréhension des rites des Ménades ravisseuses et transporteuses..
Dans l’imaginaire grec masculin, la femme a une nature sauvage, désordonnée et menaçante si celle-ci n’est pas contenue. L’homme grec est à la fois fasciné et sur la défensive par rapport à la race des femmes. La ménade, d’une certaine manière, transgresse l’ordre. Elle « s’ensauvage » par l’adjonction d’éléments divers : peau de bête nouée sur son vêtement, serpents dans ses cheveux, animal brandi, comme sur la coupe polychrome du Peintre de Brygos à Munich.[5]
Les rites encadrent la violence des ménades, quand elles abandonnent leurs occupations habituelles et se rendent “sur la montagne”, dans la nature sauvage, chez “les sauvages” (tib. ri khrod pa, śabara).
Le sacrifice dionysiaque, le diasparagmos, déchirement de la victime, suivi de l’omophagie [ consommation de la chair crue de la victime d'un sacrifice], s’oppose au sacrifice civique pratiqué par des hommes, au cours duquel l’animal est abattu, découpé et rôti.” (MC Villanueva)
Ménades déchiquetant Penthée 

Là, nous parlons de formes ritualisées du “transport bachique". Les mythes racontent l’origine des rites, et ce qui advient à ceux qui s’opposent au culte dionysiaque, par exemple le pauvre Penthée. Si on ne tolère pas certaines "transgressions encadrées" sous forme de rites, on s’expose comme une cible.
[Penthée] s’oppose à l’introduction du culte dionysiaque dans son royaume. Alors qu’il est caché dans un arbre du mont Cithéron pour épier la bacchanale, il est découvert et mis en pièces par les ménades, à la tête desquelles figure sa propre mère et ses deux tantes, Ino et Autonoé. C’est le sujet de la tragédie d’Euripide, les Bacchantes.” (Wikipedia)
Je reviendrai sur Penthée et son lien avec Dionysos et un mahāsiddha… dans le cadre du vajrayāna népalais, dans un autre blog.

Le mahasiddha Kṛṣṇācārya, (détail), Himalayan Art 18650

Mais bien encadrée, et proprement "scellée" par la patriarchie, la "nature sauvage" de la femme est entre de bonnes mains.  

Khecara, tout en haut, détail HA11162

Le mot tibétain pour ḍākinī est “mkha' 'gro ma”, celle qui se meut dans l’éther. La ḍākinī, souvent confondu avec la yoginī (et avec la yakṣī), peut faire “le mal” comme “le bien”. Bien encadrée par Dionysos, Śiva, Cakrasaṃvara, la Reine-vajra, etc., sa violence est canalisée rituellement. Le “transport de délire bachique” ou “l’ire” (l’énergie incontrôlée), ou "félicité sauvage" de la ḍākinī n’est pas un caractéristique qui se limite aux femmes. “La Sauvage” (gtum mo, caṇḍālī) est naturellement présente en tous, les hommes comme les femmes. “Contrôlée” cette énergie est capable de “transports célestes”. Idéalement jusqu’au paradis céleste (khecara), au sommet de la montagne (d'ailleurs, comment y passe-t-on le temps, si le temps et l’espace y sont encore opérationnels ?). En fait, l’existence sur cette Terre pure semble se dérouler comme sur toute autre Terre pure, on peut y recevoir des tantras, des instructions, etc. permettant de continuer sa carrière de futur Bouddha. On peut voyager vers d’autres Terres pures, donner des coups de mains à Jambudvīpa, comme troupier dans la suite des Guerriers (skt. vīra) et Guerrières (skt. vīrinī) d’un Heruka ou d’une Vajrayoginī. Rave parties spirituels garantis.

Khecara, détail, HA11162

Il y a donc un cadre mythologique, l’éventuelle existence réelle initiale du “ménadisme” et de ses rites sauvages, et l’éventuelle domestication patriarcale du ménadisme, car des matériaux hagiographiques font état de tous ces éléments. 

Quand les "transports" sont domestiqués, ils deviennent symboliques. Déchiqueter des animaux, boire leur sang et manger leur chaire devient alors autre chose, et continuera de façon rituelle afin de garder le lien.

Parmi les nombreuses tentatives des écoles Kagyupa pour "ensauvager" Maitrīpa, afin d'en faire un véritable vidyādhara, il y a les hagiographies sur la rencontre de Maitrīpa avec Śavaripa, siddha vivant sur la montagne avec des ménades, ayant "réalisé" Cakrasaṃvara, et prenant toute la mythologie qui entoure ce dieu comme cadre de vie. Pour rassurer les lecteurs d'hagiographies tibétaines, tout cela ne sont que des simulacres. Aucune biche, et aucun sanglier n'a été "réellement" déchiqueté et dévoré. Ce sont des bouddhistes après tout... Donc
"Dans la forêt de l'ignorance (avidyā)
Vivent (tib. rgyu ba) les créatures de la saisie dualiste
Propulsée par l'arc de l'union des expédients (upāya) et de la lucidité (prajñā)
La flèche unique de la réalité intime (hṛdayārtha) vole
Ce qui meurt, ce sont les créations mentales (vikalpa)
La viande, c'est ce qui est dévoré dans l'indifférenciation (advayatā)
Sa saveur, est celle de la liberté universelle (mahāsukha)
Le résultat est la Mahāmudrā."[6]
Et quels que soient la singularité, les écrits et la méthode de mahāmudrā d'Advayavajra ("Maitrīpa"), dans la tradition tibétaine, Maitrīpa est désormais un vidyādhara qui vit dans les charniers et fait marcher les cadavres, parce qu'il aurait eu ce siddhi (parmi d'autres) et qu'il faut bien s'en servir.
  
Maitrīpa, détail HA60674 

***

Quelques passages de la tragédie des Bacchantes d'Euripide, qui rappellent l'univers de la félicité sauvage :

(Épode.) Quelle joie pour lui de s’égarer dans les montagnes, de quitter les danses rapides, pour se jeter sur la terre, revêtu de la nébride sacrée, de poursuivre le bouc et de manger sa chair palpitante, de parcourir les monts de la Phrygie et de la Lydie, et le chef est Bromios ! Évoé[35] ! Des ruisseaux de lait, des ruisseaux de vin, des ruisseaux de miel, nectar des abeilles, arrosent la terre, et l’air est embaumé des doux parfums de la Syrie. Bacchus, tenant une torche de pin allumée dans une férule, l’agite en courant, excite les danses vagabondes et les anime par ses cris, laissant sa blonde chevelure flotter au gré des vents, en même temps il fait éclater ces clameurs : « Courage, courage, Bacchantes, délices du Tmolos, dont l’or enrichit le Pactole[36] ! Chantez Bacchus au bruit des tambours retentissants ! Évoé ! célébrez votre dieu Évios par des cris de joie, par des chants phrygiens, lorsque les doux sons de la flûte sacrée font entendre des accents sacrés en accord avec vos courses rapides. À la montagne ! à la montagne ! » Alors la Bacchante joyeuse, semblable au jeune poulain qui suit sa mère dans les pâturages, bondit et s’agite en cadence.”

Ta mère, lorsqu’elle entendit les mugissements des bœufs cornus, debout au milieu des Bacchantes, poussa de grands cris pour les éveiller. Celles-ci, chassant le sommeil profond de leurs paupières, furent bientôt debout, offrant le spectacle d’une merveilleuse modestie, jeunes, vieilles, et vierges encore étrangères à l’hymen[86]. D’abord elles laissent flotter leurs cheveux sur leurs épaules et attachent leurs nébrides, dont les liens étaient dénoués, et elles assujettissent ces peaux tachetées avec des serpents qui leur caressent le visage. D’autres, tenant dans les bras un chevreau ou de jeunes louveteaux, leur donnaient un lait blanc ; c’étaient celles qui, ayant récemment enfanté, avaient encore les mamelles gonflées de lait, sans avoir leurs enfants auprès d’elles ; puis elles se couronnent de lierre, de feuilles de chêne et de smilax fleuri. Une d’elles prend son thyrse et en frappe un rocher, d’où jaillit une source d’eau pure ; une autre laisse tomber sa férule sur le sol, et le dieu en fait sortir une fontaine de vin ; celles qui désiraient un breuvage blanc n’avaient qu’à entrouvrir la terre du bout de leurs doigts[87], et il en coulait des ruisseaux de lait ; et leurs thyrses, entourés de lierre, distillaient un miel savoureux.”

À l’heure fixée, les Bacchantes agitaient leurs thyrses pour leurs rites sacrés, invoquant à grands cris Iacchos, le fils de Jupiter, ou Bromios ; toute la montagne et les bêtes sauvages partagent la fureur des Bacchantes, rien qui ne fût en mouvement et qui ne courût. Par hasard Agavé bondissait près de moi ; je m’élançai pour la saisir, abandonnant le taillis où mon corps était caché ; mais elle s’écria : « Ô mes fidèles compagnes[88], voilà des hommes qui nous poursuivent ; suivez-moi donc, suivez-moi, les mains armées de vos thyrses. » Aussitôt nous fuyons, pour éviter d’être déchirés par les Bacchantes ; mais elles, avec leurs mains désarmées, fondent sur les troupeaux qui paissaient l’herbe : l’une tient dans ses mains une génisse aux mamelles gonflées, partagée en deux et encore mugissante ; d’autres déchirent des vaches en lambeaux ; on voit des côtes ou des pieds fourchus voler de toutes parts, et les débris restent suspendus aux arbres, dont les rameaux dégouttent de sang. Les farouches taureaux, aiguisant leurs cornes menaçantes[89], tombent le corps terrassé par les mille mains de jeunes filles, et leurs chairs dépouillées de leurs peaux étaient dépecées en un clin d’œil[90]. Comme des oiseaux emportés dans les airs d’un vol rapide, elles s’élancent dans la vaste plaine arrosée par l’Asopos[91] et qui se couvre de riches moissons pour Thèbes ; et fondant en ennemies sur les villes d’Hysia et d’Érythra[92], qui s’étendent au pied du Cithéron, elles y portent la dévastation, elles enlèvent les enfants des maisons, et tout ce qu’elles chargeaient sur leurs épaules, même le fer ou l’airain, y restait suspendu sans aucun lien et sans tomber à terre ; la flamme même brillait sur leur chevelure sans la brûler[93]. Les bergers, dépouilles par les Bacchantes, courent aux armes. Mais alors, ô roi, on vit un spectacle étrange[94] : leurs traits armés de fer ne blessaient pas les Bacchantes, tandis que celles-ci, en lançant leurs thyrses, faisaient de profondes atteintes à des femmes, elles mettaient les hommes en fuite, grâce à la protection d’un dieu. Puis elles revinrent aux lieux d’où elles étaient parties, aux sources mêmes qu’un dieu avait fait jaillir pour elles ; elles y lavèrent le sang qui les couvrait, et les serpents avec leur langue essuyaient les gouttes qui coulaient de leurs joues. Quel que soit donc le dieu, ô mon maître, reçois-le dans cette cité ; car, entre autres preuves de sa puissance, on dit encore de lui, à ce que j’ai appris, qu’il a donné aux mortels la vigne qui chasse leurs chagrins. Mais sans le vin l’amour n’est plus, et il ne reste plus aucun autre plaisir aux hommes[95]."
Euripide : Oeuvres complètes, traduction de Nicolas Artaud, Arvensa Editions


[1] Comme résumé de leurs noms, origines et aspects multiples.

[2]Deuxièmement, le chemin réel de l'accomplissement : Le meilleur type de personne est le suivant : En faisant simplement ces choses - en effectuant des récitations et des méditations sans interruption, en ayant accompli la retraite de base (où l'on récite le mantra de Vajrayoginī quatre cent mille fois), en effectuant les offrandes les deux dixièmes de chaque mois (lunaire) [c'est-à-dire le dixième et le vingt-cinquième] - un jour, Vajrayoginī apparaîtra sous la forme d'une femme ordinaire et, après avoir reconnu qu'elle est Vajrayoginī, on sera pris par la main par Vajrayoginī et conduit directement au royaume de Khechari sans abandonner son propre corps.” (trad. automatique L'enseignement de Vajrayoginī selon Le Yoga secret ultime dans la tradition Naropa, par Jamyang Khyentse Wangchuk).

[3] “भक्ति bhakti [act. bhaj] f. amour, zèle, dévotion, ferveur, adoration ; fidélité, hommage ; extase | phil. culte, adoration ; not. culte extatique de l'amour divin | myth. [Śrīmadbhāgavatamāhātmya] np. de Bhakti, jeune femme personnifiant la dévotion ; elle apparaît à Nārada accompagnée de deux vieillards séniles Jñāna et Vairāgya présentés comme ses fils ; Nārada consulte les 4 éternels [sanakādi] qui organisent un saptāha afin de leur rendre leur jeunesse | ordre, série, séquence — ifc. cas de, part de <iic.>.” (Inria)

[4] Lévêque Pierre. Dionysos dans l'Inde.

[5] Des ménades et de la violence dans la céramique attique, Marie-Christine Villanueva

[6] Dans mon blog Deux maîtres d'Advayavajra 25 juin 2010 

ma rig pa yi nags tshal tu//
bzung 'dzin gnyis kyi ri dwags rgyu//
thabs shes gnyis kyi gzhu brdungs nas//
snying po don gyi mda' gcig 'phangs//
'chi ni rnam par rtog pa 'chi//
sha ni gnyis su med par zos//
ro ni bde ba chen por myong*//
'bras bu phyag rgya chen po thob//

dimanche 21 février 2021

Le Mahāyāna, un retour au Brahmanisme ?


Brahma et Indra (auréolés) demandent au Bouddha (entouré de 5 moines), d'enseigner sa doctrine. Avec un inconnu illustre, Vajrapāṇi ? (Gandhara, courtesy Christian Luczanits)

C’est sous le règne du roi kouchan Kaniṣka (IIème s.) que le bouddhisme avait pris son essor au Gāndhāra. Sa capitale se trouva à Puruṣapura (Peshawar). C’est une région naguère hellénisée, qui, entre le Ier et le VIème siècle après Jésus-Christ, subit des influences grecques, sémitiques, iraniennes, chinoises etc. C’est là aussi que la tradition fait naître officiellement le bouddhisme mahāyāna, en attribuant un rôle important à Aśvaghoṣa (tib. rta dbyangs), contemporain du roi Kaniṣka. Aśvaghoṣa était un brahmane originaire de Sāketa (Ayodhya, Uttar Pradesh), converti au bouddhisme, et aurait été un conseiller religieux de Kaniṣka. Il aurait également été présent au quatrième Concile du Cachemire[1]. Il est surtout connu pour être l’auteur du Buddhacarita, la plus célèbre vie du Bouddha. D’autres oeuvres lui sont attribués parfois, mais ne sont très probablement pas de sa main. Notamment le Mahāyāna-śraddhotpādaśastra (Traité de la Naissance de la foi dans le Grand Véhicule), qui serait un apocryphe chinois. Il en va de même pour le “Sūtrālamkāra[2], traduit en chinois par Kumārajīva en 405, mais qui serait en fait un oeuvre composé par Kumāralāta, un contemporain plus jeune d’Aśvaghoṣa, et dont le titre aurait été le Kalpanāmaṇḍitikā[3].
Le Sūtrālamkāra témoigne d'un esprit nouveau : l'intention de mettre en littérature le contenu de sûtras bouddhiques, pour propager la foi du Bouddha dans l'élite brahmanique.”[4]
Le titre de l’oeuvre attribué à Asaṅga/Maitreya, Mahāyāna-sūtrālamkāra, aurait été inspiré du “Sūtrālamkāra” faussement attribué à Aśvaghoṣa[5]. On attribue parfois encore, à tort, à Aśvaghoṣa “Les Cinquante stances du service au Maître (skt. Gurupañcaśika tib. bla ma lnga bcu pa), un texte médiéval bouddhiste ésotérique. C'est son rôle prépondérant dans les origines du mahāyāna, qui le rend populaire parmi les auteurs d'apocryphes.
[Aśvaghoṣa] fut l’initiateur et pratiquement le seul représentant des épopées lyriques d'inspiration bouddhique. Son Buddhacarita et son Saundarananda se situent sur le plan du mahakāvya classique. Les parties scolastiques demeurent fidèles au vocabulaire et à la phraséologie traditionnelle; les parties narratives et descriptives abondent en images brillantes, en figures de style, en mètres compliqués et en formes grammaticales savantes. L'auteur semble avoir voulu éblouir ses coreligionnaires moins instruits par tout le déploiement de la virtuosité brâhmanique. Sa recherche de l'effet, sa concision poussée jusqu 'à l'obscurité laissent l'impression d'un art décadent”. (Note : Sur le côté pédant d'Aśvaghoṣa, L. RENOU, Inde Classique, II, p. 205-207; Hist. de la langue sanskrite, p. 212). Histoire, Lamotte, p. 655

Requête d'enseignement au Bouddha, représenté par un disque solaire, Gandhara, Kouchan, I-IIème s., British Museum

Les représentations du Bouddha étaient au départ aniconiques ou symboliques. Le Buddhacarita le présente comme un grand homme” (mahāpuruṣa), aux 32 marques (lakṣana), tels qu’ils sont également expliqués dans le Bṛhat-Samhita du brahmane maga Varāhamihira (VIème)[6]. L’astrologie donne ainsi un corps “astral” au Bouddha, qui le rend atemporel, et qui permettra sa brahmanisation, avatarisation et divinisation. Il s’agit en effet de rendre le Bouddha et le “bouddhisme” brahmano-compatible. Les élites bouddhistes brahmanes du Gāndhāra ont géré ce projet d’une main de maître. Asaṅga reprit le projet en mains pendant toute la première moitié du Vème siècle. Les données biographiques les plus plausibles sont sans doute celles que l’on trouve dans la “Vie de Vasubandhu[7] écrite au VIème siècle par le moine Paramārtha (499-569), originaire d’Ujjayinî. Asaṅga naquit dans la ville de Puruṣapura (Peshawar), au Gāndhāra, dans une famille brahmane. A partir de là, la biographie se transforme en hagiographie. Asaṅga monte au ciel Tuṣita où réside le Bodhisattva Maitreya et reçoit de lui des enseignements mahāyāna de Maitreya (que la tradition tibétaine appelle les Cinq traités de Maitreya), qu’Asaṅga commenta. Il est évident que le bouddhisme est désormais passé à autre chose en ce qui concerne l’origine de ses dialogues (sūtra) avec l’Éveille et les futurs Éveillés (bodhisattva).
Lorsque, dans le Mahāyāna, le Bouddha devient, par une sorte de retour tacite au Brahmanisme, un quasi-ātman éternel, le nirvāna apparaît comme un caractère permanent de cet absolu. Acquérir la délivrance équivaut donc à rejoindre le Bouddha, ce qui peut se prendre en termes de piétisme comme un ravissement dans l’amour divin, ou, en termes d’eschatologie, comme l’accès à un Paradis, la « Terre Pure». Ainsi, au lieu que le salut consiste à dépouiller toute sensibilité en rejetant l’égoïsme comme dans les premiers âges de la religion bouddhique, il se contamine de dévotion sentimentale et dégénère en recherche du bonheur.”[8]
En dépit des données hagiographiques sur Asaṅga, le colophon sanskrit du Mahāyāna-sūtrālamkāra indique que le texte a été « énoncé » (bhāṣita) “par le grand Bodhisattva Vyavadātasamaya[9]. Pour Paramārtha et des traducteurs chinois du Vème siècle, le Yogācāryabhūmiśastra était le seul traité révélé, mais c’était bien une révélation (śruti), donné par le futur Bouddha Maitreya, dans le ciel de Tuṣita à bodhisattva Asaṅga, qui y était "monté" selon la tradition ultérieure. Le Yogācāra, qui est beaucoup plus qu’un simple point de vue “idéaliste” bouddhiste, a permis de transformer le bouddhisme en véritable religion au même titre que le brahmanisme, qu’il prend pour modèle. Quand Atiśa, déjà au Tibet, donc après 1042, apprit la mort de Maitrīpa, il pleura. C'était, expliqua-t-il, parce qu'il n'y avait que deux personnes au monde qui savaient faire la différence entre le bouddhisme et l'hindouisme, Maitrīpa et lui-même (voir Le biculturalisme de Maitrīpa). Maitrīpa, source de l’approche de la “mahāmudrā naturelle”, avait pour vue la voie du Milieu qui ne se fonde sur rien, l’apratiṣṭhāna-madhyamaka” (tib. dbu ma rab tu mi gnas pa)[10], et qui se distancie des méthodes Yoguiques, tout en partageant la même vérité conventionnelle, et en étant activement engagé dans le monde. Contrairement au Yogācāra, ce Madhyamaka n’a pas de révélations, et ne penche pas vers l’être, des essences et des existences, quoiqu’en dise la tradition hagiographique.

L’idéal du bouddhisme mahāyāna est le bodhisattva, dont le statut diffère totalement, selon que l’on s’appuie sur le Madhamaka (Nāgārjuna) ou sur le Yogācāra (Asaṅga). Le mahāyāna tente de résoudre la contradiction en alliant les deux : sagesse et expédients, sagesse et compassion/engagement, méditation et post-méditation (=activités religieuses, tib. chos spyod), vérité absolue et vérité conventionnelle symbolique ou idéologique.

Le bouddhisme Yogācāra, et encore davantage le bouddhisme tantrique qui en est un prolongement, tente de remplir entièrement, voire de recouvrir (“transmuter”) la vérité conventionnelle “ordinaire” par des symboles. La pratique (sādhana) consiste en cela. Le pratiquant, pour qui la vérité conventionnelle ou empirique est devenue toute symbolique, a la vision “pure” (tib. dag snang), ou épiphanie/théophanie. Le mot “dag pa” en tibétain peut se traduire aussi par “symbolique”, notamment dans l’explication des symboles d’une divinité et de ses attributs[11].

Le point de vue madhyamika peut se combiner avec une “troisième” vérité symbolique (religieuse), mais n’en a pas besoin ; la vérité conventionnelle “ordinaire” lui suffit. Celle-ci sera déjà forcément symbolique et idéologique, mais non nécessairement religieuse. L’éveil (l’union des deux vérités, la non-dualité, le non-fondement dans un aucun extrême, …) est possible sans couche religieuse et sans projet religieux. Une partie importante de l’éveil est la “déconstruction”, ou un “desserrement” de l’idéologie dans laquelle nous vivons, qu’elle soit religieuse ou non. Sinon, au moins la lucidité par rapport à son pouvoir envoutant. C’est pourquoi le bouddhisme enseigne que les choses (composés) sont impermanents, imparfaits et non substantielles. Cela s’applique également à tout projet religieux, y compris bouddhiste. Ces trois caractéristiques fournissent “la vacuité” dont aurait besoin “la méthode”, toute méthode. Après, on peut se demander quelle est l’utilité ou la nécessité d’une méthode, dans la perspective de l’éveil, surtout si elle consiste à ajouter une autre couche symbolique, même si l’on prétend que cette couche est en fait sous-jacente, plus profonde, et que celle qui la recouvre est plus superficielle. Ce n’est qu’une astuce, comme l’est l’affirmation “Il ny a pas dalternative”. Si on y croit, c’est tout bénef pour les propagateurs de la méthode.

In ‘Buddha in Gandhara’, Sunita Dwivedi writes about how Durga sculptures and paintings were found in Buddhist monasteries.

"It is possible that the Hindu Shahis installed Durga’s image in the Buddhist monastery. It is a good example of the absorption of Hindu deities in the Buddhist pantheon, and also points to the fact that Buddhist shrines were converted into Hindu shrines. This has been discussed by Indologist and art historian P. Banerjee in New Light on Central Asian Art and Iconography. In his interesting study, Banerjee explains that though subordinate in position, these Hindu deities made their original importance felt now and then even in the Buddhist framework. 

Banerjee presents several examples of the popularity of Shaivism in Central Asia and about Buddhist scholars such as Asanga and Aryadeva who tried to assimilate Hinduism and Buddhism. It is generally believed that Asanga, the well-known Buddhist philosopher from c.ad 400, created an amalgam of Shaivism and Buddhism, as Aryadeva did in bringing Vaishnavism and Buddhism together. Banerjee, says that Asanga tried to reconcile ‘two opposing myths by placing a number of Saiva gods, both male and female in the inferior heavens of the prevalent Buddhism as worshippers and supporters of Buddha and Avalokitesvara’.

According to Banerjee, Asanga by reconciling Shaivism and Buddhism made it possible for: 
[T]he half-converted and rude tribes to remain Buddhists while they brought offerings to their more congenial shrines and while their practical religion had no relation at all to the truth of the noble Eightfold path.’ "  

***

[1] Celui-ci avait donné lieu à la composition de l’Abhidharma Mahāvibhāṣa Śāstra attribuée à Katyāyāniputra. Comme les Sarvāstivāda du Cachemire considéraient le Mahāvibhāṣā comme une autorité canonique, ils furent appelés Vaibhāṣikas, "ceux qui suivent le Vibhāṣa". Vasubandhu en avait fait un Kośa (Sautrāntika).

[2] Le Sūtrālamkāra traduit en français sur la version chinoise de Kumârajiva par Ed. Huber, Paris 1908. Cf. La Vallee Poussin in Le Museon, N. S, X, 1909, 86 ff. Je reprends la note telle quelle ici.

[3] A History of Indian Literature, Volume 21, Moriz Winternitz.

[4] L’Inde antique et civilisation Indienne, Albin Michel 1933, p. 217
L’hérésie bouddhique s’était adaptée au classicisme brahmanique, en se donnant une littérature sanskrite et en se confrontant avec les épopées, les purānas, les dharmaśāstras, les upaniṣads.” p. 226

[5] L’Inde antique et civilisation Indienne, Albin Michel 1933, p. 218
Ce livre m'impressionne assez pour une publication datant de 1933. Il y a des faits qui ont été rattrapés dans des publications plus récentes, mais je trouve les jugements des auteurs généralement justes.

[6] Le Brihat Samhita est un livre d’astrologie qui explique l’influence des astres sur la terre, les animaux, les hommes, les grands hommes (mahāpurusa), les signes fastes et néfastes etc. Le chapitre sur les signes du grand homme est le chapitre LXIX (Signes des hommes p. 542, Signes des grands hommes p.567 ).

[7] Note de Sylvain Levi :
Cette biographie, résumée par Wassilieff, Buddhismus, p. 235 sqq., a été traduite intégralement par Takakusu : The life of Vasubandhu by Paramârtha, dans le T’oung-pao, 1904. Les questions qu’elle soulève et qu’elle résout en partie ont été discutées par le même savant : A Study of Paramârtha’s Life of Vasubandhu and the date of Vasubandhu, dans J. R. A. S. 1905. Cf. aussi, du même, La Sâṅkhya-kârikâ, etc. dans B. E. F. E. O. 1904, 1-65.”

[8] L’Inde antique et civilisation Indienne, Albin Michel 1933, p. 225

[9] Note de Sylvain Levi :
Ce colophon est reproduit par le traducteur chinois et le traducteur tibétain ; il est donc certainement très ancien, s’il ne remonte pas même jusqu’à l’original. Je n’ai pas retrouvé ailleurs un Bodhisattva de ce nom ; il est impossible de dire si cette désignation s’applique à Maitreya, à Asaṅga, ou à tout autre personnage, soit fictif, soit réel.”
“L’Indien Prabhâkara-mitra, auteur de la traduction chinoise (entre 630 et 633 J. C.), assigne le M. S. A. à Asaṅga, qu’il qualifie expressément de « Bodhisattva ». La préface de la traduction, due à Li Pe-yo (l’auteur du Pe-Tsin chou) répète et confirme cette attribution, sans faire allusion à une révélation surnaturelle. Mais, à cette époque même, Hiuan-tsang apprend dans les couvents de l’Inde à classer le M. S. A. parmi les textes sacrés révélés à Asaṅga par Maitreya. Jusque-là, au témoignage de Paramârtha et des traducteurs chinois du Ve siècle, le Saptadaçabhûmi çâstra (ou Yogâcâryabhûmi çâstra) avait seul passé pour révélé
.”

[10]Ceux qui souhaitent connaître le Réel
N'y arriveront ni avec ni sans les formes mentales/représentations (S. ākāra)
La voie du Milieu qui n'est pas ornée des instructions du Guide [ngo sprod]
N'est que la voie du Milieu intermédiaire
Les dix versets sur le Réel (Tattvadaśaka)

[11] Voir Analyse du mysticisme de Mme Guyon par Henri Delacroix, et mes blogs La vision et les vues, Limitation peut-elle être une voie spirituelle ? et Le château endormi.

vendredi 1 mai 2020

Śabarapāda vu par un paṇḍita du XVème siècle


Détail du mahāsiddha Vanaratna recevant une abhiṣeka de Tārā blanche

Śabarapāda, ou Śrī Śavaripāda (tib. dpal ldan ri khrod zhabs), est la source qu’Advaya-Avadhūtipa, alias Advayavajra ou encore Maitrīpa, indique pour les Distiques (skt. Dohākośagīti) que Śabarapāda aurait reçus de Saraha. Maitrīpa aurait vécu entre 1007 et 1085 environ, et était un contemporain de Nāropa et d’Atiśa Dīpankara Śrījñāna (982–1054). Les hagiographies de Maitrīpa laissent entendre que Śabarapāda ayant disparu depuis longtemps, Maitrīpa l’aurait sans doute vu en vision. Nous avons cependant le Dohākośagīti attribué Saraha et plusieurs commentaires des distiques attribués à Advayavajra, parmi lesquels le Dohākoṣahṛdayārthagītāṭīkā (Do ha mdzod kyi snying po don gi glu'i 'grel pa D2268, P3120). Maitrīpa aurait transmis le Dohākośagīti et les instructions associées à Atiśa, qui avait tenté de les enseigner lors de son arrivée au Tibet. Il en fût empêché, mais semble néanmoins avoir été transmis en secret. Gampopa fut le premier au Tibet à enseigner un cycle d’instructions basées entre autres sur le Dohākośagīti, sous le nom de « Grand sceau » ou « Mahāmudrā », sans l’encadrer dans une transmission tantrique avec une consécration (skt. abhiṣeka) etc.

Comme le terme « mahāmudrā » était originaire des yogatantras supérieurs, des polémiques s’en sont suivies qui ont duré plusieurs siècles, et qui ont conduit à un déclassement de la « mahāmudrā » de Gampopa. Les maîtres kagyupa, suivant la transmission « kadampa et ‘mahāmudrā’ » de Gampopa (colophon Guirlandes de joyaux du chemin éminent), se sont retrouvés avec une lignée de « mahāmudrā » dont il fallait combler le contenu yogatantrique supérieur, tout en garantissant sa transmission ininterrompue. C’est là qu’interviennent les chercheurs et inventeurs d’instructions et que commence le véritable travail des hagiographes, pour raconter leurs origines et transmissions ininterrompues authentiques.

Il n’y a là rien d’exceptionnel et la même chose peut être dite sur d’autres traditions religieuses dans leurs discours sur les origines. Mais on s’attendait peut-être à autre chose de la part du bouddhisme, qui s’est attaqué aux mythes de son temps, et qui fait grand cas du Réel et de la causalité, de l’expérience personnelle, tout en combattant l’erreur et l’illusion. Le bouddhisme est très pointilleux (abhidharma) sur la production et la destruction des dharma et sur le déroulement du processus cognitif. Enfin, un bouddhisme peut-être limité dans le temps et l’espace. Fait est qu’avec l’avènement d’un bouddhisme ésotérique mytho-centré et leurs révélations (tantras), le « Réel » change de nature. L’In illo tempore prend désormais le dessus des contraintes d’un vérité historique sublunaire. La libération (skt. mokśa) avait été synonyme de nirvāṇa (extinction) pendant un certain temps, mais désormais avec la prédominance du Corps symbolique (skt. sambhogakāya), les maîtres passés au nirvāṇa n’étaient pas réellement absents, et restèrent accessibles aux plus habiles ou aux plus téméraires.

Dans les discours post-Gampopa sur la transmisison de la mahāmudrā, la lignée s’étoffe progressivement. Les rencontres avec des maîtres d’antan se multiplient, tout comme les œuvres qui leur sont attribuées, et les transmissions (directes et proches) descendant d’eux. Aller voir Śabarapāda et Padmasambhava, et recevoir des instructions d’eux devient encore plus simple que d’aller voir un maître contemporain vivant dans une région limitrophe. Encore une fois, il n’y a rien d’exceptionnel ici, puisqu’on est désormais dans un domaine parfaitement religieux. Les mahāsiddha Saraha et Śabarapāda peuvent rencontrer un Nāgārjuna, qui dans l’esprit des Tibétains est le même que l’auteur des Vers du Milieu. Maitrīpa peut rencontrer Śabarapāda. Marpa peut rêver de Saraha et recevoir des instructions de lui. Marpa peut voir Vajravārahī et recevoir des consécrations et des instructions directement d’Elle. Trois siècles plus tard, le dernier paṇḍit du Tibet, Vaṇaratna (1384-1468) peut « rencontrer » Śabarapāda et recevoir de lui le Yoga à six branches (skt. ṣaḍaṅgayoga), qui boostera la mahāmudrā tantrique. Et toutes les instructions et transmissions attribuées à Śabarapāda deviennent du même coup contemporains les uns des autres, d’un point de vue historique « étroit ».

Au XVème siècle, les diverses lignées du Tibet semblent désormais se lâcher un peu de leste quant aux critères d’authenticité d’une transmission. Les transmissions visionnaires étant admises, plus besoin de transferts conscientiels (tib. grong ‘jug) et autres dei ex machina. Que des religieux, et dans ce cas des pratiquants tibétains, font peu de cas de la réalité historique de ce qui est enseigné en bloc comme « le Dharma », c’est tout à fait compréhensible, mais j’ai plus de mal, quand des universitaires occidentaux[1] les suivent en cela.

Revenons à Śabarapāda. Après avoir enseigné les Distiques de Saraha et le non-engagement mental à Maitrīpa, il corrige le tir plus tard en enseignant plutôt le Yoga à six branches (skt. ṣaḍaṅgayoga), et une version du Kālacakratantra. D'abord à Vibhūticandra (1170-1230), et plus tard à Vaṇaratna, qui reçut entre autre des instructions spécifiques intitulées « Śa ba ri dbang phyug gi man ngag lugs kyi skor ». Vaṇaratna est d’ailleurs aussi l’auteur d’un Eloge à ŚabarapādaŚrī-Śabarapādastotraratna[2] »). Il n’en existe pas un original en sanskrit, mais la traduction tibétaine par Gö Lotsawa avait été inclue dans le Tangyur de Dergé (section des éloges bstod tshogs) et dans le Tengyur de Pékin (section commentaires de tantras rgud ‘grel)[3].

Vibhūticandra, le premier à recevoir une lignée proche de Śabarapāda fut un disciple de Śākyaśrībhadra (1127–1225). Selon Klaus-Dieter Mathes, il semblerait qu’il ne fasse pas de doute pour Gö Lotsawa que Maitrīpa et Vibhūticandra étaient identiques, et « le même yogi mystique » que Vaṇaratna avait rencontré en Inde, et pour lequel il composa l’éloge … Pour rappel, Gö Lotsawa (1392-1481) est « l’historien » tibétain, qui est la source de la grande majorité des publications sur les vies des maîtres bouddhistes du passé.

En faisant remonter à Maitrīpa et Śabarapāda le Dohākośagīti et les instructions sur le Yoga en six branches, trois siècles de polémiques et de débats sont gommés, et, dans la confusion générale, on se doit d’expliquer pourquoi Gampopa ne pratiquait pas le karmamudrā

En fait, pour anecdote, dans une traduction erronnée (« Gampopa Teaches Essence Mahāmudrā, Interviews with his heart disciples, Dusum Khyenpa and others[4] »), Tony Duff fait se jouer la scène insolite suivante entre Gampopa et Dusum Khyenpa :
„[Gampopa :]So take heat as your back rest! Wear thin clothes and meditate! Live making consciousness into your servant!”

Then, not having a woman partner[5], Dusum Khyenpa went off to look for one and did not meet again with Gampopa for three months.“
Dans la confusion générale, où tout est interprété sous une lumière yogatantrique, il est possible de faire ce genre d’erreur.

Un autre « historien » tibétain, Khetsun Zangpo (1920-2009), est obligé de situer Śabarapāda quelque part entre le X-XVème siècle[6]… Comme le suggère Klaus-Dieter Mathes, Vaṇaratna avait sans doute « rencontré » Śabarapāda de la même façon « mystique » qu’il avait « rencontré » Padmasambhava au Bhoutan dans les années 1430. Quoiqu’il en soit, dans la confusion générale, les œuvres restent attribuées à Śabarapāda, et ont été inclues dans le Tengyur. Dans l’Eloge, Śabarapāda est d'ailleurs représenté portant des ornements en os dans l'oreille. L'Eloge définit le canon iconographique qui restera celui de Śabarapāda.

***

[1]The attitude and hardened opinion among modem Buddhist studies scholars is that the Indian and Tibetan Buddhist scholars (and perhaps some members of the Shingon Buddhist tradition of Japan) could not manage to notice the difference between Nâgârjuna, Àryadeva, and Chandraklrti — the philosopher sages of early and middle first millennium Buddhism—and the adepts by the same names listed here in the ancestral lineage of the Esoteric Community Tantra teachings. This disrespectful opinion about the naïveté, or fundamentalism, or whatever else, on the part of the many great intellects to whom it is applied will simply no longer do. It goes along with the long-established, and now perhaps subliminal, “Westerners’” chauvinist idea and racial prejudice that “Eastern” people are to be lumped together with “primitive” people (not to mention that the so-called “primitives” don’t fit the caricature either). The idea is that since “Eastern” people have no sense of linear time, no interest in history, and so live in the eternal now of endless cycles, this explains their lack of progress in the sciences and their general social backwardness and economic underdevelopment. Therefore, quite naturally, modem scholars would think that such “backward” people would be so unrealistic, unscientific, and unhistorical as to think that the two Nâgârjunas, Âryadevas, and Chandrakïrtis could be the same persons. And they think the same about the many other Indian master authors who also wrote both philoso- phical and exoteric works of solid repute as well as works on the esoteric Tantras (actually most of the great ones did).”

Brilliant Illumination of the Lamp of the Five Stages: Practical Instructions in the King of Tantras, The Glorious Esoteric Community by Dr. Robert Thurman (PHD Harvard)

[2] « The Śrī-Śabarapādastotraratna of Vanaratna », Klaus-Dieter Mathes, Hamburg, Indica et Tibetica 36.

[3] Mathes, 2008

[4]Gampopa Teaches Essence Mahamudra, Interviews with his heart disciples, Dusum Khyenpa and others, Tony Duff, Padma Karpo Translation Committee (2011).

[5] shes pa bkol du btub par 'dug gis gsung / de nas bza' med nas bza' 'tshol du phyin pas/ zla ba gsum du ma mjal/. 
Le mot bza’ que Tony Duff traduit par « woman partner » signifie en fait « à manger », chercher à manger. Le mot bza' zla peut signifier « femme ».

[6] Mathes, 2008.

mardi 10 octobre 2017

Un zombie pour réussir


Kubikajiri
Le vetāla, une sorte de zombie ou vampire, apparaît dans le grand recueil de contes du Kathāsaritsāgara, composé par Somadeva au XIème siècle. Il s’agit plus précisément d’une collection de vingt-cinq « contes de vampire » (Vetālapañcaviṃśatikā), qui ont probablement existé avant leur inclusion dans le Kathāsaritsāgara. Certains pensent que le genre des contes de vetāla pourrait remonter au VII-VIIIème siècle.

Le Vetālapañcaviṃśatikā est le récit-cadre du roi Trivikramasena (Vikramāditya ?), qui endetté envers le muni/yogi/magicien Kṣāntiśīla, doit transporter sur son épaule un corps possédé par un vetāla. Le vetāla raconte 24 histoires au roi en lui posant à chaque fois un énigme. Le roi doit répondre sous peine que sa tête n’éclate en morceaux ». Le roi réussit et le vetāla lui raconte le mauvais projet du yogi Kṣāntiśīla et comment prévenir que celui-ci sacrifie le roi pour obtenir des pouvoirs (siddhi) et devenir le roi des vidyādhara. Après la réussite du roi, le grand dieu Mahādeva apparut en personne lui faisant la prédiction suivante :
«Tu as bien fait, mon fils, de tuer ce faux ascète qui avait l’ardente convoitise de régner sur les Esprits aériens. Au début des Ères, je t’avais créé comme une portion de moi-même, sous le nom de Vikramāditya, afin de détruire les démons qui s’étaient incarnés en forme de Barbares. Aujourd’hui je t’ai créé une nouvelle fois en tant que Trivikramasena, roi héros, afin de dompter un malfaiteur déchaîné. Lorsque tu auras soumis à ta volonté la terre avec ses îles et ses domaines infernaux, tu deviendras au bout de peu de temps le souverain des Esprits aériens [vidyādhara]. Pendant une longue durée tu jouiras des plaisirs célestes ; puis tu t’en dégoûteras et y renonceras volontairement. A la fin, tu seras uni à Moi, aies-en la certitude. Reçois de ma part cette épée qui se nomme l’invincible, grâce à laquelle tu obtiendras tout ce que j’ai dit. »[1]
Des contes de vampires, en des collections de différents nombres, furent traduits et/ou adaptés en différentes langues, y compris au Tibet, où Nāgārjuna devient l’auteur de diverses versions de collections de contes.[2] Dans les versions tibétaines, le yogi s’appelle kLu sgrub snying po (alias Nāgārjuna) et le roi bde chos bzang po (skt. Sahkarabhadra). Après que le yogi a sauvé le roi des mains de sept mauvais sorciers, il lui demande en retour d’aller chercher un corps magique (tib. ro dngos grub can) au charnier de Sītāvana (tib. bsil ba’i tshal). Le tronc est en or et les membres en turquoise. La tête est couronné d’un bouddha. Pour trouver ce corps magique, il faut d’abord affronter diverses sortes de vetāla. Le corps magique donnera accès aux pouvoirs de vetāla (vetāla-siddhi). Le terme vetāla peut par ailleurs désigner à la fois le démon qui possède le corps que le corps possédé.

Tāranātha (1575-1634) considère Maitrīpa comme le maître indien à l’origine de la pratique (sādhana) du Dharmapala de gnose à l’action rapide (tib. myur mdzad ye shes kyi mgon po). Il raconte[3] comment un danseur qui avait offert des danses et des chants au Bouddha lorsque celui-ci séjourna au Pic des Vautours, fut rené six cents ans après le parinirvāṇa du Bouddha comme le seigneur accompli des Śabara Śavaripa.[4] Un jour, lorsqu’il était dans une absorption sans élaboration (tib. spros pa med pa'i ting nge 'dzin) au grand charnier de Sītāvana, le Dharmapala lui apparut et lui donna son mantra (tib. srog sngags) et toutes les pratiques (sādhana) associées. Grand accompli, Śavaripa s’installa sur le Mont Parvata dans le sud de l’Inde où il résida pendant un millénaire. C’est là que Maitrīpa reçut la transmission de la mahāmudrā ainsi que le cycle du Dharmapala à l’action rapide. Dans son Histoire des sept transmissions (tib. bka’ babs bdun ldan), Tāranātha raconte la vie de Maitrīpa après sa rencontre avec Śavaripa. Ainsi, on le trouve entre autres un beau jour au grand charnier de Sītāvana, où se trouve par ailleurs une statue spontanée du Dharmapala dans une grotte entourée d’arbres nyagrodha[5]. Il y aurait ramené des morts à la vie. Et tout ce dont il avait besoin lui aurait été apporté par Mahākāla de très loin, qu’il s’agissait de biens meubles ou immeubles. Tāranātha continue sur sa lancée, même la fille du roi de Malava lui fut rapporté ainsi, qui sera plus tard connu comme la ḍākinī Ganghādhara. Cette ḍākinī était capable de se transformer en loup, et en d’autres formes, et de recevoir des tormas d’offrandes[6]. Par les hagiographies de Khyoungpo Neldyor et de Marpa, nous savons par ailleurs que la femme de Maitrīpa s’appelait Ganghādhara.

Les contes alimentent d’autres contes. Le Mālava, région de l’Inde centrale, dont la capitale est Ujjayinī ou Avanti, figure dans deux contes du Vetālapañcaviṃśatikā, et il y a en effet une jeune princesse prête à être mariée (conte n° 24). Tsangnyeun Heruka (1452–1507), l’auteur de nombreuses hagiographies et des Chants de Milarépa, raconte dans la vie de Marpa, comment celui-ci est nostalgique de ses maîtres Nāropa et Maitrīpa.
« A la fin de ce chant, l’assemblée toute entière considéra le seigneur Marpa comme un maître.
Dans le charnier, les chacals hurlaient et l’on entendait toutes sortes de bruits. Tous ceux qui s’étaient rassemblés prirent peur. « Il faut terminer ce festin sans tarder, dirent-ils. Ce charnier est un peu trop risqué, les non-humains pourraient nous amener des obstacles. »
Par devers lui, Seigneur Marpa pensa : « Les maîtres Naropa et Maitripa auraient préféré rester dans le charnier et s’asseoir sur un cadavre pour vraiment prélever de la chair humaine. Quand ils ne peuvent s’en procurer, ces maîtres entrent en absorption méditative et s’en délectent par la visualisation. Même si des hordes de dakinis courroucées se mettaient en file pour recevoir les tormas, ils n’auraient aucune peur. Mais ce soir, dans ce vallon désert, il se trouve que les pratiquants sont terrorisés par les hurlements des chacals et le bruit des éléments. » Les qualités de Naropa et de Maitripa lui revinrent soudain en mémoire et Marpa regretta vivement d’avoir quitté l’Inde. Il décida alors qu’il y retournerait, puis il s’assit et pleura tant et plus
. »
Marpa, maître de Milarépa, sa vie, ses chants, trad. Christian Charrier, Claire Lumière, p. 142
A en croire Tāranātha (XVIème s.) et Tsangnyeun Heruka (XVème s.), Nāropa et Maitrīpa (XIème s.) se seraient comportés comme des véritables kāpālika ou aghoris dans leur recherche effrénée de siddhi. Ou encore comme des sorciers ngagspas tibétains.
« Un autre rite macabre dont parlent les sorciers ngagspas est désigné sous le nom de ro-lang (le cadavre qui se lève). Il était, disent les anciennes chroniques, couramment pratiqué par les prêtres Bönpos, au cours des funérailles, avant l’introduction du bouddhisme au Tibet. …/… L’un des ro-langs lugubres m’a été décrit comme suit par un ngagspa qui affirmait l’avoir pratiqué. Le célébrant du rite est enfermé, seul avec un cadavre, dans une chambre obscure. Il doit ranimer le mort en s’étendant sur lui, posant sa bouche sur la sienne et répétant continuellement une même formule magique, sans se laisser distraire par aucune autre pensée. Au bout de quelques instants, le cadavre commence à se mouvoir. Il se lève et veut s’échapper. Le sorcier doit, alors le saisir fortement entre ses bras et demeurer collé contre lui. Le mort s’agite de plus en plus, il saute, faisant des bonds prodigieux, et l’homme qui l’étreint saute avec lui sans détacher sa bouche de la sienne. À la fin, la langue du cadavre pointe au-dehors. C’est le moment critique. Avec ses dents, le sorcier doit la saisir et l’arracher. Aussitôt le cadavre retombe inerte et sa langue, soigneusement desséchée et conservée par le sorcier, devient une puissante arme magique. » Alexandra David Neel, Mystiques et magiciens du Tibet, p. 238
Les siddhi sont à ce prix apparemment. La langue du vetāla aux pouvoirs magiques a peut être un lien avec la śakti du feu qui sort de la bouche de Śiva et qui n’est autre que Kālī (voir l’histoire de la soumission d’Andhaka. Voir d’ailleurs aussi les liens entre Śiva et le Mahākāla bouddhiste.

On peut se demander quelle était la fonction des contes (skt. kathā tib. sgrung) ? Un amusement populaire ? Une fonction éducative de socialisation, des vertus thérapeutiques, un pouvoir cathartique ? Bruno Bettelheim écrit sur le conte de fées que « la lutte contre les graves difficultés de la vie est inévitable et fait partie intrinsèque de l’existence humaine, mais que si, au lieu de se dérober, on affronte fermement les épreuves inattendues et souvent injustes, on vient à bout de tous les obstacles et on finit par remporter la victoire » (Psychanalyse des contes de fées, Bruno Bettelheim, coll. Poche, p. 22). Chaque conte du Vetālapañcaviṃśatikā termine par un énigme que le vetāla pose au roi. Il semble donc bien que les contes de ce récit-cadre aient une certaine fonction éducative.

Au Tibet on semble se servir également des éléments de contes, pour étayer les hagiographies, pour ériger des personnages en modèles à suivre, ou à les faire entrer dans le maṇḍala d’une divinité, notamment courroucée. Ils semblent pouvoir être intégrés dans une pratique, un rituel religieux, un rituel magique, des danses etc. Comme s’il n’y avait pas de différents niveaux ou catégories d’imaginaire. On semble vouloir être comme le sorcier des contes, qui veut à son tour devenir le roi des vidyādhara et finalement être uni à Mahādeva ou Mahākāla, par les mêmes méthodes que celles racontées dans les contes.

Mais Tāranātha raconte aussi que Maitrīpa attendait que Śavaripa fasse de lui un vidyādhara. Maitrīpa en avait préparé toute la panoplie : ornement d'os traditionnels et tous les accoutrements d'un vajrakāpālika. Śavaripa y pointe son doigt et les réduit en poussière en disant « Que feras-tu de cette illusion, enseigne plutôt le sens authentique en détail. »[7] Et Maitrīpa/Advayavajra enseignera la non-remémoration et le non-engagement mental, tout en critiquant les méthodes de vajrakāpālika et autres dans son Commentaire des distiques de Saraha, dont j’espère publier la traduction française. Il faut rappeler que les Instructions de Maitrīpa et le Commentaire en question pré-datent de plusieurs siècles les méthodes suivies par les yogis Nyeunpa, Tāranātha et d’autres. Ces derniers ont fait d’énormes efforts pour leur donner un semblant d’authenticité et en essayant de les faire paraître plus anciennes qu’elles ne le sont. Si un jour, on pourrait dans ce domaine faire, avec des outils informatiques puissants, des recoupements entre textes bouddhistes et non-bouddhistes de différentes langues, on risquerait d’avoir des surprises.

Vikas Acharya fait le vetāla

***

[1] Contes du vampire, Louis Renou, Connaissance de l’orient Gallimard / Unesco, p. 203

[2] Par exemple : sLob dpon klu sgrub kyi mdzad pa'i ro sgrung ngo mtshar rmad du byung ba/ &
dPal mgon ‘phags pa klu sgrub kyis mdzad pa’i ro langs gser ‘gyur gyi chos sgrung nyer gcig pa rgyas par phye ba bzhugs so/

[3] dpal ye shes kyi mgon po phyag drug pa'i chos skor byung tshul dngos grub bdud rtsi'i char 'bebs bzhugs so

[4] Grub pa thob pa ri khrod mgon po sha ba ri pa

[5] De nas dur khrod chen po bsil ba'i tshal shing gro dha'i phug na sprul pa'i sku zhig rtag tu bzhugs, sa ra ha dang shā wa ri bas sgrub thabs mdzad ces grags te/ Histoire du Dharmapala à l’action rapide
L’arbre où se trouve le vetāla dans le charnier du roi Trivikramasena est un śiṃśapā (latin Dalbergia sisoo Roxb.).

[6] David Templeman, The Seven Instruction Lineages, LTWA, p. 12

[7] (bka' babs bdun ldan p. 566 "da khyod sgyu ma ci bya/gnas lugs kyi don gya cher shod)